Infiltrations fascio pariétales pour les chirurgies abdominales et périnéales

Infiltrations fascio pariétales pour les chirurgies abdominales et périnéales

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, cahier 2, n°4 2S30 BLOCS PAR INFILTRATION Infiltrations fascio pariétales pour les chirurgies abdom...

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, cahier 2, n°4

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BLOCS PAR INFILTRATION

Infiltrations fascio pariétales pour les chirurgies abdominales et périnéales Hormis l’hemorroïdectomie et la cure de hernie inguinale. Patrick Niccolaï - Centre Hospitalier Princesse Grace, avenue Pasteur, 98000 Monaco.

Les indications habituelles des infiltrations sont d’assurer une analgésie suffisante à la réalisation d’un acte chirurgical ou de s’intégrer dans la stratégie multimodale de la prise en charge de la douleur postopératoire (DPO). Les infiltrations permettent de retarder la première prise d’antalgiques et d’en diminuer la prescription. Ceci est particulièrement important en termes de prescription morphinique. En effet, la réduction des effets secondaires liés aux morphiniques constitue un facteur primordial de la réhabilitation postopératoire. Par ailleurs, la composante pariétale reste un des éléments les plus présents de la DPO en chirurgie abdominale.Toutes les cicatrices où la notion de suture en tension est sous jacente sont donc des indications privilégiées d’infiltrations musculo sous-aponévrotiques par les anesthésiques locaux.

concentration à 0,75 %, tout en privilégiant dans tous les cas, le volume à la concentration en fonction du site et du terrain. Les infiltrations à but spécifiquement antalgique post opératoire seront réalisées avec d’excellents résultats avec des concentrations de 0,2 % à 0,5 %. Enfin le matériel utilisé fera dans tous les cas appel à des aiguilles à biseaux courts.

INFILTRATION OMBILICALE ET HERNIE DES MUSCLES GRAND DROIT DE L’ABDOMEN Ces infiltrations peuvent se faire soit avant la chirurgie pour des actes réglés de réparation pariétale péri ombilicaux ou en fin d’intervention. Elles s’appliquent dans le cadre de l’analgésie après chirurgies cœlioscopiques digestives ou gynécologiques sur les orifices de trocart.

TECHNIQUE En chirurgie périnéale, une attention plus particulière à l’anatomie des innervations locales permet cette même approche du traitement de la DPO. Cette région est en effet le siège d’une innervation sensitive sous la dépendance du plexus sacré,dont le représentant le plus connu et le plus accessible est le nerf pudendal, mais aussi d’un contingent sympathique via le plexus hypogastrique inférieur ou splanchnique pelvien, facilement accessible dans la partie postérieure et inférieure du périnée (1). Ces plexus donnent, en effet, les contingents principaux de l’innervation utérine et de la prostate, et nous détaillerons donc les indications d’infiltrations utiles dans l’hystérectomie vaginale et les chirurgies endoscopies urinaires distales. Pour ce qui est du choix des anesthésiques locaux utilisés, notre choix reste celui du meilleur rapport efficacité / toxicité à savoir la ropivacaïne, d’autant plus que c’est la seule molécule à avoir l’AMM pour cette utilisation. L’alternative reste dans le choix de la concentration utilisée, à savoir que les infiltrations à but plus spécifiquement anesthésique devront bénéficier, si possible, de l’emploi d’une

Matériel nécessaire ■ Marqueur cutané. ■ Antisepsie cutanée et gants stériles. ■ Aiguille à biseau court de 50 mm. ■ Seringue de 20 ml. ■ Ropivacaïne 0,75 % ± clonidine associé. Position Décubitus dorsal Points de repères (figure 1) Les nerfs en causes sont des branches de la 10ème paire intercostale. Ils cheminent entre la face viscérale du muscle grand droit de l’abdomen et son aponévrose. Le point de ponction est le bord externe du muscle grand droit, que l’on peut repérer sur le patient vigile par une manœuvre active de poussée abdominale. En cas de bloc ombilical isolé, quatre sites d’injection en carré centrés sur l’ombilic (4).Une variante pourrait limiter les

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, cahier 2, n°4 points de ponction à deux, par des injections en éventail autour de l’ombilic, à partir du point de ponction au rebord externe du grand droit (9).

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Ponction vasculaire rare. Toxicité générale des anesthésiques locaux.

TRUCS ET ASTUCES

Figure 1. Bloc ombilical et bloc des muscles droits

• Penser à rendre son aiguille tangentielle après le 1er clic pour éviter le franchissement de l’aponévrose viscérale du muscle. Ce franchissement donne lieu à la perception d’un 2. Injections bilatérales étagées, selon les besoins de la chirurgie, à partir du bord externe des muscles droits.

deuxième clic. • Mobilisation sur elle -même de l’aiguille en cas de difficultés à l’injection

1 Injection bilatérale, en éventail au niveau de l’ombilic (T 10), au bord externe des muscles droits.

Ponction Le franchissement de la peau se fait selon un axe perpendiculaire (un pré trou peut s’avérer utile). Perception du « clic » de franchissement de l’aponévrose externe. Profondeur variable en fonction de l’épaisseur du panicule adipeux. Puis, orientation tangentielle de l’aiguille, en dedans, en essayant de ne pas aller vers la profondeur afin de ne pas franchir l’aponévrose viscérale. Injection Selon les règles habituelles de pratique clinique 5 ml par site de ropivacaîne 0,75 %, éventuellement adjonction de clonidine à raison de 0,5 a/kg. Le délai d’action est de 15 mn environ. En cas de chirurgie élargie par rapport à l’ombilic où isolée des Grands droits, il conviendra d’adapter le nombre de métamères à bloquer pour étendre l’analgésie sur le même mode vers le haut ou vers le bas. L’évaluation précise des quantités massiques d’anesthésiques locaux sera faite en réduisant les concentrations pour respecter l’effet volume.

INFILTRATIONS DE CICATRICES DANS QUELLES CIRCONSTANCES ? Laparotomies ■ Chirurgies digestives (incisions obliques ou transverses). ■ Cholécystectomies par laparotomies sous costale. ■ Chirurgies gynécologiques et obstétricales.

RÈGLES DE PRATIQUE CLINIQUE Injections fractionnées. ■ Aspirations répétées. ■ Adaptations des volumes et des concentrations. ■ Education des Chirurgiens. ■

INJECTIONS SOUS-CUTANÉES ET MUSCULO-SOUS-APONÉVROTIQUES Ces infiltrations sont faites, à ciel ouvert ou après la suture. De façon sous-musculo aponévrotique (3) plutôt qu’en sous-cutanée stricte afin de gagner en efficacité dans ces zones en tensions. Elles seront faites de la superficie vers la profondeur en éventail avec le maximum de rigueur géométrique afin d’en optimiser le bénéfice (figure 2).

LES INDICATIONS HABITUELLES SONT les laparotomies sous costales ou bi sous costales ; ■ les laparotomies médianes sus et sous ombilicales pour la chirurgie viscérale, urologique ou gynécologique ; ■ les infiltrations des orifices de trocarts de cœlioscopie autre que le trocart ombilical qui pourra être l’objet d’un bloc ombilical classique ; ■

COMPLICATIONS ET EFFETS INDÉSIRABLES ■

Traversée de l’aponévrose viscérale (5) avec inefficacité du bloc mais la traversée péritonéale ne présente pas de danger particulier.

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Figure 2. Modes d’infiltrations des cicatrices

les lombotomies, particulièrement algiques en post opératoire ; ■ les incisions médianes ou transversales de la chirurgie gynécologique ou de l’opération césarienne. ■

CHIRURGIES OMBILICALES ET TROCART DE COELIOSCOPES Le principe reste le même que les infiltrations de cicatrices pour ce qui est des orifices de trocart, en privilégiant toujours l’infiltration musculo-sous-aponévrotique. Pour ce qui est de l’effraction ombilicale, qui reste encore le lieu de douleurs chroniques post coelioscopies, le choix se pose entre un bloc péri-ombilical (9) effectué par une injection bilatérale losangique au niveau de l’intersection du bord des muscles grand droit et d’une horizontale passant par l’ombilic, faite avant la chirurgie par l’anesthésiste, et une infiltration en fin de procédure chirurgicale que fera le chirurgien en même temps que pour les autres orifices de trocart.

CHIRURGIES PÉRINÉALES : INFILTRATION PÉRI PROSTATIQUE Elle se justifie anatomiquement (1) par l’existence d’une innervation cervicoprostatique de type sympathique qui par l’intermédiaire du plexus hypogastrique inférieur aborde la prostate en arrière, au niveau des vésicules séminales, au fond d’une loge formée par : ■ le plancher de l’aponévrose pelvienne en bas ; ■ les lamelles rétro pubiennes en avant ; ■ l’aponévrose recto vaginale en arrière ; ■ les lames sacro recto génito pubiennes sur les cotés. C’est une méthode qui permet l’anesthésie et l’analgésie postopératoire immédiate. L’abord antérieur rétro pubien (2) permet facilement d’inonder

la base prostatique, rendant possible, en association avec une anesthésie topique de l’urèthre par un gel, des endoscopies chirurgicales chez des patients ASA 3 ou 4 chez qui l’anesthésie générale ou l’ALR spinale peuvent être source de complications : ■ résection prostatique de taille modérée ; ■ résections endovésicales de vessie péri trigonales ; ■ uréthrotomies internes et pose de prothèse intraprostatique. Position Décubitus dorsal, position « gynécologique ». Vacuité vésicale de préférence. Opérateur entre les jambes. Un doigt en position de toucher rectal. Matériel ■ Désinfection cutanée, gants stériles. ® ■ Aiguille de 100 mm minimum à biseau court,type Stimuplex ‚ (B. Braun). ■ Deux seringues de 20 cc de préférence luerlock. Ponction Après désinfection cutanée,et anesthésie locale de la peau (ou application d’EMLA®). La ponction cutanée se fait 10 mm au dessus du pubis, suivant un axe oblique en bas et en arrière en direction du doigt intra rectal que l’on cherche à piquer virtuellement. Dés le simple contact de l’aiguille sur la prostate, perçu par le doigt intra rectal, l’opérateur infiltre les deux apex et les deux bords de la prostate par 10 ml par site soit 40 ml au total. Cette notion de volume est importante et doit primer sur la concentration de l’anesthésique local qui est en général la ropivacaïne à 0,75 %. La longue durée d’action du produit et le caractère peu algique de cette chirurgie en postopératoire n’impose pas la présence d’adjuvants en terme de durée d’action. Le délai d’action avant chirurgie est d’environ 15 mn et la durée de cette infiltration anesthésique est d’environ 5 heures.

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TRUCS ET ASTUCES L’anesthésie topique de l’urètre est indispensable et doit être soigneuse. Son délai d’efficacité optimun est d’environ 15 mn.

2S33 La morbidité plus faible (dans des mains chirurgicales entraînées à une technique mini invasive [6]) devrait pourtant faire croître cette indication en optimisant la prise en charge de la DPO mais aussi tous les secteurs de la réhabilitation postopératoire et permettre, chez des patientes ASA 1 ou 2, des très courts séjours d’hospitalisation (de l’ordre de 24 heures).

Le propofol en bolus ou en AIVOC permet le confort de ponction et l’amnésie du patient. Le contact verbal est présent durant toute la durée du geste opératoire.

TECHNIQUE DU BLOC

En cas de geste long, il semble préférable d’assurer la vacuité vésicale par une évacuation régulière par le chirurgien ou un cysto-cathéter de vidange.

Complications et effets indésirables Troubles de la coagulation. Lésion infectieuse locale La présence d’une vacuité vésicale diminue le risque de ponction de la véssie qui reste sans conséquence notable. Une ponction prostatique, de même, ne revêt pas de caractère de gravité. Il suffit de retirer l’aiguille en arrière et de s’assurer de sa liberté par le doigt intra rectal. qui par la mobilisation de la prostate fait bouger l’aiguille.

CHIRURGIES PÉRINÉALES : HYSTÉRECTOMIE VAGINALE Indication L’hystérectomie pour lésions bénignes de l’utérus représente environ 70 000 actes par an en France. La voie d’abord vaginale est moins utilisée en France qu’aux USA, où elle représente 39 % des cas. Figure 3. Bloc pudendal par voie transpérinéale

Principe Basé sur la double innervation de la région chirurgicale (1). ■ Plexus sacré a travers le nerf pudendal qui est bloqué de façon bilatérale avant le début de la chirurgie par l’anesthésiste, par voie percutanée classique, après repérage de la tubérosité ischiatique comme dans la chirurgie proctologique (7) : Injection de 10 ml par côté (figure 3). ■ D’autre part, innervation sympathique par le plexus hypogastrique inférieur qui aborde le col utérin en arrière et qui est bloqué par une infiltration para cervicale postérieure, de type « utéro sacrée ». Cette injection est de 15 à 20 ml d’anesthésiques locaux et est le plus souvent réalisée par le chirurgien avant le début de la chirurgie (figure 4). Position Décubitus dorsal, position gynécologique chez une patiente sous une anesthésie générale à réveil rapide, dont on s’assure la vacuité de la vessie avant afin d’éviter tout sondage. Matériel ■ Aiguilles de 50 à 100 mm (selon le terrain) à biseau court. ■ Deux seringues de 20 ml. Figure 4. Infiltration paracervicale postérieure type “utérosacrée”

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Désinfection cutanée périnéale. Gants stériles.

Anesthésique local, adjuvants L’anesthésique local choisi est la ropivacaïne 0,5 % , La dose utilisée est de 225 mg répartis en 40 ml minimum. L’adjonction de clonidine : 0,5a/kg procure une analgésie d’une durée d’environ 12 heures. L’utilisation de l’adrénaline doit être évitée en raison des possibilités chirurgicales d’infiltration de sérum adrénaliné pour réduire le saignement.

COMPLICATIONS ET EFFETS INDÉSIRABLES Les rares cas de ponction vasculaire du pédicule pudendal sont sans gravité à coagulation normale. Le retrait de l’aiguille et un test d’aspiration négatif permettent la suite de la procédure.

TRUCS ET ASTUCES Eviter des positions trop postérieures des membres inférieurs ainsi que des débords trop importants de la région sacrée en dehors de la table d’opération, générateurs de DPO inutiles.

CHIRURGIES VULVAIRES NON SEPTIQUES, ÉPISIOTOMIES Le nerf pudendal est responsable d’un territoire d’innervation sensitif de forme triangulaire à base sous rectale et à sommet sus clitoridien, incluant donc les glandes lèvres et la région des glandes de Bartholin. Les chirurgies non septiques de ces régions peuvent donc faire l’objet d’une infiltration de la région du canal d’Alcock dans la fosse ischio- rectale, surtout comme appoint antalgique post opératoire de chirurgies parfaitement réalisables en chirurgie ambulatoire. Les infiltrations locales pourraient être utilisées pour les épisiotomies. En effet, celles-ci sont en France bien souvent faites au décours d’analgésie obstétricales par péridurale, avec ou sans morphiniques, qui assurent souvent un confort très acceptable, ne nécessitant pas l’infiltration avant l’acte d’épisiotomie. Il existe un grand nombre d’algies chroniques post épisiotomies que l’on pourrait éventuellement réduire par des infiltrations

d’appoint de ropivacaïne (0,375 ou 0,50 %) dans la zone de suture, au besoin répétées. La technique d’infiltration est tout à fait classique et se fait avant la suture musculo-cutanée comme une infiltration de cicatrice. ■

RÉFÉRENCES 1 Rouvière H, Delmas A. Anatomie humaine, Ed Masson,.Tome 2, 2002:p1-784 2 Bechara G, Tabet and Steve Levine. Nerve block in prostate surgery. Am J Urology, 1996;156,1659-61. 3 Dupré LJ. Anesthésie loco régionale intraveineuse et anesthésie locale par infiltration in traité d’anesthésie générale (B. Dalens). Ed Arnette. 4 Gros T, Lopez S, Eledjam JJ. Bloc des droits : un petit bloc à ne pas oublier’ (lettre). Ann Fr Anesth Réanim, 2002;21:542-3. 5 Courrèges P. Analgésie de la région ombilicale : bloc des droits ou bloc para-ombilical ?’’(lettre). Ann Fr Anesth Réanim, 2002;21:753. 6 Clavé H,Niccolai P. Hystérectomie sans douleurs : une technique innovante J Gynecol Obstet Biol reprod, 2003;32:375-80. 7 Niccolai P. Intérêt de l’infiltration périnéale postérieure en chirurgie proctologique. Prat Anesth Réa, 2002;6:4. 8 Courrèges P, Poidevin F, Lecoutre D. Paraombilical block: a newconceptfor regional anesthesia in children. Paed Anesth, 1997;7:211-4. 9 Dalens B. Les petits blocs périphériques chez l’enfant : avantages et techniques de réalisation. Prat Anesth Réa,1998;2:3.