Insuffisance rénale aiguë chez un enfant au cours d’une infection par le virus de la dengue

Insuffisance rénale aiguë chez un enfant au cours d’une infection par le virus de la dengue

ARCPED-4064; No of Pages 3 Rec¸u le : 30 janvier 2015 Accepte´ le : 22 septembre 2015 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

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ARCPED-4064; No of Pages 3

Rec¸u le : 30 janvier 2015 Accepte´ le : 22 septembre 2015

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Fait clinique Acute renal failure after dengue virus infection: A pediatric case report C. Nicolona,*,1, E. Broustalb,2 a Centre hospitalier universitaire de Martinique, CS 90632, 97261 Fort-de-France, Martinique b Service de pe´diatrie, Hoˆpitaux du Le´man, 3, avenue de la Dame, BPCS 20526, 74203 Thonon-

Insuffisance re´nale aigue¨ chez un enfant au cours d’une infection par le virus de la dengue

les-Bains, France

Summary

Re´sume´

Dengue is an emerging, rapidly expanding disease, whose clinical and biological manifestations vary. Kidney injury is not usual but can be severe, and it is most often associated with dengue hemorrhagic fever or shock. Guadeloupe, which is located in an endemic area, experienced an epidemic from 2013 to 2014. During this outbreak, a case of renal failure during dengue was observed in a 10-year-old child. No evidence of dengue hemorrhagic fever or shock syndrome was found. The clinical and biological course improved with symptomatic treatment. The association of acute renal failure with hemolytic anemia suggested a diagnosis of hemolytic uremic syndrome. However, this could not be confirmed in the absence of thrombocytopenia and cytopathologic evidence. This case illustrates the diversity of clinical presentations of dengue, and the possibility of severe renal impairment unrelated to the usual factors encountered in dengue. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La dengue est une maladie e´mergente de progression rapide dont les manifestations clinico-biologiques sont variables. L’atteinte re´nale est peu fre´quente et en ge´ne´ral se´ve`re ; elle est le plus souvent en rapport avec une dengue he´morragique ou un syndrome de choc. La Guadeloupe, situe´e en zone d’ende´mie, a fait face a` une e´pide´mie de 2013 a` 2014. Durant cette pe´riode, un cas d’insuffisance re´nale aigue¨ a e´te´ observe´ chez un enfant de 10 ans au de´cours d’une dengue. Il n’y avait pas eu d’argument pour une dengue he´morragique ou un syndrome de choc. L’e´volution clinico-biologique a e´te´ favorable sous traitement symptomatique. L’insuffisance re´nale aigue¨ e´tait associe´e a` une ane´mie he´molytique faisant e´voquer un syndrome he´molytique et ure´mique mais ce diagnostic n’a pas e´te´ confirme´ en l’absence de thrombope´nie et d’e´le´ments anatomopathologiques. Ce cas illustre la diversite´ des pre´sentations cliniques, avec la possibilite´ d’une atteinte re´nale se´ve`re en dehors des situations habituelles lors d’une dengue. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

que le paludisme. On estime a` 2,5 milliards le nombre de personnes vivant en zone ende´mique [2]. Chaque anne´e dans le monde, 50 millions d’individus sont atteints par ce virus. La classification de l’Organisation mondiale de la sante´ (OMS) distingue les dengues non se´ve`re et se´ve`re, qui regroupe notamment le syndrome de choc et la dengue he´morragique [2]. L’insuffisance re´nale aigue ¨ (IRA) est peu fre´quente au cours de cette maladie, elle est le plus souvent en rapport avec un syndrome de choc [3]. Nous rapportons un cas d’IRA survenue au de´cours d’une dengue chez un enfant.

La dengue est une arbovirose des re´gions tropicales et subtropicales dont l’incidence est en constante augmentation [1]. Elle constitue un proble`me mondial de sante´ au meˆme titre

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (C. Nicolon). 1 2

Re´daction et correction du manuscrit. Relecture, critiques et aide a` la re´daction.

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.09.021 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-3 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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C. Nicolon, E. Broustal

2. Observation Cet enfant de 10 ans, avec pour seul ante´ce´dent un asthme intermittent, avait pre´sente´ pendant 7 jours une fie`vre, accompagne´e de ce´phale´es, de vomissements et de douleurs abdominales. Des urines fonce´es avaient e´te´ note´es pendant cette pe´riode. Une autome´dication avait associe´ du parace´tamol et du VirapicW (me´dicament a` base d’une plante me´dicinale locale : Neurolaena lobata (L.) Cass, nomme´e vulgairement « l’herbe a` pic »). L’apyrexie avait e´te´ observe´e au 8e jour d’e´volution mais des ce´phale´es, des douleurs abdominales, des vomissements et une asthe´nie avaient persiste´. L’enfant n’avait pas de diarrhe´e et aucun saignement exte´riorise´ ou anomalie cutane´e n’avaient e´te´ constate´s. L’enfant a e´te´ amene´ au service d’accueil des urgences au 13e jour d’e´volution. Il e´tait apyre´tique, sa pression arte´rielle e´tait a` 127/76 mmHg, sa fre´quence cardiaque a` 121 battements/min et la saturation de l’he´moglobine en oxyge`ne e´tait a` 100 %. Il e´tait asthe´nique, paˆle, sans icte`re. L’abdomen e´tait souple sans he´patosple´nome´galie et l’examen neurologique e´tait normal. La diure`se e´tait conserve´e et il n’existait pas de signe de surcharge. L’examen des urines a` la bandelette (BU) montrait l’existence d’une prote´inurie a` 1 croix et d’une he´maturie a` 3 croix. Sur le plan biologique, la concentration d’he´moglobine e´tait a` 5,9 g/dL avec un volume globulaire moyen (VGM) a` 84 m3, un nombre de re´ticulocytes a` 262 g/L avec pre´sence de schizocytes sur le frottis sanguin. Le taux se´riques de lactate-de´shydroge´nase (LDH) e´tait a` 1183 UI/L, ceux de bilirubine totale et conjugue´e respectivement a` 12 mmol/L et 8 mmol/L. Le nombre de plaquettes e´tait a` 661 g/L. Le taux de prothrombine (TP) e´tait a` 100 %, le temps de ce´phaline active´e (TCA) a` 1,0. La cre´atinine´mie e´tait a` 714 mmol/L et l’azote´mie a` 46,5 mmol/L. Il n’y avait pas de troubles hydro-e´lectrolytiques. La glyce´mie e´tait a` 5,9 mmol/L, la protide´mie a` 82 g/L, l’urice´mie a` 627 mmol/L. Le taux de phosphatase alcaline e´tait a` 1,3 fois la normale, celui d’alanine-aminotransfe´rase (ALAT) a` 1,7 fois la normale, alors que ceux de gamma-glutamyl-transpeptidase (GGT) et d’aspartate-aminotransfe´rase (ASAT) e´taient normaux. Le taux de prote´ine C re´active (PCR) e´tait a` 22 mg/L. La prote´inurie et la cre´atininurie sur e´chantillon e´taient respectivement a` 0,18 g/L et 4,2 mmol/L. Le rapport prote´inurie/cre´atininurie a permis d’estimer la prote´inurie a` 40 mg/mmol. L’e´lectroence´phalogramme (EEG) et l’e´chographie abdominale e´taient normaux. La prise en charge a e´te´ celle d’une IRA avec ane´mie he´molytique mal tole´re´e. Le bilan urinaire a confirme´ la nature organique de l’atteinte re´nale (ure´e/cre´atinine plasmatique < 100 et natriure`se/kaliure`se > 1). Une transfusion de concentre´ de globules rouges a e´te´ administre´e. L’e´volution clinique et biologique a e´te´ favorable avec ame´lioration de l’e´tat ge´ne´ral, stabilite´ de la tension arte´rielle, bonne diure`se et ame´lioration progressive de la fonction re´nale (cre´atinine´mie a` 331 mmol/L et ure´e a` 16,3 mmol/L au 17e jour). La survenue de thromboses veineuses

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superficielles a` chaque point de perfusion a e´te´ note´e, d’e´volution spontane´ment favorable. Le bilan infectieux initial a comporte´ des he´mocultures et un examen cytobacte´riologique des urines qui se sont ave´re´s ne´gatifs. Des coprocultures n’ont pas e´te´ re´alise´es en l’absence de diarrhe´e depuis l’apparition de la fie`vre. Les se´rologies pour le virus d’immunode´ficience humaine (VIH) et le parvovirus B19 se sont e´galement ave´re´es ne´gatives, alors que celle de la dengue e´tait positive avec des immunoglobulines (Ig) M a` 4,63 et des IgG a` 6,94 (seuil de positivite´ a` 1,1). La se´rologie pour la leptospirose est reste´e non significative a` 2 pre´le`vements re´alise´s a` 10 jours d’intervalle. L’antistreptolysine O (ASLO) et l’anti-streptodornase e´taient a` des taux non significatifs. Par ailleurs, les fractions C3 et C4 du comple´ment n’e´taient pas abaisse´es. L’enfant a quitte´ l’hoˆpital au 22e jour d’e´volution. Il a e´te´ revu en consultation 15 jours plus tard : son examen clinique et sa fonction re´nale e´taient normalise´s.

3. Discussion La dengue est ende´mique aux Antilles franc¸aises depuis la fin des anne´es 70 [4]. La surveillance e´pide´miologique re´alise´e par la Cellule interre´gionale d’e´pide´miologie (CIRE) AntillesGuyane a mis en e´vidence une modification e´pide´miologique : les e´pide´mies sont plus fre´quentes et plus se´ve`res au fur et a` mesure de la co-circulation des diffe´rents se´rotypes [5]. En 2013 et 2014, la Guadeloupe a connu une nouvelle e´pide´mie de 41 semaines conse´cutives avec 15 270 cas cliniquement e´vocateurs re´pertorie´s, dont 233 hospitalisations et 9 de´ce`s [6]. Apre`s une phase d’incubation de 4 a` 10 jours, la dengue chez l’enfant se manifeste le plus souvent par une symptomatologie be´nigne a` type de fie`vre a` 39 8C–40 8C associe´e de manie`re inconstante a` des myalgies, des arthralgies, un rash maculo-papuleux, des signes digestifs mais aussi des ce´phale´es. Biologiquement, on observe principalement une thrombope´nie associe´e a` une leucope´nie [7]. L’IRA au cours de la dengue chez l’enfant a e´te´ peu rapporte´e. En Thaı¨lande, Laoprasopwattana et al. ont rapporte´ une pre´valence de 0,9 % d’IRA chez les enfants pre´sentant une dengue he´morragique ; cette atteinte e´tait un marqueur de mauvais pronostic associe´ a` 64 % de de´ce`s [8]. L’IRA est le plus souvent secondaire a` un syndrome de choc avec de´faillance multivisce´rale [3]. Dans notre observation, l’enfant avait pre´sente´ une symptomatologie classique de la dengue, avec une fie`vre durant 7 jours associe´e a` des ce´phale´es, des douleurs abdominales et des vomissements. Malgre´ un retour a` l’apyrexie, une alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral s’e´tait installe´e avec persistance des autres symptoˆmes, motivant la consultation au 13e jour d’e´volution et le diagnostic d’IRA. L’absence de donne´es biologiques ante´rieures, au cours de l’e´pisode fe´brile notamment, ne nous permet pas de pre´juger de la date d’installation de cette IRA. E´tant donne´ la normalisation

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Dengue et insuffisance re´nale aigue ¨

comple`te de la fonction re´nale par la suite, on peut exclure l’hypothe`se d’une insuffisance re´nale chronique (IRC) sousjacente de´compense´e par l’e´pisode infectieux. Nous avons donc mis en e´vidence la possibilite´ d’une atteinte re´nale se´ve`re en dehors des situations habituelles de dengue he´morragique et de syndrome de choc. A` noter qu’une ane´mie he´molytique e´tait associe´e a` cette IRA de type organique. Nous nous sommes interroge´s sur la possibilite´ d’un syndrome he´molytique et ure´mique (SHU). En Colombie, Mendez et al. ont rapporte´ une pre´valence de l’atteinte re´nale de 1,6 % parmi 617 enfants atteints de dengue he´morragique dont un cas de SHU ave´re´ [9]. Nous avons e´galement retrouve´ dans la litte´rature un cas de SHU secondaire a` une dengue chez l’adulte [10]. Deux grands types de SHU ont e´te´ de´crits chez l’enfant : le SHU typique, classiquement post-diarrhe´ique et le SHU atypique. Le SHU est caracte´rise´ par l’association d’une ane´mie he´molytique, d’une IRA organique et d’une thrombope´nie pe´riphe´rique secondaire a` des le´sions de micro-angiopathie thrombotique. Celles-ci sont le plus souvent dues a` une agression de l’endothe´lium vasculaire qui peut avoir de multiples facteurs de´clenchants comme des infections virales [11,12]. Dans le cas de notre observation, il n’a pas e´te´ mis en e´vidence de thrombope´nie. Cela n’exclut pas l’hypothe`se d’un SHU e´tant donne´ que le premier bilan sanguin a e´te´ re´alise´ au 13e jour d’e´volution. Or, la thrombope´nie est le premier symptoˆme a` apparaıˆtre et est transitoire. Elle se corrige ge´ne´ralement entre le 7e et le 10e jour [13,14]. L’e´tude anatomopathologique d’une pie`ce de biopsie re´nale aurait pu nous permettre d’obtenir un diagnostic de certitude ; cependant, en raison de l’e´volution favorable, il n’a pas e´te´ juge´ indispensable de re´aliser cet acte invasif.

4. Conclusion

re´alise´es pour e´duquer la population et ainsi lutter contre cette infection. L’OMS soutient les recherches en cours pour l’e´laboration d’un vaccin [15].

De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.

Re´fe´rences [1] [2]

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[7] [8]

[9] [10]

Ce cas illustre la diversite´ des pre´sentations cliniques de la dengue, avec possibilite´ d’une atteinte re´nale se´ve`re en dehors des situations habituelles de dengue he´morragique et de syndrome de choc. Un SHU pouvait eˆtre envisage´ devant la pre´sence d’une ane´mie he´molytique. Cependant, la thrombope´nie n’e´tait pas pre´sente et en l’absence de preuve histologique, aucun diagnostic de certitude n’a pu eˆtre e´tabli. L’augmentation de l’incidence de la dengue implique une augmentation du risque d’IRA et de ses complications. Actuellement, seule la lutte anti-vectorielle semble efficace pour se pre´venir de la dengue [5]. Des campagnes sont re´gulie`rement

[11] [12]

[13] [14] [15]

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