Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2014) 43, 5—11
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ÉTAT DES CONNAISSANCES
Interprétation des valeurs atypiques des marqueurs sériques Interpretation of atypical values of maternal serum markers C. Geyl a,∗, D. Subtil a,b, P. Vaast a, C. Coulon a, E. Clouqueur a, P. Deruelle a,b, V. Debarge a,b a
Clinique d’obstétrique, pôle femme-mère nouveau-né, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France b Université Lille-Nord-de-France, 1, bis rue Georges-Lefebvre, 59044 Lille cedex, France Rec ¸u le 1er avril 2013 ; avis du comité de lecture le 31 juillet 2013 ; définitivement accepté le 13 aoˆ ut 2013 Disponible sur Internet le 15 d´ ecembre 2013
MOTS CLÉS Marqueurs sériques ; PAPP-A ; hCG ; Valeur prédictive
Résumé Objectifs. — Le dépistage anténatal de la trisomie 21 repose en partie sur le dosage de marqueurs sériques maternels. L’obstétricien ne doit cependant pas se limiter à la seule lecture du risque obtenu, en effet des taux inhabituels d’un ou plusieurs marqueurs peuvent permettre de dépister d’autres pathologies fœtales ou d’orienter la surveillance materno-fœtale. Nous nous sommes donc intéressés dans cette revue à la signification des valeurs « hors normes » des marqueurs sériques. Matériels et méthodes. — Une étude de la littérature a été menée à l’aide de Pubmed® et de la Cochrane® . Résultats. — En cas de PAPP-A élevée il n’est pas retrouvé d’association avec des complications materno-fœtales. On note un risque vasculaire plus élevé, en cas d’hCG élevée au 2e trimestre ou abaissée au 1er trimestre. L’AFP élevée est fréquemment associée à des anomalies fœtales de fermeture du tube neural ou de la paroi abdominale, néanmoins si l’échographie est normale un contrôle peut être réalisé ; la persistance d’une AFP élevée peut alors faire évoquer d’autres pathologies fœtales rares. Des marqueurs abaissés orientent vers une trisomie 18. L’analyse de l’œstriol est intéressante en cas de suspicion de certaines pathologies fœtales, car elle reflète l’axe hypothalamo-hypophysaire fœtal. Conclusion. — Les marqueurs sériques semblent donc être intéressants pour l’identification des grossesses à risque, ils peuvent aussi aider au diagnostic de pathologies malformatives fœtales. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
∗ Auteur correspondant. Secrétariat du Pr Debarge, maternité Jeanne-de-Flandre, 1er étage Barre Sud, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Geyl).
0368-2315/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.08.013
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C. Geyl et al.
KEYWORDS Serum marker; PAPP-A; hCG; Predictive value
Summary Objectives. — Prenatal screening was set up to identify patients at high-risk of chromosome 21 trisomy based on maternal serum markers measurement. However, the risk of trisomy 21 should not be the only result considered by obstetricians. In fact, abnormal marker values can be associated with other fetal diseases and used to improve maternal and fetal follow-up. Our objective was therefore to study other predictive values of maternal serum markers. Means and methods. — A search through publications was conducted using the Pubmed® or Cochrane® databases. Result. — In case of high PAPP-A there is no link with any complications. Second trimester high hCG or first trimester low hCG are associated with an increased vascular risk. High ␣fetoprotein level is a marker of neural tube defects or abdominal wall defect. Persistence of high ␣-fetoprotein with normal echography can suggest other rare fetal diseases. Low maternal serum markers suggests 18 trisomy. Oestriol reflects the fetal hypothalamo-hypophyseal axis and can be used as a diagnosis tool. Conclusion. — Serum markers could be interesting tools for the identification of high-risk pregnancy and the prevention of neonatal complications. They also appear as a potential help to diagnose certain congenital malformations. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Abréviations ACTH Adréno corticotrophine hormone ADAM12 Protéine 12 de la famille des A disintegrin and metalloprotease ADN Acide désoxyribonucléique AFP Alpha-fœto-protéine Afssaps Agence franc ¸aise de sécurité sanitaire des produits de santé CNGOF Collège national de gynécologie obstétrique de France CPDPN Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal hCG Hormone gonadotrophine chorionique IGF Insuline growth factor IGFBP Insuline growth factor binding protein MoM Multiple de la médiane PAPP-A Pregnancy associated plasma protein A PP13 Placental protein 13 RCIU Retard de croissance intra-utérin SA Semaines d’aménorrhée
Introduction La trisomie 21, ou syndrome de Down [1] est la maladie génétique congénitale la plus fréquente et la première cause de retard mental [2], il n’existe pas de diagnostic prénatal systématique. Ainsi s’est développé, à partir de janvier 1997 en France, un dépistage anténatal qui repose en partie sur le dosage des marqueurs sériques et est proposé systématiquement à toutes les patientes en début de grossesse. Les marqueurs sériques sont des marqueurs biochimiques, produits d’origine fœtale ou placentaire, mis en évidence dans le sérum maternel au cours de la grossesse et dont le profil est différent chez les patientes portant un fœtus atteint de trisomie 21. On distingue les marqueurs sériques du 1er trimestre dosés entre 11 et 13SA + 6 jours (PAPP-A et bêta-hCG libre) ;
et les marqueurs sériques du 2e trimestre [3], non recommandés actuellement en première intention, entre 14 et 17SA + 6 jours dans le sérum maternel (Alpha-fœto-protéine, hCG et œstriol). Les marqueurs sériques sont dosés dans le sang maternel et leur taux est exprimé en MoM (multiple de la médiane pour chaque âge gestationnel) par des laboratoires agréés (rapports d’activité, réactifs et logiciels enregistrés par l’Afssaps [4]). Seuls ces laboratoires peuvent intégrer ces dosages dans le calcul de risque. Ils définissent habituellement des bornes « normales » comme étant comprises entre 0,5 et 2,5 MoM. Toutefois, avant de qualifier la valeur d’un marqueur comme étant « anormale », il est fondamental de s’assurer de l’âge gestationnel de la grossesse, de son évolutivité, de son caractère multiple ou non, et enfin de l’absence d’insuffisance rénale maternelle. Néanmoins, il ne faut pas se contenter de la seule lecture du risque de trisomie 21 rendu par les laboratoires. En effet, le prescripteur doit également être attentif aux valeurs, parfois extrêmes, des marqueurs pris isolément, savoir s’interroger en concertation avec les biologistes sur leur interprétation et leur corrélation, même modeste, à certaines anomalies survenant au cours de la grossesse. Nous nous sommes donc intéressés dans ce travail, à la signification des taux hors normes des différents marqueurs sériques, notamment à ceux du 1er trimestre moins connus que les marqueurs du 2e trimestre ; ainsi qu’aux orientations alors proposées dans la littérature.
Les marqueurs sériques du 1er trimestre La PAPP-A La PAPP-A ou pregnancy associated plasma proteine A, marqueur sérique du 1er trimestre, est issue du syncytiotrophoblaste et des cellules déciduales, elle reflète donc directement les anomalies de placentation. Néanmoins c’est aussi une protéase d’IGFBP (ligand d’IGF, diminuant alors sa fraction libre), permettant d’augmenter
Interprétation des valeurs atypiques des marqueurs sériques la biodisponibilité de l’hormone peptidique IGF jouant un rôle fondamental dans la croissance fœtale. Sa valeur diminue en cas de trisomie 21, avec une médiane à 0,45 MoM. En cas d’élévation de la PAPP-A il n’existe pas de corrélation décrite dans la littérature avec une quelconque complication obstétricale ou anomalie fœto-placentaire [5]. L’existence d’un jumeau évanescent peut entraîner une élévation de la PAPP-A. En effet, dans son étude multicentrique, incluant 79 patientes avec des valeurs élevées de PAPP-A pouvant aller jusqu’à 66 MoM, Cuckle et al. [6] ne retrouve pas d’association significative avec des anomalies fœtoplacentaires, Il explique ces valeurs extrêmes par la probable présence dans le sang maternel d’une substance interférant avec les anticorps anti-PAPP-A utilisés pour le dosage. Néanmoins, Derbent et al. [7] retrouve une association entre vomissements incoercibles et des taux élevés de PAPPA et de B-hCG libre. Plusieurs études récentes [8—10] retrouvent une augmentation significative du risque de prématurité, de RCIU et de pré-éclampsie en cas de diminution de la PAPP-A. Gagnon et al. [5], en 2008 dans sa revue de la littérature, met l’accent sur la possibilité d’éduquer ces patientes et d’augmenter la fréquence de leurs consultations prénatales et échographies (poids fœtal, quantité de liquide amniotique et Dopplers). Cependant, devant la faiblesse du rapport de vraisemblance associé, il n’existe actuellement pas de recommandation particulière dans la prise en charge de ces patientes. Par ailleurs, on peut noter que dans l’étude d’Aitken et al. [11], la valeur de la PAPP-A, dosée au 2e trimestre, chez des patientes dont le fœtus est porteur d’un syndrome de Cornelia De Lange, est significativement diminuée (p < 0,001), avec une valeur médiane à 0,21 MoM (19 patientes ayant mis au monde un nouveau-né atteint du syndrome de Cornelia De Lange). Le syndrome de Cornelia de Lange associe un retard de croissance à début anténatal à une dysmorphie faciale caractéristiques en postnatal, accompagnés d’un déficit intellectuel. Le dosage de la PAPP-A au 2e trimestre pourrait alors constituer un outil diagnostique intéressant en complément de l’échographie, d’autant plus que le diagnostic échographique de ce syndrome est difficile. Cependant, les mutations impliquées dans ce syndrome sont nombreuses et toutes ne sont pas associées à une PAPP-A faible. En cas d’anomalies échographiques évocatrices de ce syndrome, un dosage normal ne permet donc pas de l’exclure. Dans le dépistage combiné de la trisomie 21, la PAPP-A est dosée au 1er trimestre. Est-elle dès le 1er trimestre diminuée en cas de syndrome de Cornelia De Lange ? En cas de suspicion échographique de Cornelia De Lange avec une PAPP-A au 1er trimestre effondrée, il existe donc un intérêt éventuel à effectuer un contrôle de celle-ci au 2e trimestre.
Bêta-hCG libre La bêta-hCG libre est une hormone issue du syncytiotrophoblaste, marqueur sérique du 1er trimestre, décrit par Macri et al. en 1990 [12]. Seule la bêta-hCG libre est dosée au
7 premier trimestre, l’hCG totale étant un mauvais marqueur [13] de trisomie 21 au 1er trimestre, à la différence du 2e trimestre de grossesse. Sa valeur augmente en cas de trisomie 21. La bêta-hCG libre peut être fortement augmentée en cas de triploïdie [14]. Il est donc fondamental d’être attentif à l’aspect placentaire, ainsi qu’à la morphologie fœtale, dans ce cas. Par ailleurs, des valeurs très élevées d’hCG peuvent être liées à une insuffisance rénale [15] maternelle, tout comme toute élévation majeure des autres marqueurs sériques. Plusieurs études [8—10] retrouvent une augmentation significative de la prématurité, du RCIU et du risque de pré-éclampsie en cas de valeur < 0,5 MoM. Ainsi, Kirkegaard et al. [16], dans son étude rétrospective de 2011 incluant 9450 grossesses, retrouve une augmentation du risque de RCIU en cas de valeur diminuée (< 0,4 MoM) de PAPP-A ou de bêta-hCG libre. Néanmoins, il n’est pas démontré que cela justifie une surveillance plus rapprochée de ces grossesses. Il n’existe pas, à ce jour, de recommandations particulières concernant la conduite à tenir chez ces patientes.
Les marqueurs sériques du 2e trimestre L’alpha-fœto-protéine L’alpha-fœto-protéine est une glycoprotéine synthétisée par les cellules du foie fœtal et le tractus gastro-intestinal fœtal. Le fœtus l’élimine par ses urines dans le liquide amniotique, d’où elle passe dans le sang maternel. Elle est exprimée très tôt, atteint un pic de concentration vers 14 SA, puis diminue progressivement au cours de la grossesse et son expression s’éteint quelques jours après la naissance [17]. Sa valeur est diminuée en cas de trisomie 21. Dès 1972, Brock et al. [17] avait mis en évidence une corrélation entre l’alpha-fœto-protéine (AFP) dans le sérum maternel et le risque de spina-bifida. En cas d’AFP élevée (supérieure à 2,5 MoM), il faut avant tout éliminer la mort in utero, la lyse d’un jumeau, la réduction embryonnaire, mais aussi les saignements avec effraction de la barrière fœto-placentaire. On évoquera alors, ensuite, en première intention les anomalies de fermeture du tube neural fœtal [18—24] : anencéphalie, exencéphalie, encéphalocèle, spina-bifida. . . avec des valeurs d’autant plus élevées que le défect est important. En cas de doute à l’échographique, il est possible d’effectuer un dosage amniotique de l’AFP et de réaliser une électrophorèse de l’acétylcholinestérase. Une AFP élevée peut aussi refléter une anomalie de fermeture de la paroi abdominale fœtale : omphalocèle et laparoschisis principalement. Enfin, dans les cas où l’échographie est normale, on pourra évoquer devant des taux très élevés persistants, l’épidermolyse bulleuse (par mécanisme d’effraction cutanée) ou le syndrome néphrotique finlandais. D’autres étiologies sont à éliminer devant une ascension de l’AFP comme le choriangiome placentaire [25,26] et les tumeurs maternelles sécrétrices d’AFP (tumeurs germinales ovariennes). L’AFP n’est pas un indicateur de tumeur hépatique fœtale [27] ou néonatale.
8 Plusieurs études [28,29] montrent qu’une AFP anormalement élevée est aussi associée au risque de pré-éclampsie, de retard de croissance intra-utérin (RCIU), d’hématome rétro-placentaire et de mort in utero (MIU), le risque étant maximal en cas d’augmentation concomitante de l’hCG. Dehghani-Firouzabadi et al., en 2010, étudie 295 grossesses depuis le dosage de l’AFP jusqu’à l’issue de la grossesse et retrouve une association significative entre une AFP élevée, et, oligoamnios et RCIU ; il recommande donc une surveillance plus rapprochée de ces grossesses. Cependant, certains auteurs comme Huerta-Enochian et al. [30] qui étudie en 2001 113 patientes avec une élévation de l’AFP montre qu’une surveillance accrue (étude du spectre du doppler ombilical) des patientes ayant un taux élevé d’AFP ne permet pas de détecter plus précocement la survenue de ces complications. Pour Yuan et al., dans sa revue en 2009, il n’existe pas de réelle association entre une AFP élevée isolément et un accouchement prématuré [31] (spontané ou induit). Devant la faible valeur prédictive positive de ce signe, il n’existe pas, actuellement, de recommandations particulières quant à la surveillance de ces grossesses [5]. Par ailleurs, une AFP élevée inexpliquée quand elle est associée à un placenta praevia à l’échographie doit faire suspecter le diagnostic de placenta accreta ou percreta [5] et ce d’autant plus si l’hCG est également élevée [32] et qu’il s’agit d’un utérus cicatriciel. Devant une valeur anormalement élevée d’AFP on peut donc réaliser une échographie orientée maternelle (ovaires), fœtale voir placentaire (chorioangiome, placenta accreta) ; si celle-ci est normale, il est possible de réaliser un test de kleihauer (quantification des cellules fœtales dans le sang maternel) à la recherche d’une effraction de la barrière fœto-placentaire [33]. On pourra effectuer un contrôle du dosage de l’AFP avec un délai minimum de 3 semaines (dans un laboratoire agréé pour les marqueurs sériques, la demi-vie de l’AFP étant de 21 jours). Si un taux franchement élevé persiste (> 10 MoM) sans étiologie évidente retrouvée, le dossier sera soumis à un CPDPN pour la réalisation éventuelle d’un bilan complémentaire (échographie diagnostique, amniocentèse, conseil génétique. . .). Devant une valeur diminuée (soit inférieure à 0,5 MoM), on peut évoquer une trisomie 18 et en rechercher les signes échographiques [28]. La réalisation d’une amniocentèse pour caryotype est parfois discutée par certaines équipes surtout en cas d’association à un taux d’hCG faible. Une AFP inférieure à 0,2 MoM peut s’observer en cas de syndrome de Williams Beuren [34], ce qui peut justifier la réalisation d’une échographie orientée et la recherche d’une cardiopathie à type de sténose aortique supra-ventriculaire ou de sténose pulmonaire fréquemment retrouvées dans le syndrome. En l’absence de trisomie 18 et d’anomalie morphologique à l’échographie et en cas d’AFP indosable, on évoquera alors un déficit congénital en AFP [35], sans conséquences pour le fœtus.
L’hCG totale L’hCG totale ou la bêta-hCG libre, marqueur sérique du 2e trimestre, est sécrétée par les cellules du syncytiotrophoblaste, et est à l’origine de la nidation de l’œuf à la paroi
C. Geyl et al. utérine, puis par la suite à l’origine des lacunes permettant les échanges materno-fœtaux par cavitation. Les concentrations en hCG augmentent de fac ¸on exponentielle jusqu’à 8—10 SA et diminuent ensuite pour se stabiliser au deuxième trimestre de la grossesse. L’hCG est une hormone glycoprotéique comportant 2 sous-unités alpha et bêta. En début de grossesse c’est le taux de la sous-unité -hCG qui est prédominant alors qu’en fin de grossesse c’est la sous-unité ␣-hCG qui prédomine. Dès 1990, Macri [12] et Spencer [36] mettent en évidence l’intérêt de l’hCG dans le dépistage du syndrome de Down. Bogart et al. [37,38], dès 1987, montre dans une étude rétrospective que la concentration sérique d’hCG au 2e trimestre chez une patiente attendant un enfant atteint de trisomie 21 est, en moyenne, 2 fois plus élevée. Sa valeur augmente donc en cas de trisomie 21. Devant une valeur anormalement élevée, comme pour l’AFP, plusieurs études [29,39,40] montrent une association au risque de complications vasculaires de la grossesse. Une élévation de l’hCG totale (supérieure à 2,5 MoM) avec des Dopplers artériels utérins anormaux signifie une augmentation significative des risques de retard de croissance intra-utérin et de pré-éclampsie [5,41]. La présence d’un spectre doppler utérin pathologique semble permettre d’améliorer la valeur prédictive positive de l’hCG en termes de risque vasculaire. Cela pourrait inciter au dépistage, par une échographie, des anomalies Dopplers ou du retard de croissance devant une hCG totale élevée au 2e trimestre ; voir même à l’introduction d’un traitement préventif. À nouveau, Gagnon et al. [5], en 2008 dans sa revue de la littérature, dans l’objectif d’une amélioration de la qualité des soins, insiste sur la nécessité d’éduquer ces patientes aux principaux symptômes devant les amener à consulter, et la possibilité d’augmenter la fréquence des consultations prénatales et des échographies (poids fœtal, quantité de liquide amniotique et Dopplers) dans cette population. Toutefois, il n’existe aucun consensus à l’heure actuelle. L’HAS ne recommande ni la réalisation de Dopplers systématiques ou d’une échographie précoce, ni la mise en place d’un traitement dans cette population à ce jour devant la faiblesse du rapport de vraisemblance associé. En effet, cela engendrerait une inflation d’examens complémentaires, un surcoût financier et surtout une potentielle iatrogenèse. Devant une valeur diminuée (inférieure à 0,5 MoM), une trisomie 18 peut être évoquée et il est possible éventuellement de proposer la réalisation avant 22 SA d’une échographie morphologique précoce [42] à la recherche de signes en faveur du diagnostic. Et ce d’autant plus si l’hCG diminuée est associée à une AFP diminuée. Enfin devant une hCG libre anormalement élevée ou effondrée, il faut savoir évoquer le diagnostic de triploïdie (3 sets de chromosomes, soit 69 chromosomes). En effet, d’après la revue de Benn et al. [43], 2 profils de triploïdies peuvent être observés. L’hCG totale peut être très augmentée (supérieure à 5 MoM) [40], avec une association significative à une mole placentaire partielle, le plus souvent diandrique ([p < 0,01] dans les 62 cas étudiés et revus dans la littérature par Benn). Dans ces situations de triploïdie, l’hCG totale peut également être très basse (inférieure à 0,2 MoM) [39]. L’attitude à adopter devant des valeurs extrêmes d’hCG totale peut donc être de réaliser une échographie orientée
Interprétation des valeurs atypiques des marqueurs sériques sur l’aspect placentaire, la biométrie et l’anatomie fœtale s’il s’agit d’une valeur très élevée. En cas de valeur effondrée, l’échographie devra rechercher des signes de trisomie 18.
L’œstriol Il s’agit de l’œstriol libre ou non-conjugué, marqueur sérique du 2e trimestre. Le dosage de l’œstriol n’est pas répandu en pratique, en effet la plupart des laboratoires ne dosent que l’hCG totale et l’AFP au 2e trimestre, sinon on parle de « triple test » associant hCG + œstriol + AFP. En 1988, Canick et al. [44] montre qu’en cas de trisomie 21 fœtale sa valeur diminue. L’œstriol est une hormone stéroïde synthétisée par l’unité fœto-placentaire et son origine est strictement fœtale. Elle provient du cholestérol fœtal, le cholestérol maternel lié aux lipoprotéines ne passant pas la barrière placentaire. Une sulfatase, la 16-hydroxylase, et des enzymes placentaires sont impliquées dans la transformation du cholestérol fœtal en œstriol. L’œstriol est donc un très bon reflet de l’activité stéroïdogène des surrénales fœtales [45]. En cas d’anomalie échographique avec suspicion d’atteinte de l’axe corticotrope, l’œstriol constitue une aide au diagnostic et peut alors être dosée (laboratoire agréé).
9 En cas d’élévation de l’œstriol, il n’existe pas d’anomalies fœto-placentaires décrites [5]. Si l’œstriol est effondrée (< 0,2 MoM) il faut évoquer [46] une mort in utero, une trisomie 18 [47] (et ce d’autant plus s’il est associé à une valeur effondrée d’hCG et AFP), mais aussi une pathologie fœtale comme le déficit en sulfatase placentaire [48] (ichtyose liée à l’X), un hypopituitarisme congénital ou un déficit isolé en ACTH. Marcos et al. [49] montre en 2009 qu’un taux d’œstriol maternel effondré avec un fœtus de sexe masculin, associé à un dosage urinaire maternel au second trimestre, de la 16␣-OH-DHEAS et de l’œstriol totale, constitue un excellent test diagnostic de l’ichtyose X. Mais surtout, étant donné le reflet de l’activité stéroïdogène fœtale [50,51] de l’œstriol, un taux d’œstriol effondré peut révéler une hypoplasie congénitale des surrénales, une atteinte de l’axe corticotrope, ou, un syndrome malformatif lié à un bloc de synthèse du cholestérol comme le syndrome de Smith-Lemli-Opitz [52] dont les malformations surviennent dans les tissus issus de la voie de signalisation de « sonic Hedgehog » (squelette, cœur, OGE. . .). Le dosage de l’œstriol peut également permettre d’orienter un diagnostic ; ainsi devant une agénésie septale retrouvée à l’échographie, un taux d’œstriol effondré constitue un argument pour une atteinte hypophysaire et donc une dysplasie septo-optique.
Figure 1 Tableau récapitulatif. (flèche ascendante) : élévation du marqueur ; (flèche descendante) : effondrement du marqueur ; (étoile) : attention ! * : reflète l’axe corticotrope fœtal ; RCIU : retard dé croissance intra-utérin ; Pré E : pré-éclampsie ; IR : insuffisance rénale ; Spina : spina-bifida ; LaparoS : laparoschisis ; SNF : syndrome néphrotique finlandais ; EB : épidermolyse bulleuse. Recapitulative table.
10 En cas de taux d’œstriol effondré, une échographie morphologique à la recherche de malformations fœtales, ainsi qu’un conseil génétique [5] peuvent être discutés en fonction du contexte.
Conclusion Les marqueurs sériques peuvent constituer une aide au diagnostic de pathologies malformatives fœtales et à celui de dyschromosomies autres que la trisomie 21. Il est fondamental de ne pas se contenter de la lecture seule du risque de trisomie 21 obtenu par le dépistage combiné ou intégré, cela constituerait une perte d’information non négligeable à laquelle tout prescripteur de marqueurs sériques a accès (Fig. 1). Devant certaines anomalies échographiques (RCIU, agénésie septale, syndrome polymalformatif. . .), il est utile de s’interroger sur la valeur des marqueurs. L’association à un dosage hors norme des marqueurs sériques peut parfois orienter vers une étiologie. Un screening de tous les marqueurs sériques en vue d’évaluer les risques de pré-éclampsie, de RCIU, de malformations fœtales. . . n’est actuellement pas recommandé.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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