Interview de M. Le Professeur Philippe Grenier

Interview de M. Le Professeur Philippe Grenier

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INTERVIEW DE LE PROFESSEUR PHILIPPE GRENIER Secrétaire général de la Société française de radiologie

d'ailleurs des relations SUIVIes avec ces différentes structures. La SFR est régulièrement interrogée par la HAS lorsqu'elle constitue des groupes d'experts pour établir des recommandations de prise en La SFR est l'une des plus anciennes sociécharge pour des pathologies impliquant tés savantes, puisqu'elle fêtera son centel'imagerie. Toujours dans l'esprit de coordonner ces actions au sein des affaires naire en 2009. Elle a toutefois connu son professionnelles, la SFR s'est rapprochée plus fort développement au cours des douze dernières années sous l'impulsion des autres structures représentatives de la profession que sont, d'une part, le syndide mon prédécesseur Guy Frija. Parmi ses principales actions, plusieurs axes sont Monsieur le Professeur Philippe cat des radiologues libéraux (FNMR), le Grenier est le Secrétaire général de la Syndicat des radiologues hospitaliers particulièrement à souligner : Société française de radiologie depuis (SRH) et, d'autre part, le Collège des 1. L'organisation de son congrès annuel, 2006. Spécialiste de radiologie thoraenseignants de radiologie de France « les Journées françaises de radiologie cique, il dirige le service de radiologie (JFR) », manifestation très visible, très polyvalente, diagnostique et interven- (CERF) qui rassemblent tous les hospiforte. Il y a eu par exemple 16 000 partici- tionnelle, du groupe hospitalier Pitié talo-universitaires de radiologie. Ces quapants cette année dont 10 000 profession- Salpêtriêre de l'Assistance publique- tre structures n'avaient pas toujours dans le passé un langage commun, et la SFR a nels (radiologues, apparentés ... ), une hôpitaux de Paris. eu la volonté de fédérer ces actions en exposition technique de 15 000 m 2 ... créant ce que l'on appelle le Conseil professionnel de 2. Le Journal de radiologie qui, depuis quelques l'imagerie médicale, appelé aussi « G4 ». C'est une années, est complété par des feuillets de formation structure de 14 personnes dans laquelle siègent des médicale continue (FMC) qui connaissent un très représentants du CERF, du SRH, de la FNMR et de la grand succès. La SFR est d'ailleurs elle-même édiSFR. Le secrétaire général de la SFR préside de façon trice de beaucoup de documents de FMC, qui sont le statutaire ce G4 qui devient, de fait, le guichet unique fruit de tous les cours et conférences présentés aux de la radiologie pour les tutelles. Elle est la structure JFR. Les cours sont eux-mêmes mis en ligne sur le la plus représentative de la profession. site de la SFR et mis à disposition de ses membres tout au long de l'année. L'action de la SFR en matière de formation médicale continue est donc très riche. La SFR a toujours été un interlocuteur très actif et écouté des autorités sanitaires en matière de planifiCelle-ci devrait encore être renforcée à très court cation. Quelle est, selon vous, la situation actuelle de terme du fait des nouvelles obligations faites aux la France à ce sujet ? Les retards dénoncés il y a médecins dans ce domaine. Nous avons déjà observé de ce fait une augmentation des cotisants. La SFR quelques années ont-ils été rattrapés ? En matière d'autorisations, des efforts ont été faits, compte 6 000 membres et nous savons qu'il y a envimais la France reste en dernière position, au niveau ron 7 000 radiologues en France. européen. Notre retard s'est réduit, mais nous som3. Les affaires professionnelles sont aussi une part importante des activités de la SFR. Dans le cadre de mes toujours en sous-équipement. la transposition de la directive Euratom 97/43 Je ne suis, pour ma part, pas favorable à la dérégulation : cela serait absurde. Le fait de garder un outil « Radioprotection des patients », nous avons rédigé réglementaire d'autorisation d'équipements lourds, des référentiels de bonnes pratiques, en particulier le au niveau régional bien sûr, est à mon sens un Référentiel du bon usage des examens d'imagerie, en parélément très favorable pour la restructuration de la tenariat avec la Société française de biophysique et profession. Et puis, soyons clairs, c'est aussi la de médecine nucléaire, de l'IRSN, de l'ASN (Autorité meilleure façon pour nous de ne pas voir nos de sécurité nucléaire) et de la HAS. Nous gardons Vous êtes le nouveau secrétaire général de la Société française de radiologie (SFR). Pouvez-vous nous présenter votre société: ses membres, ses structures, ses principales actions ?

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équipements utilisés par d'autres spécialités : cela permet de conditionner les autorisations à un cahier des charges précis et de fixer des pré-requis en termes de formation, de bonnes pratiques, de règles d'utilisation, d'audit, etc. Par contre, nous sommes favorables à plus d'équipements pour rattraper le retard par rapport à nos voisins européens. On peut reprocher aussi l'existence d'une inégalité de l'offre entre les régions. Cette hétérogénéité n'a aucun sens et doit être déplorée. Certaines régions n'ont même pas donné toutes les autorisations qui étaient prévues dans la fourchette de l'ouverture 2004, alors que dans d'autres régions cette fourchette est déjà dépassée par dérogation, dépassement parfaitement justifié par l'analyse des besoins et des objectifs au sein des comités régionaux d'imagerie. Il faudrait aussi, au sein des SROS imagerie, intégrer, en complément des équipements lourds, l'archivage et les réseaux d'images (PACS). L'archivage est devenu un outil de bonnes pratiques en imagerie en coupes, afin d'éviter une perte de chance pour les patients. Si l'on ne dispose pas des outils qui permettent de comparer les examens antérieurs dans le suivi en cancérologie ou dans les maladies chroniques par exemple, c'est une perte de chance pour les malades et cela retentit sur la qualité des informations que l'on retire d'un examen. L'archivage n'est pas un outil administratif mais un outil médical, et il faut vraiment que ces demandes de PACS et de RIS soient intégrées aussi dans la réflexion des agences. Enfin, si demain le OMP (dossier médical patient) se met en place et, dans la mesure où les autorités ont compris la pertinence d'intégrer les images dans les dossiers médicaux, il faudra là aussi que cet archivage soit généralisé. Si, sur ces sujets, les hôpitaux ont compris la démarche, nos collègues libéraux sont en retard sur ce point. L'augmentation du nombre d'équipements restera toutefois dans une fourchette limitée compte tenu de la démographie médicale, puisque l'on va perdre d'ici 2020 30 % de nos effectifs. L'acquisition d'une nouvelle autorisation d'équipements lourds devrait être l'occasion pour les professionnels de se restructurer. Les radiologues doivent se regrouper ; les petits cabinets n'ont plus d'avenir même pour des raisons de proximité. En effet, la proximité se gère plus facilement au sein de grands groupes qui assurent, dans leur mode de gestion et d'organisation, le fonctionnement de petites antennes de proximité. C'est là que les nouveaux outils de télé-imagerie gérés par les professionnels euxmêmes avec ce type d'objectifs prennent tout leur sens.

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La restructuration de la profession autour de plateaux d'imagerie lourds facilite l'efficience de l'investissement tout en maintenant un certain degré de proximité. Cela est déjà fait dans des grandes villes de province, mais ce n'est pas encore le cas partout. Au-delà de la proximité, il y a aussi la continuité des soins. Les agences régionales devraient inciter les professionnels à s'engager dans cette démarche, mais le fait que les tutelles n'ont jamais accepté d'intégrer l'imagerie en termes d'effectifs, de moyens et de rémunération dans la prise en charge des urgences nous a conduit à des situations de blocages et d'incoordinations qui seront difficiles à rendre réversibles. Ce numéro d' ITBM RBM News présente « l'état de l'art en imagerie médicale », version 2007, document issu d'un travail collectif d'ingénieurs biomédicaux suite aux congrès des JFR et du RSNA 2006. Pouvez-vous nous donner, de votre point de vue, quelques tendances, technologiques ou médicales en la matière ?

Je ne suis pas un grand expert de la technologie. Je peux toutefois vous répondre pour le scanner que je connais bien. Nous en sommes actuellement au scanner à 64 barrettes. Siemens a sorti la technologie bitubes qui permet d'améliorer la résolution temporelle pour l'imagerie cardiaque. Une autre génération de scanners est à l'étude avec des prototypes au sein des usines. Ces appareils avec plus de barrettes (128), de nouveaux détecteurs (double énergie), des temps de rotation inférieurs à 0,3 seconde permettront encore de faire un bond en avant dans le domaine de l'imagerie cardiaque et l'imagerie fonctionnelle, en particulier la perfusion. Les domaines plus émergents de l'innovation technique en imagerie sont, semble-t-il, l'imagerie hybride et la radiologie interventionnelle oncologique. L'imagerie hybride va beaucoup se développer avec de nouveaux appareils TEP-TOM de dernière génération, SPECT-TOM et maintenant TEP-IRM, au moins pour l'étude encéphalique. La radiologie interventionnelle oncologique est un nouveau champ d'exploration diagnostique et thérapeutique qui est amené à connaître un très grand essor. Elle consiste à détruire la tumeur in situ à l'aide d'agents physiques (ultrasons focalisés, radiofréquence, laser...) sous guidage par différentes modalités d'imagerie. Le deuxième principe consiste à délivrer localement in situ au sein de la tumeur de nouvelles molécules chimiothérapiques sous guidage par imagerie (soit embolisation sélective de l'artère nourricière de la tumeur, soit vectorisation des molécules thérapeutiques à des microbulles qui seront détruites localement lors du passage à travers les capillaires de la tumeur par les ultrasons, soit vec-

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torisation avec un agent thermosensible qui permet de délivrer la molécule lors d'un chauffage de la tumeur par radiofréquence, etc.). D'autres exemples pourraient être cités. Ces nouvelles technologies vont pousser à développer des structures hospitalières nouvelles qui tendront à rapprocher physiquement l'oncologie médicale, la radiothérapie, la médecine nucléaire et la radiologie interventionnelle oncologique. En effet, une restructuration multidisciplinaire s'impose dans ce domaine. Il est aussi question, depuis plusieurs années, du développement de l'imagerie moléculaire. Qu'en pensez-vous ?

L'imagerie moléculaire au sens propre ne se conçoit aujourd'hui que sur le petit animal, avec toutes les modalités d'imagerie. C'est un champ d'exploration extrêmement large portant sur l'évaluation de la pertinence des médicaments, le marquage spécifique d'une tumeur, l'expression d'un gène, etc. Le transfert vers la clinique ne se fera que très lentement. En attendant, on peut aussi extrapoler l'imagerie moléculaire à ce qui est déjà réalisable chez l'homme (la tomographie par émission de positons qui est une imagerie métabolique in vivo, l'imagerie de diffusion en IRM ou l'imagerie cellulaire par le marquage des nanoparticules par IRM...). Tout est question de concepts et de la façon dont on les interprète. Vote société a beaucoup travaillé sur l'évaluation des pratiques et la qualité (en particulier en publiant le Guide de bon usage des examens d'imagerie). Travaillez-vous également avec la HAS au développement de l'EPP (évaluation des pratiques professionnelles) dans votre discipline ? Et sur l'accréditation des médecins radiologues ?

Les radiologues libéraux ont été les premiers à se mobiliser pour l'EPP en radiologie, mais les médecins hospitaliers les ont rejoints rapidement. Nous nous réjouissons de savoir que le Collège d'évaluation des pratiques professionnelles en imagerie médicale (CEPIM) a été agréé par la HAS pour l'EPP de tous les radiologues, quel que soit leur mode d'exercice (libéral, salarié ou hospitalier). La gouvernance professionnelle de ce collège est composée d'une représentation du G4. La gouvernance scientifique est largement composée de membres de la SFR. Le collège comprend aussi un groupe« Projets » où sont soumis les programmes d'EPp, basés sur des référentiels qui ont été développés, pour certains, par la SFR. Il existe aussi un groupe d'évaluation des programmes qui validera les actions des radiologues volontaires à cette démarche. La SFR est représentée aussi au sein du conseil d'administration, et son secrétaire général est secrétaire général du CEPIM. Il nous faut maintenant alimenter large-

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ment ce CEPIM avec des programmes basés sur des référentiels. Tout le travail en amont fait sur la directive Euratom va bien entendu servir de socle à ces programmes d'EPP. De même, toutes les démarches qualité et l'observatoire développé autour du dépistage de masse du cancer du sein serviront aussi facilement de plate-forme de programme. Les indicateurs de qualité, développés par l'APHP par exemple, pourront aussi facilement être appliqués dans cette démarche. En matière d'accréditation des médecins pour la pratique à risque, la SFR se porte candidat pour déposer un projet auprès de la HAS pour être reconnu comme organisme agréé spécifiquement pour l'accréditation des radiologues pratiquant la radiologie interventionnelle. Il s'agit là encore d'un guichet unique pour l'ensemble de la profession, quel que soit le mode d'exercice. Une représentation type G4 est respectée au sein de la gouvernance professionnelle. La gouvernance scientifique sera plus le reflet des représentants des différents groupes spécialisés de la SFR (sociétés d'organes). Quelle est globalement la situation en France en matière de recherche en imagerie médicale? Comment la SFR contribue-t-elle à son développement?

La structuration de la recherche appartient davantage au domaine du CERF et non de la société savante. Toutefois, dans ce domaine, la SFR joue son rôle pour encourager et aider les jeunes qui veulent avoir un cursus de formation à la recherche en donnant des bourses, pour aller travailler dans des laboratoires de recherche en France et à l'étranger. Elle incite bien entendu à la publication scientifique. Elle contribue au financement du programme national sur la recherche en imagerie, en accord avec l'Inserm et le CNRS. En ce qui concerne la recherche clinique, la SFR favorise des programmes de recherche sur des thématiques fortes en donnant des bourses. Toutefois, je pense que la SFR est encore plus active dans ce domaine, à travers son congrès des JFR, en offrant une plateforme où un congrès scientifique et une exposition technique très structurée cohabitent, facilitant les échanges avec les industriels. Cette démarche facilite à mon sens le transfert de l'innovation technologique. Nous avons d'ailleurs, avec les industriels, des réflexions communes pour favoriser le transfert de l'innovation à travers la formation. Ces dernières années, les dispositions réglementaires en matière de radioprotection se sont fortement renforcées. Quelle est votre analyse sur ce sujet ?

Tous les textes réglementaires concernant la radioprotection sont maintenant parus. Ils vont de la

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formation des personnes radio-compétentes à la formation obligatoire tous les dix ans des professionnels à la radioprotection des patients. Ils portent aussi sur des mesures systématiques de doses sur des examens type de patients à transmettre à l'IR5N. Les autres textes portent aussi sur le respect de la justification des examens utilisant la matériovigilance et l'assurance qualité des appareillages. La 5FR a bien anticipé toutes les conséquences de ces textes réglementaires en préparant les référentiels des procédures et du bon usage des examens d'imagerie en collaboration avec l'A5N. Elle participe aussi à la formation à la radioprotection des patients avec un examen par QCM lors des JFR, preuve de validation sur un cahier des charges de pré-requis d'enseignement théorique; le tout validé par l'IR5N et l'A5N. Les mesures de doses systématiques dans les unités de radiologie à transmettre à l'IR5N posent un problème de faisabilité. Dans le monde hospitalier, la solution pourrait venir du partage d'un radio-physicien avec la radiothérapie et la médecine nucléaire qui assurerait l'encadrement des manipulateurs dans cette fonction. Dans le monde libéral, il est probable que cet encadrement et ces mesures puissent être soustraités.

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La SFR s'est aussi beaucoup mobilisée à propos de la transposition de la directive européenne relative aux champs électromagnétiques. Qu'en est-il à ce jour ?

La 5FR, sous l'autorité de Guy Frija à qui en revient tout le mérite, a réussi à sensibiliser les tutelles pour la constitution d'un groupe interministériel missionné sur cette question. Nos institutions ont bien compris les conséquences délétères que pourraient avoir la transposition telle qu'elle est annoncée sur la pratique de l'IRM, en particulier dans les domaines pédiatriques et interventionnels et sur la recherche faite sur les machines à hauts champs. Des mesures vont être effectuées à l'échelle européenne. La France participe à cette campagne de mesures sur les appareils 1,5 Tesla. Ces mesures vont porter sur les effets des déplacements du personnel au voisinage du champ statique, les effets induits par les gradients de champ magnétique et les effets de la radiofréquence. La 5FR est en relation avec le Cocir à travers le 5nitem pour l'obtention de toute la documentation scientifique dans le domaine afin de les transmettre au groupe interministériel. fi faut que dans chaque pays de la communauté européenne il y ait une sensibilisation très forte des tutelles pour qu'elles mesurent les conséquences dramatiques en termes de santé publique de l'application de la directive. Propos recueillis par Didier Pinaudeau

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