Irrégularité d'un D -module holonome le long d'une courbe plane

Irrégularité d'un D -module holonome le long d'une courbe plane

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 330, Série I, p. 703–706, 2000 Géométrie analytique/Analytic Geometry Irrégularité d’un D-module holonome le long d’une co...

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 330, Série I, p. 703–706, 2000 Géométrie analytique/Analytic Geometry

Irrégularité d’un D-module holonome le long d’une courbe plane Guillaume BREVET Département de mathématiques, faculté des sciences, Université d’Angers, 2, boulevard Lavoisier, 49045 Angers cedex 01, France (Reçu et accepté le 12 février 2000)

Résumé.

Nous présentons ici différents résultats concernant l’image essentielle du foncteur irrégularité : un contre-exemple global à l’essentielle surjectivité, deux résultats positifs pour l’analogue local en restriction à une courbe épointée et pour une courbe lisse ainsi qu’un résultat partiel pour une courbe singulière.  2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Irregularity of a holonomic D-module along a plane curve Abstract.

We expound here various results regarding the essential image of the functor irregularity: a global counter-example for the essential surjectivity, two affirmative results in the local case for the restriction to a punctured curve and for a plane curve, and a partial result for a singular curve.  2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

1. Introduction Soit X une variété analytique complexe et Z une hypersurface de X. Notons DX le faisceau des opérateurs différentiels sur X. Z. Mebkhout définit (dans [7]), pour un DX -module holonome M, son complexe d’irrégularité le long de Z par  IRZ (M) = RΓZ DR M(∗Z) [1], où DR(M(∗Z)) désigne le complexe de de Rham du localisé de M le long de Z. L’importance de ce complexe d’irrégularité est mise en relief par le fait que la nullité de l’irrégularité pour le faisceau structural n’est autre que la version faisceautique du théorème de comparaison de Grothendieck [5]. Une autre présentation de ce complexe (sous la forme de son dual de Verdier) est donnée par RHomDX (M, QZ ), où QZ est le quotient O d /OX|Z des fonctions formelles le long de Z par les fonctions analytiques, X |Z généralisant l’espace d’irrégularité apparu dans les travaux de B. Malgrange en dimension un [6]. Z. Mebkhout prouve dans [9] que l’irrégularité est un faisceau pervers sur Z. Cependant, il montre aussi que le foncteur IRZ : M hol(DX ) → Perv(CZ ) n’est en général pas essentiellement surjectif comme nous le verrons dans cette note en exposant son contre-exemple global à l’essentielle surjectivité. Ceci pose le problème de la détermination de l’image essentielle de IRZ . Nous présentons alors l’analogue local de Note présentée par Bernard M ALGRANGE. S0764-4442(00)00247-0/FLA  2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

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cette question en dimension 2 : nous apportons une réponse d’essentielle surjectivité pour la restriction à une courbe épointée, puis dans le cas d’une courbe lisse. Enfin, nous donnons un début de réponse dans le cas d’une courbe singulière. 2. Un contre-exemple global à l’essentielle surjectivité La proposition suivante prouve la non essentielle surjectivité de l’irrégularité en général (annoncée dans [8]) : P ROPOSITION 2.1. – Soit ϕ une fonction holomorphe non constante sur C2 telle que ϕ(0, 0) = 0. Soit π : H → C2 l’éclatement à l’origine (H est l’hypersurface d’éclatement de C2 × P1 ). Si Z = (ϕ ◦ π)−1 (0), alors IRZ : M hol(DH ) → Perv(CZ ) n’est pas essentiellement surjectif. La preuve de cette proposition repose sur le fait que CZ est un faisceau pervers sur Z mais n’est pas l’irrégularité d’un DH -module holonome. La perversité est immédiate puisque Z est une courbe tracée sur une surface. Nous raisonnons par l’absurde : supposons qu’il existe un DH -module M tel que IRZ (M) = CZ . Ceci conduit à l’égalité Rπ∗ (CZ ) = IRϕ−1 (0) (π+ M) par commutation de l’irrégularité et de l’image directe propre (cf . [7]). Du fait que π est un biholomorphisme au-dessus de C2 r ϕ−1 (0), π+ M(∗ϕ−1 (0)) est alors un complexe holonome en un seul degré. Il vient donc que IRϕ−1 (0) (π+ M) est un faisceau pervers sur ϕ−1 (0), ce qui n’est pas le cas de Rπ∗ (CZ ) puisque R2 π∗ (CZ )0 = H2 (P1 , C) 6= 0. 3. Essentielle surjectivité sur la courbe épointée T HÉORÈME 3.1. – Si C = f −1 (0) est un germe de courbe plane, alors tout système local sur la courbe épointée C ∗ = C r {0} est du type IRC (M)|C ∗ avec M un germe de DC2 -module holonome. e → U la désingularisation de f Démonstration. – Nous supposons tout d’abord f irréductible. Soit π : U par éclatements de points. Posons :     m M 1 1 OU xα f (log f )p exp M= xf xf p=0 1 -module libre engendré par les symboles (α ∈ C r Z et m ∈ N), c’est-à-dire le OU xf   1 . vp = xα f (log f )p exp xf M est un DU -module holonome (l’action des dérivations est guidée par l’écriture des vp ). Comme π est un isomorphisme en dehors du diviseur exceptionnel, le système local IRC (M)|C ∗ est isomorphe à IRπ−1 (C) (π ∗ M)|π−1 (C ∗ ) . En choisissant des coordonnées (x1 , y1 ) autour de la transformée stricte de f p1 ∗ 1 telles que f ◦ π = xm 1 y1 et x ◦ π = x1 , le module π M est localement isomorphe au module     m M  1 1 α0 ` p OC2 wp , où wp = x y log x y exp k Nα0 = xy x y p=0 avec ` = m1 , k = m1 + p1 et α0 = αp1 + m1 . Considérons alors une détermination au voisinage de x0 6= 0 du logarithme, notée Log x (pour la distinguer des log intervenant dans l’expression symbolique des wp ) et 0 donc aussi une détermination des xk−α . Nous pouvons alors considérer les sections   p 0 0 1 wp0 = xk−α (k − `)Log x + log xk y xα y exp k x y

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qui doivent être comprises, par développement, comme des combinaisons linéaires des symboles wp à coefficients analytiques en (x0 , 0). Nous obtenons le résultat suivant : P ROPOSITION 3.2. – Pour x0 6= 0, la fibre en (x0 , 0) de H1 (DR(N α0 )) est le C-espace vectoriel de  dy + dimension (m + 1) engendré par les classes des wp0 ⊗ k dx x y Par le changement de coordonnées locales en (x0 , 0) (pour x0 6= 0) donné par (x0 = x, y 0 = xk y), nous nous ramenons essentiellement à un calcul en une variable. Cette observation simplifie un résultat similaire donné dans [2]. Nous déduisons de cette proposition la monodromie de H1 (DR(Nα0 ))|Z1∗ (avec Z1 = C × {0} et ∗ Z1 = Z1 r {0}) en se souvenant que les wp sont des sections globales de Nα0 . En remarquant que IRZ1 (Nα0 )|Z1∗ ' H1 (DR(Nα0 ))|Z1∗ , nous obtenons donc que le système local IRZ1 (Nα0 )|Z1∗ a pour matrice de monodromie le bloc de Jordan de taille (m+1) associé à la valeur propre e−2iπαp1 . Ceci donne le résultat d’essentielle surjectivité. Enfin, le cas réductible se traite ainsi : si f = f1 · · · fp , où les fi sont irréductibles, alors on considère M = M1 ⊕ · · · ⊕ Mp , où Mi est le module introduit en début de preuve en remplaçant f par fi . 4. Essentielle surjectivité locale pour une courbe lisse T HÉORÈME 4.1. – Si Z est un germe d’hypersurface lisse d’une variété analytique complexe X, alors tout germe de faisceau pervers sur Z est du type IRZ (M) avec M un germe de DX -module. Une preuve ce ce théorème est donnée dans [2] en utilisant une description de la catégorie des faisceaux pervers à l’origine (cf . paragraphe 5). Une autre preuve plus courte, dont l’idée est due à Y. Laurent, est présentée ici : soit F un germe à l’origine de faisceau pervers sur Z, d’équation locale y = 0. Prenons alors un germe de DZ -module  holonome (régulier) M tel que F ' DR(M). En appelant N le DX -module p∗ M ⊗OX q ∗ DC e1/y (où p et q sont les projections de X = Z × C sur ses facteurs), le germe de faisceau pervers IRZ (N ) n’est autre que F . En effet, nous avons un isomorphisme (provenant d’une inclusion qui est un quasi-isomorphisme) :   ' p−1 DRM ⊗CX DR DX e1/y = p−1 DRM ⊗CX q −1 DR DC e1/y −→ DRN .  De même, Rj∗ j −1 (DRN ) ' p−1 DRM ⊗CX Rj∗ j −1 DR DX e1/y (avec j : X r Z ,→ X). Du fait que IRZ (N ) est le cône du morphisme DRN → Rj∗ j −1 (DRN ), il vient que  IRZ (N ) ' IRZ DX e1/y ⊗CX p−1 DRM ' CZ ⊗CX p−1 F = F . 5. Cas d’une courbe singulière irréductible Si nous notons Perv(C, 0)0 la catégorie des germes à l’origine des faisceaux pervers sur C relativement à l’origine, alors pour toute courbe C, Perv(CC )0 et Perv(C, 0)0 sont isomorphes (puisque C est homéomorphe localement à un disque). Or la catégorie Perv(C, 0)0 est équivalente (voir [4,1] et aussi [3]) à la catégorie des carquois du type u

F

E v

(id + v ◦ u inversible) dont les indécomposables sont connus : ils sont formés de blocs de Jordan respectifs de v ◦ u et u ◦ v pour une même valeur propre λ. Pour λ 6= 0, u et v sont des isomorphismes. Nous avons le résultat suivant :

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T HÉORÈME 5.1. – Soit C un germe irréductible de courbe plane. Tout carquois indécomposable Cm

Cm ,

où les morphismes sont des automorphismes est un carquois correspondant à un certain IRC (M) pour M germe de D-module holonome. e → U telle que π −1 (C) soit un diviseur à croisements normaux (où C = Démonstration. – Soit π : U e x, ye) un système de coordonnées locales tel que ye f (0)) ; appelons C la transformée stricte de C. Soit (e soit une équation locale de Ce et x ek ye une équation de la transformée totale. Soit N le (germe le long du diviseur exceptionnel du) DUe -module défini de la manière suivante : −1

y N|UerCe = OUerCe et N|Ve = DVe · e1/e

(où Ve est un petit polydisque autour du croisement de Ce avec le dernier P1 , de multiplicité k). Alors M    m 1 α/k ∗ p OU (log f ) ⊗O N f M=π U e f p=0

(α non entier) est égal, dans un voisinage de la transformée stricte, au module   m M p y 1 O . ek ye e1/e x eα yeα/k log x x eye p=0 Le fait que α soit non entier permet de démontrer (dans [2]) que l’irrégularité IRπ−1 (C) (M) est de fibre nulle à l’origine en tant que complexe et se réduit au système local sur Ce épointée de matrice de monodromie la matrice réduite de Jordan de taille (m + 1) associé à la valeur propre e−2iπα (voir paragraphe 3). e Rπ∗ (IRπ−1 (C) (M)) ' π∗ (IRπ−1 (C) (M)) a les mêmes Comme π est un homéomorphisme sur le support C, propriétés, en particulier est pervers. Or, d’après [7], IRC (π+ M) ' Rπ∗ (IRπ−1 (C) (M)), et d’autre part (d’après [9]), IRC (H0 (π+ M)) ' p H0 (Rπ∗ (IRπ−1 (C) (M))). Donc le module M1 = H0 (π+ M) a, par tout ce qui précède, pour irrégularité le long de C, le faisceau pervers π∗ (IRπ−1 (C) (M)) qui a un carquois (indécomposable) du type annoncé associé à la valeur propre λ = e−2iπα − 1. Références bibliographiques [1] Boutet de Monvel L., D-modules holonomes réguliers en une variable, Séminaire ENS (1979–1982), Progress in Mathematics, 1983. [2] Brevet G., Sur l’irrégularité d’un système différentiel holonome le long d’une courbe plane, Thèse, Université d’Angers, 1999. [3] Briançon J., Maisonobe Ph., Idéaux de germes d’opérateurs différentiels à une variable, Enseignement mathématique 30 (1984). [4] Galligo A., Granger J.-M., Maisonobe Ph., D-modules et faisceaux pervers dont le support singulier est un croisement normal, Astérisque 130, 1985. [5] Grothendieck A., On the de Rham cohomology of algebraic varieties, Publ. Math. Inst. Hautes Études Sci. 29 (1966). [6] Malgrange B., Sur les points singuliers des équations différentielles, Enseignement mathématique, 1974. [7] Mebkhout Z., Le théorème de comparaison entre cohomologies de de Rham et le théorème d’existence de Riemann, Publ. Math. Inst. Hautes Études Sci. 69 (1989). [8] Mebkhout Z., Le polygone de Newton d’un DX -module, Conférence de La Rabida III, Progress in Math. 134, 1996. [9] Mebkhout Z., Le théorème de positivité de l’irrégularité pour les DX -modules, in: Grothendieck Festschrift III, Progress in Math. 88, 1990, pp. 84–131.

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