Douleurs, 2007, 8, 4
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ANALYSE DE LIVRE
La douleur à bras-le-corps P. Queneau, G. Ostermann, P. Grandmottet ; Dessins de Piem Éditions Médicis, 2007. « Wan mer de schande hät brüch’t mer für de spott net sorje » Proverbe alsacien, littéralement : « quand on est dans le souci, il se trouvera toujours des gens pour se moquer de vous » Lorsque cet ouvrage m’a été envoyé pour lecture et avis, j’ai d’emblée été surpris par le nombre de dessins humoristiques. Peut-on rire de la douleur ? Question inopportune, au premier abord, du point de vue de celui qui souffre. Puis, comme à l’accoutumée, j’ai commencé la lecture du livre un soir en me couchant. Ce qui m’a valu ce soir-là de m’endormir tard, car il me fallait arriver au bout, pris par l’humanisme qui se dégageait du texte. Le livre est divisé en quatre grandes parties : Les douleurs aux mille visages ; Le douloureux mal entendu ; Le malade douloureux victime du « système » ? Vers l’homme sans douleurs… sinon sans souffrances ? Chaque chapitre est constitué d’une introduction et de textes d’une à deux pages illustrées et ayant pour « titre » une expression que chacun, patient ou soignant, a soit émise, soit entendue un jour ; par exemple : La tentation d’en finir ! On fait sa douleur avec son cerveau ; Cause toujours ! Les limites du savoir ;
Automédication ; Écoute,… Ces textes que l’on pourrait croire réservés aux patients et/ou au grand public se destinent aussi aux praticiens. Dans leur brièveté et leur pertinence, ils pointent, sans jamais juger ou se moquer, les travers de la relation entre les médecins et les patients douloureux. Même les messages plus courts, et les plus sibyllins, si l’on prend la peine de s’y attarder, éveillent des souvenirs ou des situations auxquelles chacun a pu être confronté. C’est un miroir déformant que ce livre tend aux praticiens. Il en ressort, et c’est sans doute l’objectif de l’ouvrage, un autre regard sur le malade, humain en plus d’être technique, ce qui parfois laisse un étrange et salutaire sentiment de malaise. Peut-on rire de tout ? À cette question Pierre Desproges répondait : « oui, mais pas avec n’importe qui ! ». Que ceux, praticiens ou patients, qui se surprendront à sourire ou à rire à la lecture de ce livre, soient rassurés : ils sont sur la bonne voie, ce ne sera qu’une « piqûre de rappel ». Que ceux qui trouveront cela banal ou déplacé sachent qu’il leur reste du chemin à faire ! « Quand on est dans le souci, il reste des gens compatissants ». Ce proverbe n’existe pas, quoique ! ■ André Muller