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Article original
La récolte des coquillages dans la région Cantabrique au Magdalénien : la grotte de « Tito Bustillo » (Asturies, Espagne)§ Shellfish gathering in Cantabrian Spain during the Magdalenian: The cave of ‘‘Tito Bustillo’’ (Asturias, Northern Spain) Esteban Álvarez-Fernández Département de préhistoire, Histoire antique et archéologie, GIR PREHUSAL, faculté de géographie et histoire, université de Salamanca, C. Cerrada de Serranos s/n., 37002 Salamanca, Espagne Disponible sur Internet le 1er mars 2013
Résumé Dans cet article sont présentés les résultats de l’étude des restes malacologiques marins provenant des fouilles archéologiques de M.A. García Guinea et J.A. Moure Romanillo dans la grotte de Tito Bustillo entre 1970 et 1986. Cette étude a été réalisée principalement d’un point de vue taxonomique, quantitatif, taphonomique et biométrique. Se détachent les mollusques pêchés pour leur intérêt alimentaire (Patella vulgata et Littorina littorea), mais sont aussi importantes les coquilles de différentes espèces qui pâtissant de valeur bromatologique, en partie transformées en objets de parure. En dernier lieu, l’information obtenue a été comparée avec celle d’autres gisements de la Région Cantabrique présentant des industries du Magdalénien. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Malacologie marine ; Taphonomie ; Exploitation de mollusques ; Objets de parure ; Paléolithique supérieur ; Magdalénien ; Région Cantabrique
Abstract This paper presents the results obtained through the study of the marine malacological remains recovered during M.A. García Guinea’s and J.A. Moure Romanillo’s archaeological excavations at Tito Bustillo Cave between 1970 and 1986. This research has been carried out mainly from the taxonomic, quantitative, taphonomic and biometric points of view. These include, at first, molluscs was gathered as food (Patella
§ Traduction de l’ article en français : Philip Le Roux (
[email protected]). Adresse e-mail :
[email protected],
[email protected].
0003-5521/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2013.01.005
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vulgata and Littorina littorea). Equally, a large number of shells of various species with no bromatological value were gathered and, in part, transformed into shellbeads. Finally, the information obtained has been compared with the results of other sites in Cantabrian Spain with levels dated in the Magdalenian period. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Marine archaeomalacology; Taphonomy; Shellfish exploitation; Shellbeads; Upper Palaeolithic; Magdalenian; Cantabrian Spain
1. Introduction Les premières preuves que nous avons de l’exploitation des ressources marines en Europe remontent au Moustérien, tel que cela a été noté dans différents gisements comme Figueira Brava (Arrabida, Portugal) (Callapez, 2000) et Los Aviones (Murcia, España) (Zilhão et al., 2010). Cette exploitation reste présente au cours de tout le Paléolithique supérieur. La Région Cantabrique est la région européenne ayant le plus de gisements du Paléolithique supérieur présentant des preuves de l’exploitation des ressources marines. Dans la majorité des cas, il s’agit de coquilles de mollusques, mais on a aussi répertorié des os de mammifères marins, des pinces de crabes, des vertèbres et des arrêtes de poissons, des plaques et des piquants d’oursin de mer, etc. (Álvarez-Fernández, 2011). Les premières preuves de l’exploitation remontent aux débuts du Paléolithique supérieur, dans des fouilles récentes de gisements comme El Cuco (Niveau X, Aurignacien) et La Garma A (Niveau E, Gravettien) (Álvarez-Fernández, 2007, 2010a). Dans ces dernières, à Tito Bustillo, nous avons répertorié principalement des restes de Patella sp. et de Littorina littorea, gastéropodes récoltés dans les substrats rocheux de la zone intertidale. Avec ces découvertes, on rompt avec l’idée classique selon laquelle l’exploitation des ressources marines par des groupes de chasseurs-cueilleurs en Cantabrie commença à partir du Solutréen (Straus, 1992 ; González Sainz et González Urquijo, 2007). Dans la Région Cantabrique, l’information malacologique la plus abondante provient de contextes magdaléniens comme à Altamira (Niveaux 1 et 2, Magdalénien inférieur) (ÁlvarezFernández, 2010b, 2010c), dans la Galerie Inférieure de la Garma (Zone I, Magdalénien moyen) (Arias et al., 2011) et à La Garma A (Niveaux N et O, Magdalénien supérieur) (ÁlvarezFernández et al., 2011 ; Álvarez-Fernández, 2012, sous presse a) (Fig. 1). Dans cet article, sont présentés les résultats de nos recherches sur les mollusques d’origine marine provenant des fouilles réalisées par M.A. García Guinea en 1970 et par J.A. Moure Romanillo entre 1972 et 1986 dans l’Aire d’Habitat et dans l’Aire de Décoration de la grotte de Tito Bustillo. Tous les restes archéologiques se trouvent au Musée Archéologique d’Oviedo (Asturies), hormis une petite collection de la première campagne de fouille qui est conservée au Musée de Préhistoire et d’Archéologie de Cantabrie (Santander). Les restes sont analysés à partir de différents points de vue. En premier lieu, ils sont classés par espèce, comptabilisant le NR et estimant à partir de ceux-ci le NMI. Ensuite, on répertorie les altérations qu’ils portent, tant celles présentes sur les coquilles avant leur récolte par les groupes humains (épifaune, etc.), que celles provoquées par ces derniers (traces de travail, etc.), ainsi que les autres modifications du matériel une fois qu’il a été enfoui (précipitations de carbonate de calcium, etc.). S’ensuit la réalisation des analyses biométriques pour aboutir à une vision globale de l’exploitation des mollusques marins en d’autres gisements cantabriques appartenant à la même période que Tito Bustillo.
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Fig. 1. Localisation de Tito Bustillo (Ribadesella, Asturies) et des principaux gisements magdaléniens de la Région Cantabrique avec présence de mollusques marins. The location of Tito Bustillo’s Cave (Ribadesella, Asturias, Spain) and the main Magdalenian sites in Cantabrian Spain where marine resources are documented.
2. La grotte de Tito Bustillo : localisation et histoire des recherches La grotte de Tito Bustillo, sur la commune asturienne de Ardines (Ribadesella) (438 270 3500 Lat. N.–58 230 1000 Long. W.) est située à 200 m de l’estuaire du fleuve Sella et approximativement à un kilomètre de l’actuelle ligne de côte (Fig. 1). Elle présente un déroulement linéaire orienté d’est en ouest d’environ 550 m de long. Cette grotte est connue au niveau mondial pour ses peintures et ses gravures, découvertes par le groupe spéléologique « Torreblanca » en 1968. En différentes zones de la cavité ont été pratiquées des fouilles archéologiques. Ce fut fait à l’entrée de la grotte entre 1968 et 1969. Les travaux furent probablement réalisés par M. Berenguer, à cette époque Délégué Provincial des Beaux Arts1. En 1970, M.A. García Guinea réalisa les premières fouilles dans l’Aire de d’Habitat et dans l’Aire de Décoration (García Guinea, 1975). Entre 1972 et 1986, J.A. Moure Romanillo continua les fouilles dans l’Aire d’Habitat (campagnes de 1972, 1974, 1975, 1977, 1979, 1981, 1982, 1983 et 1986), et dans l’Aire de Décoration (Campagne de 1984) (Moure Romanillo, 1975, 1989, 1990, 1997 ; Moure Romanillo et Cano Herrera, 1976) (Fig. 2). En 2001, R. de Balbín et son équipe découvrirent de nouvelles preuves archéologiques à l’ouest de l’entrée de la Galerie des Anthropomorphes, dans la partie supérieure de la paroi nord de la Galerie principale (Balbín Behrmann et al., 2002). À partir de 2003 et jusqu’en 2008, on a réalisé différents sondages de l’Ensemble XI, dans la zone de l’entrée originale de la grotte (« El Coxu », Vestibule original de la grotte et Zone intérieur) (Balbín Behrmann et Alcolea González, 2012 ; Balbín Behrmann et al., 2009). 1
Au Musée Archéologique des Asturies sont conservés les matériels archéologiques dans des caisses, sur lesquelles on peut lire « Restos de conchero, Tito Bustillo » (Restes d´amas coquilliers, Tito Bustillo). Parmi le matériel faunistique provenant de cette fouille non-systématique, se détachent des restes de coquilles de grande taille, conservées complètes, parmi lesquelles nous avons déterminé les espèces marines: Patella vulgata, Patella ulyssiponensis, Patella intermedia, Ostrea edulis, Ruditapes decussatus, Mytilus edulis et Scrobicularia plana. La composition malacologique pourrait indiquer une chronologie des débuts de l’Holocène, plus que de la fin du Pléistocène supérieur.
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Fig. 2. Plan de la grotte de Tito Bustillo indiquant les carrés fouillés dans les Aires d’Habitat et de Décoration (ÁlvarezFernández, sous presse b, modifié à partir de Moure Romanillo, 1975, 1990 ; Balbín Behrmann et al., 2009). Plan of Tito Bustillo’s Cave. Living Area and Area of the Paintings are situated and excavation grid are shown (ÁlvarezFernández, in press b, modified by Moure Romanillo, 1975, 1990; Balbín Behrmann et al., 2009).
3. Les fouilles de M.A. García Guinea en 1970 et de J.A. Moure Romanillo en 1972– 1986 à Tito Bustillo 3.1. Les fouilles dans l’Aire d’Habitat En 1970, M.A. García Guinea réalisa les premières fouilles dans l’Ensemble XI, à environ 7 m de l’ancienne entrée de la grotte, aujourd’hui bouchée par un éboulement (Fig. 2). Cette zone
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Fig. 3. Tito Bustillo. Aire d’Habitat. Stratigraphie correspondant à la coupe XIV.D – XI.D (Modifiée à partir de Moure Romanillo, 1997). CS : Complexe Supérieur ; CI : Complexe Inférieur. Tito Bustillo. Living Area. Stratigraphic section (XIV–XI/D) (modified by Moure Romanillo, 1997). CS: Upper Complex; CI: Lower Complex.
s’appellera postérieurement « Aire d’Habitat ». Ce chercheur ouvrit 3 m2 (Carrés A1, B1 et C1). Il a répertorié quatre niveaux archéologiques, qu’il nomma I, II, III et IV (García Guinea, 1975). J.A. Moure Romanillo continua les travaux entre 1972 et 1986. Il fouilla une superficie de 22 m2. Prés de l’éboulement, il ouvrit 2 m2 de plus (carrés VI.J et VI.I) (Moure Romanillo, 1990, 1997 ; Moure Romanillo et Cano Herrera, 1976). Lors des fouilles, deux niveaux ont été distingués, nommés niveau 1 et niveau 2. Le niveau 1, situé dans la zone la plus profonde, atteint une épaisseur d’environ 50 cm. On a ici enregistré beaucoup de preuves archéologiques (foyers, fosses, etc.) qui indiquent que cette zone de la grotte fut utilisée comme lieu de vie. Ce niveau fut divisé en différents sous-niveaux ou couches archéologiques, regroupés en deux complexes (Complexe Supérieur et Complexe Inférieur), compte tenu de la structure géologique et des restes archéologiques rencontrés (Fig. 3). Le Complexe Supérieur (CS) s’étend de la couche 1a à la couche 1c1 et possède une épaisseur de 30 cm à 32 cm. La couche 1a correspondrait au niveau superficiel ; la couche 1b serait composée de blocs calcaires formant une espèce de dallage. Ces couches n’apparaissent pas toujours de manière continue, pour cela les espaces entre elles furent nommés couches 1a–b et 1b–c. La couche 1c1 a seulement été répertoriée dans les carrés XIII.D et XI.B. Le Complexe Inférieur (CI), de 18 cm à 20 cm d’épaisseur, englobait lors des premières fouilles la couche 1c. Lors des campagnes plus récentes, et dans certains carrés, ce niveau a pu être subdivisé en différentes couches. Seuls les carrés XII.D et XIII.D du complexe inférieur (CI) furent divisés (de haut en bas) en 1c2, 1c3 et 1c4. La couche 1c2 correspondrait à la couche 1c des premières campagnes. Le Complexe Inférieur (CI) se distingue par la présence de structures variées de combustion. La présence de ces couches du niveau 1 n’a pas été décrite dans tous les carrés fouillés. De plus, la stratigraphie de ce niveau est de moindre épaisseur dans la séquence des carrés X et IX, surtout dans les carrés X.B, IX.F, IX.E et IX.D, où seule fut identifiée et fouillée la couche 1a. Ici, et juste en dessous de cette couche, apparaissait le niveau 2. Les niveaux 1a et 1b correspondent au niveau I, la couche 1b–c au niveau II et la couche 1c au niveau III de la stratigraphie des fouilles effectuées en 1970. Le niveau 2 correspond à une période d’activité sédentaire de la grotte et présente peu de restes archéologiques. Dans les carrés fouillés, XII.E, XIII.E (C1 et B1 des fouilles effectuées en 1970), XII.F et XIII.F, sa base ne fut jamais atteinte. Ce niveau 2 correspond au niveau IV de la première campagne effectuée sur le gisement. Les niveaux 1 et 2 s’inscrivent dans le Magdalénien. Cette attribution temporelle, peu précise, provient de la classification des industries et des preuves environnementales.
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Dans le cas du niveau 1, on a enregistré différents outils lithiques et osseux, tout comme des objets d’art mobilier caractéristiques du Magdalénien inférieur (nucléus, os hyoïdes avec des incisions courtes parallèles sur le bord, sagaie de type Lussac-Anglais), du Magdalénien moyen (sculptures en ronde-bosse) et du Magdalénien supérieur (harpons, burins de type « bec de perroquet », ciseau gravé de bouquetins en position frontale). Les industries lithiques et osseuses sont similaires tout au long de la séquence (Moure Romanillo, 1997). Le niveau 2 manque d’éléments caractéristiques assignables à un moment déterminé du Magdalénien. Les analyses polliniques du niveau 1 indiquent l’existence d’une phase froide de type steppe (abondance de bruyère, prédominance des graminées sur les éricacées). Les données disponibles pour le niveau 2 indiquent une phase humide avec un environnement de forêt (pin, aulne, bouleau et arbres thermophiles : noisetier et chêne vert). A. Boyer-Klein et A. Leroi-Gourhan (1987) datent le niveau 1 du Dryas II et le niveau 2 du Bölling. Cependant, l’attribution à ces phases climatiques s’appuie, selon Moure Romanillo (1989), exclusivement sur la stratigraphie archéologique. Jusqu’alors, seules sont connues les données des recherches des campagnes de 1970 (Fuentes et Mejide, 1975), 1972, 1974 et 1975 (Altuna Echave, 1976). La faune caractéristique du gisement est principalement le cerf (entre ca. 79 % de la couche 1a et 95 % du niveau 2, selon le NR). Les autres animaux présents dans le gisement sont, dans cet ordre : le bouquetin, le cheval, le chamois et les grands bovidés. Le renne (Rangifer tarandus), le phoque annelé (Pusa hispida) et le campagnol (Microtus ratticeps oeconomus) ont été considérés comme taxons d’un climat « froid » (Altuna Echave, 1976). Cependant, les restes de ces animaux sont très rares. Une extrémité distale de métapode est l’unique reste de renne enregistré dans la couche 1b. De P. hispida on a seulement répertorié un astragale dans la couche 1a et de M. ratticeps oeconomus, deux molaires dans le niveau 1a, deux molaires dans la couche 1b et trois molaires dans la couche 1c. Pour finir, diverses datations au carbone 14 (méthode conventionelle et AMS) et archéomagnétiques ont été effectuées sur différents matériels (Moure Romanillo, 1990, 1997). Cependant, elles ne sont pas cohérentes avec la succession stratigraphique et elles situent le gisement à différents moments du Magdalénien, entre 15 000 et 13 000/12 500 BP (entre environ 18 500 et 14 500 cal BP). 3.2. Les fouilles dans l’Aire de Décoration En 1970, quand fut abaissé le sol pour faciliter les visites publiques de la Salle du Grand panneau polychrome (Ensemble X), M.A. García Guinea a recueilli un ensemble de matériels archéologiques procédant d’un unique niveau « fertile » situé à une profondeur entre 50 cm et 75 cm (Fig. 2). D’autres restes ont été laissés « in situ » (García Guinea, 1975). Cette zone fut appelée Aire de Décoration. En 1984, les travaux furent poursuivis (Moure Romanillo, 1990, 1997). Environ 12 m2 ont été fouillés, dans lesquels fut localisé un niveau de 2 à 5 cm d’épaisseur. Sous la partie centrale du plafond décoré a été enregistrée une structure de combustion plane à laquelle étaient associés des restes archéologiques (lithiques et fauniques, colorant, charbon, etc.). Tout cela fut interprété comme un foyer destiné à faciliter la peinture et la gravure des parois. La présence de colorants à l’état brut et de taches sur le sol seraient des preuves de l’exécution des peintures. L’étude fonctionnelle des burins répertoriés ici indique qu’ils furent utilisés sur la paroi décorée. Ce niveau repose sur un lit d’inondation qui peut-être mis en rapport avec le niveau 2 de l’Aire d’Habitat.
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L’occupation de l’Aire de Décoration de Tito Bustillo ainsi que celle de l’Aire d’Habitat, se situent au Magdalénien, entre 18 500 et 14 500 cal BP. Cette attribution recoupe aussi les datations absolues obtenues par le biais des techniques du carbone 14 (conventionnelle et AMS) et par l’archéomagnétisme. Avec ces dates, il est impossible d’indiquer s’il s’agit d’un unique dépôt synchronique ou si, au contraire, les restes de ce niveau se rapportent à différentes phases de l’exécution du Grand Panneau (Moure Romanillo, 1990, 1997). 4. Études préalables réalisées à Tito Bustillo sur les mollusques marins Dans l’Aire d’Habitat, B. Madariaga réalisa les premières études archéomalacologiques des campagnes de 1970 (Fouilles de M.A. Garcia), 1972, 1974 et 1975, et R. Moreno celles des campagnes de 1977, 1979, 1980 et 1982. Ces deux chercheurs apportent seulement les données afférentes au NMI, tout comme les premières données biométriques de Patella vulgata et L. littorea (Madariaga, 1975a, 1975b, 1976 ; Moreno et Morales, 1987). Parallèlement à l’analyse archéomalacologique de R. Moreno, M.A. Deibe réalisa la première étude des objets de parure de Tito Bustillo provenant de toutes les campagnes de fouilles, excepté la dernière (1986). Ici sont inclus des comptes élaborés sur les coquilles (Deibe, 1985). En 2006, nous avons publié notre thèse doctorale, dans laquelle nous étudions une grande partie des objets de parures de toutes les campagnes réalisées sur le gisement (Álvarez-Fernández, 2002, 2006). Récemment, nous avons publié une étude des restes archéomalacologiques provenant des dernières campagnes de fouilles (années 1983 et 1986) (Álvarez-Fernández, sous presse b). Dans l’Aire de Décoration, les seuls restes d’origine marine répertoriés sont trois spécimens de Trivia sp. transformés en objets de parure et localisés dans les travaux de 1970 (ÁlvarezFernández, 2006). Nous avons publié une étude des restes archéomalacologiques provenant de la campagne de fouilles de 1984 (Álvarez-Fernández, sous presse b). 5. Les mollusques marins de Tito Bustillo 5.1. Méthodologie de l’étude La totalité des restes de mollusques marins répertoriés tant dans l’Aire d’Habitat que dans l’Aire de Décoration de Tito Bustillo a été étudiée. Pour cela, nous avons classé les coquilles de mollusques marins en nous basant sur leurs attributs généraux (ornementation, forme, etc.), déterminant ainsi à quelle espèce ils appartiennent chaque fois que cela a pu être possible. Cette détermination est basée sur la comparaison entre les restes archéologiques et notre collection de référence. L’information sur l’habitat des mollusques a été obtenu à partir de différentes publications (guides, études spécialisées, etc.) (par exemple, Borja et Muxica, 2001 ; Llera et al., 1983 ; Palacios et Vega, 1997 ; Poppe et Gotto, 1991 ; Rolan et al., 1987) ainsi que de la nomenclature systématique de CLEMAM2. La méthodologie de quantification des restes malacologiques a été définie par d’autres travaux antérieurs (Álvarez-Fernández, 2007, 2009, 2010b, 2012, sous presse a ; Álvarez-Fernández et al., 2011) prenant comme base d’autres travaux préalables (Madariaga, 1975a, 1975b ; Moreno, 1994). Nous avons comptabilisé le total du NR, qui inclut toutes les preuves 2
Check List of European Marine Mollusca, Muséum national d´Histoire naturelle, Paris : http://www.somali.asso.fr/ clemam (consulté le 10/09/2012).
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individuelles de chaque niveau archéologique. Le NMI a été calculé dans le but d’éviter une surreprésentation des espèces ayant une plus grande capacité de fragmentation. Nous avons suivi la formule de R. Moreno (1994) pour le calcul du NMI des escargots (principalement L. littorea)3 : ICOM + IFRA + (FAPI ou [FEST + FUMB], le plus grand). Pour le gastéropode P. vulgata4 la formule serait la suivante : ICOM + IFRA + FAPI. Dans le cas des bivalves5, nous avons pris en compte la charnière. Le calcul s’est fait en tenant compte aussi du travail de R. Moreno (1994) : VCOM + VFRA + FCHC + (FCHA ou FCHP, le plus grand). Les valves droites et gauches s’additionnent séparément et on garde pour NMI le chiffre le plus élevé. Nous n’avons pas appliqué d’indice de fragmentation (Álvarez-Fernández et al., 2010) entre les deux zones de la grotte, étant donné que dans l’une d’elle (Aire de Décoration) les restes sont très rares. Nous n’avons pas, non plus, pris en compte le poids des coquilles, ni individuel, ni collectif (Álvarez-Fernández, sous presse a). La précipitation de carbone calcique que présentent certains des restes augmenterait ce poids, tout comme la décalcification d’une grande partie d’entre eux le diminuerait. Nous avons étudié les altérations des coquilles (épifaune, de type taphonomique etc.), suivant la méthodologie d’autres travaux publiés (Álvarez-Fernández, 2006, 2007, 2009, 2010a, 2010b, 2010c, 2012, sous presse a ; Fernández López, 1998). En dernier, et de manière systématique6, on a obtenu des données biométriques des espèces les plus abondantes (P. vulgata et L. littorea), dans le but d’établir de possibles indicateurs climatiques et de pêches sélectives. Des patelles, nous avons pris en compte le diamètre et la hauteur maximum, des bigorneaux, la hauteur et la largeur maximum (Álvarez-Fernández et al., 2011). Dans cet article, nous avançons les premiers résultats obtenus à partir de l’information biométrique. 5.2. Étude des mollusques de l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo 5.2.1. Composition malacologique et habitat des espèces Dans l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo, le nombre de restes procédant d’un contexte clair s’élève à 40 721. À ceux-ci, on doit en ajouter seulement 29 sans carré, ni niveau assigné. En prenant séparément les interventions de M.A. García Guinea et de J.A. Moure Romanillo, dans les premières on a répertorié un total de 1575 restes de mollusques, à partir de ces derniers nous avons calculé un NMI de 1443. Dans les fouilles effectuées entre 1972 et 1986, on atteint un total de 39 146 restes, à partir desquels nous avons estimé un total de 15 661 individus (Fig. 4). Si on met en relation le NR et le NMI des deux interventions, on observe que dans les premières fouilles les deux indices sont assez similaires. Cela indique que tous les restes de 3
ICOM : individus non fragmentés ; IFRA : individus fragmentés conservant l’extrémité ; FAPI : fragments apicaux ; FEST : zone buccale ; FUMB : fragments avec le bout de la columelle intacte ou avec le nombril complet. 4 ICOM : individus complets ; IFRA : individus fragmentés (avec extrémité et morceau de bord de la coquille) ; FAPI : fragments apicaux. 5 VCOM : valve complète ; VFRA ; FCHC : fragment de charnière complet ; FCHA : fragment de charnière antérieur ; FCHP : fragment de charnière postérieur. 6 Les données proviennent seulement des fouilles de J. A. Moure Romanillo. Dans le but d’avoir un échantillon abondant, nous avons sélectionné cinq cadres (XI.B, XI.C, XII.B, XII.C et XIV.D), dans lesquels nous avons pris les mesures de tous les gastéropodes répertoriés au niveau 1 (toutes les couches). Pour ce qui est du niveau 2, les données proviennent exclusivement de trois cadres (XII.E, XIII.E et XIV.D).
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Fig. 4. Tito Bustillo, Aire d’Habitat, campagne de 1975. Fouilles effectuées au niveau 1c au cours desquelles on a observé une concentration de Patella vulgata (Photo : J.A. Moure Romanillo). Tito Bustillo, Living Area, Campaign of 1975. Excavations in layer 1c showing a concentration of shells of Patella vulgata (Photo: J.A. Moure Romanillo).
mollusques n’ont pas été recueillis durant le processus de fouille, c’est-à-dire, seuls les restes complets et de grande taille ont été conservés. Nous considérons que l’information de la première campagne est biaisée en ce qui concerne le NR (ce qui affecte aussi le NMI) et possiblement, en ce qui concerne le nombre d’espèces (absence peut-être de quelques-unes de petite taille). Malgré cette différence, la composition malacologique de Tito Bustillo est évidente tout au long de la séquence : la pêche quasi exclusive de deux espèces : P. vulgata et L. littorea (Fig. 5). En prenant en compte le NMI, on observe, en règle générale, une dominance de la première des espèces, tant dans les fouilles de 1970, que dans celles effectuées postérieurement (Tableau 1 et 2). Il est possible que les restes déterminés comme Patella sp. correspondent en fait à P. vulgata, étant donné qu’il n’y a pas de preuves d’autres espèces de patelles dans ce gisement. Les deux espèces furent récoltées, très probablement, dans la zone de l’estuaire rocheux du fleuve Sella. P. vulgata occupe principalement des zones de roches propres avec des algues, où l’action des vagues est modérée (zone intertidale), mais aussi les zones intérieures des estuaires. L. littorea est très commune dans les roches, aux côtés des algues. Elle vit dans les estuaires et sur les côtes ouvertes, mais elle est très exposée car elle ne se fixe pas suffisamment fort sur les roches pour résister aux fortes vagues. Le reste de l’ensemble est formé par au moins 30 taxons différents, principalement des gastéropodes sans valeur nutritive. Ces gastéropodes vivent principalement sur les roches et les algues de la zone littorale laissées à découvert par les marées. Cependant, ces espèces, comme nous le verrons plus loin, ne furent pas récoltées vives en leur habitat ; pour le moins quelquesunes de ces coquilles proviennent, sans l’ombre d’un doute, des plages. Les bivalves et les scaphopodes sont aussi répertoriés. Hormis les moules, probablement ramassées comme aliment dans les zones rocheuses de la zone intertidale. Les restes des valves et les spécimens de Antalis sp. furent aussi trouvés sur les plages.
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Fig. 5. Patella vulgata (à gauche) et Littorina littorea (à droite) de Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couche 1a). Specimens of Patella vulgata (left) and Littorina littorea (right) from Tito Bustillo (Living Area, layer 1a).
Tableau 1 Distribution des taxons par niveaux répertoriés dans l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo (Fouille de M.A. García Guinea), selon le NR. Abundance of taxa in the levels at Tito Bustillo, Living Area, (M.A. García Guinea’s excavations), according to the Number of Rests. Niveau I NR Gastéropodes Patella vulgata Patella sp. Littorina littorea Littorina obtusata Littorina fabalis Littorina sp. Natica sp. Trivia sp.
129 3 106 47 10 1 1
NMI 129 104 47 10 1 1
Scaphopodes Antalis sp. Totaux
296
292
Niveau II NR NMI
Niveau III NR NMI
Niveau IV NR NMI
450 5 169 27 8
422
209 3 125 14 3
198
230 1 32
223
2
2
1
1
662
592
354
325
263
234
132 27 8
110 14 3
11
NR : number of rests.
De cette façon, les espèces récoltées comme aliment (P. vulgata, L. littorea et Mytilus galloprovincialis) l’ont été dans les zones rocheuses de la côte proche du gisement. Le reste des espèces fut ramassé probablement sur les plages voisines. Les espèces comme, par exemple, Littorina obtussata et Nassarius incrassatus, vivent sur les côtes cantabriques. Cependant, la
72
Tableau 2 Distribution des taxons répertoriés dans l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo (Fouilles de J.A. Moure Romanillo), selon le NR. Abundance of taxa in the levels at Tito Bustillo, Living Area, (J.A. Moure Romanillo’s excavations), according to the Number of Rests. NMI
1a/b NR
NMI
1b NR
NMI
1b/c NR
NMI
1c1 NR
NMI
1c (g) NR NMI
1c2 NR
NMI
1c3+1c4 NR NMI
2 NR
NMI
2275 3142 5731 15 4 1 1 1 41 7 1 0 1 12 0 1 1 4 0 1 1 1 11239
1820 455 1501 14 4 1 1 1 22 7 1 0 1 11 0 1 1 4 0 1 1 1 3846
57 119 186 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 362
50 7 38 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 95
2788 2504 6125 17 4 1 0 0 20 2 5 1 0 5 0 2 0 2 1 1 0 0 11478
2091 697 1839 17 3 1 0 0 18 2 5 1 0 5 0 2 0 2 1 0 0 0 4684
661 278 1206 5 0 1 0 0 5 1 1 0 0 1 0 0 0 2 0 0 0 0 2161
463 198 472 5 1 1 0 0 5 1 1 0 0 1 0 0 0 2 0 0 0 0 1149
165 89 309 2 1 2 0 0 5 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 573
132 33 128 2 0 2 0 0 5 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 303
1496 1171 3872 31 6 5 0 0 14 6 0 0 0 5 1 0 8 0 1 0 0 0 6616
1408 1356 2378 14 1 0 0 0 6 0 0 0 0 2 2 0 0 0 0 1 0 1 5169
1128 280 814 14 1 0 0 0 4 0 0 0 0 2 2 0 0 0 0 1 0 1 2247
216 204 582 7 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1009
118 105 116 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 341
101 17 30 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 150
1226 270 1278 30 6 5 0 0 14 6 0 0 0 5 1 0 8 0 1 0 0 0 2850
200 16 67 7 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 290
E. Álvarez-Fernández / L’anthropologie 117 (2013) 62–93
Gastéropodes Patella vulgata Patella sp. Littorina littorea Littorina obtusata Littorina fabalis L. obtusata/fabalis Littorina saxatilis Littorina sp. Trivia sp. Nassarius incrassatus Nassarius reticulatus Nassarius sp. Nassarius mutabilis Nucella lapillus Gibbula sp. Turritella communis Homalopoma sanguineum Cyclope pellucida Apporrhais pespelecani Phalium saburon Charonia rubicunda Gast indet. Total gastéropodes
1a NR
Tableau 2 (Suite )
Bivalves Mytilus galloprovincialis Pecten maximus Glycymeris sp. Acanthocardia sp. Laevicardium norvergicum Cerastoderma sp. Chlamys sp. Callista chione Scrobicularia plana Total bivalves Scaphopodes Antalis sp. Total scaphopodes Totaux
NMI
1a/b NR
NMI
1b/c NR
NMI
1c1 NR
77 6 2 1 0 0 4 1 1 92
8 1 2 1 0 0 1 1 1 15
2 0 0 0 0 0 0 0 0 2
1 0 0 0 0 0 0 0 0 1
163 0 1 0 0 1 1 0 0 166
7 0 1 0 0 1 1 0 0 10
3 1 2 0 0 1 0 0 0 7
1 1 1 0 0 1 0 0 0 4
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
23 0 0 0 1 1 0 0 0 25
2 0 0 0 1 1 0 0 0 4
4 3 1 0 0 0 0 0 0 8
1 1 1 0 0 0 0 0 0 3
1 1 0 0 0 0 0 0 0 2
1 1 0 0 0 0 0 0 0 2
2 0 0 0 0 0 0 0 0 2
1 0 0 0 0 0 0 0 0 1
0 0
0 0
0 0
0 0
1 1
1 1
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
0 0
11333
3863
364
96
11545
4695
2169
1154
573
303
6641
2854
5177
2253
1011
292
343
151
NMI
1b NR
NMI
1c (g) NR NMI
1c2 NR
NMI
1c3+1c4 NR NMI
2 NR
NMI
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1a NR
73
74
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Tableau 3 Tito Bustillo (fouilles de M.A. García Guinea et J.A. Moure Romanillo). Distribution absolue (NMI) des mollusques marins du niveau 1 (Complexe supérieur : CS et inférieur : CI) et du niveau 2 dans l’Aire d’Habitat et dans Aire de Décoration. Tito Bustillo (M.A. García Guinea’s and J.A. Moure Romanillo’s excavations). Summary table of marine mollucsc (according to the Minimum Number of Individuals). Level 1 (CS: Upper Complex; CI: Lower Complex) and 2 from Living Area and Area of the Paintings. Aire d’habitat
Niveau 1 (CS)
Niveau 1 (CI)
Niveau 2
Totaux
Gastéropodes Patella vulgata Patella sp. Littorina littorea Littorina obtusata Littorina fabalis L. obtusata/fabalis Littorina saxatilis Littorina sp. Trivia sp. Nassarius incrassatus Nassarius reticulatus Nassarius sp. Nassarius mutabilis Famille Naticidae? Nucella lapillus Gibbula sp. Turritella communis Homalopoma sanguineum Cyclope pellucida Apporrhais pespelecani Phalium saburon Charonia rubicunda Gastéropode non déterminé Total gastéropodes
5107 1390 4212 112 26 5 1 2 52 10 7 1 1 2 18 0 3 1 8 1 1 1 0 10961
2752 566 2269 65 10 5 0 0 18 6 0 0 0 0 7 3 0 8 0 1 0 0 1 5711
324 17 41 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 384
8183 1973 6522 179 36 10 1 2 70 16 7 1 1 2 25 3 3 9 8 2 1 1 1 10756
17 1 4 1 0 1 1 1 1 27
4 1 1 0 1 1 0 0 0 8
1 0 0 0 0 0 0 0 0 1
22 2 5 1 1 2 1 1 1 36
2 2
0 0
0 0
2 2
10990
5719
385
17094
Bivalves Mytilus galloprovincialis Pecten maximus Glycymeris sp. Acanthocardia sp. Laevicardium norvergicum Cerastoderma sp. Chlamys sp. Callista chione Scrobicularia plana Total bivalves Scaphopodes Antalis sp. Total scaphopodes Totaux Aire de décoration
Niveau 1 (CS)
Totaux
Gastéropodes Patella vulgata Littorina littorea
3 1
3 1
E. Álvarez-Fernández / L’anthropologie 117 (2013) 62–93
75
Tableau 3 (Suite ) Aire de décoration
Niveau 1 (CS)
Totaux
Trivia sp. Total gastéropodes
4 8
4 8
Totaux
8
8
CS : Complexe supérieur ; CI : Complexe inférieur.
présence d’escargots d’origine exclusivement méditerranéenne (Homalopoma sanguineum, Cyclope pellucida et Nassarius mutabilis) nous indiquerait qu’au moins quelques-unes des espèces présentes à Tito Bustillo proviennent de la Méditerranée. Comme nous le verrons plus tard, il s’agit d’échantillons sans équivoque de l’existence de contact des groupes de chasseurscueilleurs à longue distance. Étant donné que les compositions malacologiques des fouilles de M.A. García Guinea et de J.A. Moure Romanillo sont semblables, nous avons d’abord opté pour les réunir. En premier lieu, et suivant les indications de Moure Romanillo, 1975, nous avons rapproché les niveaux de 1970 avec ceux des campagnes postérieures. De cette façon, le niveau I, correspondrait avec les couches a et b du niveau 1, le niveau II avec les couches b/c du niveau 1, le niveau III avec les couches c du niveau 1 et le niveau IVavec le niveau 2. Deuxièmement, et selon Moure Romanillo (1989, 1997), nous avons réuni les différentes couches du niveau 1 en deux « Complexes ». Le complexe supérieur engloberait les couches 1a + 1a/b + 1b + 1b/c + 1c1, tandis que le complexe inférieur serait représenté par les couches 1c générale + 1c2 + 1c3 + 1c4. Sous le niveau 1 se trouve le niveau 2 (Tableau 3). De cette façon, dans l’Aire d’Habitat le NMI calculé atteint 17 094. Les différences de composition entre les deux complexes du niveau 1 sont minimes. P. vulgata atteint 60 % (59,13 % dans le CS, 58,01 % dans le CI), suivi de L. littorea (respectivement, 38,33 % et 39,67 %). Le pourcentage restant (< 3 %) est composé de différentes espèces principalement de gastéropodes et, en moindre mesure, de bivalves et de scaphopodes. Dans le niveau 2, le nombre de taxons diminue notablement (seulement quatre sont répertoriés). Le pourcentage de patelles est beaucoup plus important que celui des escargots (88,6 face à 10,6 %). 5.2.2. L’altération des restes La conservation du matériel archéologique de Tito Bustillo n’est pas très bonne. Les coquilles apparaissent altérées (Tableau 4). 5.2.2.1. Épifaune. En premier lieu, nous devons évoquer les altérations sur les coquillages provoquées par les organismes marins avant que les groupes humains ne les pêchent sur la côte. Ces organismes (Polydora sp., Balanus sp., Spirorbis sp.) peuvent nous apporter des données de type paléoclimatique et préciser l’endroit sur la côte (zones plus ou moins exposées) où furent pêchés les mollusques. De plus, selon la localisation sur la coquille, ils nous indiquent s’ils « l’occupèrent » avant (s’ils se trouvent, par exemple, à l’extérieur de la coquille) ou après la mort du mollusque (s’ils se trouvent à l’intérieur). Un petit nombre d’individus apparaît attaqué par les annélides (Polydora sp.) (Fig. 6), qui perforent la surface des coquilles de P. vulgata et, dans une moindre mesure, de L. littorea. Dans la grotte, ces organismes affectent principalement les individus les plus vieux. Ils appartiennent probablement à l’espèce Polydora ciliata, espèce qui se développe dans les zones abritées. Elle est caractéristique des eaux froides et aujourd’hui on la retrouve sur les côtes de la Mer du Nord et
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E. Álvarez-Fernández / L’anthropologie 117 (2013) 62–93
Tableau 4 Tito Bustillo, Aire d’Habitat (Campagnes 1970–1986). Niveau 1 (Complexes supérieur et inférieur) et niveau 2. Altérations du matériel archéologique. Nous avons tenu compte de l’ICOM et de l’IFRA. Tito Bustillo, Living Area (Campaigns from 1970 to 1986), Levels 1 (Upper and Lower Complexes) and 2. Alterations in the shells. It only takes into account the ICOM (complete individuals) and the IFRA (fragmented individuals).
Polydora sp. Spirorbis sp. Balanus sp. Gastéropodes perforants Érosion marine Carbonisation (absence d’oxygène) Objets de parures Ocre Feu Concrétion de carbonate Décalcification
Niveau 1 (CS) n = 10987 (%)
Niveau 1 (CI) n = 5719 (%)
Niveau 2 n = 385 (%)
1,37 < 0,01 0 0,18 0,22 0 0,81 0,74 0,77 1,90 94,10
1,45 0,01 0,01 0,03 0,34 0,01 1,01 2,13 1,15 0,26 80,90
3,63 0 0 0 0 0 0 0,51 1,29 0,25 77,67
CS : Complexe supérieur ; CI : Complexe inférieur.
de la Mer Baltique. Ces polychètes construisent des galeries avec deux trous communiquant avec l’extérieur. Dans la majorité des cas ils attaquent seulement la surface externe des coquilles. Dans les patelles, des mud blisters, dont la fonction est de protéger et isoler ces vers en sécrétant de la nacre qui forme des protubérances, ont été détectés sur les surfaces internes (Baxter, 1984 ; Lauckner, 1980, 1983). À Tito Bustillo, ils existent des P. vulgata sur lesquelles ces vers ont réussi à traverser la coquille, surtout dans la zone proche des bords, pouvant aller jusqu’à blesser les tissus et les organes de quelques-uns des gastéropodes. La présence de Polydora sp. indiquerait qu’au moins une partie des mollusques provient des zones rocheuses abritées, protégées des fortes vagues. On a aussi répertorié des preuves de présence de Spirorbis sp. (Famille Serpulidae), annélides avec des tubes calcaires de petite taille en spirale qui habitent dans la zone intertidale. Les Spirorbis sp. apparaissent associés aux roches et aux algues (par exemple, Fucus serratus) (O’Connor et Lamont, 1978). Seulement deux spécimens de P. vulgata du niveau 1 présentent des tubes calcaires de ces vers (Fig. 7 gauche). Une seule coquille de Tito Bustillo porte des balanes sur sa surface externe. Il s’agit de trois individus de petite dimension situés sur une P. vulgata. Une plaque de balane est apparue isolée dans le CI (couche 1c). À cause de sa mauvaise conservation, nous n’avons pas pu déterminer l’espèce ou les espèces auxquelles elle appartient (Com. pers. R.-P. Carriol) (Fig. 7 droite). Les balanes sont caractéristiques de la zone intertidale (Southward, 2008). Les coquilles présentant des orifices provoqués par des mollusques lithophages (surtout de la famille des Muricidiae et Naticidiae) sont aussi rares. Ces gastéropodes percent la coquille avec leur radula (langue pourvue de microdents), laissant des perforations circulaires d’environ 4– 5 mm de diamètre (Fretter et Graham, 1962), qui dans le cas de quelques spécimens des deux complexes (CS et CI) les ont complètement traversés. Si les spécimens présentent ces perforations sur leurs surfaces, il est possible que les organismes perforants attaquent les animaux alors qu’ils sont encore en vie. Ces altérations ont été observées principalement sur les coquilles de mollusques sans intérêt bromatologique qui ont été récoltées sur les plages et qui, en partie, ont été transformées en objets de parures.
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Fig. 6. Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couches 1c et 1b). Exemples de Patella vulgata avec altérations de Polydora sp. sur sa surface (gauche) et à l’intérieur (droite). Tito Bustillo (Living Area, layers 1c and 1b). Specimens of Patella vulgata with perforations caused by worms of the Polydora genus on its surface (left) and inside (right).
5.2.2.2. Altérations mécaniques et chimiques. Du fait de l’exposition continue des patelles et des bigorneaux à l’action des vagues, les parties les plus extérieures, les apex, sont plus érodées que le reste de la coquille. Cela s’observe sur deux exemplaires plus âgés (de plus grande taille) répertoriés dans les deux niveaux de Tito Bustillo. L’action des vagues et du sable affecte les coquilles qui, une fois que le mollusque est mort, sont transportées et déposées sur les plages. L’érosion affecte les zones les plus pointues et présentant le plus de reliefs (umbos, dents de la charnière, apex, sculptures externes, etc.), bien que dans certains cas cela peut affecter toute la surface. Le Tableau 4 reflète seulement le pourcentage des coquilles qui, selon l’érosion qu’elles présentent, nous indiquent qu’elles furent ramassées sur la plage après la mort de l’animal. Dans le niveau 1, cela n’affecte exclusivement que les espèces sans valeur alimentaire (Trivia sp., Littorina obtusata, N. incrassatus, etc.), toutes de petite taille, sauf les spécimens de Glycymeris sp. et de Laevicardium norvegicum. La carbonisation ou l’encrassement des coquilles marines pour causes anaérobiques du fait d’être restées enterrées durant un certain temps sous le sable de la plage, a été observé sur un seul spécimen de L. obtusata du CI.
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E. Álvarez-Fernández / L’anthropologie 117 (2013) 62–93
Fig. 7. Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couche 1c). À gauche : Patella vulgata avec altérations de Spirorbis sp. et Polidora sp. À droite : Patella vulgata avec Balanus sp. sur sa surface. Tito Bustillo (Living Area, Layer 1c). Left: Specimen of Patella vulgata with alterations caused by worms of Spirorbis sp. and Polydora sp.; Right: Specimen of Patella vulgata with Balanus sp. on its surface.
5.2.2.3. Altérations provoquées par l’homme. Pour récolter les patelles, les groupes humains ont probablement imaginé de les frapper et de les séparer directement des roches. Ils ont tout aussi bien pu se servir de fragments d’os, d’éclats de silex, etc. Dans ce cas, en faisant levier entre le coquillage et la roche, parfois une partie des bords se brisait. Quelques patelles répertoriées dans les niveaux 1 et 2 présentent des bords cassés, probablement dus à leur séparation de la roche avec un instrument. Cependant, du fait du haut niveau de décalcification de l’ensemble malacologique, dû à des processus post-dépositionnels, ces empreintes de possible origine anthropique n’ont pas pu être identifiées comme telles avec certitude. Dans l’Aire d’Habitat, on a répertorié un total de 150 objets de parure en coquillages (ÁlvarezFernández, en préparation) et cela seulement dans le niveau 1 (Fig. 8). Ils ont été élaborés à partir d’un total de 20 espèces différentes, principalement des gastéropodes (plus de 94 %) et, dans une
Fig. 8. Tito Bustillo (Aire d’Habitat). Objets de parures provenant du niveau 1. CS : Complexe supérieur (n = 89) et CI : complexe inférieur (n = 58). Tito Bustillo (Living Area). Shellbeads from Level 1. CS: Upper Complex (n = 89) and CI: Lower Complex (n = 58).
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Fig. 9. Tito Bustillo. Objets de parure. De gauche à droite : Trivia sp. (Aire de Décoration) ; Cyclope pellucida (Aire d’Habitat, couche 1b), Littorina obtusata (Aire d’Habitat, couche 1a) et Nassarius reticulatus (Aire d’Habitat, couche 1a) ; en haut : Antalis sp. (Aire d’Habitat, couche 1b). Tito Bustillo. Shell beads. From left to right: Trivia sp. (Area of the Paintings); Cyclope pellucida (Living Area, layer 1b), Littorina obtusata (Living Area, layer 1a) and Nassarius reticulatus (Living Area, layer 1a); top: Antalis sp. (Living Area, layer 1b).
moindre mesure, des bivalves et des scaphopodes. Il s’agit dans la majeure partie des cas, de coquillages de petite taille qui appartiennent presque tous à des espèces manquant d’intérêt bromatologique. On observe une dominance de Littorina sp. de petite taille (L. obtussata y L. fabalis) et de Trivia sp., qui ensemble représentent un peu plus de 50 % du total. Le premier type est plus abondant dans le CI, tandis que le second se trouve dans le CS. Le reste est formé par des espèces présentes dans les deux complexes (H. sanguineum, N. incrassatus, Nucella lapillus, Aporrhais pespelecani). D’autres espèces ont été répertoriées, tant dans le CS (les gastéropodes Nassarius reticulatus, N. mutabilis, Turritella sp., C. pellucida, un gastéropode indéterminé, les bivalves Phalium saburon et Glycymeris sp. et le scaphopode Antalis sp.), que dans le CI (un
Fig. 10. Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couche 1a). Spécimen perforé de Nassarius mutabilis. Tito Bustillo (Living Area. Layer 1a). Perforated Nassarius mutabilis.
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Fig. 11. Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couche 1b). Patella vulgata avec des restes d’ocre à l’intérieur et à l’extérieur. Tito Bustillo (Living Area, layer 1b). Patella vulgata shell with ochre on the inside and outside.
gastéropode indéterminé et le bivalve Laevicardium novergicum) (Fig. 9 et 10). La majeure partie d’entre elles ont été récoltées sur les plages, pour preuves, les empreintes laissées par l’abrasion due à l’eau de mer et au sable. Les espèces ayant une valeur bromatologique qui ont été transformées en objet de parure sont très rares. On a répertorié seulement un spécimen de P. vulgata (CS) et cinq de L. littorea (trois provenant du CS et deux provenant du CI). Hormis les spécimens de Trivia sp., presque tous avec deux orifices, le reste possède une seule perforation située au bord du labre et, dans une moindre mesure, sur la face antérieure de la coquille. Pour sa fabrication, nous avons identifié plusieurs techniques (Álvarez-Fernández, 2006), bien que l’abrasion et la pression directe sur la coquille soient les plus utilisées. Un nombre important de pièces conserve des empreintes d’usure, principalement sur les contours des orifices, ce qui indique qu’elles ont été portées suspendues durant un laps de temps déterminé avant d’être perdues ou abandonnées. Ces preuves ont seulement pu être reconnues sur les spécimens les mieux conservés. On a aussi répertorié d’autres altérations dues à l’action humaine, une fois que les mollusques aient été préparés et consommés. En premier lieu, il faut indiquer la présence d’ocre dans les coquilles de patelles et d’escargots dans presque toutes les couches du niveau 1 (CS et CI) et dans le niveau 2. Bien que le pourcentage de coquilles avec de l’ocre soit de 1,11 % du total d’individus du gisement, le plus haut pourcentage appartient aux couches du CI du niveau 1 (Fig. 11). En ce qui concerne les patelles, dans les niveaux 1 et 2, nous avons rencontré un nombre important de spécimens possédant des restes d’ocre à l’extérieur, à l’intérieur ou sur les deux parties de la coquille. Les coquilles de P. vulgata avec des restes d’ocre à l’intérieur sont répertoriées dans le niveau 1 (34 dans le CS, 72 dans le CI) et dans le niveau 2 (seulement deux spécimens). Dans la majeure partie, la poudre est rougeâtre, mais nous avons aussi répertorié quatre spécimens avec des pigments jaunâtres provenant du CS. Une grande partie d’entre elles présente des restes abondant d’ocre écrasé, ce qui implique qu’elles auraient été utilisées comme
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Fig. 12. Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couche 1c et 1c2). Patella vulgata et Littorina littorea affectés par le feu. Tito Bustillo (Living Area, layers 1c and 1c2). Patella vulgata and Littorina littorea shells affected by fire.
récipients. L’étude des diamètres maximum des patelles des niveaux 1 et 2 (n = 50 ; moyenne : 38,7 mm) avec des traces de colorant indique qu’il n’y a pas de sélection par la taille. En plus des patelles, on a répertorié 20 coquilles de L. littorea, trois de L. obtusata et une de Acanthocardia sp. avec des traces de colorant rouge sur leurs surfaces externes. La majeure partie d’entre elles provient du niveau 1. Des restes de colorant rouge se sont conservés aussi sur les surfaces externes et dans les parties internes (mur, spire, etc.) plus de 20 % des objets de parure du niveau 1. Ces pièces ont, soit été teintées de façon intentionnelle, soit elles prirent la couleur d’un cordon teint de colorant ou encore au contact de la peau imprégnée d’ocre. Dans l’Aire d’Habitat, quelques-uns des restes de coquilles ont aussi été modifiés par le feu. Le pourcentage de spécimens brûlés est très bas (> 0,3 %). Il s’agit de deux coquilles de L. littorea provenant de la couche 1a et d’une coquille de N. lapillus qui a été transformée en objet de parure, et qui se trouvait dans la même couche. Etant donné la rareté des cas affectés par le feu, nous tendons à penser que le brûlage fut fortuit (Fig. 12). 5.2.2.4. Altérations taphonomiques. En dernier lieu, nous devons souligner les types d’altérations taphonomiques produits après l’enfouissement des coquilles dans le sédiment. Quelques-uns des restes apparaissent affectés par les précipitations calcaires dues à l’infiltration d’eau de ruissellement. Celle-ci affecte presque exclusivement les individus des deux niveaux du gisement. La couche 1a du CS est celle qui possède le plus de preuves. De cette couche superficielle proviennent quelques groupes de coquilles unis à d’autres matériels archéologiques par des concrétions calcaires. La carbonatation n’a pas empêché, cependant, de déterminer les espèces de mollusques du gisement. On doit aussi considérer la fragmentation des coquilles comme altération taphonomique, provoquées par des agents animaliers, anthropiques anciens (trampling) et modernes (dérivés du processus de fouille, lavage et stockage des restes), sédimentaires, etc. Dans la séquence de Tito Bustillo cette fragmentation affecte plus les bigorneaux que les patelles, puisque ces dernières possèdent une coquille plus résistante.
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Fig. 13. Tito Bustillo (Aire d’Habitat, couche 1b). Spécimen de Patella vulgata affecté par la décalcification. Tito Bustillo (Living Area, layer 1b). Patella vulgata shell affected by decalcification.
Pour finir, il est important de signaler aussi que presque la totalité des restes de tous les niveaux apparaît altérée, dans une plus ou moins grande mesure, par la décalcification. Les surfaces les moins bien conservées apparaissent corrodées, pulvérulentes et avec une couleur blanchâtre, probablement le résultat de la réaction aux conditions de son enfouissement (action de l’eau, etc.) (Fig. 13). La décalcification interdit l’étude des modifications anthropiques sur une partie des restes archéomalacologiques (perforations, empreintes de levier sur les patelles, etc.). 5.2.3. Biométrie Les études préliminaires sur la biométrie des espèces les plus abondantes documentées au niveau 1, P. vulgata (CS : n = 793 ; CI : n = 448) et L. littorea (CS : n = 386 ; CI : n = 136) indiquent que les dimensions sont similaires tant dans le CS comme dans le CI, avec des moyennes de ca. 39,5 mm de diamètre maximum pour les patelles et ca. 29,5 mm pour les bigorneaux. Ainsi, dans le cas des patelles, les exemplaires de diamètres inférieurs à 30 mm représentent 0,75 % dans le CS et 1,56 % dans le CI. Dans le cas des bigorneaux, les spécimens de hauteurs inférieures à 15 mm représentent 1,29 % dans le CS et 0,75 % dans le CI (Fig. 14). 5.3. Études des mollusques de l’Aire de Décoration, campagne de 1970 et 1984 Le sol de l’Aire de Décoration, laissé in situ lors de l’intervention de M.A. García Guinea en 1970, fut quadrillé et fouillé en 1984 (Moure Romanillo, 1990). Nous avons seulement répertorié quatre coquilles de mollusques ayant un intérêt alimentaire, trois P. vulgata et une L. littorea. Il faut ajouter la documentation de quatre objets de parure réalisés, tous, en coquilles de Trivia sp. (Álvarez-Fernández, en préparation) (Fig. 9). 6. Conclusions et premières réflexions sur l’exploitation des mollusques marins en Région Cantabrique durant le Magdalénien 6.1. Les restes de mollusques de Tito Bustillo Tito Bustillo est le gisement européen du Pléistocène supérieur comprenant le plus de restes de mollusque marins.
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Fig. 14. Tito Bustillo, Aire d’Habitat, niveau 1. Boxplots représentant la distribution de la longueur variable pour Patella vulgata (en mm) et de la hauteur (en mm) pour Littorina littorea. CS : Complexe supérieur ; CI : Complexe inférieur. Tito Bustillo, Living Area, Level 1. Boxplots showing the distribution of the variable length for Patella vulgata (in mm) and height (in mm) for the Littorina littorea. CS: Upper Complex; CI: Lower Complex.
Les fouilles réalisées par M.A. García Guinea et par J.A. Moure Romanillo dans l’Aire d’Habitat, à peu de distance de l’entrée originale de la grotte, scellée par un éboulement, ont rendu possible la découverte de presque 41 000 restes, à partir desquels on a déterminé plus de 17 000 individus. La majeure partie des restes est répertoriée dans le niveau 1, d’environ 50 cm d’épaisseur. Ce niveau fut divisé en deux complexes (Complexe supérieur et Complexe inférieur). Le niveau 2 fut à peine fouillé. La méthodologie de recueil du matériel archéologique de la première campagne de fouilles et celles des suivantes ne furent pas les mêmes. Dans la première, ont été recueillies les preuves les plus petites, alors que dans la seconde intervention on a utilisé des tamis de différentes mailles métalliques. La grande quantité de restes de petite taille récupérée indique que des tamis de deux ou trois millimètres de lumière ont été utilisées. Bien qu’une bonne partie d’entre eux apparaisse altérée (principalement par la décalcification et la fragmentation), l’identification des espèces de mollusques marins n’a pas présenté de grande difficulté. L’analyse de toutes les preuves archéofaunistiques (fragments, individus fragmentés, individus complets) a permis une meilleure précision du NMI de chacun des niveaux identifiés, tout comme la découverte d’espèces de petite taille (Natica sp.), et de grande taille, complètes (N. mutabilis) et fragmentées (Charonia rubicunda, Scrobicularia plana, etc.), qui avaient été non découvertes ou mal classifiées lors des études précédentes. Avec cette révision, le nombre d’objets de parure réalisés en coquilles de mollusques a aussi été précisé. Ainsi, quelques-unes des pièces perforées avaient été considérées, dans les études antérieures, comme de la faune ; d’autres, classifiées comme objets de parure, n’en sont pas. Enfin, parmi les restes de petite taille7, ont été répertoriés des objets de parure fragmentés. À Tito Bustillo la presque totalité des restes appartient à des espèces ayant un intérêt alimentaire (> 97,5 %). Les mollusques ont été recueillis exclusivement sur les substrats
7 La révision des ces restes a rendu possible le développement des restes de mollusques terrestres, des poissons (vertèbres) et des crustacés (deux pinces de crabe et une plaque de balane). On a répertorié aussi des objets de parure réalisés dans d’autres matières premières (os, dents, etc.).
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rocheux, probablement sur la côte voisine du gisement. P. vulgata est l’espèce la plus abondante (entre 58 % et 88,8 %), suivie de L. littorea. En plus des patelles et des bigorneaux, il y a aussi de rares preuves (< 1 %) de Mytilus sp. et d’autres espèces comme Gibbula sp., qui proviennent de la zone intertidale, mais aussi de substrats rocheux, et qui ont aussi pu être récoltées comme nourriture. Ces espèces furent probablement récoltées durant la marée basse. Les preuves de mollusques provenant de substrats sableux et vaseux (par exemple, S. plana, Cerastoderma sp.) sont de simples témoignages. P. vulgata et L. littorea sont des espèces de gastéropodes qui se développent très bien dans les eaux froides. L’absence totale sur le site de mollusques d’espèces habitant les eaux plus chaudes, comme la patelle Patella intermedia et Patella ulyssiponensis, et l’escargot Osilinus lineatus indiquerait que la température de la surface de la mer était plus froide qu’actuellement. De plus, la quasi absence de balanes dans le gisement serait aussi un indice d’eaux froides. La présence de vers de P. ciliata sur quelques patelles et quelques bigorneaux nous indiquerait que quelques-uns furent récoltés dans une zone abritée de la côte et que la température de l’eau était plus froide qu’actuellement. La présence de Spirorbis sp. indiquerait que quelques patelles furent recueillies dans la zone intertidale. On observe une sélection intentionnelle de deux espèces de gastéropodes, P. vulgata et L. littorea, probablement parce qu’elles étaient les plus abondantes. Les données sur la biométrie de ces restes indiquent qu’il n’y a pas de différence entre les tailles des gastéropodes du CS et du CI du niveau 1, ni entre ceux du niveau 1 et du niveau 2. Dans ces niveaux, nous remarquons une sélection des individus les plus gros, c’est-à-dire, les plus mûrs et qui ont donc le plus de chair, tandis que les plus petits individus n’étaient pas ramassés, ils étaient laissés entre les rochers, sûrement pour assurer les récoltes ultérieures. Le ramassage des escargots n’impliquerait aucun effort, ils se détachent facilement de la roche. Dans le cas des patelles, un instrument rigide et résistant est nécessaire pour faire levier. L’utilisation de cette technique provoquerait des cassures sur les bords des patelles, comme on peut l’observer sur les coquilles trouvées dans le gisement. Pour ce qui est des moules qui vivent en groupe, il paraît possible de tirer sur chacune d’elle avec force pour les séparer du byssus, peut-être en employant aussi un instrument de pierre pour le couper (Madariaga, 1976). La présence de grandes quantités de coquilles de mollusques à Tito Bustillo, nous indique qu’ils ont été ramenés non préparés sur le site, probablement dans des récipients fabriqués en fibres végétales. Cependant, nous ne pouvons pas écarter la réalisation d’autres pratiques sur la côte, par exemple la consommation in situ ou la préparation d’une partie des mollusques. Une fois ramenés à la grotte (datée du Magdalénien) située à une distance de 4 à 9 km de la côte, les mollusques étaient consommés aussitôt ou stockés durant plusieurs jours8. Patelles et bigorneaux se conservent quelques jours en dehors du milieu marin à température ambiante. Le temps de conservation augmente si on les recouvre d’algues ou si on dispose les patelles les unes sur les autres pour éviter qu’elles se dessèchent. Il faut signaler aussi qu’en cas de basse température, ces gastéropodes peuvent survivre trois ou quatre semaines, étant donné que ce sont les espèces qui présentent une meilleure capacité de résistance au dessèchement (Madariaga, 1975b ; Ortea, 1986), nous considérons que cela serait aussi un critère utilisé par les groupes humains pour leur sélection. Suivant les études ethnographiques, nous pouvons noter que probablement, la chair était extraite après que les mollusques aient été cuisinés ou grillés. Dans les cas des patelles, 8
Peut-être l’existence de fosses dans l’Aire d’Habitat (A. Moure Romanillo, communication personnelle) doit être mise en relation avec le dit stockage.
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la chair se sépare facilement, alors que pour extraire celle des bigorneaux on utiliserait plutôt des instruments aiguisés et effilés (par exemple, des os pointus). Cependant, pour ce qui est des patelles nous n’écartons pas d’autres formes de préparation comme le fumage, le séchage ou la salaison, qui permettraient le stockage. Toutes ces options de préparation et de conservation des mollusques ont été largement documentées dans le registre ethnographique (Claassen, 1999 ; Meehan, 1982 ; Swanton, 1979 ; Waselkov, 1985). Au sujet de la distribution des restes dans le gisement, il faut préciser que, sauf dans le carré VI.J (prés de l’éboulement), apparaissent des mollusques dans tous les carrés et toutes les couches du niveau 1. Cependant, la distribution des coquilles de mollusques n’est pas uniforme. Nous avons sélectionné les carrés XII.F, XIIIF, XI.D, XII.D, XIC et XIIC, qui ont une stratigraphie complète (CS et CI du niveau 1) et nous avons calculé la moyenne des patelles et des bigorneaux par m3. Le nombre d’individus au m3 du CI (4057) est plus du double de celui du CS (1758). De cette façon, nous n’observons pas de différences dans les pourcentages de la composition malacologique des deux complexes, ce qui confirmerait ce qui fut publié sur les ensembles d’artefacts lithiques et osseux (Moure Romanillo, 1990, 1997), mais il y a une différence sur les quantités d’individus au m3. Dans tous les carrés dans lesquels on a commencé à fouiller le niveau 2, on a répertorié des restes de mollusques. Pour savoir quelle fut l’importance réelle des ressources malacologiques dans le régime alimentaire des habitants de l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo, on doit les mettre en relation avec les restes biotiques (restes archéobotaniques et autres restes archéofaunistiques) répertoriés dans le gisement. En ce qui concerne les restes végétaux, seule a été publiée l’information sur le pollen (Boyer-Klein et Leroi-Gourhan, 1987). L’existence de pollen de noisetier dans le niveau 2 pourrait peut-être indiquer la récolte de ses fruits à fins alimentaire. D’autres végétaux comme la bruyère (niveau 1) et le bouleau (niveau 2) pourraient avoir été utilisés à des fins médicinales. Les données sur le reste des preuves faunistiques du gisement (mammifères, poissons, crustacés) ne sont pas non plus abondantes. Seuls ont été étudiés et publiés les restes déterminables de mammifères (n = 5107) des premières campagnes de fouille (jusqu’à la campagne de 1975, comprise) (Fuentes et Mejide, 1975 ; Altuna Echave, 1976). Ceux-ci présentent une dominance dans toutes les couches du CS et du CI (niveau 1 et niveau 2) du cerf (> 78 %), et du bouquetin. Le cheval, l’aurochs et le chamois les suivent avec une fréquence notable, tandis que la présence d’autres mammifères, comme le renne ou le chevreuil, est occasionnelle. En ce qui concerne les mammifères d’origine marine J. Altuna (1976) détermina trois restes de phoque. Il s’agit d’un astragale de Phoca vitulina/Helichoerus grypus, un autre de P. hispida, provenant tous deux de la couche 1a (CS) et un humérus sans les épiphyses d’un animal très jeune de la couche 1c (CI). Les restes de poissons provenant des campagnes 1972 et 1982 furent étudiés par A. morales et E. Roselló, qui citèrent la présence de Salmo truta truta (truite de mer), tant dans le CS que dans CI. Cette espèce fut pêchée dans la zone de l’estuaire. Dans le CS on cite également un reste de Salmo salar (saumon) et un otolithe de Pleuronectiniforme (poisson plat) (Morales, 1984 ; Moure Romanillo, 1990). Les uniques restes de crustacés (mis à part les balanes) que nous avons identifié sont deux pinces de crabes. Dans le gisement, il n’y a pas de restes d’échinodermes répertoriés.
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Les études préalables de type saisonnier sur les mammifères et les mollusques, qui seront à confirmer dans l’avenir, indiqueraient que l’Aire d’Habitat aurait pu être occupée tout au long de l’année (Altuna Echave, 1976 ; Madariaga, 1975b). Il faut signaler qu’après avoir été transportées à la grotte et consommées, quelques-unes des coquilles de patelles (< 1,5 %) furent probablement utilisées comme récipients pour colorant (principalement rouge). La présence de ces preuves, qui se distribuent sur une grande partie des carrés fouillés, conjointement à des fragments de minéraux tant à l’état brut qu’avec des traces d’abrasion et de taille de facette, des galets ronds considérés comme des pilons à colorants et d’autres preuves avec des taches d’ocre, comme des plaques de grés et des coquilles de mollusques (patelles et escargots) avec des traces d’ocre sur leur surface, indiquerait qu’au moins dans le CS et dans le CI du niveau 1 se fabriquait de l’ocre. Peut-être, comme le suggère Moure Romanillo (1989), cette « production » doit être mise en relation avec la technologie de l’hampe (comme abrasif) et avec l’exécution de peintures dans la grotte. L’origine de ce colorant serait peut-être locale. Dans la grotte elle-même, on a découvert des dépôts géologiques d’ocre (Iriarte et al., 2009; Hernanz et al., 2011). Dans cette zone de la grotte, en plus de coquilles de mollusques recueillies pour leur intérêt alimentaire, ont été répertoriées les coquilles d’autres espèces de petite taille. Dans le niveau 1, ce type de preuves représente seulement un pourcentage inférieur à 2,5 % (2,37 % dans le CS et 2,18 % dans le CI). Dans le niveau 2, le pourcentage est inférieur à 1 %. Il s’agit quasi exclusivement de gastéropodes, en l’occurrence L. obtusata est l’espèce la plus abondante. Beaucoup de coquilles présentent des altérations sur leur surface, ce qui indique qu’elles furent probablement récoltées sur les plages après la mort de l’animal. Ces altérations seraient dues à l’érosion des vagues et du milieu sablonneux, à des perforations par des mollusques lithophages et à la carbonisation. Puisque la majeure partie des espèces se trouve dans la Région Cantabrique actuellement, nous considérons que leurs coquilles furent récoltées sur les plages, peut-être proches du gisement. Cependant, nous devons compter avec la présence d’espèces qui vivent seulement sur les côtes méditerranéennes et qui purent seulement être ramassées sur ces plages. Une grande partie des mollusques du niveau 1 qui n’a pas été récoltée comme nourriture a été transformée en objets de parure (34,7 % du CS et 46,4 % du CI) (Álvarez-Fernández, en préparation). À Tito Bustillo, on a répertorié 20 espèces différentes. L. obtussata et Trivia sp. sont les escargots les plus utilisés comme parure et ensemble ils dépassent 50 % des preuves du niveau 1. La première espèce est plus abondante dans le CS, la seconde l’est dans le CI. L’existence d’une coquille de L. obtusata avec des débuts de fabrication d’un orifice à sa surface indiquerait qu’il est possible qu’au moins une partie des objets de parure se fabriquait sur le gisement. Cependant, la présence d’objets de parure élaborés avec des coquilles d’espèces méditerranéennes nous évoque des contacts à longue distance avec des groupes éloignés du gisement. Les escargots répertoriés (H. sanguineum, C. pellucida, N. mutabilis) apparaissent toujours perforés et avec des empreintes d’usure sur les contours, ce qui indiquerait que ces pièces furent fabriquées possiblement en région méditerranéenne. Le reste des coquilles non modifiées peut être interprété comme matière première ramassée sur la plage et rapportée au gisement pour la fabrication d’objets de parure. Il faut préciser que 60 % des mollusques sans intérêt bromatologique qui ont été transformés en objets de parure, conservent des restes d’ocre en surface. Cela peut être interprété soit comme une teinture intentionnelle des pièces, soit comme une teinture indirecte (contact avec un lien, avec la peau, etc. imprégnés de colorant). Concernant la distribution de ce type d’objets, nous pouvons avancer qu’ils se trouvent en une grande partie de la surface fouillée et qu’on observe des concentrations d’espèces déterminées dans des carrés et des couches déterminés, ainsi, les huit spécimens de H. sanguineum du CI
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proviennent tous du carré XIIF, couche 1c. Le même phénomène s’observe avec d’autres types d’objets de parure réalisés avec d’autres matières premières d’origine animale et minérale (Álvarez-Fernández, 2006 ; Álvarez-Fernández, en préparation). En plus de l’Aire d’Habitat, M.A. García Guinea et J.A. Moure Romanillo fouillèrent dans l’Aire de Décoration, située à plus de 150 m de l’entrée originale de la grotte. Ici, face à la zone fouillée à l’entrée, les restes de mollusques répertoriés sont très rares (trois P. vulgata, une L. littorea et quatre Trivia sp.). Ce petit nombre de coquillages doit être mis en relation avec l’exécution des peintures (Álvarez-Fernández, 2006), ainsi qu’avec le reste des objets lithiques, osseux, etc. répertoriés ici (Moure Romanillo, 1989, 1990, 1997). La présence de restes osseux met en avant le fait que des bouquetins entiers furent amenés dans cette zone de la grotte, ce qui nous mettrait devant une zone rituelle liée à l’art pariétal. 6.2. Tito Bustillo et l’exploitation des mollusques au cours du Magdalénien dans la Région Cantabrique La présence de grandes accumulations de mollusques dans des gisements magdaléniens déterminés de la côte cantabrique nous indique l’importance qu’ils avaient dans le régime alimentaire des groupes de chasseurs-cueilleurs qui habitaient les grottes plus ou moins proches des côtes. Le nombre de site était probablement plus important, cependant la montée du niveau de la mer aux débuts de l’Holocène submergea les plus proches des côtes (Álvarez-Fernández, 2011 ; Fano, 2007). Au Magdalénien, les espèces de mollusques les plus pêchées sont celles qui habitent les substrats rocheux, alors que les pêches en substrats sableux et vaseux sont très rares. P. vulgata et L. littorea, des gastéropodes vivant en zones d’estuaire et en zones de côte ouverte dans lesquelles l’action de la houle est modérée, sont pratiquement les seules espèces qui ont été récoltées comme aliment sur les sites avec industries datées du Magdalénien inférieur (El Juyo, Altamira, Erralla et niveaux 19/20 et 20 de La Riera) (Madariaga et Fernández, 1987 ; Ortea, 1986 ; Álvarez-Fernández, 2009, 2010b ; Altuna Echave, 1985 ; Álvarez-Fernández, 2011) et moyen (Galerie Inférieure de La Garma, Zone I) (Arias et al., 2011). Dans tous ces gisements, P. vulgata est l’espèce la plus abondante. Dans les gisements du Magdalénien supérieur (niveau 26 de La Riera, de La Garma A, de La Pila et de La Fragua) (ÁlvarezFernández, 2012, sous presse a ; Ortea, 1986 ; Gutiérrez, 2009), en plus des espèces précédemment citées, P. intermedia, O. lineatus qui occupe la zone intertidale haute et moyenne et P. ulyssiponensis qui occupe la zone intertidale basse, beaucoup plus battue par des vagues, commencent à avoir de l’importance dans le régime alimentaire des groupes humains (ÁlvarezFernández, 2011). Mytilus sp., qui occupe la zone intertidale, est l’unique bivalve présent dans des contextes magdaléniens, et il fut probablement ramassé comme aliment. Ainsi, d’après les données disponibles, la composition malacologique des niveaux de l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo est similaire à celle des gisements du Magdalénien inférieur (Altamira, Juyo et Erralla) (Fig. 15). La présence de P. intermedia, de O. lineatus et de P. ulyssiponensis indiquerait une augmentation de la température de l’eau superficielle de la mer, étant donné que ces espèces se développent mieux dans les eaux chaudes (Álvarez-Fernández, 2011). Ainsi, durant le Magdalénien, la température de l’eau serait plus basse qu’actuellement. On peut le déduire grâce à l’observation d’espèces de balanes qui occupent aujourd’hui les eaux du nord de l’Europe. Semibalanus balanoides (Linnaeus, 1767) est présent au Magdalénien inférieur à Altamira et au Magdalénien moyen à La Garma A et Balanus crenatus (Bruguière, 1789), dans ce dernier
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Fig. 15. Pourcentage de mollusques répertoriés dans les gisements de la Région Cantabrique datés du Magdalénien. Seuls sont pris en compte les niveaux ayant un NMI supérieur à 100. Percentages of molluscs documented at sites in Cantabrian Spain in the Magdalenian period. It only takes into account the levels where the Minimum Number of Individuals is greater than 100.
gisement (déterminations du Dr. Y. Gruet) (Álvarez-Fernández, 2009, 2010a, 2010b, 2010c). Cependant, la présence de balanes associées à des coquilles de mollusques marins, dans des gisements antérieurs à l’Holocène est très rare. Ces crustacés se développent beaucoup mieux dans les eaux chaudes et sont beaucoup plus abondants dans les gisements de la Région Cantabrique datés du Mésolithique et à des périodes postérieures. Pour ce qui est de la biométrie des espèces les plus abondantes, les premières données pointent le fait que la taille moyenne de P. vulgata dans les gisements datés du Magdalénien inférieur se situe entre 40,5 (Erralla, niveau V) et 45 mm (Altamira, niveaux 1 et 2), alors que dans les gisements datés du Magdalénien supérieur, comme La Garma A, le diamètre est d’environ. 35 mm. Dans le cas de L. littorea, au Magdalénien inférieur d’Altamira et d’El Juyo, la hauteur maximum se situe entre 27,5 et 29,5 mm ; au Magdalénien supérieur de La Garma A, la moyenne de la hauteur est de 21 mm (Álvarez-Fernández, 2009 ; Álvarez-Fernández et al., 2011). De cette façon, les moyennes des deux gastéropodes répertoriés au niveau 1 de l’Aire d’Habitat de Tito Bustillo paraissent garder plus de relation avec ceux répertoriés dans les gisements magdaléniens anciens qu’avec ceux des gisements récents. De même qu’à Tito Bustillo, dans les différents niveaux d’El Juyo (Madariaga et Fernández, 1987) on observe une sélection des spécimens de plus grande taille, tant de patelles que de bigorneaux. Durant le Magdalénien, la pêche des mollusques avait probablement lieu à toutes les périodes de l’année. Cependant, et jusqu’à cet instant, l’étude d’analyses isotopiques sur les coquilles a été achevée sur quelques échantillons provenant de La Riera. Au Magdalénien inférieur (niveau 19), P. vulgata (n = 30) était pêchée en été, en automne et en hiver. Au Magdalénien supérieur (niveau 26), P. vulgata (n = 19) et P. intermedia (n = 14) étaient pêchées à toutes les saisons de l’année (Bailey et Craighead, 2004). Au Magdalénien, les gisements sur lesquels ont été répertoriées des preuves abondantes de mollusques marins n’étaient pas à plus de 16 km de la côte. Cette distance est la limite proposée par Buchanan (1988) pour le ravitaillement en mollusques par les groupes de chasseurs-cueilleur.
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Dans cette limite, se trouvent deux des sites sur lesquels ont été récupérés le plus de restes de mollusques marins durant cette période, El Juyo et Altamira. Dans d’autres gisements magdaléniens situés plus à l’intérieur, les restes de mollusques ayant une valeur bromatologique sont très rares (par ex. Las Caldas et El Horno) (Fano et Álvarez-Fernández, 2010). Cependant, l’absence de coquilles de mollusques ou d’autres animaux dans les gisements magdaléniens ne veut pas dire que les groupes ne s’en alimentaient pas. Ainsi, et dans le cas des patelles, les groupes humains pouvaient les récolter sur la côte et extraire la chair sur le même lieu (abandonnant les coquilles ici). Postérieurement, la chair était transportée au gisement où elle était consommée ou stockée (fumée, séchée, etc.) pour une consommation différée dans le temps. Les données archéofaunistiques pouvant préciser le rôle que jouèrent les mollusques marins dans l’alimentation des groupes de chasseurs-cueilleurs magdaléniens sont très rares, car soit les restes de la faune sont en cours d’étude (La Garma A, Altamira) ou seule une partie a été étudiée (Tito Bustillo, El Juyo) ou encore parce que l’information quantitative interdit toute comparaison (fouilles anciennes, absence de mollusques dans le gisement, etc.). À partir des données de La Riera, dans lesquelles sont comparés les poids des restes osseux de macromammifères et celui des coquillages (Ortea, 1986 ; Craighead, 1999), il est conclu que les mollusques furent toujours un complément à la diète et qu’ils furent recueillis de façon occasionnelle jusqu’au Magdalénien supérieur et, c’est à partir de ce moment, que leur ramassage a été plus intensif. Cependant, dans ces études, il n’a pas été tenu compte des altérations taphonomiques qui ont affectées les restes osseux, les restes malacologiques (précipitation calcique, décalcification, etc.) des différents niveaux de La Riera, altérations qui sont présentes en d’autres collections faunistiques de gisements en grotte de la fin du Pléistocène supérieur dans la Région Cantabrique, comme par exemple Altamira (Álvarez-Fernández, 2009, 2010b) ou La Garma A (Álvarez-Fernández, sous presse a). En plus des mollusques, dans les gisements magdaléniens se trouvent d’autres preuves archéologiques d’autres restes d’origine marine. Les rares restes osseux de mammifères marins indiqueraient que les groupes humains profitaient de phoques (Santa Catalina) et de cétacés (Las Caldas) échoués sur la côte, où leur chair était découpée, et postérieurement transportée au gisement. Les rares restes de crustacés (crabes) indiquent que leur capture fut opportuniste, c’està-dire qu’ils furent attrapés durant la pêche aux mollusques. Dans le cas des oursins marins (La Garma A), des oiseaux et des poissons (Santa Catalina), leur exploitation commença à avoir de l’importance durant le Magdalénien supérieur (Álvarez-Fernández, 2011). Une fois les patelles vidées, leurs coquilles dans quelques cas étaient utilisées comme récipient à colorant. En dehors de Tito Bustillo, ce type d’utilisation a été répertoriée dans les niveaux du Magdalénien inférieur à Altamira (Álvarez-Fernández, 2009, 2010b). En plus des coquilles de mollusques ayant un intérêt alimentaire, dans presque tous les gisements magdaléniens de la Région Cantabrique apparaissent des coquillages de petite taille, qui habituellement sont transformés en objets de parure. Ils étaient ramassés sur les plages, où ils étaient choisis probablement pour leur couleur, leur forme, leur relief, etc. Bien qu’avec beaucoup moins d’échantillons qu’à Tito Bustillo (niveau 1), El Juyo (niveaux 9 à 4) et La Garma A (niveau L) sont les gisements de références. De même qu’à Tito Bustillo, sur ces gisements domine l’utilisation des espèces L. obtussata et Trivia sp. Dans le cas des niveaux F et G de Urtiaga, qui présentent un nombre de preuves supérieur à celui de Tito Bustillo, l’espèce dominante est L. obtussata (Álvarez-Fernández, 2006). La présence d’objets de parure faits d’espèces récoltées comme aliment est rare, par exemple Patella sp. du niveau D de Urtiaga (Magdalénien supérieur) et L. littorea du niveau D de Cueto de la Mina (Magdalénien inférieur).
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Dans ce domaine, l’utilisation de mollusques marins qui aujourd’hui se trouvent sur les côtes atlantiques domine. La présence d’espèces méditerranéennes s’observe, outre à Tito Bustillo, sur des gisements comme au niveau 17 d’El Mirón (Magdalénien inférieur), d’où provient un exemplaire de H. sanguineum, au niveau L de La Garma A (Magdalénien moyen) avec un exemplaire de Zonaria pyrum et au niveau 1 d’El Horno (Magdalénien supérieur) avec un exemplaire de N. mutabilis. Ces preuves malacologiques, de même que l’observation d’autres preuves (autres objets de parure avec des formes et des décorations caractéristiques et autres pièces d’art mobilier) consolident l’existence des contacts à longue distance avec des groupes de chasseurs-cueilleurs de territoires très éloignés (Álvarez-Fernández, 2005, 2006 ; Rivero et Álvarez-Fernández, 2009). La presque totalité des objets de parure en coquillages (et dans d’autres matières premières, comme des dents, des os ou des bois de cervidés) proviennent des aires d’habitat de grottes ou d’abris. Cependant, ce type d’objets se rencontre dans des zones éloignées de l’entrée des grottes. Ainsi, en plus de l’Aire de Décoration de Tito Bustillo, où tous les restes sont de Trivia sp., en Région Cantabrique ont été répertoriés des objets de parure dans la Zone IV de la Galerie Inférieure de La Garma (L. obtusata, Trivia sp., Natica sp et N. reticulatus), bien qu’ils ne proviennent pas d’une fouille mais de l’étude de la surface. Ces objets sont en relation avec la création de l’art pariétal et peut-être se rapportent-ils à des activités cérémonielles ou rituelles menées dans ces parties éloignées de l’entrée des cavités (Álvarez-Fernández, 2006 ; Arias et al., 2011). L’étude d’autres preuves archéologiques répertoriées sur les gisements (analyses d’autres preuves faunistiques, provenance des matières premières lithiques, analyses isotopiques des restes humains, etc.) précisera, dans le futur, l’importance que tenaient les milieux côtiers pour les groupes de chasseurs-cueilleurs durant le Magdalénien.
Remerciements Nous remercions le Dr J. Alfonso Moure Romanillo pour nous avoir confié le matériel archéologique des dernières fouilles effectuées à Tito Bustillo afin de l’étudier, ainsi que Miriam Cubas, Marián Cueto et Alejandro Gomez pour leurs commentaires du texte et R.-P. Carriol pour l’étude des balanes. Nos remerciements vont aussi aux personnels du Musée Archéologique des Asturies et du Musée de la Préhistoire et de l’Archéologie de Cantabrie pour les facilitations qu’ils nous apportèrent dans l’étude des restes archéomalacologiques. Ces recherches ont été financées par le Plan National de I+D+I du Ministère des Sciences et de l’Innovation (HAR201129907-C03-03/HIST) (Chercheur principal, Esteban Álvarez-Fernández).
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