Annales Médico Psychologiques 162 (2004) 588–594
Communication
Le bullying (ou victimisation) en milieu scolaire : description, retentissements vulnérabilisants et psychopathologiques Bullying at school: description, vulnerability and psychopathological repercussions R. Fontainea, Ch. Réveillèreb* a
Professeur de psychologie du développement de psychologie clinique et de psychopathologie Université François-Rabelais, EA 2114, département de psychologie, 3 rue des Tanneurs, B.P. 4103, 37041 Tours cedex 1, France bProfesseur
Disponible sur internet le 31 juillet 2004
Résumé Le bullying est une violence répétitive, physique et/ou psychologique, perpétrée par un ou plusieurs agresseurs (bully), à l'encontre d'une victime (bullied) dans une relation de domination. Il concernerait environ 10 % des relations sociales en milieu scolaire. Les caractéristiques psychologiques voire psychopathologiques des victimes et des agresseurs ont été étudiées et des typologies interactionnelles repérées. Le bullying peut avoir un retentissement vulnérabilisant, voire pathogène. Les symptômes les plus souvent décrits chez les victimes sont : l’anticipation anxieuse voire la « phobie scolaire », les manifestations psychotraumatiques, les états dépressifs et l’idéation suicidaire (avec parfois passage à l'acte), la somatisation, les troubles du sommeil… L’impact du bullying sur la trajectoire développementale est important. L'ampleur du problème est telle dans certains établissements scolaires que l'on peut alors évoquer une véritable culture de la domination qui polarise tout le fonctionnement ainsi que les comportements. Une première étape de repérage et de sensibilisation au phénomène de bullying paraît donc nécessaire afin que cela incite à un travail de liaison entre les professionnels des milieux scolaires, de la santé, de l’Aide Sociale à l’Enfance, de la Justice ainsi qu’avec les familles. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract “Bullying” is a repetitive physical and/or psychological violence perpetrated against one victim (“bullied”) by one or more “bullies” exerting a moral pressure. Ten per cent of social relationships within school environments are believed to be concerned. Bullying may imply vulnerability if not pathogenic consequences. Attackers’ and victims’ psychological and even psychopathological features have been studied and interactional typologies have been identified. The symptoms which are most often revealed by victims are: anxious anticipation or even “school phobia”, psycho traumatic expressions, depressive states and suicidal ideation (sometimes leading to act), somatization, sleeping disorders… ; the impact of bullying on the developmental trajectory is important. The extent of the problem is so large in some schools that a real domination culture exists which polarizes the whole management of the institution as well as behaviours. A first identification stage including a close collaboration with school environment, healthcare, children social assistance and justice professionals as well as with families seems necessary. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Bullying ; Harcèlement ; Milieu scolaire ; Prévention Keywords: Bullying; Harassment; School environment; Prevention
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.amp.2004.06.009
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1. Introduction Le bullying est une relation sociale stable instaurant entre le (ou les) agresseur(s) et la (ou les) victime(s) un pattern dynamique de relation qui cristallise les statuts des acteurs (agresseur ou bully versus victime ou bullied) [22, 24, 25, pour revue 10]. L'ampleur du problème est telle dans certains établissements scolaires que l'on peut alors évoquer une véritable culture de la domination qui polarise tout le fonctionnement de l’établissement ainsi que les comportements sociaux. Des typologies et caractéristiques psychologiques individuelles ainsi que des types de patterns interelationnels entre agresseurs et victimes impliqués ont été établis [10, 23, 39]. Ce pattern de relation « dominationsoumission » peut en effet avoir un retentissement vulnérabilisant, voire pathogène, notamment psychotraumatique, sur les victimes. Les conséquences psychopathologiques sur ces dernières commencent à être mieux connues. En France, la clinique du trauma chez l’enfant et chez l’adolescent a été étudiée essentiellement à partir de violences intrafamiliales ou sociétales et, pour ces dernières, individuelles (rapt d’enfant, viol…) ou collectives (tremblement de terre, guerre, attentats, prise d’otage…) [9] ; rares sont les études qui abordent le fait que le milieu scolaire lui-même puisse être un lieu d’exposition à des traumatismes répétitifs [10, 26]. Cet article a pour objectif d’aborder 2) les questions de terminologies, de définition et de distribution du bullying ; 3) les typologies individuelles et interactionnelles ; 4) les conséquences cliniques et psychopathologiques et l’impact sur les trajectoires développementales ; 5) les actions possibles, la France, pays où la sensibilisation à ce problème est encore faible, pouvant tirer enseignement de divers programmes d’intervention mis en place dans d’autres pays. 2. Terminologies et définition, prévalence du phénomène 2.1 Le bullying Le bullying est une violence répétitive, physique et/ou psychologique, perpétrée par un ou plusieurs agresseurs (bully), à l'encontre d'une victime (bullied) dans une relation de domination [10, 22, 24, 25]. Les auteurs américains emploient le terme de victimisation, les Québécois celui d'intimidation ; parfois encore, le terme de harcèlement est proposé [33]. Heineman [ 15] est le premier à avoir écrit sur le thème du bullying en milieu scolaire mais sous le terme norvégien « mobbning ». Il limite le phénomène aux actions nuisibles conduites par un groupe sur un individu. Olweus [24, 25] va élargir le bullying aux attaques répétées d’un enfant dominant sur un enfant victimisé. Les premiers travaux se sont limités aux formes directes de l’attaque physique et des railleries verbales. Il ne reconnaît pas dans ses premières recherches l’existence de formes indirectes. Ces dernières se caractérisent par leur absence de manifestation explicitement observable et par une action médiatisée par une tierce
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partie. Les exemples les plus fréquents sont les commérages, la propagation de rumeurs, en particulier à caractère sexiste et raciste, et l’exclusion ou l'organisation de l'ostracisme social qui interdit l’intégration d’un enfant dans un groupe de pairs. On distingue désormais, dans la plupart des recherches [29], le bullying physique et verbal direct et le bullying indirect ou relationnel. Twemlow [38] présente le bullying ou la victimisation comme une dialectique dans laquelle la spécificité du mode relationnel qui s’instaure entre l’agresseur et la victime crée un pattern dynamique de réactions pathologiques (cf. « typologies » infra). S’instaurant dans le temps, chacun finit par adopter son rôle. Une relation de bullying peut aussi se caractériser par la présence d'un spectateur ou d’une tierce personne qui influence directement le rapport de force entre agresseur(s) et victime(s). Le bullying est observé à toutes les périodes de la vie et dans toutes les structures sociales : de la famille jusqu’au monde du travail ou encore celui de la maison de retraite. Le présent article n’abordera que la situation scolaire. En conclusion, le bullying direct ou indirect se caractérise par trois critères : z comportement agressif et intentionnellement nuisible ; z répétitif, ce qui le ramène au harcèlement ; z qui s’établit dans le cadre d’une relation interpersonnelle dissymétrique caractérisée par une domination. 2.2 Prévalence du phénomène de bullying L’évaluation de la prévalence repose essentiellement sur un ensemble de recherches menées exclusivement dans des établissements scolaires de pays riches. De nombreuses enquêtes ont en effet été conduites à travers le monde, particulièrement en Europe du Nord et en Amérique du Nord. Dans la plupart des recherches, le questionnaire élaboré par Olweus sert d’outil de référence sur des bases de plus en plus internationales [20]. Il s'agit d'un questionnaire d'autoévaluation dans lequel la définition du bullying est clairement expliquée à l'enfant ou l'adolescent avant qu'il détermine s'il est un agresseur, une victime ou étranger au phénomène. La passation peut être anonyme ou non, individuelle ou collective. Dans tous les cas, la confidentialité des réponses est garantie, sauf dans les cas de mise en danger d'une victime. La prévalence du bullying est importante : environ 10 % des enfants et adolescents scolarisés sont impliqués dans une relation de bullying. L’étude la plus exhaustive est celle conduite par Olweus [23, 25] dans 700 établissements scolaires répartis sur l’ensemble du territoire norvégien. Elle révèle que les garçons sont plus victimisés que les filles et que le pourcentage de victimes décline régulièrement du primaire au secondaire. Les agresseurs sont significativement plus nombreux chez les garçons que chez les filles. Il n'apparaît pas de tendance évolutive claire en fonction de l'âge. Il paraît difficile de généraliser ces résultats à l'ensemble des pays. D’autres enquêtes ont été menées, par exemple en Australie [32], aux États-Unis [14, 39], en Italie [12] et en Finlande sur
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plus de 6 000 élèves en suivi longitudinal, de l’âge de 8 à 16 ans [34]. Il existe des disparités entre ces pays (aux ÉtatsUnis la prévalence moyenne serait comprise entre 15 % et 20 % [33]) et entre les établissements scolaires d’un même pays (le seuil de plus d'un élève sur deux impliqué dans une relation de bullying est parfois dépassé [29]). Ces études montrent que le genre influe sur la distribution du phénomène. Les filles sont plus souvent victimes [11] et, en tant qu'agresseur, elles pratiqueraient plus les formes indirectes. Le contexte familial est très important et la violence intrafamiliale apparaît comme un facteur aggravant [2, 3, 34]. De manière générale, les chiffres sont fort probablement sous-estimés. Certains agresseurs ne sont pas sincères dans leur réponse aux autoquestionnaires ou minimisent la gravité de leurs actes. Certaines victimes, par méfiance ou par peur d'un irrespect de la confidentialité de leurs déclarations, préfèrent se taire. 3. Typologies individuelles et interactionnelles 3.1 Typologies individuelles Les caractéristiques psychologiques et psychopathologies des acteurs en présence ont fait l’objet de recherches qui ont conduit à l’élaboration de typologies ou catégories. Diverses sources d'informations ont été utilisées : des échelles d'autoévaluation (échelle d'estime de soi, échelle d'anxiété, échelle de dépression, échelle de style éducatif parental...), des données objectives (aspect physique, origine ethnique, appartenance religieuse...) et des données cliniques (entretien avec les victimes et les agresseurs). Olweus [23] a proposé de distinguer les victimes passives ou soumises, des victimes actives ou provocatrices. z Les premières sont anxieuses, ont peu d’estime personnelle et évaluent les situations sociales en leur défaveur. Manquant considérablement d’assertivité, elles constituent des « proies » faciles pour les agresseurs. z Les secondes, incitatrices malgré elles de leur victimisation, sont souvent présentées comme anxieuses, manifestant des comportements instables, agités et perturbateurs, attisant excitation et irritation à leur encontre. Elles aboutissent à provoquer rejet et antipathie. Elles interprètent également les situations sociales avec de nombreux biais d’attribution d’intention hostile. Provoquant les autres, elles sont instigatrices d’une agitation qui se retourne contre elles, devenant alors leur martyr ou leur « souffre-douleur » habituel. Perçues comme étant à l’origine de ce qui leur arrive, agresseurs et spectateurs pensent que les victimes « méritent leur sort ». Dans les études, les victimes actives ou provocatrices sont souvent placées du côté des agresseurs [31]. Twemlow et al. [39] ont proposé une typologie plus complète et d’inspiration plus psychopathologique et psychodynamique, qui n’est pas en contradiction avec celle d’Olweus [23]. Pour les victimes, ils distinguent les types soumis, provocateur, masochiste et sauveteur. Les deux
derniers types ne sont pas observés avant l’adolescence sous leur forme cristallisée. Certaines victimes panachent des caractéristiques de types différents. Dès 1978, Olweus [25] a décrit chez les agresseurs des particularités qui se sont trouvées confirmées dans de nombreux travaux récents. Il a distingué les agresseurs actifs des agresseurs passifs. z Les premiers étaient décrits comme peu anxieux et ayant une bonne estime d’eux-mêmes. Sur un plan relationnel, ils manquent d’empathie, s’inscrivent dans une relation de domination à l’égard des autres. La violence est habituelle dans leurs relations sociales et elle est exercée sans remords. Ces tendances sont également retrouvées dans la littérature actuelle : détachement ou inhibition émotionnelle, absence de remords, faiblesse de la conscience morale, raisonnement égocentrique justifiant le bienfondé de leurs faits et gestes dont la responsabilité est attribuée aux autres et argumentation de leur rôle d’agresseur [6, 18]. La proximité de ces descriptions avec les travaux initiaux [5, 30] et actuels sur la personnalité psychopathique est évidente [13, 27, 28]. z Les agresseurs passifs participent au bullying par effet de groupe sans anticiper son organisation et sans en prendre l’initiative. Il s’agit d’un groupe hétérogène qui rassemble des individus présentant les caractéristiques psychologiques évoquées chez les agresseurs actifs et d’autres qui témoignent de traits de personnalité observés chez les victimes (anxiété, sentiment d’insécurité…). L’approche dimensionnelle de la personnalité auprès d’adolescent agresseur (à partir de L’EPQ junior d’Eysenck) met aussi en avant l’état de vulnérabilité, voire de déséquilibre, mental de ces personnes. Comparés à des sujets contrôles, les agresseurs présentent de plus forts scores de psychoticisme (égocentrisme, impulsivité, manque d’empathie, comportement antisocial…), de neuroticisme (anxio-dépressivité, labilité émotionnelle…) et d’extraversion (sociable, animé, actif, affirmé, avide de sensation, insouciant, dominateur, aventureux…) [6]. Là aussi, ces résultats soutiennent les données de la littérature associant délinquance et psychoticisme [21], neuroticisme et vulnérabilité dépressive [19]. Ces derniers travaux soulignent l’intérêt d’études complémentaires afin de ne pas uniquement associer agresseurs et sémiologies psychopathiques. Quelques recherches affinent ces tableaux à la fois sur un plan clinique et étiopathogénique, en distinguant les types sadique, dépressif et agité et en prenant en compte les antécédents familiaux [6, 39]. 3.2 Typologies interactionnelles Des constantes apparaissent dans les relations de bullying : en effet, même si les interactions « agresseur(s) <–> victime(s) » peuvent prendre des formes variées, des patterns relationnels sont plus souvent observables. Avant toute intervention dans un cadre scolaire, une analyse fine doit être conduite afin que les principales combinaisons « agresseur(s) <-> victime(s) <-> spectateur(s) » soient repérées. Les actions
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répressives et/ou éducatives doivent en effet être adaptées aux spécificités contextuelles. Selon Tremlow et al. [39], les combinaisons pathogènes les plus courantes sont les suivantes : z pattern relationnel fondé sur la culture de la domination : il rassemble des protagonistes dont les caractéristiques psychologiques dominantes sont : « agresseur(s) sadique(s) <-> victime(s) soumise(s) <-> spectateur(s) pro-agresseur(s) ». Les agresseurs se livrent, avec un certain plaisir, à des comportements dévalorisants, humiliants, dégradants voire cruels vis-à-vis d’une (ou de) victime(s), faible(s), sans défense, ayant une image négative d’elle-même et une propension à l’introversion et aux ruminations anxio-dépressives. Les scènes de domination se déroulent sous le regard complice, amusé et voyeuriste d’un ou de plusieurs spectateurs dont l’agitation a valeur d’encouragement pour les agresseurs, ces derniers leur permettant une satisfaction par procuration de leurs tendances agressives à l’égard d’autrui qu’ils n’osent mettre en acte (la tendance dépressive de ces spectateurs empêchés dans cette mise en acte a été soulignée [39]). Pour les agresseurs, le rapprochement avec la personnalité sadique, telle qu’elle est définie par le DSM-III-R [8], est indéniable, de même qu’avec celle de personnalité psychopathique [5, 13, 27, 28]. La dérive vers la délinquance de groupes, avec maltraitance, est possible. Au niveau pratique, ce type d’interaction est très difficile à briser et, en cas d’intervention, les victimes sont à protéger car les risques de représailles à leur égard ne sont pas à négliger ; z pattern relationnel d’agression par l’intermédiaire d’un tiers : un agresseur aux caractéristiques sadiques et/ou psychopathiques exerce une pression sur un tiers influençable qui exécutera, sur ordre, les actes d’agression sur une victime passive. L’agresseur sadique peut ne jamais intervenir directement, restant observateur « pervers » du plan de bullying prémédité et contrôlé qu’il commandite à quelque(s) « homme(s) de mains ». Les tendances psychopathiques sont là aussi manifestes ; z pattern relationnel dans un contexte de rupture relationnelle : observé le plus souvent à l’adolescence, il rassemble un agresseur dont les tendances sadiques sont renforcées par les tendances masochistes de la victime. Ce pattern apparaît généralement dans un contexte de chagrin d’amour ou de rupture sentimentale, la victime est plus souvent une jeune fille [7]. La personne délaissée et abandonnée, à ses yeux de manière arbitraire, se conduit en personne sacrifiée, humiliée et s’érige en véritable martyre aux yeux des autres. Elle peut aussi se maintenir dans une relation de soumission à l’agresseur afin de tenter de sauver ce dernier. Cliniquement cette situation peut entraîner une grande détresse et des idées suicidaires chez la victime, notamment si elle cherche à briser ses liens avec son bourreau ; z pattern relationnel fondé sur le tumulte relationnel, le désordre et le tapage : l’agitation caractérise l’ensemble des acteurs : « agresseur(s) agité(s) <-> victime(s)
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provocatrice(s) anxio-agressive(s) <-> spectateur(s) pro-victime(s) ou pro-agresseur(s) ». Contrairement aux agresseurs aux tendances sadiques et/ou psychopathiques, qui sont constants dans leur stratégie et dans le choix de leur souffre-douleur, les agresseurs agités sélectionnent peu leur(s) victime(s). Au sein de ces relations sournoises, rampantes, de type dominantdominé, les protagonistes peuvent prendre des rôles interchangeables. L’affrontement avec les enseignants est quasi permanent. Sans l’intervention de professionnels extérieurs, le groupe peut devenir incontrôlable, l’ambiance et les relations étant en permanence influencées par la provocation de multiples incidents anodins. 4. Conséquences cliniques et psychopathologiques du bullying chez les victimes et impact sur la trajectoire développementale 4.1 Types de troubles rencontrés L’exposition chronique à la violence, physique et/ou verbale, au sein d’une ou de relation(s) de domination, ne laissant pas percevoir de recours possible chez la ou les victime(s), peut provoquer, à terme, des troubles psychopathologiques relativement graves. Manifestations anxieuses (phobiques, anxiété flottante), dépressives (tristesse, douleur morale, asthénie, sentiment d’isolement, retrait, inhibition et impuissance relationnelle, découragement, idéation suicidaire), perturbations relationnelles et sociales (évitement des relations sociales, faillite dans les tentatives adaptatives) sont le plus souvent observées [1, 4, 34, 35]. Les somatisations sont également caractéristiques (symptômes gastro-intestinaux et pseudo-neurologiques), notamment quand la victime se mure dans le silence face à ce qu’elle subit. La plainte somatique, seul langage autorisé de manifestation de l’état de détresse, est alors utile pour tenter de trouver une réponse de protection auprès d’un personnel de santé lorsque aucun autre soutien social n’est possible, et lorsque l’écoute familiale est défaillante. Enfin, la victimisation à l’école est reliée aux idées suicidaires ainsi qu’à celle éventuellement présente dans le milieu familial [3]. C’est donc la composante anxiodépressive, souvent traduite en termes de trouble intériorisé dans la littérature, qui est dominante chez les victimes parmi les troubles les plus fréquemment observés (elle est le plus souvent mesurée à partir de la Child Behavior Checklist (CBCL), du Children Depression Inventory (CDI), de l’Échelle de Rutter pour parents et enseignant). La victimisation est également associée à la peur d’une évaluation négative par les pairs, alors que l’ouverture relationnelle joue un effet protecteur vis-à-vis de la victimisation [35] (outils d’évaluation : Social Experience Questionnaire, Social Anxiety Scale for Adolescence (SAS-A), Social Phobia Anxiety Inventory for Children (SPAI-C), Multidimensional Anxiety Scale for Children (MASC), Asher Loneliness Scale). La peur du lieu d’exposition au bullying peut conduire à d’authentiques phobies de l’école (phobie de l’itinéraire
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conduisant à l’école ; évitement de la confrontation à la situation scolaire phobogène ; claustrophobie : montée d’angoisse à l’idée de ne pouvoir s’échapper de l’espace scolaire perçu comme un espace clos, absentéisme…). Ces phobies de l’école sont à comprendre comme des équivalents d’un refus d’exposition à des difficultés physiquement et/ou mentalement insurmontables, à ne pas confondre avec de classiques phobies scolaires dont le déterminisme est en rapport avec un syndrome précoce d’angoisse de séparation. Dans certains cas, le bouleversement émotionnel est tel qu’il peut avoir des conséquences psychotraumatiques [4, 38]. La sémiologie psychotraumatique peut prendre une forme classique : syndrome de répétition de la scène traumatique qui s'impose avec reviviscence dans les pensées à l’état de veille ou pendant le sommeil (cauchemars), état de « qui-vive », réactions de sursaut exagérées, crises émotives, impulsions agressives, agitation et excitation, inhibition, somatisations, perturbations cognitives (problème de concentration, de mémoire, baisse des performances scolaires…). Parfois, le caractère chronique et anticipé de la confrontation obligée avec le bullying provoque des altérations plus ou moins importantes de l’état de conscience (qui évoquent le « rétrécissement du champ de la conscience » décrit par Janet [16] pour les troubles dissociatifs). La fonctionnalité défensive de cette « barrière mentale », conduisant à une intégration lacunaire des pensées, émotions, comportements et souvenirs et/ou à un « compartimentage » de la vie psychique, est de pouvoir permettre à la victime d’échapper mentalement à la confrontation directe avec la situation agressante (souvent alors décrite a posteriori en termes de terreur, de détresse, d’impuissance et d’absence de recours (helplessness). Dépendante de son ou de ses agresseurs, la victime apparaît alors passive et détachée émotionnellement ; situation qui par ailleurs comporte le risque de présenter la victime comme étant « faussement consentante ». Dans ces cas, où les conséquences cognitives, émotionnelles, interpersonnelles et adaptatives sont majeures (baisse des compétences sociales, sentiment de solitude, sentiment de rejet, perte d’espoir…), le risque suicidaire est augmenté. Cela rappelle les travaux sur les conséquences des expériences traumatiques précoces et répétées donnant lieu à anticipation mentale (dit de type 2 selon la distinction de Terr [36]). 4.2 Impact de la victimisation sur la trajectoire développementale Le fait d’être victime de bullying dans l’enfance influe sur la trajectoire développementale, et la précocité de survenue dans l’enfance augmente la vulnérabilité (cela se traduit notamment par la présence d’un plus grand nombre de problèmes dans l’enfance [17]). Dans l’étude finlandaise précitée [34], un suivi longidudinal montre en effet, chez les garçons, que quasiment toutes les victimes à 16 ans l’étaient aussi à 8 ans (90 %). Ce phénomène est moins accentué chez les filles (48,5 %). L’impact vulnérabilisant de l’expérience de victimisation
vis-à-vis des troubles anxieux (et sans doute dépressif compte tenu de la forte comorbidité) est important et est particulièrement retrouvé à l’âge adulte dans la phobie sociale (92 % de cas auto-rapportés de victimisation, comparés à 50 % pour le trouble obsessionnel-compulsif et 35 % pour le trouble panique [17]). Par ailleurs, les caractéristiques cliniques des enfants et adolescents prenant fréquemment un rôle de victime ne sont pas sans évoquer celles de la personnalité évitante (peur des critiques et du ridicule, rejet, manque de valeur personnelle, infériorité…) (DSM-IVTR) ; des études complémentaires seraient nécessaires pour affirmer ce point avec plus de certitude. 5. Interventions En France, si la violence en milieu scolaire est l’objet de préoccupations politiques, elle est rarement abordée du point de vue de ses conséquences psychologiques et psychopathologiques, que ce soit à visée préventive ou de soins (mis à part en cas d’événement ponctuel dont le risque psychotraumatique tente d’être atténué par la mise en place d’une cellule médico-psychologique d’urgence). La sensibilité française à ce problème est probablement plus basse que dans la plupart des autres pays européens, et nous ne disposons pas d'une enquête nationale au même titre que certains pays comme la Norvège. Dans ce pays, le problème a été jugé tellement grave qu’Olweus a proposé, dès 1981, de faire voter une loi contre le bullying dans les enceintes scolaires. Le principe de base étant que tout enfant doit se sentir en sécurité à l’école et doit être protégé de toutes les formes d’oppression, d’intimidation et de harcèlement potentielles. Mais c’est en Suède en 1994 que le Parlement a ratifié une telle loi. Depuis, la Norvège a suivi le même chemin. La Grande-Bretagne a mis en place un véritable plan antibullying dans les établissements. De telles démarches sont en cours dans d’autres États, principalement en Europe du Nord et en Amérique du Nord. Le corollaire d’une telle législation est l’obligation faite aux écoles, collèges et lycées de mettre en place un programme et une organisation pédagogique pour prévenir et combattre le bullying, tout simplement pour se mettre en conformité avec la loi. Les études norvégiennes (1993) montrent qu'il est possible de traiter le phénomène par la mise en place d'un mode de fonctionnement, d’inspiration systémique, rassemblant des actions convergentes et cohérentes (sensibilisation des familles, organisation globale de l'établissement scolaire, gestion sociale des classes, intervention individualisée auprès des agresseurs et surtout des victimes…) (voir tableau 1). Au niveau de l’établissement, une première mesure est d’établir un diagnostic de la situation. Une enquête exhaustive est nécessaire. Les résultats permettent d’évaluer la prévalence du phénomène, ses formes et, en fonction du degré de gravité de la situation, d’inciter éventuellement à un travail de liaison entre les professionnels des milieux
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scolaire, de la santé, de l’Aide sociale à l’Enfance, de la Justice ainsi qu’avec les familles [37]. Les victimes paraissant en danger ainsi que les agresseurs fortement impliqués dans une relation de bullying demandent en effet le recours à des professionnels extérieurs à l’établissement scolaire. Des mesures de signalement aux autorités compétentes peuvent également s’imposer. Le travail d’accompagnement propre au milieu scolaire est de mettre en place des cadres ayant pour finalité d’élever le niveau de prosocialité des élèves (jeu de rôle, improvisation théâtrale, éducation morale, résolution de problèmes dans un contexte social…) et de favoriser des temps sociaux à partir des contenus d’apprentissage (élaboration et évaluation collective des tâches). Une attention particulière doit être portée aux victimes passives : les situations de groupe leur sont peu favorables et elles cherchent à s’isoler. L’accompagnement à leur égard doit souvent être plus individualisé, en externe et en interne, et dans ce dernier cas, viser l’établissement de quelques liens relationnels soutenants et empathiques entre pairs ; l’effet protecteur de l’ouverture relationnelle vis-à-vis de la victimisation ayant été reconnu [35].
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[12] Tableau 1 Schéma général du programme de prévention et de lutte contre le bullying (intimidation) (inspiré d'Olweus, 1991) Conditions préalables
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+ + Sensibilisation et implication des adultes Mesures au niveau de l’école
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+ + Évaluation et suivi de la situation par enquête auprès des élèves + + Organisation d’un jour de conférence sur le thème du bullying
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+ + Surveillance accrue durant les pauses, les études et les repas + Formation d’un groupe pour analyser et coordonner les mesures mises en place
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+ + Création d'un tissu relationnel avec des institutions extérieures (santé, police, justice, associations de quartier) Mesures au niveau de la classe + + Règles strictes dans la classe contre le bullying + + Groupes de paroles réguliers avec les élèves + + Réunions d’information (psychologue, médecin…)
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Mesures au niveau individuel
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+ + Discussion sérieuse et ferme avec les victimes et les agresseurs
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+ + Discussion sérieuse et ferme avec les élèves concernés par le bullying + Rencontre entre parents et enseignants pour imaginer des mesures particulières
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+ + Prise en charge des victimes en danger (intervention externe) + + Signalement des agresseurs dangereux
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+ + : mesure essentielle + : mesure très souhaitable
Références
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Discussion Dr P. Houillon : Les remarques qui viennent d’être faites à propos de la victimisation ou « bullying » peuvent être rapportées aux aléas de la structuration des groupes en milieu scolaire. Cette structuration relève d’influences diverses comme aussi de l’évolution des mœurs, de circonstances locales, des systèmes hiérarchiques en place… Il a été peu question, me semble-t-il, des conditions assez complexes dans lesquelles s’exerce aujourd’hui l’autorité. Or, on connaît les perturbations, directes
ou indirectes, induites, dans un groupe social donné, par tel ou tel mode de directivité ou même par des carences d’autorité sur les comportements individuels et collectifs. Les notions évoquées, notamment le « principe éducatif », avec le versant répressif qu’il comporte, et le « principe de convergence » mériteraient d’être analysées en fonction des stratégies de pacification ou de stabilisation à adopter. À la formule que nous venons d’entendre et qui doit être rétablie dans le contexte d’une réflexion générale sur les rapports dominants-dominés, à savoir « il est normal d’être victime », devrait s’y opposer une seconde, à savoir « qu’il est anormal et injuste d’être victime ». Cependant, ces deux assertions, poussées à l’extrême, peuvent, l’une comme l’autre, être à l’origine de déviations. D’un côté, c’est l’apologie de la victimisation, de l’autre toute victime, ou toute personne se prétendant telle, va trouver des raisons pour demander des comptes à la société par tous moyens à sa disposition et parfois dans le seul but d’en tirer bénéfice. Il ne faudrait pas qu’en se positionnant sans discrimination en faveur des victimes, médecins et juristes soient à l’origine de traitements ou de sanctions inadaptées ou même injustes. Or, l’évolution jurisprudentielle actuelle risque, par cette tendance même à vouloir indemniser toutes personnes considérées, à tort ou à raison, comme victimes, d’introduire un profond malaise et des tensions entre enseignants et enseignés, comme entre médecins et patients. L’identification précise des agresseurs et des victimes et leur qualification respective ne doivent pas être posées à la légère. La victime n’est pas toujours celle qui est désignée ou celle à laquelle on pense. Sur ces différents points, une poursuite de la réflexion s’impose à la fois pour la qualité de la relation individu – société liée à une bonne compréhension du rapport hiérarchique et pour éviter d’entretenir un climat permanent d’insécurité juridique. Dr Blanc – Je partage les réserves de notre collègue Pierre Marchais au sujet de l’introduction du terme « bullying » dans la langue française alors que « victimize », beaucoup plus parlant, a déjà donné « victimiser ». Je précise que je suis un grand admirateur de la langue de Shakespeare, mais après vérification dans le grand Harrap et contact téléphonique avec ma traductrice, il semble bien que le « bullying » soit la dénomination des brimades dans les collèges anglais. D’autre part nos amis scandinaves, plus encore que nous, francophones, sont condamnés au bilinguisme. Quelle serait, en effet, l’audience du Dr Olveus de Bergen s’il s’exprimait en norvégien ? Tel n’est pas encore notre cas. Ne précipitons pas les choses. M’étant souvent exprimé en anglais par pragmatisme ou nécessité, j’estime aujourd’hui que la langue française fait partie de notre identité intellectuelle et qu’il faut la préserver.