Le consensus de Rotterdam appliqué à l'adolescente : quels examens prescrire et comment les interpréter pour établir le diagnostic de SOPK ?

Le consensus de Rotterdam appliqué à l'adolescente : quels examens prescrire et comment les interpréter pour établir le diagnostic de SOPK ?

Lettre à la rédaction / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 994–998 Réponse de A. Bennet à l’article de A.-C. Reyss et al. Le consensus de ...

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Lettre à la rédaction / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 994–998

Réponse de A. Bennet à l’article de A.-C. Reyss et al. Le consensus de Rotterdam appliqué à l’adolescente : quels examens prescrire et comment les interpréter pour établir le diagnostic de SOPK ? Gynecol Obstet Fertil 2006;34:341–6

L’article de Reyss et al. apporte un éclairage et un commentaire nécessaires aux critères consensus de définition proposés à Rotterdam pour le syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPK) [1]. Ces critères étaient indispensables pour éviter des définitions trop restreintes ou trop larges et de toute façon trop personnelles pour cette pathologie fréquente. Ils sont bien sûr certainement perfectibles et sont toujours objet de débat [2,3]. Ils n’ont pas été conçus pour l’adolescente, et il est donc très utile qu’un éclairage soit donné pour ce type de patiente. En premier, nous insistons pour notre part, chez l’adolescente comme chez l’adulte, pour qu’on n’oublie pas en pratique un critère important dans la définition consensus, à savoir qu’il convient d’avoir éliminé les autres pathologies pouvant donner les mêmes symptômes, avant de conclure à un SOPK. Là encore, cet article nous apporte des éléments utiles. En effet, le consensus de Rotterdam est sans doute trop peu précis sur les pathologies à rechercher et sur les moyens à mettre en œuvre pour cette recherche, et la revue de Ehrmann [4] qui donne une version exhaustive des autres pathologies possibles est sans doute trop complète pour constituer des conseils de pratique courante. Dans notre pratique, une hyperandrogénie doit toujours faire rechercher son mode évolutif clinique (le caractère ou récent, ou rapidement évolutif orientant vers une exceptionnelle tumeur virilisante) et les signes associés autres que ceux de l’hyperandrogénie (répartition faciotronculaire de l’adiposité et/ou vergetures orientant vers un syndrome de Cushing, avec cassure de la courbe de croissance si celle-ci n’est pas terminée, galactorrhée orientant vers une hyperprolactinémie, exceptionnellement morphotype acromégale). Nous partageons la démarche consistant, devant une hyperandrogénie, à doser systématiquement, si cela n’a pas été fait auparavant, la 17-hydroxy-progestérone (à 8 h du matin, vers le quatrième jour du cycle) pour dépister un bloc en 21hydroxylase, qui peut donner exactement les mêmes symptômes qu’un SOPK, et à rechercher au moindre doute clinique un syndrome de Cushing (dans notre pratique par un test à la dexaméthasone 1 mg, en exigeant un cortisol postdexaméthasone inférieur à 2 µg/dl). Devant un trouble des cycles, nous évaluons également la prolactinémie, nous vérifions le plus souvent aussi la FSH en début de cycle (pour éliminer une périménopause précoce), ainsi que la TSH, et nous recherchons au moins sommairement à l’interrogatoire un trouble patent du comportement alimentaire. Insis-

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tons sur le fait que les troubles de cycles du SOPK sont sensibles à l’administration de progestérone, puisque le SOPK ne donne naturellement ni anomalie de la filière utérovaginale, ni non plus d’hypo-estrogénie [3]. Une aménorrhée non corrigée par un test aux progestatifs doit faire rechercher une autre cause qu’un SOPK. Le deuxième point majeur à prendre en compte est la spécificité de l’adolescente [5], chez qui l’acné est souvent banale, comme le sont les irrégularités menstruelles, souvent physiologiques dans les deux premières années après les premières règles, voire au-delà, et comme l’est l’aspect polymicrokystique des ovaires, tant que les cycles ne sont pas totalement réguliers. Il ne faudrait pas devant ces manifestations conclure abusivement à un SOPK. Par ailleurs, se pose le problème de la technique d’échographie, qui chez l’adolescente ne sera pas réalisée par voie endovaginale. L’article de Reyss et al. apporte de ce point de vue des orientations pour une utilisation raisonnable et raisonnée des critères de Rotterdam chez l’adolescente. Pour notre part, nous retenons, à l’adolescence, l’éventualité d’une hyperandrogénie devant une acné, si elle est anormalement précoce (inférieure à neuf ans) ou tardive (fin d’adolescence), si elle est inflammatoire ou nodulaire en début de puberté (au lieu d’être une simple acné à comédons), s’il y a une atteinte importante du dos ou des régions maxillaires inférieures, si elle est rebelle ou récidivante, ou enfin et surtout si elle est associée à d’autres manifestations d’hyperandrogénie comme un hirsutisme, bien sûr une alopécie de type androgénique (exceptionnelle chez l’adolescente), ou à des troubles des cycles persistant au-delà des deux premières années de menstruations. Devant des troubles des cycles, dont nous vérifions s’ils sont sensibles à la prise de progestérone, nous n’envisageons de bilan que s’ils sont durables, au-delà des deux premières années de règles, ou s’ils se sont installés secondairement après plusieurs mois de cycles normaux. Un bilan sera également plus aisément réalisé s’il y a des antécédents particuliers comme un contexte familial, une séquence petit poids de naissance– prémature pubarche, ou dans quelques cas un antécédent d’authentique puberté précoce [6]. S’il y a persistance des troubles des règles ou des manifestations suffisamment évocatrices d’hyperandrogénie, on proposera une évaluation au moins de la testostérone totale, éventuellement de sa protéine porteuse, la SHBG (les experts ayant recommandé d’éviter les dosages directs de testostérone libre actuellement trop peu fiables). On peut regretter que les experts n’aient pas établi dans le consensus un cahier des charges pour les méthodes de dosage des stéroïdes sexuels, visant à écarter des méthodes trop peu spécifiques pour donner des évaluations précises du stéroïde mesuré, qui rendent difficile l’utilisation de normes universelles de concentrations circulantes de testostérone en pratique courante. Par ailleurs, les concentrations circulantes de testostérone augmentent avec le développement pubertaire, puis, chez l’adulte, elles diminuent avec l’âge, et le laboratoire se doit d’indiquer des valeurs normales obser-

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vées avec la méthode de dosage employée, aussi cohérentes que possible avec les valeurs établies avec des méthodes de référence, pour chaque stade de développement pubertaire, puis pour différentes tranches d’âge chez l’adulte. Enfin on réalisera une échographie pelvienne par voie sus-pubienne, le critère le plus objectif étant le volume ovarien auquel on serait peut-être en droit d’associer la surface ovarienne, plus aisée à évaluer, comme l’indiquent Reyss et al. On dispose de plus en plus de données sur l’aspect normal des ovaires chez l’adolescente, ce qui devrait permettre ultérieurement de définir de manière consensuelle des valeurs seuils adaptées pour le diagnostic de SOPK chez ces jeunes patientes. Tous ces éléments nous permettent donc d’orienter, en pratique, vers un bon usage des critères de Rotterdam pour l’adolescente en ce qui concerne le diagnostic de SOPK. Un troisième et dernier point est celui de la prise en charge une fois que le diagnostic aura été effectué, en particulier du fait des implications métaboliques. Il est utile de préciser clairement, comme le font Reyss et al., que le diagnostic de SOPK, contrairement à celui d’affections organiques sévères comme les tumeurs virilisantes ou le syndrome de Cushing, n’est pas une urgence. Il ne convient pas en effet, dans l’état actuel des connaissances, de dramatiser abusivement les conclusions pratiques après le diagnostic de SOPK, surtout à l’âge fragile de l’adolescence. Le SOPK s’associe à un risque de syndrome métabolique et ultérieurement de diabète de type 2, ce qui justifie des mesures de dépistage et de prévention raisonnables, mais ne veut bien sûr pas dire que toutes les patientes atteintes de SOPK vont développer ces pathologies. De plus, il existe des nouveaux phénotypes pour lesquels on est en droit, avec l’introduction de l’échographie ovarienne dans les critères, de diagnostiquer actuellement un SOPK, à condition d’avoir bien éliminé d’autres pathologies (en particulier des troubles du comportement alimentaire et une pathologie hypophysaire) comme celui où les troubles du cycle s’associent à un aspect échographique de SOPK sans critère d’hyperandrogénie clinique ou biologique. Dans ce cas, il n’est pas encore établi s’il y a un risque de diabète de type 2, même si dans le SOPK avec hyperandrogénie et troubles des cycles, ce sont les troubles des cycles par anovulation qui apparaissent significativement associés à une plus grande insulinorésistance (nous avions constaté pour notre part une répartition viscérale de l’adiposité plus importante chez les patientes obèses à cycles anovulatoires par rapport aux patientes obèses à cycles normaux, et une élévation anormale du PAI-1, associé à l’insulinorésistance, uniquement chez les patientes obèses à cycles anovulatoires). S’il faut être vigilant sur le plan métabolique et de toute façon faire prélever au moins un contrôle de glycémie à jeun et du bilan lipidique (ce sera de toute façon nécessaire avant la prescription — fréquente — d’associations estroprogestatives) il est difficile, malgré les données du consensus de Rotterdam, de préconiser une hyperglycémie provoquée per os sur le seul diagnostic de SOPK, dans la pratique courante. Il faudra éviter de parler abusivement d’infertilité, et il faudra, lorsqu’ils sont néces-

saires, donner des conseils d’hygiène alimentaire avec suffisamment de doigté pour éviter d’induire médicalement des troubles du comportement alimentaire chez une patiente dont le poids reste normal ou proche de la normale. Sur tous ces problèmes pratiques, qui seront sans doute l’objet de multiples débats ultérieurs, il était donc utile, comme Reyss et al., d’apporter une tentative d’éclairage, pour une bonne utilisation des critères de Rotterdam dans la prise en charge pratique des patientes adolescentes, pour qui ces critères n’ont pas été initialement conçus.

RÉFÉRENCES [1]

[2]

[3]

[4] [5] [6]

Rotterdam ESHRE/ASRM-sponsored PCOS Consensus Workshop Group. Revised 2003 consensus on diagnostic criteria and long-term health risks related to polycystic ovary syndrome. Fertil Steril 2004;81:19–25 (et Hum Reprod, 2004, 19, 41-47). Azziz R. Controversy in clinical endocrinology. Diagnosis of polycystic ovarian syndrome: the Rotterdam criteria are premature. J Clin Endocrinol Metab 2006;91:781–5. Franks S. Controversy in clinical endocrinology. Diagnosis of polycystic ovarian syndrome: in defense of the Rotterdam criteria. J Clin Endocrinol Metab 2006;91:786–9. Ehrmann DA. Polycystic ovary syndrome. N Engl J Med 2005;352:1223–36. Warren-Ulanch J, Arslanian S. Treatment of PCOS in adolescence. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2006;20:311–30. Pienkowski C, Tauber MT, Pigeon P, Oliver I, Rochiccioli P. Puberté précoce et syndrome des ovaires polykystiques: à propos de 13 cas. Arch Pediatr 1995;2:729–34.

A. Bennet Service d’endocrinologie, hôpital de Rangueil, CHU de Toulouse, 1, avenue Jean-Poulhès, TSA50032, 31059 Toulouse cedex 09, France Adresse e-mail : [email protected] (A. Bennet). Disponible sur internet le 20 septembre 2006 Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 995–996 doi:10.1016/j.gyobfe.2006.08.005

Réponse de F. Trémollières à l’article de C. Jamin et al. Impact de l’étude WHI sur le comportement des femmes médecins vis-à-vis de la ménopause Gynecol Obstet Fertil 2006;34:499–505

L’article de C. Jamin et al. [1] a l’intérêt d’aborder la problématique des prescriptions et de l’acceptation du traitement hormonal de la ménopause (THM) non pas chez les utilisatrices potentielles que sont nos patientes, mais sur les femmes médecins elles-mêmes, qu’elles soient généralistes ou gynécologues. Cette enquête, fondée sur l’envoi d’un autoquestionnaire chez 10 000 femmes médecins, fait suite à