L’évolution psychiatrique 70 (2005) 425–426 http://france.elsevier.com/direct/EVOPSY/
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Le syndrome présuicidaire du Pr. Erwin Ringel Professor Erwin Ringel’s presuicidal syndrome Alain Mouseler * Praticien hospitalier, psychiatre, enseignant à l’Université d’Angers, Secteur G 01, CESAME, Centre Hospitalier de Sainte-Gemmes-sur-Loire, BP 50089, 49137 Les-Ponts-de-Cé cedex, France Disponible sur internet le 01 juin 2005
Nombreuses sont les publications traitant du suicide. On les pense souvent récentes dans la mesure où la question de la conduite suicidaire est constamment posée, reconsidérée à l’aune de la psychopathologie, de l’épidémiologie, de la neurobiologie. Mais, à y regarder de près, le suicide en tant que conduite non spécifique d’une pathologie psychiatrique donnée, interroge depuis plusieurs décennies déjà. Ainsi retrouve-t-on certaines références bibliographiques, de loin en loin, au cours des années. Une conception originale peut caractériser les travaux d’un auteur. Le « syndrome présuicidaire » du Pr. E. Ringel en est un bon exemple. Cette référence conceptuelle est très souvent évoquée. Ainsi, nous l’avons rencontrée dans plusieurs contributions d’un document reconnu, intitulé « la crise suicidaire », issu des réflexions de la conférence de consensus qui s’est tenue à l’Hôpital de la Salpêtrière, en octobre 2000 [1]. Il nous a donc paru intéressant de proposer une traduction française de l’un des articles significatifs du Pr. E. Ringel sur ce syndrome. Une présentation succincte de l’auteur et de son œuvre permettra de mieux saisir les lignes directrices de ce texte. Le Pr. E. Ringel (1921–1994), après ses études de médecine, puis de neuropsychiatrie à l’Université de Vienne, va s’intéresser très rapidement à la question du suicide. Dès 1948, alors assistant du Pr. Hoff, il participe activement à la création d’un centre de prévention du suicide qui est le premier de cette nature en Europe. Les recherches alors menées par le Pr. Ringel prennent une dimension internationale et aboutissent, en 1953, à la description du syndrome présuicidaire et à la publication de son premier ouvrage sur le sujet [2] 1. Déjà,
> Toute référence à cet article doit porter mention : Mouseler A. Le syndrome présuicidaire du Pr. Erwin Ringel. Evol. Psychiatr. 2005 ; 70. * Auteur correspondant : M. le Dr Alain Mouseler. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Mouseler). 1 Nouvelle édition : Francfort-sur-le-Main : Fachbuchhandlung für Psychologie ; 1981
0014-3855/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.evopsy.2005.03.001
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A. Mouseler / L’évolution psychiatrique 70 (2005) 425–426
l’ensemble de ses réflexions porte la marque de la « psychologie des profondeurs » (« Tiefenpsychologie »), inspirée notamment par les travaux des deux grands psychiatres autrichiens que furent Sigmund Freud et Alfred Adler. L’expérience clinique acquise et les études conduites au cours du temps amènent le Pr. Ringel à fonder, en 1960, « l’Association internationale pour la prévention du suicide » (« Internationale Vereinigung für Selbstmordverhütung »), dont il sera le Président pendant de nombreuses années, et à laquelle, aujourd’hui, adhèrent une cinquantaine de pays. Conjointement, de 1960 à 1988, il va également présider « l’Association autrichienne pour la psychologie de l’individu ». Cette contemporanéité entre l’intérêt porté au suicide et l’intérêt porté à l’individu, à la personne, témoigne de l’état d’esprit dans lequel le Pr. Ringel aborde le suicide. Au-delà des querelles d’école qu’il aurait voulu voir cesser, notamment entre Freudiens et Adlériens, notre auteur veut se centrer sur la singularité de chaque être humain, sur le sens et le but de chaque vie, sur le sentiment de finitude, en d’autres termes sur les mystères de la destinée propre à chaque homme. Néanmoins, à son sens, la maîtrise de notre propre existence ne se conçoit qu’en prenant en compte les contraintes imposées par notre inscription dans la communauté humaine. Cet axe de réflexion traverse l’ensemble des travaux du Pr. Ringel sur le suicide. Si, dans les années postérieures à 1960, il reprend le concept de syndrome présuicidaire, l’auteur consacre ses propos à l’angoisse présuicidaire, non pas seulement en tant que symptôme mais surtout en tant que processus de gêne, restriction existentielle, phénomène de désespérance au sein de la rencontre entre le Moi et le monde. Son livre de 1969 intitulé « La prophylaxie du suicide » [3] 2 met en valeur cette dimension humaine que le Pr. Ringel aimait à rappeler avec le propos d’Adler : « Le suicide est un problème individuel qui a des causes et des conséquences sociales ». L’article dont nous proposons la traduction, écrit en 1967, reflète cette orientation de pensée, même si le lecteur peut être surpris du peu de références directes à la psychanalyse ou à la phénoménologie. Au-delà de l’aspect épistémologique, cet article reste un document pour l’histoire du suicide, en fonction non pas tant de la dimension humaine, intemporelle, mais des situations auxquelles les patients sont confrontés ; certaines passent le temps, d’autres témoignent de leur époque. Ultérieurement, le Pr. Ringel proposera dans l’un de ses derniers ouvrages des réflexions sur le suicide [4], réflexions qu’il exposera aux étudiants en médecine jusqu’à sa retraite, en 1991. Depuis son décès, il y a une dizaine d’années, l’Institut viennois qui porte son nom (Erwin Ringel Institut) entretient la mémoire de cet acteur essentiel de la naissance de la suicidologie.
Références [1] [2] [3] [4]
2
La crise suicidaire. Reconnaître et prendre en charge. Paris: John Libbey, Eurotext ; Fédération Française de Psychiatrie; 2001. Ringel E. Der Selbstmord: Abschluss einer krankhaften psychischen Entwicklung. Eine Untersuchung an 745 geretteten Selbstmördern. Vienne, Düsseldorf: Maudrich; 1953. Ringel E. Selbstmordverhütung. Berne, Stuttgart, Vienne: Huber; 1969. Ringel E. Das Leben wegwerfen? Reflexionen über Selbstmord (1978) [2e ed.]. Vienne, Fribourg, Bâle: Herder; 1981.
Nouvelle édition : Francfort-sur-le-Main : Fachbuchhandlung für Psychologie ; 1981