Allocutions du président sortant, le Pr Bernard Lafont, et du nouveau président, le Pr Jean-François Allilaire

Allocutions du président sortant, le Pr Bernard Lafont, et du nouveau président, le Pr Jean-François Allilaire

Annales Me´dico-Psychologiques 170 (2012) 391–397 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Communication Allocutions du pre´sident sortant, l...

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Annales Me´dico-Psychologiques 170 (2012) 391–397

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication

Allocutions du pre´sident sortant, le Pr Bernard Lafont, et du nouveau pre´sident, le Pr Jean-Franc¸ois Allilaire Speeches of the outgoing president, professor Bernard Lafont, and the new president, professor Jean-Francois Allilaire Bernard Lafont a,*, Jean-Franc¸ois Allilaire b a b

6, rue aux Chats, 91310 Montlhe´ry, France La Salpeˆtrie`re, 47, boulevard de l’Hoˆpital, 75013 Paris, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Mots cle´s : Histoire de la psychiatrie Pluridisciplinarite´ Socie´te´ me´dicopsychologique

Les auteurs soulignent l’e´clectisme et la pluridisciplinarite´ de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique a` travers sa publication, Les Annales Me´dico-Psychologiques tout au long de son histoire depuis 1843. Ses implications dans de nombreuses questions d’actualite´ comme les nouvelles lois ou des aspects scientifiques ou de socie´te´ doivent eˆtre poursuivies dans le futur comme cela a e´te´ illustre´ par de re´cents de´bats. ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. A B S T R A C T

Keywords: History of psychiatry Multidisciplinary Socie´te´ Me´dico-Psychologique

The authors underline the eclecticism and multidisciplinary of the Socie´te´ Me´dico-Psychologique through its publications, Les Annales Me´dico-Psychologiques, all along history of psychiatry since 1843. The implications in diverse questions in actuality like new laws on scientific or societal matters all over time must be continued in the future as illustrated by the recent debates on the recent law in compulsive cares. ß 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

1. Allocution de fin de pre´sidence, par le Professeur Bernard Lafont Mesdames, Messieurs, chers amis, Il y a un an, vous m’avez confie´ les cle´s de la Socie´te´ Me´dicoPsychologique. Je vous en remercie. Ce fut un honneur de les de´tenir comme pre´sident, et aussi un ve´ritable plaisir de participer a` ses travaux du quatrie`me lundi de chaque mois ainsi qu’a` ceux du bureau et du conseil d’administration. J’exprime ma reconnaissance a` tous ceux qui m’ont apporte´ leur soutien et leur amitie´ pendant cette anne´e. Le professeur Allilaire, qui sera effectivement, dans un moment, notre nouveau pre´sident, la tre`s courageuse Docteur Christine Mirabel-Sarron, dont je salue ici la compe´tence, et qui je l’espe`re, restera encore longtemps disponible pour notre Socie´te´, tous les membres du bureau, qui ˆ r, l’infatigable m’ont accueilli tre`s chaleureusement, et, bien su Jacqueline Parant qui est l’aˆme de cette Socie´te´. Merci aussi a` tous

* Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (B. Lafont), [email protected] (J.-F. Allilaire). 0003-4487/$ – see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.06.011

ceux qui se sont succe´de´ a` cette tribune pour y pre´senter leurs communications. Je salue leur travail avec un respect e´gal, que celui-ci ait ou non rencontre´ ma sensibilite´ ou mes orientations personnelles. Faites de meˆme, car c’est ainsi, j’y reviendrai, que nous nous inscrivons dans l’esprit de l’œuvre de nos grands devanciers. Je souhaite la bienvenue a` notre nouvelle vice-pre´sidente, Evelyne Pewzner-Apeloig que je suis particulie`rement heureux de retrouver a` cette place apre`s l’avoir connue et appre´cie´e, il y a bien des anne´es, comme collaboratrice du Professeur Faure, alors que je faisais mes premie`res armes dans l’enseignement. Bienvenue e´galement a` notre nouveau secre´taire ge´ne´ral que nous avons tous pu appre´cier au cours de cette anne´e dans la fonction nouvelle et difficile de tre´sorier adjoint. Bonne chance et bon courage a` tous. Vous apporterez, j’en suis certain, outre votre compe´tence, ce qu’il faut de convivialite´ et d’amicale solidarite´ pour conserver a` notre socie´te´ ce qui lui a permis de se perpe´tuer depuis sa cre´ation. Aujourd’hui, je vous rends ses cle´s, ou plus exactement, je les confie a` la nouvelle e´quipe, en ce de´but d’anne´e 2012 qui sera donc celle du cent cinquantenaire de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique.

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Il peut exister un de´bat sur la date de naissance de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique. En effet, si son existence a e´te´ annonce´e par le fondateur de la revue des Annales Me´dico-Psychologiques, Jules Baillarger, de`s 1847, elle n’a effectivement vu le jour qu’en 1852. En pre´ambule du nouveau re`glement qui se substituait a` celui de 1847, lequel n’avait jamais e´te´ mis en œuvre, on peut lire ceci : « Les sciences ont essentiellement besoin de repos et de stabilite´ ; l’agitation et des bouleversements sont leurs plus cruels ennemis. » C’est la re´volution de 1848 qui avait en effet empeˆche´ la concre´tisation de la fondation de la Socie´te´, mais, dans son projet, rien ne faisait apparaıˆtre, en revanche, que l’on ait souhaite´ pour elle un de´roulement d’existence dans une torpeur paisible. Re´dige´e sous la plume du Docteur Laurent Cerise, l’introduction du premier fascicule des Annales Me´dico-Psychologiques de 1843 nous en convainc. On y comprend parfaitement que si la fondation de la revue pre´ce`de celle de la Socie´te´, c’est le binoˆme qu’elles constitueront qui confe`re son identite´ a` l’ensemble. La lecture de cette introduction frappe encore par son e´tonnante actualite´. Et si j’ai donc choisi de rapporter mon propos d’aujourd’hui a` ce texte fondateur, ainsi qu’a` quelques autres, ce n’est pas pour m’abriter derrie`re les hautes statures de Baillarger, Cerise et Longet, mais pour me livrer a` l’un de mes exercices favoris, et, je le pense, utile pour les institutions. Il consiste a` rechercher l’ide´e de modernite´ qui a pre´side´ a` l’acte de leur fondation, pour la confronter a` l’actualite´ du moment. Pour cela, il faut respecter un principe simple dans son e´nonce´, mais qui ne l’est pas tant que cela dans sa mise en œuvre : ne pas croire naı¨vement que les choses du passe´ sont ne´cessairement de´sue`tes ni, d’ailleurs, que tout changement est un progre`s. E´videmment, l’interpre´tation de ce que je viens de dire peut s’ave´rer ambigue¨. On peut y entendre comme une incitation a` l’immobilisme ou au conservatisme. C’est bien e´videmment du contraire qu’il s’agit. Ce serait faire injure au ge´nie de nos devanciers que de conside´rer l’œuvre qu’ils ont accomplie en leur temps comme nous regardons leurs portraits en pied, avec redingote, lorgnons, moustache et haut-de-forme. Leur œuvre n’a d’inte´reˆt pour nous aujourd’hui que si leurs ide´es et leur vision sont encore capables d’e´clairer notre action comme des re´fe´rences pertinentes. Re´duites a` un devoir de me´moire, elles en ont, a` mon sens, beaucoup moins. Revenons donc a` Baillarger et a` ses collaborateurs. Replac¸ons les lignes directrices trace´es lors de la fondation des Annales puis de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique au sein de notre environnement actuel. Nous verrons que si lui a change´, la valeur des principes qu’ils ont e´nonce´s reste entie`re. 1.1. E´loge de la pluridisciplinarite´ qui nourrit le de´bat. . . C’est ainsi que nous appelons aujourd’hui ce qu’ils de´signent par ceci : « Nous reconnaissons d’ailleurs que la diversite´ des doctrines, en variant les aspects d’un proble`me et en multipliant les points de vue de l’observation, sert a` faire resurgir des ve´rite´s partielles qui eussent e´chappe´ aux disciples d’une meˆme e´cole. » L’objectif vise´ n’est pas tant l’expose´ que le de´bat. Mais le de´bat n’est pas une lutte fratricide : « Le sentiment qui doit nous animer les uns et les autres, c’est celui d’une bienveillante fraternite´. La diversite´ des points de de´part ne doit pas faire oublier l’identite´ du but. » Belle formule, a` graver en lettres d’or. Le de´bat est le meilleur moyen de s’opposer a` l’insuffisance, voire, est-il dit, a` la nocivite´ des visions ide´ologiques dans cette matie`re. Nous n’avons pas a` retrancher un mot a` cela. On ne peut que constater, au passage, l’extraordinaire pe´rennite´ des enjeux qui concernent les disciplines relatives a` la psychiatrie. Et c’est pourquoi le re`glement de 1852 e´largira l’ide´e primordiale de Baillarger en accueillant dans la Socie´te´ Me´dico-Psychologique

des membres d’origines diverses et non me´dicales. Nous souhaitons re´actualiser ce point a` l’occasion de la re´vision des statuts qui est en cours. 1.2. . . . et de la discussion qui l’approfondit En parcourant les textes publie´s dans les Annales Me´dicoPsychologiques, en particulier la communication sur l’histoire des travaux de la Socie´te´, par son secre´taire ge´ne´ral, Antoine Ritti, a` l’occasion du cinquantenaire de la Socie´te´ en 1902, on comprend l’importance conside´rable donne´e a` la discussion et a` l’e´change des points de vue dans le fonctionnement et les activite´s de la Socie´te´. C’est l’approfondissement, corollaire indispensable du de´bat. Il n’y eut pas moins de dix se´ances consacre´es a` l’hallucination, quatre consacre´es a` la monomanie. La discussion sur la de´mence occupa 13 se´ances. Ces de´bats n’apparaissent donc pas comme accessoires mais, bien au contraire, comme fondamentaux pour la recherche d’un aspect de la ve´rite´ scientifique. Il me semble que nous avons peut-eˆtre un peu perdu le sens du de´bat. Les interventions qui suivent nos communications sont certes pertinentes et argumente´es, savantes parfois, mais elles constituent probablement plus souvent des commentaires que les « belles joutes de paroles » que Ritti e´voque dans son intervention de 1902. Il est vrai que le de´bat ne va pas sans ce qui, de`s les origines, fut exige´ comme un facteur important du de´voilement de la connaissance, c’est-a`-dire le regard critique. Nos anciens insistaient beaucoup sur la forme que devaient reveˆtir les discussions. Ce n’est pas tant leur nature meˆme que la fac¸on dont elles devaient eˆtre conduites qui en faisait le prix. Et ceci n’est pas un de´tail, car ce que l’on entrevoit a` travers les te´moignages e´mouvants de ces hommes honneˆtes et engage´s, c’est le primat accorde´ a` une ve´ritable e´thique de l’e´change. Il est parfaitement clair que la Socie´te´ n’est pas d’abord, en ce temps-la`, conside´re´e comme une tribune, mais comme un forum, ou` le communicant ne fournit que l’opportunite´ aux autres d’engager un de´bat dans lequel chaque point de vue concourt a` faire avancer la question traite´e. Je pense que nous devons mener une re´flexion sur ce sujet. Notre auditoire est malheureusement parfois clairseme´. Il y a peuteˆtre des formules a` trouver, ou retrouver, pour inciter nos membres, et au-dela` de ceux-ci, un plus large public, a` se de´placer non pas tant pour assister aux se´ances, mais plutoˆt pour participer aux e´changes qui s’y de´roulent. Les solutions retenues a` l’e´poque pour s’assurer de l’assiduite´ et de la participation des membres e´taient simples : la pre´sence e´tait obligatoire et des jetons de pre´sence e´taient distribue´s. Leur total repre´sentait une somme qui venait ensuite en de´duction de la cotisation. Je ne les pre´coniserai pas aujourd’hui, d’autant moins que je ne pense pas qu’elles furent au premier plan des motivations des socie´taires. J’examinerai, en revanche, un point qui me paraıˆt infiniment plus de´terminant en la matie`re. 1.3. De la prise de parole a` la prise de position Une importante partie de l’activite´ de la Socie´te´ a toujours e´te´ consacre´e aux communications scientifiques proprement dites. On veillait, la` aussi, a` l’observance de la plus grande objectivite´ et au choix e´clectique des the`mes. Au besoin, on les replac¸ait dans le cadre ge´ne´ral, humaniste et pragmatique, que la Socie´te´ s’e´tait assigne´ comme sche´ma directeur pour ses travaux. A` une e´poque ou` les donne´es objectives de la science n’encombraient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, le domaine de la psychiatrie, il est tre`s inte´ressant, et pas seulement amusant, de constater que, de´ja`, on perc¸oit dans l’irruption de certaines approches scientifiques plus qu’un appoint a` la connaissance, mais

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la re´ve´lation d’une vision des troubles psychiques que la me´thode elle-meˆme oriente, d’une fac¸on, craint-on, possiblement dogmatique. La meˆme re´serve est d’ailleurs applique´e sans trop de me´nagements aux tenants de la vision psychologique. Il est particulie`rement inte´ressant que cette dialectique se soit de´veloppe´e bien avant l’ave`nement de la psychanalyse et, plus encore, de l’approche scientifique du fait psychique telle que nous la connaissons aujourd’hui. Cela signifie que ce questionnement n’est pas conjoncturel mais qu’il est constitutif de toute e´tude sur la pathologie mentale. Voici un exemple de commentaire sur ce sujet qui laisse supposer le niveau de vigueur des e´changes : « Le joug des localisations ‘‘ce´re´brales’’ ne doit pas s’appesantir sur ‘‘Les phe´nome`nes de la vie de relation’’ a` ce point que les actes les plus complique´s de la vie morale et intellectuelle soient assimile´s aux ope´rations les plus simples de la vie organique [. . .]. » Or, dans ce domaine, notre Socie´te´ maintient parfaitement la ligne de´finie de`s son origine. Je pense meˆme que ses pionniers y verraient l’aboutissement de leurs vœux : une science devenue moins impe´rialiste, dont les apports servent la relation humaine, se situant elle-meˆme dans des cadres psychologiques devenus moins dogmatiquement spiritualistes. On a pu constater au cours de l’anne´e, et a` plusieurs reprises, la qualite´ du dialogue qui pouvait s’instaurer entre nous autour de communications portant sur des sujets impliquant des technologies de pointe. Il s’agit donc encore d’e´voquer autre chose. Si nous regardons un peu plus attentivement les the`mes traite´s a` cette e´poque, rayonnante pour la Socie´te´, nous y trouvons, et en grand nombre, ce que j’appellerais des sujets d’actualite´. Actualite´ scientifique certes, interactions avec d’autres disciplines me´dicales, mais aussi une tre`s large place accorde´e aux relations que la pathologie mentale entretient avec le corps social, notamment dans le domaine me´dicole´gal. Je crois souhaitable de faire revenir un peu d’actualite´ au sein des se´ances de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique. J’insiste un peu sur ce point que je conside`re comme primordial. Les prises de position sur les grands de´bats de notre temps qui concernent la profession (par exemple, la re´cente loi sur l’hospitalisation sous contrainte) e´manent le plus souvent d’organisations parfaitement respectables et le´gitimes, mais dont l’objet principal est la de´fense d’inte´reˆts cate´goriels. On ne peut que regretter l’absence de re´actions reposant sur un travail d’analyse plus construit, e´labore´ d’une fac¸on mieux de´battue, souscrivant a` cette « e´thique de l’e´change » a` laquelle je faisais allusion. Par le passe´, la Socie´te´ Me´dico-Psychologique a fre´quemment pris position, en l’exprimant par le vote d’une motion. Et ce n’e´tait pas sur des sujets minces. Parmi maints exemples, on trouve la loi sur les alie´ne´s dangereux en 1868 ou encore la question de la folie conside´re´e comme motif de divorce. En janvier 1918, Voivenel a solennellement demande´ l’appui de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique, qu’il a obtenu par un vote a` l’unanimite´, pour de´fendre devant la justice militaire les soldats qui avaient pre´sente´ des comportements de peur en relation avec des troubles psychiques aigus de guerre. On mesure, avec cet exemple, le haut niveau des enjeux des questions qui se traitaient alors a` la Socie´te´. La lecture de ces comptes rendus fait aussi apparaıˆtre autre chose : cette assemble´e, d’ailleurs souvent nomme´e par Antoine Ritti « notre compagnie », se saisissait elle-meˆme de ces questions, sans autre commission exte´rieure, au nom de la responsabilite´ qu’elle entendait exercer au sein de sa discipline, mais e´galement, et cela est souvent rappele´, dans l’inte´reˆt de l’alie´ne´, comme on disait a` l’e´poque, c’est-a`-dire du malade. Je pense, tre`s since`rement, que notre Socie´te´ aurait inte´reˆt a` renouer avec cette tradition. Mais, il convient de le rappeler encore une fois, la voix qui s’e´levait alors ne se faisait pas entendre sous l’effet de l’impulsion, de l’ide´ologie, des a priori dogmatiques, mais

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seulement apre`s un patient travail interne d’e´change, approfondi et respectueux de la diffe´rence des points de vue. Je pense que la se´ance organise´e conjointement avec l’E´cole Nationale de la Magistrature, a` Bordeaux, cette anne´e, repre´sente un bel exemple du roˆle que pourrait parfaitement jouer a` nouveau notre Socie´te´, et, j’ose le dire, sans concurrence. Elle peut se replacer facilement a` la croise´e des chemins, dans ce lieu dont les coordonne´es ne changeront jamais, c’est-a`-dire a` l’intersection de la pathologie mentale, avec son riche appareil scientifique, psychologique, neurologique, et des lignes de force qui traversent toutes les composantes du corps social. Nous sommes au XXIe sie`cle. Les sources de savoir et les canaux de communication n’ont plus rien de commun avec ce que nos grands devanciers ont connu. Les difficulte´s ne viennent plus de l’acce`s au savoir, a` la connaissance ou a` l’information, mais de la capacite´ a` les hie´rarchiser, a` les ordonner, a` les relativiser. Cela a e´te´ dit bien souvent, a` propos du de´veloppement foudroyant des me´dias et notamment d’Internet, et c’est vrai. Dans une psychiatrie qui est aujourd’hui parcellise´e, la Socie´te´ Me´dico-Psychologique demeure l’une des rares, sinon la seule assemble´e a` l’e´chelle nationale compose´e de psychiatres (et donc prochainement de bien d’autres) qui soient re´unis par la seule reconnaissance de leurs compe´tences, inde´pendamment de leur mode d’exercice et de leur cadre professionnel. Ce qui se situe tre`s exactement dans le prolongement de ce que les fondateurs de la Socie´te´ et des Annales Me´dico-Psychologiques avaient souhaite´. Le monde a change´ et il nous faut donc e´voluer. Mais cette e´volution peut parfaitement se conduire dans le respect de l’esprit de ces fondateurs. Ils ont cre´e´ un outil dont le rayonnement a e´te´ exceptionnel. Il a marque´ l’histoire de la psychiatrie parce qu’il correspondait a` un besoin que nos pre´de´cesseurs avaient identifie´ et perc¸u : la mise en commun, l’e´change, la recherche de´complexe´e de la ve´rite´ scientifique, la formalisation de positions e´labore´es et solidairement partage´es par les repre´sentants e´minents de la discipline. Encore une fois, tout a change´, excepte´ cette ne´cessite´. Elle demeure de notre temps identique a` ce qu’elle e´tait du leur. Plus pressante peut-eˆtre dans une e`re qui confond le pre´sent avec l’instantane´. ˆ ries Merci d’avoir preˆte´ attention a` ces quelques re´flexions, mu au cours d’une anne´e bien vite passe´e en votre compagnie. Il est temps pour moi de ce´der la parole a` notre nouveau pre´sident, le professeur Allilaire ; je vais le faire avec plaisir, en lui adressant tous mes vœux. Quant a` ma conclusion, je l’emprunterai au Docteur Brosius, me´decin allemand qui, ne pouvant se rendre au cinquantenaire de la Socie´te´, ce´le´bre´ lors de la se´ance du 26 mai 1902, adressa au professeur Motet, pre´sident, une lettre qui se terminait ainsi : Vivat, floreat, crescat, Societas medico-psychologica francogallica ! 2. Les perspectives pour l’avenir de la Socie´te´ Me´dicoPsychologique par le professeur Jean-Franc¸ois Allilaire, nouveau pre´sident Mes remerciements vont a` l’assemble´e ge´ne´rale qui m’a e´lu vice-pre´sident en 2010 apre`s 15 ans de bons et loyaux services comme secre´taire ge´ne´ral. Je voudrais tout d’abord souhaiter la bienvenue a` Evelyne Pewzner, qui m’avait pre´ce´de´ au pavillon Quentin la Pitie´ en 1970 : la boucle se boucle. Merci a` Bernard Lafont pour son amitie´, sa diplomatie, son sens de l’organisation et sa jeunesse d’esprit. J’ai une pense´e e´galement pour les secre´taires ge´ne´raux, Pierre Marchais juste avant, Christine Mirabel-Sarron juste apre`s moi-meˆme et Marc Masson maintenant, et, bien entendu, pour Jacqueline Parant, notre secre´taire administrative et secre´taire de re´daction depuis environ 35 ans, ve´ritable colonne verte´brale de la Socie´te´, avec qui je suis heureux de travailler

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depuis pre`s de 15 ans maintenant et dont la disponibilite´ aupre`s de chacun permet a` la Socie´te´ Me´dico-Psychologique d’eˆtre une ve´ritable famille. C’est sur eux que repose la pe´rennite´ de notre Socie´te´ Me´dico-Psychologique. Une pense´e e´galement a` ceux qui m’ont pousse´ a` m’engager activement dans la Socie´te´ Me´dico-Psychologique : Daniel Widlo¨cher, Andre´ des Lauriers, Cyril Koupernik ; a` mes maıˆtres en psychiatrie : Henri Ey, Pierre Pichot, Pierre Deniker, The´re`se Lempe´rie`re, Didier Duche´, Daniel Widlo¨cher, mais aussi Georges Deshaies, Jacques Lacan, car je dois beaucoup a` tous pour ma double formation Hoˆpitaux psychiatriques de la Seine et CHU, en psychiatrie d’adultes comme en psychiatrie d’enfants et adolescents. Avant d’e´voquer des perspectives d’avenir, je voudrais d’abord parler brie`vement des lec¸ons du passe´, puis donner des e´clairages importants sur le pre´sent, et enfin, livrer mes re´flexions sur les forces, les faiblesses, les opportunite´s sur lesquelles je crois que la Socie´te´ Me´dico-Psychologique peut s’appuyer pour guider son avenir et ne pas se le laisser dicter. En relisant Rene´ Charpentier lors du centenaire de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique, je trouve ces deux perles :

Ces lec¸ons du passe´ ont fait la vie de la Socie´te´ Me´dicoPsychologique et se retrouvent dans les Annales Me´dico-Psychologiques. Peu de lieux et peu de supports peuvent se targuer d’eˆtre de tels te´moins.

 a` ceux qui pourraient trouver notre Socie´te´ un peu vieillotte, la remarque a` Marie-Antoinette, fe´rue de mode, faite par sa modiste : « Madame, dit-elle, ce qui est nouveau, c’est ce qui a e´te´ oublie´ » ;  et puis la phrase de Renan (re´fe´rence intellectuelle et morale) : « Les vrais hommes de progre`s sont ceux qui ont pour point de de´part un respect profond pour le passe´. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous sommes, est l’aboutissement d’un travail se´culaire. »

Depuis longtemps, les psychiatres sont conscients de l’importance de l’environnement et de l’influence du milieu et les ont inte´gre´es dans leurs mode`les. C’est vrai pour les aspects sociaux et psychologiques, mais c’est vrai aussi au niveau des interactions ge`ne/environnement. Depuis le XXe sie`cle, l’apparition de nouvelles possibilite´s the´rapeutiques a permis de sortir de ce qui e´tait le roˆle de´volu aux alie´nistes devenus psychiatres, a` savoir prote´ger la socie´te´ contre les alie´ne´s, enfermer les malades dangereux et garantir leur innocuite´ pour la socie´te´. Cette question est a` nouveau a` l’ordre du jour, comme on le verra. Apre`s la Seconde Guerre mondiale, les psychiatres ont remis en question la the´orie des soins par l’isolement et ont mis en valeur l’importance des soins ambulatoires, la sectorisation, le de´veloppement d’une pe´dopsychiatrie et d’une psychiatrie libe´rales. La` encore, la re´volution the´rapeutique, dont on n’a pas encore fini de mesurer l’impact et la porte´e, a permis un soin sur mesure et un de´veloppement des psychothe´rapies. Elle a aussi relance´ le dialogue psychiatrie/socie´te´ autour des addictions mais avec toutes ces peurs collectives sur la dangerosite´ et le respect de la liberte´. Enfin, le tournant du sie`cle semble marque´ par l’acutisation et la cristallisation des diffe´rentes formes de la souffrance individuelle et collective, avec la difficulte´ des re´ponses a` apporter dans nos socie´te´s obnubile´es par le « principe de pre´caution », conduisant parfois a` des de´rives ide´ologiques au sein meˆme de la gouvernance sanitaire (de´rives de toute nature : ge´ne´tique, socioge´nique, et meˆme parfois a` nouveau antipsychiatriques !).

2.1. Les lec¸ons du passe´ Je veux rappeler, comme Henri Ey et Georges Lante´ri-Laura nous l’ont enseigne´ :  l’ante´psychiatrie, abord e´motionnel du pathologique avec des croyances pour cerner le non-visible, le monde spirituel, jusqu’aux phe´nome`nes de possession. Ces aspects restent encore la cle´ de compre´hension de bien des croyances culturelles qui ont surve´cu, ou qui pre´occupent nos malades ;  l’assistance archaı¨que d’origine religieuse, qu’elle soit chre´tienne ou musulmane, et qui reste un mode`le de bienveillance et de rejet de la stigmatisation ;  le sie`cle des Lumie`res avec Philippe Pinel. C’est l’e`re du citoyen prive´ de sa raison, be´ne´ficiant de la science et de la bienfaisance ;  les alie´nistes qui ont fonde´ notre socie´te´ savante et jete´ les bases de l’e´tude des maladies et des troubles mentaux ;  la pe´riode de la psychopathologie avec The´odule Ribot, Pierre Janet, Georges Dumas, qui part du mode`le pathologique pour comprendre les me´canismes du normal ;  l’e´clatement des paradigmes au tournant du XXe sie`cle avec la psychanalyse, la phe´nome´nologie, le comportementalisme, la psychiatrie biologique ;  l’e´clatement de la neuropsychiatrie en 1968 et surtout le de´veloppement des neurosciences et des sciences cognitives depuis maintenant 30 ans ;  pre´ce´de´s par la re´volution the´rapeutique de 1952 (Laborit, puis Hamon, Paraire et Velluz, puis Delay et Deniker avec le Largactil RP) ;  et depuis les anne´es 2000, la re´volution de la de´marche qualite´, c’est-a`-dire le retour a` l’ame´lioration des pratiques psychiatriques concre`tes, juge´es a` leurs re´sultats et a` leur respect des contraintes sociales, culturelles et e´thiques, en se re´fe´rant a` des termes comme « bientraitance » et lutte contre la maltraitance.

2.2. La situation actuelle Voyons maintenant, a` la lumie`re de cet e´clairage du passe´, quelle est la situation actuelle de notre psychiatrie et de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique et ses Annales Me´dico-Psychologiques au sein de cette ne´buleuse. Tout d’abord, la psychiatrie est heureusement reste´e a` ce jour, contre vents et mare´es, une branche de la me´decine. a` coˆte´ de la me´decine, de la chirurgie et de l’obste´trique (MCO) ; avec son mode`le bio-psychosocial ; attache´e a` sa finalite´ the´rapeutique et e´thique ; graˆce aux apports des sciences humaines et des sciences du vivant ;  anime´e par la ne´cessite´ de combiner valeurs scientifiques/ valeurs humanistes.    

Quelques points encore pour mieux de´crire la situation de la psychiatrie. La socie´te´ actuelle se caracte´rise par le dynamisme associatif, celui des familles, des patients (usagers). La loi du 4 mars 2002 a remodele´ le canevas juridique de la relation me´decin/malade et lance´ en France le mouvement des usagers. Le malade mental n’est plus un « objet de soin » mais un « sujet de droit » (Pinel en avait fait des citoyens, donnant de l’avance a` la psychiatrie sur la socie´te´). Elle de´veloppe une dynamique pour « fabriquer du lien social ». L’e´volution du corps social a ge´ne´re´ de tre`s nombreuses structures associatives qui sont des interme´diaires entre corps social et psychiatrie, permettant re´insertion, re´habilitation et de´stigmatisation.

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3. Allocution de de´but de pre´sidence, par le Professeur JeanFranc¸ois Allilaire Les nouveaux partenariats entre travailleurs en sante´ mentale/ travailleurs sociaux/soignants/patients/ex-patients marquent notre e´poque par plusieurs traits :  l’offre de soins s’est e´largie : psychiatrie communautaire, approche globale du patient, de´cloisonnement : coordination des acteurs du sanitaire et du me´dicosocial ;  l’inte´reˆt est croissant pour la sante´ mentale avec l’apparition dans nos socie´te´s d’une sorte de revendication au « droit au bonheur » ;  les nouvelles contraintes e´conomiques ne´es en raison de la crise financie`re puis e´conomique montrent la ne´cessite´ de mieux cibler l’offre ;  le risque de dilution des proble`mes psychopathologiques dans les proble`mes sociaux expose nos socie´te´s au retour d’une nouvelle antipsychiatrie ;  la ne´cessite´ de prote´ger la confidentialite´ renforce la ne´cessite´ d’un ancrage dans la base hippocratique de notre exercice. 3.1. Les droits des malades (depuis 1999 et surtout 2004) La loi du 9 juin 1999 garantit le droit d’acce`s aux soins. La loi du 4 mars, quant a` elle, garantit le droit aux soins, au libre choix, a` l’information, a` la liberte´ (loi du 20 juin 1938/loi du 27 juin 1990), droit de ne pas souffrir, droit a` la se´curite´ et a` la qualite´ des soins, droit a` un choix de vie diffe´rent et a` la diffe´rence. Risque de judiciarisation. 3.2. L’inflation des nouvelles demandes : quelles re´ponses de la psychiatrie pour les nouvelles demandes e´manant de la socie´te´ ? L’accroissement de 3 a` 5 % par an de l’ensemble des demandes : urgences, exclus, victimes, de´tenus, personnes aˆge´es et autres groupes sociaux, accroissement en contexte de crise et d’urgence :  perte de la prise en compte de la dure´e et culte de la rapidite´ ;  e´volutions de l’image du psychiatre – ambivalence du public – tout-puissant mais irresponsable, qui laisse en liberte´ les sujets dangereux. . . On rele`ve la persistance de deux images :  positive : le psychiatre veut soulager le mal-eˆtre ;  ne´gative : le psychiatre interne, drogue, transforme en zombie. Il faut discuter de la place de l’individu dans nos socie´te´s postmodernes en crise. En conclusion, la socie´te´ demande : judiciarisation, e´thique, transparence, lutte contre la maltraitance. La compe´tence du psychiatre, c’est le de´veloppement professionnel continu (DPC) depuis le 30 de´cembre 2011. Et paralle`lement, la science et les connaissances e´voluent tre`s vite, et un nouvel enjeu est apparu dans le champ de la psychiatrie, venant des patients et de la socie´te´ qui exigent des re´sultats ; c’est l’enjeu en me´decine d’une nouvelle culture de l’e´valuation et du de´veloppement de la qualite´ des soins en psychiatrie. Encore quelques mots de l’histoire de notre discipline pour e´clairer les enjeux actuels de la de´marche qualite´ des soins :  depuis la conception pine´lienne associant science et bienfaisance ;  e´volution drastique des protocoles de soins depuis le centre hospitalier spe´cialise´ (CHS), la sectorisation, la pharmacothe´rapie,

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 l’offre de soins est reste´e tre`s psychiatre-de´pendante jusqu’a` aujourd’hui,  l’obligation de moyens a change´ la donne,  d’ou` la prise de conscience de l’e´mergence de ce nouveau paradigme de l’e´valuation ;  jusqu’ici, l’ide´e allait de soi. Maintenant, les tiers-payants re´clament des comptes : quel re´sultat pour le malade ? (pre´vention de la judiciarisation de la psychiatrie). Comment progresser ?  la de´marche par une formation participative ;  l’e´valuation ne doit pas eˆtre une sanction ;  il faut passer du normatif (fonde´ sur l’evidence based medicine [EBM]) au formatif (apprentissage des pratiques professionnelles), c’est-a`-dire mieux prendre en compte certaines erreurs ou les proble`mes re´currents, en particulier en institution ;  les outils (ceux de la Haute Autorite´ de la sante´ [HAS] surtout de´veloppe´s a` l’hoˆpital) : indicateurs suivis, aide-me´moire, revues de pertinence, RMM, staff EPP [e´valuation des pratiques professionnelles], groupe de pairs avec e´tude de cas, revue de concertations pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle (RCP). Comment les promouvoir ?  valoriser l’existant et le savoir lie´ a` l’expe´rience ;  de´velopper des me´thodes inte´gre´es a` l’exercice professionnel ;  de´velopper les de´marches de coope´rations (me´decin ge´ne´raliste/ psychiatre) ;  de´velopper pour le patient les mesures d’impact et les be´ne´fices the´rapeutiques des nouvelles the´rapies (efficacite´/efficience) ;  amplifier la participation personnelle aux de´bats pluriprofessionnels et pluridisciplinaires. 3.3. La de´marche qualite´ La de´marche qualite´ vise a` de´velopper le meilleur soin possible ˆ t et pour le sur le plan humain et technique, au meilleur cou meilleur re´sultat the´rapeutique, dans un environnement sanitaire, scientifique, culturel et socioe´conomique donne´. Il apparaıˆt de plus en plus que, dans notre contexte sanitaire franc¸ais et europe´en, on s’achemine a` grands pas vers un management participatif pluriprofessionnel et pluridisciplinaire de l’exercice me´dical, associe´ a` une e´valuation formative des praticiens. Depuis la me´thode des EPP, de nombreuses innovations me´thodologiques sont en cours d’e´laboration entre les professionnels et la HAS, pour la mise en place du DPC maintenant a` l’ordre du jour. En effet, le DPC a e´te´ inscrit dans l’article 59 de la loi HPST portant re´forme de l’hoˆpital et relative aux patients, a` la sante´ et aux territoires. Il apparaıˆt que la pe´rennisation et la transmission des acquis seront de plus en plus dans la de´pendance de l’environnement professionnel pluridisciplinaire et pluriprofessionnel des psychiatres, de meˆme que leurs compe´tences individuelles nourries et enrichies par leur fre´quentation des socie´te´s savantes, la lecture des revues telles les Annales Me´dico-Psychologiques et la formation informelle offerte et apporte´e par Internet, ve´ritable re´volution de notre temps. Depuis le 30 novembre 2011, la sortie des de´crets sur le DPC change maintenant la donne. Tel est donc le bilan du pre´sent et les lignes de forces au sein desquelles notre Socie´te´ Me´dico-Psychologique se trouve place´e a` la croise´e des chemins.

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La Formation me´dicale continue (FMC), qui e´tait depuis un demi-sie`cle le fond de la Socie´te´ Me´dico-Psychologique, s’est constitue´e dans les anne´es 1970 pour tenter de mieux re´pondre a` la ne´cessite´ d’actualisation des connaissances des praticiens, alors que de nouvelles donne´es de la recherche clinique se multipliaient et exigeaient des adaptations conside´rables, parfois me´dicales, de la plupart des de´marches diagnostiques et the´rapeutiques, sans parler de la crise des mode`les. Cette FMC s’est donc de´veloppe´e autour des associations de me´decins et des congre`s, et a` un moindre degre´ des socie´te´s savantes. Elle a ge´ne´re´ par ailleurs une presse me´dicale et scientifique quotidienne et pe´riodique, ge´ne´raliste et spe´cialise´e, souvent fortement soutenue par l’industrie pharmaceutique. Notons que cela n’a jamais e´te´ le cas des Annales Me´dico-Psychologiques qui sont toujours reste´es inde´pendantes. Depuis les anne´es 1990, la FMC s’est trouve´ renforce´e par une demande d’ame´lioration de la qualite´ des pratiques de la part des gestionnaires, autorite´s sanitaires et financeurs de la sante´, visant avant tout a` re´duire l’incroyable variabilite´ des pratiques en psychiatrie. Les recommandations de Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) ont pendant un temps permis de faire e´voluer cette variabilite´ excessive des pratiques dans tous les pays de´veloppe´s et en France (ou` l’on garde toutefois des particularite´s – la ce´le`bre ˆ eˆtre fait exception franc¸aise). Cependant, un constat d’e´chec a du concernant la FMC, dans la mesure ou`, malgre´ leur caracte`re normatif (c’est-a`-dire opposable), ces BPC ne permettaient pas de susciter des modifications tangibles et en particulier pour les pouvoirs publics et les caisses, qui sont mesurables en termes e´conomiques, dans le comportement clinique et professionnel des me´decins. C’est autant de raisons pour lesquelles le le´gislateur a fini par de´cider de tenir compte des limites de la strate´gie de la FMC juge´e incapable de modifier le comportement des me´decins et de prendre en compte dans la loi le fait que la pe´rennisation des acquis d’une formation de´pend au moins autant des compe´tences individuelles des praticiens que de l’environnement dans lequel ils exercent. Et c’est pourquoi de nouvelles formes de re´organisation de la pratique clinique sont appele´es a` se de´velopper sous l’appellation acronymique ingrate de DPC, sous la forme prioritaire d’un travail de formation plus constructif en commun incitant les praticiens a` se former et a` s’organiser en e´quipe, autrement dit remplacer le traditionnel exercice isole´ du psychiatre et du clinicien par une priorite´ accorde´e au travail en e´quipe e´ventuellement pluriprofessionnelle (c’est-a`-dire incluant le me´decin ge´ne´raliste, le psychologue, le travailleur social). Il s’agit donc de remplacer la formation continue, telle que la Socie´te´ Me´dico-Psychologique l’apporte a` ces membres, dans un projet d’exercice professionnel visant a` l’ame´lioration du service rendu au patient. 3.4. Quels sont les atouts et les faiblesses de la Socie´te´ Me´dicoPsychologique pour l’avenir ? 3.4.1. Les atouts Ce sont :

 son champ ge´ne´raliste fonde´ sur la clinique et la recherche actuelle d’un mode`le e´clectique (contrairement a` l’e´poque des anathe`mes). 3.4.2. Les faiblesses Ce sont :  la multiplication des socie´te´s savantes qui a vide´ la Socie´te´ Me´dico-Psychologique des praticiens depuis 20 ans ;  l’e´clatement de la psychiatrie en chapelles, groupuscules qui n’ont pas fait encore le choix de se regrouper/rassembler pour affronter les enjeux de l’avenir en de´battant entre eux (malgre´ des tentatives telles que la Fe´de´ration franc¸aise de psychiatrie [FFP] et plus re´cemment le Colle`ge National pour la Qualite´ des Soins en Psychiatrie [CNQSP]) ;  l’isolement actuel des praticiens surcharge´s d’activite´, confronte´s aux demandes croissantes des patients, aux contraintes professionnelles grandissantes et au de´veloppement exponentiel des savoirs ;  l’absence re´elle de FMC inde´pendante depuis 30 ans, ce qui est en voie d’eˆtre re´forme´ par les de´crets du DPC. Le DPC est l’opportunite´ que nous attendons depuis dix ans. Il constitue un cadre malheureusement contraignant, il remplace une partie du chapitre III du code de la sante´ publique. Il comporte (Article R 41.33.1) :  l’analyse par les me´decins de leurs pratiques professionnelles ;  l’acquisition ou l’approfondissement de leurs connaissances et de leurs compe´tences. Il constitue « une obligation individuelle qui s’inscrit dans une de´marche permanente » :  article R 41.33.2 : le me´decin satisfait a` son obligation annuelle de DPC de`s lors qu’il participe au cours de l’anne´e civile a` un programme de DPC collectif annuel ou pluriannuel. Ce programme doit :  eˆtre conforme a` une orientation nationale ou a` une orientation re´gionale, arreˆte´e au vu d’une proposition de la Commission scientifique inde´pendante (CSI) des me´decins ou prenant en compte les orientations fixe´es par les conventions conclues avec les organismes d’assurance maladie ;  comporter une des me´thodes et des modalite´s valide´es par la HAS apre`s avis de la CSI. Les me´thodes pre´cisent les conditions qui permettent d’approuver la participation effective ;  eˆtre mis en œuvre par un organisme enregistre´. Les quelques passages du de´cret nous montrent que nous sommes ve´ritablement arrive´s en 2012 a` la croise´e des chemins de la vie et de l’existence meˆme des socie´te´s savantes telles que notre Socie´te´ Me´dico-Psychologique. 3.5. Plusieurs sce´narios sont possibles Les sce´narios sont :

 son passe´, son patrimoine intellectuel ;  la participation des familles d’exercice et des apparente´s : Public, Prive´, Militaire, Universitaire, Mixte, Pe´dopsychiatrie et Psychiatrie d’Adultes (qui peuvent y dialoguer) ; et aussi les psychologues cliniciens, les psychothe´rapeutes habitue´s de longue date a` discuter, dialoguer, e´changer, et garder la trace de ces de´bats ;

 soit nous de´cidons d’ignorer purement et simplement cette nouvelle donne et de poursuivre notre activite´ comme par le passe´, conside´rant que la dimension pratico-pratique rele`ve d’autres structures que la noˆtre ou` chacun pourra s’adresser a` un formateur, en fonction de son lieu d’exercice par exemple ; je crains que ce soit l’arreˆt de mort de la Socie´te´ Me´dico-

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Psychologique par apoptose, car les jeunes psychiatres ne nous rejoindront pas ;  soit nous nous plions strictement a` la logique de la formation me´dicale qui nous met dans la meˆme situation que le MCO, donc la neurologie nous ame`ne a` sacrifier petit a` petit les spe´cificite´s de la psychiatrie, a` nous rapprocher puis nous confondre avec les autres pratiques me´dicales, au me´pris des apports ne´cessaires des sciences humaines ; ce serait un suicide, non pas une mort programme´e mais une mort volontaire ;  ou alors nous de´cidons de participer a` notre manie`re au mouvement ge´ne´ral de rede´finition et d’ame´lioration des particularite´s du me´tier de psychiatre (et autres praticiens et me´decins cliniciens) et de reposer de fac¸on pragmatique l’originalite´ et l’autonomie de notre discipline a` coˆte´ du MCO et non pas comme simple spe´cialite´ me´dicale, dans ses me´thodes, sa temporalite´ longue et sa position carrefour me´dicopsychologique et me´dicosociale. Alors l’arrive´e du DPC est une ve´ritable opportunite´ et si la Socie´te´ Me´dico-Psychologique, dont on a vu qu’elle est porteuse de tous les ingre´dients d’une formation continue de haute qualite´, de´cide de s’adapter aux formats exige´s par le DPC, alors de nouvelles perspectives s’ouvrent. Je rappelle ces formats :  soit (article R 41.33.2) devenir organisme agre´e´ (enregistre´) dans la liste des organismes agre´e´s de la HAS sur avis de la CSI des me´decins et avec le concours des conseils nationaux

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professionnels de spe´cialite´ d’exercice qui regroupent les socie´te´s et les organismes professionnels ; pour cela, la Socie´te´ Me´dico-Psychologique devra e´laborer un dossier montrant que son programme de formations est adapte´ au cahier des charges du DPC :  se mettre en conformite´ avec les orientations nationales et re´gionales de´cide´es par les Organisme Gestionnaire du De´veloppement Professionnel Continu (OGDPC),  comporter des me´thodes et modalite´s valide´es par la HAS apre`s avis de la CSI, permettant d’appre´cier la participation effective de chacun a` un programme de DCP ;  soit (article R 41.33.5) se faire accre´diter par un organisme ˆ ment enregistre´ aupre`s de l’OGDCP dans les de DCP du conditions pre´vues par l’article 4021-13 (c’est le cas de la FFP et du CNQSP), ce qui suppose de re´fle´chir avec eux aux adaptations ne´cessaires. 3.6. Conclusion Les choix sont un enjeu majeur de la pre´sidence que j’ai l’honneur d’assumer en 2012 apre`s avoir servi presque 15 ans comme secre´taire ge´ne´ral. Je pense que nous les re´aliserons ensemble avec l’aide de tous, des anciens comme des plus jeunes et si l’on y parvient, nous aurons re´ussi a` apporter a` la Socie´te´ Me´dico-Psychologique ce sang neuf qui redonnera de l’avenir a` ce qui est la ligne e´clectique imprime´e a` la Socie´te´ Me´dico-Psychologique par ses cre´ateurs, il y a plus de 150 ans.