Les appels d’urgence au Samu

Les appels d’urgence au Samu

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C.R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie / Life Sciences 324 (2001) 663–666 © 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0764446901013348/FLA

Santé dans la ville / Health in city

Les appels d’urgence au Samu Geneviève Barrier* Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France Reçu le 25 janvier 2001 ; accepté le 12 mars 2001 Présenté par Jean Rosa

Abstract – Emergency calls in the french Samu system. The French emergency medical system is public and medical. Named Samu, it is almost entirely managed by anesthesiologists specially trained for emergency medical assistance and advanced medical support. The system comprises a reception and dispatching center for emergency calls, directly connected to police and firemen, but assuring patient confidentiality. This fixed center is managing mobile unities which are Medical Intensive Care Ambulances (MICA named Smur in France). The Samu’s mission consists in performing urgent individual medical assistance and also medical services for treatment of mass casualties. It is also to find adequate hospital units for the patients, to perform medical transport and to be a consultant for general practitionners in emergency. © 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS emergency / calls / Samu

Résumé – En France, l’aide médicale urgente (AMU) est une mission de service public. Selon la loi du 6 janvier 1986, elle doit assurer une écoute médicale permanente, déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation publics ou privés adaptés à l’état du patient… organiser le transport et veiller à l’admission du patient ». Les Services d’aide médicale urgente (Samu) destinés à cette tâche sont localisés dans les hôpitaux publics, dirigés par des anesthésistes–réanimateurs et chargés de recevoir et de traiter les appels du public. Ces appels sont reçus en première ligne par des secrétaires très spécialisés, les permanenciers auxiliaires de régulation médicale, (PARM) qui, après avoir recueilli les renseignements d’état civil et le motif de l’appel le transmettent immédiatement à un médecin régulateur. C’est ce dernier qui, après avoir établi un diagnostic, déclenchera les moyens les plus appropriés au traitement du malade ou du blessé. L’analyse des appels reçus au Samu montre que si leur nombre est en progression constante, les véritables urgences médicales ne représentent qu’une minorité des cas. Les autres relèvent de la détresse psychologique ou sociale. Les cas médicaux les plus souvent traités sont les urgences cardiologiques, traumatiques et pédiatriques. © 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS appels / urgence / Samu

1. Introduction Le mot d’urgence ne recouvre pas la même réalité pour le public et pour le corps médical. Pour les médecins les urgences sont les pathologies qui mettent la vie ou une

fonction importante des malades en danger. Pour le public, ce sont des détresses qui requièrent l’aide et l’assistance d’un tiers, voire une solution immédiate à une difficulté passagère. Ailleurs que dans les grandes villes, la population fait appel à son médecin de famille ou à une personne

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (G. Barrier).

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de son entourage apte à lui dispenser conseils, enseignement et soins. Mais dans les grandes métropoles, une partie importante de la population, venue de la province pour trouver un emploi, vit comme immigrée dans son propre pays, sans voisins compatissants ou médecin de famille. L’exercice de la médecine ambulatoire mal rémunéré, devenu dangereux et problématique dans certains quartiers en raison de l’insécurité, surtout la nuit, la féminisation de la médecine, expliquent la diminution du nombre de médecins généralistes prêts à répondre aux appels urgents de personnes inconnues. Le Samu est ainsi devenu le recours de beaucoup en cas de crise. La simplicité et la gratuité des appels au numéro 15, l’assurance d’être entendu et pris en charge sur tout le territoire, expliquent à la fois le succès du Samu et les excès dont il est victime. Samu veut dire « service d’aide médicale urgente ». C’est un centre départemental de réception et de régulation des appels d’urgence. Il est situé dans le CHU départemental et fonctionne en permanence. Les appels y sont reçus d’abord par les permanenciers auxiliaires de régulation médicale ou « PARM », secrétaires médicaux très spécialement formés à une technique de communication rapide et efficace qui, après avoir recueilli les renseignements d’état civil et le motif d’appel transmettent celui-ci au médecin régulateur selon une procédure standardisée. Le médecin régulateur est le pivot du système. D’où sa responsabilité judiciaire [5] : c’est lui qui établit le premier diagnostic dont découlera la stratégie thérapeutique. Ce peut être un simple conseil, l’envoi d’un médecin sur place, l’envoi d’une ambulance ou dans les cas les plus graves l’envoi d’un service mobile d’urgence et de réanimation (Smur). Ces Smur sont des ambulances dotées d’un matériel très perfectionné. Leur équipage est dirigé par un médecin réanimateur qui peut dispenser immédiatement les soins les plus sophistiqués dans les conditions les plus inattendues. Le médecin chef de bord du Smur est en communication constante avec le médecin régulateur du Samu. Pendant que les soins médicaux urgents sont administrés dans l’ambulance, les éléments du dossier médical sont transmis au médecin régulateur du Samu. Celui-ci cherche le lieu d’hospitalisation le plus adapté au traitement du malade et prévient le médecin receveur de son arrivée imminente. C’est ainsi que les soins entrepris seront poursuivis pendant le transport et à l’hôpital sans aucune solution de continuité. Plusieurs textes réglementent très strictement l’organisation de l’aide médicale urgente en France. La loi du 6 janvier 1986 [1] définit le statut juridique du centre de réception des appels . Le décret du 16 décembre 1987 [2] définit la liste des établissements hospitaliers qui seront le siège des Samu. Deux décrets définissent les conditions des transports médicalisé [3]. L’aide médicale urgente est une mission de service public qui « doit assurer une écoute médicale permanente, déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation publics ou privés adaptés à l’état du

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patient, compte tenu du respect du libre choix, et faire préparer son accueil ; organiser le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transport sanitaire ; veiller à l’admission du patient. » Les médecins qui s’y consacrent sont titulaires de la Capacité de médecine d’urgence, diplôme postuniversitaire obtenu après deux ans d’études et de la Capacité de médecine de catastrophe obtenue après un an d’études. Le budget du Samu est compris dans celui de l’hôpital où il est situé. Le prix du transport sanitaire (1 507 F la demi-heure à Paris) est pris en charge par la sécurité sociale, non sans laisser à la charge des malades le montant du ticket modérateur (35 % du montant total). La tâche dévolue au Samu est rude : en l’espace de dix ans, on est passé du traitement des urgences médicales graves, prévu dans le décret fondateur, à une demande de permanence des soins, à l’urgence sociale et à la demande de renseignements divers qui relèvent plutôt d’une mission de « bon samaritain » [6]. C’est ainsi que le nombre d’appels reçus par les 98 Samu départementaux français a été multiplié par trois en dix ans : le dernier bilan national (1997) fait état de 11 millions d’appels dont seulement 600 000 cas graves justifiaient l’envoi d’un Smur. Ces appels proviennent en majorité de la population, mais aussi des sapeurs-pompiers et de la police, des secouristes qui sont sur la voie publique, des infirmières et des médecins généralistes. La régulation de ces appels, c’est-à-dire l’analyse de leur pertinence, est donc de la plus haute importance. Commencée par les PARM, elle doit être menée à bien par le médecin régulateur dans un délai très bref pour repérer immédiatement les appels les plus urgents comme les arrêts cardiaques. Plus de la moitié des demandes seront résolues par un simple conseil ou l’envoi d’un médecin à domicile. C’est ainsi que trois millions de visites médicales ont été ordonnées par le Samu en 1997. La majorité des demandes de transports sanitaires qui ne nécessitaient pas l’accompagnement d’un médecin a été résolue par l’envoi d’un véhicule de premier secours des sapeurs-pompiers ou d’une ambulance non médicalisée. À Paris, pendant les dix dernières années, le nombre des appels a été multiplié par 3,5 alors que le nombre de dossiers médicaux traités n’a que doublé : 53 000 dossiers traités en 1990 et 108 300 en 1999 avec la conséquence inéluctable et préoccupante de l’allongement du temps d’attente des appels urgents aux heures de pointe. C’est dire qu’une partie des appels reçus correspond à des détresses sociales plus qu’à des urgences médicales, et que leur solution relève du conseil, voire de la compassion plus que du soin. Ils doivent cependant être traités ce qui constitue une des difficultés majeures de la régulation médicale : repérer dans la masse des appels qui se succèdent à un rythme accéléré (un appel toutes les trois minutes en moyenne au Samu de Paris), ceux qui représentent une véritable urgence médicale nécessitant l’envoi d’un

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Smur. C’est le cas des urgences vitales mais aussi celui des urgences fonctionnelles comme l’amputation traumatique d’une main qui ne pourra être réimplantée avec succès que si l’intervention est rapide sur un membre bien conservé. C’est ainsi que le Samu de Paris a traité et transporté près de 18 000 malades et blessés en 1999, que ce soit de la ville vers l’hôpital (transports primaires) ou d’un hôpital vers un autre (transports secondaires). L’analyse de l’activité montre des variations horaires (le pic des appels se situe le matin de 7 à 11 h et le soir de 16 à 18 h), hebdomadaires (les pics d’activité sont le lundi, et le vendredi). Depuis quelques années, on n’observe plus de baisse d’activité estivale, les soins aux touristes étrangers compensant les départs en vacances des Parisiens ce qui entraîne d’ailleurs des complications de prise en charge et de règlement administratif de ces actes. Nous n’omettrons pas le rôle joué par les Samu en cas de catastrophe, d’attentat ou de sinistre entraînant un grand nombre de blessés [4]. Le déclenchement des secours médicaux provient alors des pouvoirs publics et est conduit selon une procédure particulière : le « plan blanc ». Ce plan, élaboré en 1986 lors de la vague d’attentats terroristes qui ont fait de très nombreuses victimes, permet d’impliquer plusieurs Samu de façon progressive et concentrique en fonction des besoins, de la nature et du nombre de victimes. Les motifs d’appels au numéro 15 les plus fréquents sont les pathologies cardiaques, traumatiques et pédiatriques que nous illustrerons par trois exemples.

2. En cardiologie En cardiologie, 60 % des diagnostics invoqués au téléphone se révèlent faux à l’examen clinique. Cela implique l’envoi systématique en urgence d’un médecin au domicile de la personne qui appelle, compte tenu de l’enjeu : un diagnostic exact et rapide qui permette le traitement des infarctus du myocarde dans les deux heures suivant la survenue des douleurs thoraciques. Une enquête prospective sur le traitement de l’infarctus du myocarde coordonnée par le Samu de Paris du 15 septembre au 15 décembre 1997, a porté sur 108 Smur (un tiers de la France) représentant 22 millions d’habitants dont la moitié vit dans les villes de plus de 100 000 habitants. Ses résultats viennent d’être publiés en mars 2000. Ils montrent que le délai entre l’apparition de la douleur et l’appel au Samu est de 84 min ce qui est trop long et devrait être amélioré. Le traitement administré pour dissoudre le caillot qui obture les coronaires a commencé à domicile en moyenne 15 min après l’appel. Ce traitement est continué pendant le transport en Smur jusqu’au service de cardiologie destinataire malade. Là sera entreprise l’angioplastie coronaire si elle se révèle nécessaire. Notre enquête a aussi montré que 72 % des malades qui appellent eux-mêmes le Samu centre 15 sont traités en moins de deux heures. Ils ne représentent malheureuse-

ment que 42 % des cas alors que ce sont eux qui pourront bénéficier de l’ensemble de la thérapeutique : thrombolyse et angioplastie. Dans la majorité des cas, le délai de prise en charge a été supérieur à quatre heures, délai qui obère fortement les chances de succès du traitement. L’éducation du public doit donc être poursuivie sans relâche afin de diminuer ce délai d’attente avant l’appel au Samu.

3. Les accidents de la voie publique Ils sont le principal fléau de la vie moderne dont les Samu sont les témoins quotidiens. En 30 ans, le nombre de tués sur les routes de France a certes diminué, mais il est encore d’environ 8 000 personnes par an, chiffre stable depuis cinq ans. Si ce chiffre est connu, celui du nombre des blessés l’est moins : 170 à 180 000 personnes sont blessées par an, dont environ 40 000 blessés graves garderont des séquelles plus ou moins sévères. Le nombre de victimes d’accidents impliquant les voitures de tourisme a tendance à baisser, contrairement à ceux mettant en jeu les piétons et les deux roues. Bien entendu l’alcool joue son rôle dans ce désastre comme en témoigne la forte incidence les vendredi et samedi soir au sortir des restaurants et lieux de distraction.

4. Les urgences pédiatriques Les urgences pédiatriques représentent entre 1,5 et 1,9 million de cas par an en France soit 15 % des enfants de moins de 15 ans. Le nombre des enfants traités en urgence augmente de 5 % par an. Les urgences chirurgicales représentent 35 % de l’ensemble. À l’Assistance publique/hôpitaux de Paris, 80 % des enfants traités en urgence ont moins de cinq ans, et 50 % moins de deux ans. Le Samu traite le tiers de ces urgences en envoyant un médecin sur place. Les appels pour hyperthermie persistante représentent 23 % du total, les troubles digestifs 15 %, les accidents 14 %. L’activité du Smur pédiatrique est un bon témoin de l’application des deux décrets de périnatalité du 9 octobre 1998 : la meilleure prise en charge des grossesses pathologiques dans les maternités de rang I en Île-de-France (situées dans des centres hospitaliers dotés de services de réanimation) a entraîné une baisse de 18 % de l’activité de transport des nouveau-nés âgés de moins de sept jours entre 1999 et 1998 .Il n’en reste pas moins que le transport de nouveau-nés depuis le lieu de leur naissance jusqu’à un service de réanimation néonatale représente encore 43 % de l’ensemble des transports du Smur pédiatrique. Les deux tiers de ces nouveau-nés transportés souffraient de détresse respiratoire nécessitant des soins de réanimation poursuivis pendant le transport ; 56 % d’entre eux étaient des prématurés. Il faut donc rester très vigilant sur l’application des textes réglementaires, sachant que mal

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La médecine d’urgence est une caricature de la médecine en général : le temps est raccourci, le trait grossi, la charge émotionnelle exagérée dans toutes les réactions. Mais comme toutes les caricatures, elle révèle une part de vérité. C’est pourquoi, au fil des années, le Samu est devenu un observatoire privilégié de la santé dans la ville.

Toute épidémie, toute catastrophe, tout phénomène ayant un retentissement sur la santé ou l’équilibre de la population urbaine se traduit immédiatement par une recrudescence des appels à l’aide. Les hôpitaux sont ainsi informés en temps réel des besoins de la collectivité, et la structure s’adapte instantanément à la demande. Cette souplesse d’organisation, due à sa situation au sein de l’hôpital public permet la mobilisation immédiate d’un grand nombre de spécialistes. C’est ainsi que dans la période difficile de mutation actuelle de la profession médicale, c’est souvent le Samu qui assure la sécurité des plus atteints ou des plus démunis des citadins.

Références

[4] Barrier G., Emergency medical services for treatment of mass casualties, Crit. Care Med 17 (1989) 1062–1067.

gré tous les efforts entrepris on ne pourra réduire à néant le risque d’accouchement prématuré.

5. Conclusion

[1] Loi du 6 janvier 1986 sur l’aide médicale urgente. [2] Décret du 16 décembre 1987 définissant les missions et le fonctionnement des Samu. [3] Décrets du 30 mai 1997 fixant les conditions de transport médicalisé et d’accueil des urgences médicales dans les établissements de santé.

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[5] Barrier G., Responsabilité médico-légale en urgence, in : Carli P., Riou B. (Eds.), Urgences medicochirurgicales de l’adulte, 1 vol., Arnette, Paris, 2001 (à paraître). [6] Barrier G., Éthique, déontologie, secret médical et information du patient en urgence, in : Carli P., Riou B. (Eds.), Urgences medicochirurgicales de l’adulte, 1 vol., Arnette, Paris, 2001 (à paraître).