Ann Chir Plast Esthét 2001 ; 46 : 190-5 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0294-1260(01)00020-6/FLA
Article original
Les brûlures de la face chez l’enfant. À propos de 197 patients N. Capon-Degardin, V. Martinot-Duquennoy ∗ , V. Lesage-Maillard, V. de Broucker, P. Patenotre, B. Herbaux, P. Pellerin, L. Gottrand Service de chirurgie plastique, hôpital Roger Salengro, 1, place de Verdun, 59037 Lille cedex, France (Reçu le 11 décembre 2000 ; accepté le 21 décembre 2000)
Résumé La brûlure de la face est un accident fréquent chez l’enfant. 197 dossiers d’enfants hospitalisés ont été étudiés de 1991 à 1996. Cent seize patients avaient moins de trois ans. Un quart était issu de milieux défavorisés, avec neuf cas de maltraitance. Les liquides bouillants étaient la cause de la brûlure 113 fois. La surface brûlée totale était inférieure à 10 % dans 63 % des cas, la surface faciale dans 4 % avec surtout une atteinte jugale, mentonnière et frontale. Le tronc et les membres supérieurs étaient souvent atteints. Cent trente patients ont été hospitalisés, quatre sont décédés. La durée moyenne de séjour était de 17,31 jours. Cinquante deux enfants ont eu des greffes de peau mince. La cicatrisation a nécessité 21 jours chez les enfants non greffés et 35,65 jours chez les greffés. Vingt huit enfants ont été admis au centre de rééducation. Les cicatrices étaient pâles, souples et discrètes chez 158 enfants à deux ans. Onze enfants ont eu des traitements secondaires. Les auteurs analysent les résultats et insistent sur la prévention. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS brûlures / enfant / épidémiologie / face
Summary – Facial burns in child. A review of 197 patients. Facial burns frequently occur in child. A total of 197 burned patients with facial localisation were seen during the time period (1991–1996) covered by this retrospective study. One hundred and sixteen patients were less than three years old. A quater of the child were issued from poor social classes with nine cases of child abuse by burning. One hundred and thirteen injuries were performed by hot water or drinks. The total burn area was less than 10% in 63% of the cases. The average facial burned area was 4%. The cheek, the front and the chin were often concerned. Low limbs and trunck were unjuried in all cases. 130 patients needed hospitalisation, and stayed in average 17.31 days at hospital. Four patients died from respiratory complications, all after flame injuries. Fifty two child needed skin split grafts. Complete cicatrisation was observed after 21 days of treatment in child without grafts, and after 35.65 days in child whith skin grafts. Twenty eight patients needed physiotherapy in center. The scars had a correct cosmetic apperarance, without retraction and inflammatory signs in 158 child after two years. Eleven patients needed other surgical treatment. The authors analyse the results and insist on prevention. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS burns / child / epidemiology / face
∗ Correspondance et tirés à part.
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Brûlures de la face chez l’enfant
Tableau I. Répartition selon l’âge des 197 enfants brûlés avec une localisation faciale.
Tableau II. Répartition des difficultés sociales retrouvées chez 53 familles parmi les 197 étudiées (ALD = Affection de longue durée). Hygiène défectueuse
12
Niveau culturel bas
7
Revenus bas
15
Parent seul ou séparé
13
Ethylisme parental
3
Parent malade en ALD
3
Total
Malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation et de prévention, les brûlures de la face chez l’enfant, et plus particulièrement chez le jeune enfant, sont fréquentes [1]. De circonstances le plus souvent accidentelles et domestiques, elles sont assez stéréotypées. Il s’agit le plus souvent d’un jeune garçon de trois ans qui, en explorant le monde qui l’entoure, s’expose aux multiples dangers de la maison, notamment dans la cuisine et la salle de bain. L’accident typique est celui de la casserole posée sur la cuisinière, dont le manche est accessible et que l’enfant curieux d’en observer le contenu, renverse sur lui. Le liquide chaud, voire bouillant, brûle l’enfant sur la partie latérale de la face, le membre supérieur et la partie haute du tronc. La localisation faciale revêt une gravité particulière notamment dans la population enfantine. Le caractère brutal et accidentel, le vécu dramatique et le sentiment de culpabilité des familles, l’atteinte d’une zone socialement essentielle sont autant d’arguments de gravité. Ainsi, même si le pronostic vital est rarement mauvais, ces brûlures ne sont jamais anodines du fait de leurs conséquences esthétiques, fonctionnelles et psychologiques. Afin de mieux évaluer ces conséquences, les auteurs ont réalisé une étude rétrospective chez 197 enfants de moins de dix ans présentant une brûlure comportant une localisation faciale sur une période continue de cinq ans.
PATIENTS ET MÉTHODES L’étude a été réalisée au CHR de Lille, chez des patients hospitalisés de 1991 à 1996. Pour des raisons historiques locales, les enfants de moins de trois ans ont été hospitalisés dans le service de chirurgie pédiatrique. Les enfants de plus de trois ans et moins de dix ans étaient suivis au centre de traitement des grands brûlés. Nous avons exclu les enfants de plus de dix ans posant des problèmes différents. La même équipe chirurgicale suivait les deux groupes d’enfants ; en revanche les équipes anesthésiques étaient différentes.
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Nous avons inclus dans l’étude tous les patients présentant une brûlure de la face soit isolée soit associée à une autre localisation. Nous avons étudié les données épidémiologiques, les caractéristiques de la brûlure, les modalités du traitement aigu et secondaire. Les séquelles ont été évaluées à 3, 6, 12 et 24 mois. L’évaluation des séquelles cicatricielles a été faite sur l’existence d’une dyschromie, les signes inflammatoires (érythème, pouls capillaire rapide, prurit), l’importance des cicatrices hypertrophiques, le degré de rétraction. Les gestes chirurgicaux secondaires ont été étudiés.
RÉSULTATS Cent quatre vingt dix sept observations ont été analysées. 116 enfants avaient moins de trois ans au moment de l’accident. Quatre vingt un étaient âgés de trois à dix ans. Le sex ratio était de 108 garçons (55 %) pour 89 filles. L’âge moyen au moment de l’accident était de trois ans et trois mois, avec des extrêmes de trois mois à dix ans. La répartition par tranche d’âge montre un pic de fréquence entre un et trois ans (tableau I).
Milieu socio-économique Un quart des patients était issu de milieux défavorisés où les faibles moyens matériels, le niveau socioculturel bas, l’hygiène précaire et l’alcoolisme parental étaient souvent associés (tableau II). Dans 75 % des cas le nombre d’enfants de la fratrie était supérieur à trois. Vingt-cinq familles étaient déjà connues des services sociaux. Six familles ont fait l’objet d’une première enquête sociale à la suite de cet accident. La brûlure a provoqué le placement provisoire de quatre enfants, et la mise sous tutelle de deux autres pour maltraitance avérée. Trois enfants ont fait l’objet d’un signalement au procureur de la République pour négligence et manque de soins. Au total, neuf enfants ont été victimes de maltraitance ou de négligence nette.
Agent causal Les liquides bouillants représentaient la cause de la brûlure dans 113 cas. Il s’agissait 55 fois d’eau bouillante
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N. Capon-Degardin et al.
Tableau III. Répartition des autres localisations de brûlure que l’atteinte faciale présente chez les 197 patients. Localisation faciale Membre supérieur
Nombre de cas
Pourcentage (%)
61
23,3
Main
37
14,1
Thorax
73
27,9
Dos
29
11,1
Abdomen
12
4,6
7
2,7
43
16,4
Périnée Membre inférieur
(casserole, eau du robinet), 42 fois d’un autre liquide aqueux (soupe, lait, café), 16 fois d’huile (friture). La brûlure thermique par flamme a concerné 40 enfants (essence ou alcool enflammé, barbecue, incendie de maison, incendie de voiture). Quatre brûlures électriques, quatre brûlures caustiques, 36 autres causes ont été observées.
Caractéristiques de la brûlure La surface brûlée était inférieure à 10 % de la surface corporelle totale chez 125 enfants (soit 63 %). La surface corporelle moyenne brûlée était de 10,94 %, quelle que soit la profondeur avec 2,66 % de brûlure profonde. La surface moyenne brûlée de la face était de 4 % et toujours associée à une autre localisation essentiellement thoracique (102 cas) et membre supérieur et/ou de la main (98 cas) (tableau III). Vingt neuf pour cent des enfants présentaient une brûlure profonde du tronc ou des membres.
Localisation faciale La joue était la zone la plus souvent atteinte (117 cas), suivie du menton (93 cas) puis du front (81 cas) (tableau IV). Une atteinte du cou était observée 87 fois. Seulement 10 % des brûlures de la face étaient profondes, contre 25 % des brûlures du cou. Les quatre brûlures profondes étaient situées dans la région péribuccale et la région péri-auriculaire. Les quatre brûlures électriques étaient à l’origine de brûlures buccales et labiales profondes. Chez 37 enfants l’examen ophtalmologique a été réalisé, dépistant six brûlures conjonctivales. Chez 13 enfants un examen ORL a été demandé. Une brûlure tympanique et une brûlure des voies aériennes supérieures ont été dépistées. Quatre patients ont eu une fibroscopie bronchique et deux présentaient des brûlures de la filière respiratoire avec sténose secondaire.
L’hospitalisation Sur les 197 enfants brûlés à la face, 130 ont été hospitalisés. Les autres ont été suivis en soins externes. Pour les patients hospitalisés, la durée moyenne de séjour était de 17,31 jours. Après la sortie, l’enfant était revu en moyenne 3,6 fois en soins externes. La durée moyenne des soins de la série était de 21 jours. Une réanimation hydroélectrolytique était prescrite systématiquement pour tous les enfants dont la surface brûlée était supérieure à 10 %, soit 72 patients. Trois enfants ont eu une assistance respiratoire, et l’un d’eux a présenté des complications d’inhalation de liquide gastrique. Vingt sept enfants ont eu un complément d’alimentation par sonde de gavage nocturne. Vingt quatre patients ont eu une transfusion sanguine pour une chute de l’hémoglobine à moins de 8 mg/L. L’antibiothérapie n’était pas systématique, mais prescrite en curatif chez 41 patients après détermination de l’agent pathogène responsable du syndrome infectieux sur des hémocultures et/ou une biopsie cutanée et/ou d’autres prélèvements (ECBU, mise en culture
Tableau IV. Répartition des brûlures de la face en fonction de la profondeur de la brûlure et selon la topographie. Localisation faciale
Brûlure superficielle n (%)
Brûlure intermédiaire n (%)
Brûlure profonde n (%)
Total
Front
48 (59,3)
25 (30,9)
8 (9,9)
81
Nez
31 (63,3)
15 (30,6)
3 (6,1)
49
Joue
76 (65)
35 (29,9)
6 (5,1)
117
Paupières
33 (71,7)
10 (21,7)
3 (6,5)
46
Lèvres
19 (51,4)
12 (32,4)
6 (16,2)
37
Menton
45 (48,4)
42 (45,2)
6 (6,5)
93
Cuir chevelu
16 (39)
21 (51,2)
4 (9,8)
41
Oreille
11 (36,7)
15 (50)
4 (13,3)
30
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Brûlures de la face chez l’enfant
de cathéter, etc.). La morphine était prescrite chez 70 enfants, d’abord par voie parentérale, puis par voie orale. Tous les autres enfants avaient un traitement antalgique par paracétamol.
Survie Quatre enfants sont décédés précocement avant le troisième jour après leur admission dans le service. Ils étaient tous âgés de moins de deux ans, et deux avaient moins de huit mois. Les quatre avaient été victimes d’incendie de maison. Le décès était du soit à une inhalation de CO avec brûlures trachéobronchiques soit à des complications de réanimation dans ce contexte de brûlures étendues à plus de 10 % de la surface corporelle. Toutes les brûlures faciales étaient profondes chez les patients décédés.
Traitement local Aucun patient n’a bénéficié d’excision-greffe précoce. Tous étaient traités par détersion locale. Les soins étaient faits sous anesthésie générale, avec bain et brossage mécanique. Des pansements gras et macératifs associant Flammazine® et tulle vaseliné étaient renouvelés toutes les 48 heures. En moyenne, 11,7 séances de pansement ont été nécessaires pour obtenir la cicatrisation, avec une moyenne de 8,69 anesthésies générales. Des greffes de peau mince ont été nécessaires chez 52 enfants. La greffe était prélevée sur le cuir chevelu 27 fois et 25 fois sur les cuisses, lorsque le cuir chevelu avait été brûlé. Sept enfants ont eu une deuxième séance de greffe, soit car toutes les lésions n’étaient pas prêtes pour la greffe simultanément soit après une lyse d’une partie de la première greffe liée à des problèmes septiques locaux (6 % des greffes). La greffe était réalisée en moyenne 17,82 jours après l’accident. La cicatrisation complète était obtenue en moyenne au 35,65e jour pour l’ensemble des patients, et au 21e jour pour les patients n’ayant pas nécessité de greffe.
Rééducation et traitement secondaire Les patients présentant des lésions de gravité faible ou moyenne étaient suivis en consultation et à domicile, avec au minimum kinésithérapie et pressothérapie sur mesure. Pour les brûlures les plus graves, 28 enfants étaient hospitalisés en centre de rééducation spécialisée adapté à l’enfant. Une prise en charge multidisciplinaire associant médecin physique, soins infirmiers, kinésithérapeute, ergothérapeute, éducateur, psychologue était alors proposée, associée si possible à une poursuite de la scolarisation. Vingt huit enfants bénéficiaient de cures thermales. Tous les enfants étaient revus par un chirurgien plasticien dans les six semaines après la sortie, puis tous les deux mois pendant au minimum deux ans.
Tableau V. Aspect cicatriciel à 3 mois, 6 mois, 1 an et 2 ans de l’accident. Aspect de la cicatrice Dyschromique
3 mois
6 mois
1 an
2 ans
7
11
11
11
Erythémateuse
45
26
13
4
Hypertrophique
39
29
17
6
4
4
6
6
Rétractile
Aspect cicatriciel à terme Les résultats sont présentés dans le tableau V. Les cicatrices étaient pâles, souples et discrètes chez 130 enfants à trois mois, et chez 158 enfants à deux ans. 45 enfants présentaient des signes inflammatoires et 39 des cicatrices hypertrophiques à trois mois. Aidés par les traitements complémentaires, seulement quatre enfants présentaient encore des signes inflammatoires et six des cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes, à deux ans de l’accident. En revanche le nombre de dyschromies augmentait avec le temps (sept cas à trois mois, 11 cas à deux ans) ainsi que les rétractions notamment des sillons nasogéniens (quatre à trois mois, six à deux ans). Quatre enfants avaient une alopécie résiduelle par brûlure profonde du cuir chevelu.
Gestes chirurgicaux secondaires Onze enfants avaient un geste chirurgical secondaire dans les deux ans après l’accident, soit 6 % des patients. Tous ces enfants avaient eu des brûlures sévères intéressant plus de 20 % de la surface corporelle, et plus de 12 % de lésions profondes. Les gestes chirurgicaux, parfois associés chez le même patient, étaient les suivants : dix greffes de peau totale de la région cervicale antérieure pour rétraction, quatre expansions pour alopécie du cuir chevelu, deux cures de microstomie, cinq plasties en Z pour correction de brides péribuccales, une libération de synéchies rétroauriculaires.
Troubles psychologiques Le manque de recul à très long terme de notre travail ne permet pas de réaliser un bilan exhaustif de cet aspect essentiel. Néanmoins, nous pouvons signaler des difficultés notables chez les enfants victimes de maltraitance : une tendance à l’agressivité avec instabilité chez un garçon, une stagnation de l’éveil psychomoteur chez un enfant de moins de deux ans, une tendance à la potomanie chez un autre. Ces constatations ne reflètent probablement pas la réelle souffrance de ces enfants et de leur famille.
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N. Capon-Degardin et al.
DISCUSSION Cette série continue de 197 patients révèle des similitudes avec les données épidémiologiques de la littérature, notamment avec les conclusions de l’enquête de Colette Mercier réalisée en 1992 [2, 3]. L’enfant brûlé était le plus souvent un petit garçon âgé de 37 mois, issu, dans un quart des cas, d’une famille défavorisée comportant au moins trois enfants, famille sans antécédent ou notion de maltraitance. Lors des accidents domestiques de l’enfant, l’extrémité céphalique est concernée dans 30 % des cas [4]. Néanmoins, dans le cas de brûlure, ce sont surtout le thorax (28 % des cas) ou les membres supérieurs (23 % des cas) qui sont le plus souvent atteints [5]. Dans notre étude la surface totale brûlée de l’enfant était inférieure à 10 % de la surface corporelle dans 63 % des cas, résultat conforme à celui de l’étude de Foyatier [5]. La surface faciale brûlée était peu étendue, en moyenne de 4 %. Ce chiffre peut paraître faible mais la surface corporelle de la face est de toute façon peu importante par rapport au reste de la surface corporelle. La joue, le menton, puis le front étaient les zones les plus souvent concernées. Les liquides bouillants représentaient l’agent causal le plus fréquent avec 58 % des cas. En revanche, notre série comportait un pourcentage plus élevé de brûlures par flamme que celle de Mercier [2] qui en notait que 16,9 %, et surtout celle de Foyatier avec seulement 3 % des cas [5]. Ce travail confirme la relative bénignité des brûlures chez le jeune enfant. Le taux de mortalité était faible, intéressant quatre enfants de moins de deux ans, toujours dans un contexte d’incendie de maison. Lavand, dans une étude sur le SMUR pédiatrique, montrait que 51 % des victimes d’incendie de maison étaient des enfants de moins de cinq ans [6]. Le décès était probablement lié aux inhalations et aux brûlures bronchopulmonaires sévères, puisque trois enfants sur quatre sont décédés dans les trois premiers jours après leur hospitalisation. Même si les brûlures étaient de gravité moyenne, 130 enfants sur 197 ont du être hospitalisés. Certains enfants l’ont été essentiellement du fait du contexte familial difficile et peu coopérant, avec des parents incapables de participer aux soins. La durée moyenne de séjour était longue (21 jours) pour les mêmes raisons, mais aussi du fait de l’éloignement géographique de nombreuses familles incapables d’assurer les déplacements nécessaires aux soins sans hospitalisation. Nous n’avons réalisé aucune excision précoce suivie d’une greffe contrairement à ce que préconisent plusieurs auteurs [7]. Nous avions estimé que le risque d’erreur d’appréciation de la profondeur de la brûlure était trop élevé. En effet, les possibilités de régénération tissulaire sont très importantes chez le jeune enfant et nous aurions probablement excisé, à tort, des tissus qui auraient cicatrisé spontanément. Néanmoins, 57 enfants étaient greffés avec un prélèvement de préférence sur le cuir chevelu.
Nous avions montré l’intérêt de ce site donneur, dont les cicatrices après prélèvement sont parfaitement masqués par les cheveux [8]. Conscients du risque élevé de cicatrice hypertrophique, tous les enfants ont eu au minimum des massagespétrissages des cicatrices, souvent des vêtements compressifs et parfois des masques compressifs sur mesure [9 – 11]. Vingt huit enfants étaient adressés en cure thermale. L’association de ces traitements était efficace puisque seulement quatre enfants présentaient encore des cicatrices inflammatoires et six enfants des cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes à deux ans après l’accident. Seulement 6 % des enfants ont eu des traitements chirurgicaux complémentaires. Comme l’avait montré Foyatier, le tiers inférieur de la face posait le plus de problème, notamment le cou et la région péribuccale [12]. Bien que peu étudiées dans notre série, faute de recul suffisant, les conséquences psychologiques de la brûlure chez le jeune enfant sont importantes. Molinaro avait montré la fréquence d’une régression, un sentiment de perte des limites corporelles, une culpabilité intense, une anxiété et une tendance au retrait dans les relations amicales [13]. Adler a montré que l’enfant brûlé est un enfant différent et l’aide d’un psychiatre peut être utile [14]. Un suivi à long terme est conseillé car un syndrome dépressif peut apparaître, en moyenne neuf ans après le traumatisme [15]. Ces conséquences psychologiques sont d’autant plus fréquentes que les séquelles sont en zone visible [16].
CONCLUSION Cette étude permet d’insister sur la prévention des brûlures d’une manière générale : prévention des accidents domestiques d’une part, mais aussi prévention des séquelles une fois que la brûlure s’est malheureusement produite. En effet, même si cet accident reste assez fréquent chez le petit enfant, notamment dans les milieux défavorisés, un traitement précoce et secondaire bien conduit permet d’obtenir des résultats morphologiques acceptables. En revanche les conséquences psychologiques sont beaucoup plus difficiles à apprécier car elles s’expriment volontiers plus tardivement.
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Brûlures de la face chez l’enfant
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