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Mise au point
Les endocardites aiguës infectieuses sévères à travers l’histoire Severe infective endocarditis through the history S. Rouzé ∗ , A. Leguerrier , J.P. Verhoye , E. Flécher Service de chirurgie cardiothoracique et cardiovasculaire, CHU Pontchailloux, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35000 Rennes, France Rec¸u le 14 septembre 2015 ; accepté le 22 d´ecembre 2016
Résumé L’histoire de l’endocardite infectieuse (EI) est une parfaite illustration des progrès de la médecine. Initialement incurable, l’endocardite, lorsqu’on parvenait à la diagnostiquer, était souvent synonyme de décès. Après d’importants progrès diagnostiques, marqués notamment par Osler, les premières chirurgies et les substances antibactériennes ont permis quelques guérisons. Ce n’est qu’avec la découverte de Flemming et l’avènement des antibiotiques que l’EI va être fréquemment guérie. Le développement des techniques chirurgicales modernes jouera également un rôle majeur dans cette pathologie et ses possibilités de guérison. Néanmoins, l’extension paravalvulaire, décrite dès les premiers cas chirurgicaux d’EI, n’était pas sans poser des problèmes techniques. Aussi, dans la seconde moitié du 20e siècle vont se développer de nombreuses procédures chirurgicales tentant de surmonter ces difficultés. Dans cette mise au point, nous rapportons l’histoire des EI sévères, notamment avec extension paravalvulaire, en soulignant les progrès médicochirurgicaux qui ont abouti à la prise en charge qu’on lui connaît actuellement. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es. Mots clés : Histoire ; Endocardite ; Abcès ; Chirurgie ; Paravalvulaire ; Extension ; Fistule
Abstract The history of infective endocarditis (IE) is a good example of medical progress. Initially incurable, endocarditis, when diagnosed, was synonym of death. After significant diagnostic progress, thanks to Osler’s contribution especially, the first surgeries and antibacterial drugs obtained very few successful cures. We had to wait until Flamming’s discovery to observe frequent cures thanks to antibiotics. Surgery manages to push possibilities of cure a bit further. However, paravalvular extensions, described since the first surgical case of IE, was a real technical matter. Thus, the second half of 20th century was devoted to overcoming this surgical challenge. In this historical review, we describe the story of severe IE, especially with paravalvular involvement, by highlighting major progress – clinical and surgical, that allows its current management. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: History; Endocarditis; Abscess; Surgery; Paravalvular; Extension; Fistulae
1. Introduction Il y a trois générations, le diagnostic d’endocardite était synonyme de mort dans presque tous les cas. La succession des travaux, observations cliniques et hypothèses, pertinentes ou non, a permis au fil des années puis des siècles de faire progresser la définition clinique complexe et mouvante des endocardites
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Rouzé).
infectieuses (EI). À la confluence de concepts purement anatomopathologiques (17e et 18e siècles), de l’avènement de la sémiologie et de la clinique (19e siècle) puis de la découverte de l’infiniment petit, l’histoire de l’endocardite est un condensé de l’histoire de la médecine. Une thérapeutique efficace est apparue assez tardivement dans cette pathologie jusqu’alors mortelle, avec l’avènement de l’ère des antibiotiques. Le développement des techniques chirurgicales modernes jouera également un rôle majeur dans cette pathologie et ses possibilités de guérison. Néanmoins, l’extension paravalvulaire, décrite dès les premiers cas
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.12.010 0003-3928/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es.
Pour citer cet article : Rouzé S, et al. Les endocardites aiguës infectieuses sévères à travers l’histoire. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.12.010
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chirurgicaux d’EI, n’était pas sans poser des problèmes techniques. Aussi, au cours de la seconde moitié du 20e siècle vont se développer de multiples procédures chirurgicales tentant de corriger ces lésions anatomiques infectieuses. Dans cette mise au point, nous décrivons l’histoire des EI sévères, notamment avec extension paravalvulaire, en soulignant les progrès médicochirurgicaux qui ont abouti à la prise en charge qu’on lui connaît actuellement. 2. L’endocardite avant Osler À la fin du 17e , et durant le 18e siècle, une nouvelle vision médicale et de la pathologie se développe grâce aux observations faites lors des dissections. C’est ainsi que la première description d’une lésion endocarditique est faite en 1646, par Rivière [1]. Une description plus pertinente de l’endocardite est faite en 1709, par Lancisi dans « De Subitaneis Mortibus » [2] dans laquelle il discute de la relation entre ces lésions cardiaques valvulaires découvertes lors des dissections et la symptomatologie des patients. Il faut attendre 1809, pour que Corvisart [3] propose la théorie de « virus syphilitique » dans laquelle il explique les lésions cardiaques par une cause vénérienne. Il est par ailleurs le premier à utiliser le terme végétation pour décrire les « éminences et excroissances » appendues à l’appareil valvulaire. Néanmoins, cette théorie est réfutée par son élève Laënnec dans « De l’auscultation médiate » en 1819 [4] : la discordance entre la fréquence des pathologies vénériennes et la rareté des endocardites rendent l’hypothèse de « virus syphilitique » caduque. La contribution de Bouillaud, dans son travail « Traité des maladies du cœur et des gros vaisseaux » [5] est fondamentale et donne pour la première fois une véritable description nosologique de l’endocardite : en plus d’une description histologique et anatomique pertinente des structures cardiaques, il apporte une réelle compréhension de l’infection, de l’inflammation, et de la symptomatologie complexe des endocardites. Parallèlement, lors de la deuxième moitié du 19e siècle les travaux de Rosenbac, Orth et surtout Pasteur permettent l’identification de microorganismes observés notamment dans les végétations, avec le développement des techniques de microbiologie, d’hémoculture et la création de modèle animaux expérimentaux. C’est Sée, qui en 1879, met en corrélation les travaux de Pasteur avec l’endocardite infectieuse, croyant fermement en la nature « parasitique » de cette maladie, responsable des signes généraux qu’elle provoque [6]. 3. La contribution d’Osler : une révolution ? Le nom de William Osler (Fig. 1) est devenu indissociable de l’endocardite infectieuse. Ceci n’est en rien dû à des travaux expérimentaux ou à une découverte isolée révolutionnaire : c’est en réalité sa pertinence clinique et surtout son esprit de synthèse qui rendent la contribution d’Osler fondamentale dans la compréhension de l’endocardite. Ainsi, en 1885, il donne trois communications majeures à la Royal Society of Physicians à Londres [7]. Dans celles-ci, il abandonne les descriptions morphologiques employées jusqu’alors (endocardite ulcéreuse, verruqueuse, végétative, suppurative. . .) et se concentre sur la
Fig. 1. Portrait de William Osler en 1881, à l’âge de 32 ans. Image tirée de The dictionary of Canadian biography. Vol. 14. University of Toronto, 1998.
description clinique de la maladie. Ce travail a été rendu possible par l’étude de ses 23 cas personnels d’endocardite et 209 autres issus de la littérature de l’époque. À l’issue de ses recherches, Osler va retenir deux types d’endocardites : l’endocardite « simple », et l’endocardite « maligne ». La première, simple, donne une symptomatologie légère et son issue peut être favorable ; la deuxième, grave ou « maligne », avec des perturbations organiques sévères et des lésions valvulaires extensives. Il insiste particulièrement sur le terrain particulier (dit « débilité ») des patients présentant une endocardite maligne, et notamment sur les lésions valvulaires rhumatismales préexistantes ou les endocardites secondaires à une infection préalable (diphtérie, scarlatine, pneumonie. . .). Il reconnaît par ailleurs la difficulté diagnostique à laquelle les médecins sont confrontés dans leur pratique quotidienne : « Peu de maladies présentent plus de difficultés diagnostiques que l’endocardite maligne, difficultés qui sont dans bien des cas pratiquement insurmontables. Sans pour autant dénigrer les aptitudes des médecins qui ont confié leurs dossiers, il faut reconnaître que près de la moitié des patients ont eu le diagnostic d’endocardite suite à l’autopsie ». Bien que décisifs, les travaux cliniques d’Osler omettent un point essentiel : les aspects microbiologiques de l’endocardite, aspects alors en plein développement mais dont Osler était peu familier. 4. L’après Osler : du diagnostic au traitement La fin du 19e et le début du 20e siècle sont surtout marqués par le perfectionnement des méthodes d’hémocultures, avec
Pour citer cet article : Rouzé S, et al. Les endocardites aiguës infectieuses sévères à travers l’histoire. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.12.010
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notamment les travaux de Libman et Horder [8]. Ce dernier a affiné la définition nosologique de l’endocardite en soulignant le rôle de la valvulopathie et/ou cardiopathie congénitale préexistante, de même que l’importance de la porte d’entrée (orale et digestive particulièrement). Les années 1930 et 1940 voient le développement du sulfanilamide – composant synthétique – auquel on reconnaît un effet antibactérien. Néanmoins son efficacité reste modeste, avec des taux de guérison de 6 % à 16 % [9] (versus 1 % de survie sans traitement). C’est avec l’avènement des antibiotiques et la découverte fortuite de Flemming que l’on observe enfin des taux de guérison satisfaisants. Ainsi, Loewe et al. en 1944 [10] puis Dawson et Hunter [11] un an plus tard, rapportent les premières séries de malades guéris de l’endocardite. En 1946, Christie [12] insiste déjà sur l’importance de la dose et de la durée de l’antibiothérapie pour optimiser l’efficacité du traitement. L’infection endocarditique vient enfin d’être maîtrisée et souvent guérie. Mais persistent les lésions valvulaires secondaires, parfois sévères, qui conduisent à l’insuffisance cardiaque et au décès. Le développement de techniques chirurgicales pour le traitement des endocardites devient alors inéluctable. 5. La chirurgie de l’endocardite D’aucun considère que l’infection d’un canal artériel perméable est une endocardite. À ce titre, la première ligature d’un canal artériel infecté en 1939, par Gross peut être assimilée au premier succès de la chirurgie de l’endocardite. En 1952, Hufnagel et al. [13] traitent chirurgicalement l’insuffisance aortique post-endocarditique en positionnant une valve en plexiglas en position hétérotopique (dans l’aorte descendante). Il fallait cependant que l’endocardite ne soit plus en phase active et donc complètement stérilisée. Ce n’est qu’en 1965, que Wallace et al. [14] rapportent le premier remplacement valvulaire orthotopique pour une endocardite active, dont le sepsis et l’insuffisance cardiaque est incontrôlée. Pour la première fois, une valve Starr est implantée sous circulation extracorporelle en position aortique dans cette indication, avec succès. Le patient, un mac¸on de 45 ans, a connu une défervescence 24 h après la chirurgie, est sorti de l’hôpital au bout d’un mois et a repris son activité professionnelle au décours. Wallace souligne déjà dans son travail l’importance du timing de la chirurgie et la gravité d’une éventuelle extension paravalvulaire lorsque la prise en charge est tardive. À l’époque, ces patients découverts tardivement et présentant une extension paravalvulaire sont nombreux. Aussi, les techniques chirurgicales se sont-elles développées pour réparer les abcès et les défects cardiaques, faisant suite au débridement des tissus infectés. En effet, le chirurgien cardiaque dans une telle situation doit faire face à une problématique majeure, comme le décrivent Frantz et al. [15] : « La prise en charge chirurgicale traditionnelle d’un abcès nous impose l’ablation du matériel étranger du site infecté, le parage des tissus non viables, un lavage abondant et un drainage externe lorsque c’est possible. Malheureusement, un abcès de la racine aortique ne nous permets souvent pas un respect scrupuleux de ces règles ». Ainsi si le parage se doit de rester scrupuleux, une réparation et l’implantation d’un
Fig. 2. Technique de Danielson : remplacement de la racine aortique et mis en place d’une valve prothétique dans cette dernière. Images issue de [20].
nouveau matériel prothétique reste inéluctable après avoir retiré une valve détruite par l’infection. Les tentatives de réparation chirurgicale restent souvent émaillées de fuites paravalvulaires et de désinsertions de la nouvelle prothèse valvulaire. 5.1. Techniques chirurgicales des endocardites avec extension à la racine aortique En 1969, Hatcher et al. [16] rapportent la première expérience de chirurgie de la racine aortique dans le cadre d’une endocardite, compliquée d’extension à l’anneau aortique et au septum interventriculaire. Parmi les 11 cas rapportés dans cette série, 4 patients présentent une extension à la racine aortique nécessitant une réparation. Le premier usage de Téflon en languette ou en patch y est décrit, pour fixer une valve ou fermer une fistule. Cinq ans plus tard, en 1974, Danielson et al. [17] décrivent une implantation de valve prothétique directement dans l’aorte ascendante supracoronaire, après que celle-ci a également été entièrement remplacée par une prothèse. Les ostia coronaires sont ligaturés et des pontages veineux réalisés (pontages dont l’anastomose proximale est faite au-dessus de la prothèse valvulaire) (Fig. 2). Les détracteurs de cette technique lui reprochent deux principaux inconvénients : la cavité abcédée, généralement pseudo-anévrysmale, est laissée non protégée de la pression
Pour citer cet article : Rouzé S, et al. Les endocardites aiguës infectieuses sévères à travers l’histoire. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.12.010
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Fig. 4. Reconstruction circonférentielle de l’anneau et implantation de la prothèse valvulaire en son sein. Image issue de [20]. Fig. 3. Pontage extra-anatomique de la racine aortique. Image issue de [20].
systémique, l’exposant à un risque de rupture non négligeable ; l’utilisation de greffons veineux chez des patients souvent jeunes est aussi dommageable, en raison de la dégénérescence inévitable des greffons veineux. Pour ces raisons, Frantz et al. décrivent une nouvelle technique en 1978 [15], remplac¸ant l’ensemble de la racine aortique, nécessitant l’implantation d’un tube de dacron suturé à la base du cœur, avec une réimplantation directe des ostia coronaires. . . Il s’agit là ni plus ni moins d’une intervention de Bentall, décrite 10 ans auparavant par Bentall et De Bono [18]. Cette technique présente le net avantage d’exclure complètement la cavité abcédée, pseudo-anévrysmale, et donc prévient un éventuel risque de rupture. L’autre avantage de cette technique est l’absence de pontage, et donc l’absence de risque de dégénérescence des greffons. Une année auparavant, en 1977, Brown et al. [19] développent un modèle expérimental de pontage extra-anatomique de la racine aortique. Un tube valvé est implanté à l’apex du cœur et anastomosé à l’aorte thoracique descendante. L’aorte ascendante proximale est ensuite ligaturée (Fig. 3). Enfin, deux greffons veineux sont implantés au niveau de la portion distale de l’aorte ascendante. Trois applications humaines ont été rapportées par l’équipe de la Pitié-Salpétrière, avec un décès précoce [20].
La même équipe décrit en 1981 [21] l’utilisation d’une pièce en Dacron pour reconstruire de manière circonférentielle l’anneau aortique, avec une éventuelle suture dans le myocarde de ce dernier si besoin. Sur ce nouvel anneau synthétique est ensuite implanté la valve prothétique (Fig. 4). Les années 1990 voient apparaître l’utilisation d’un nouveau matériau prothétique : l’homogreffe. Elle fait alors l’unanimité : son élasticité, sa compliance, son aptitude à se conformer à la morphologie de la racine aortique et sa résistance à l’infection en font un substitut de choix. Ses possibilités d’utilisation sont variées : implantation sous coronaire, implantation en « culot » ; elle permet même une reconstruction du trigone aorto-mitral lorsque l’homogreffe a été prélevée avec la grande valve mitrale (Fig. 5). Les difficultés d’approvisionnement, la complexité de la procédure et la dégénérescence de ce substitut le rendent désormais beaucoup moins utilisé en pratique clinique. Certaines équipes entraînées ont réalisé et proposent encore des procédures de Ross pour ces endocardites sévères [22]. La première série de Oswalt et Dewan [23] rapporte des résultats intéressants, plus particulièrement pour les patients jeunes et dont la croissance de la valve aortique peut se faire en même temps de celle du sujet. 5.2. Techniques chirurgicales des endocardites mitrales avec extension péri-annulaire L’endocardite mitrale était et reste moins fréquente que l’endocardite aortique, et a fortiori les endocardites mitrales
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Fig. 5. Reconstruction du trigone aorto-mitral grâce à une homogreffe prélevée avec la grande valve mitrale. Image issue de [30].
Fig. 6. Techniques de réparation du trigone aorto-mitral. Image issue de [24].
compliquées d’extension paravalvulaire. Ces dernières sont par ailleurs souvent le fait d’une lésion initialement aortique secondairement devenue aorto-mitrale. En 1987, Cachera et al. [24] ainsi que David et Feindel [25] dressent un état des lieux des techniques de réparation des lésions mitrales extensives et aorto-mitrales, qui, en plus d’être exhaustif, reste à bien des égards encore d’actualité. Du point de vue pathologique, l’extension infectieuse paravalvulaire et plus particulièrement l’abcès sont considérablement facilités par la présence de calcification préexistante [26,27]. L’abcès se développe le plus souvent au contact de la paroi ventriculaire gauche, sur l’anneau postérieur, avec le risque de développement de faux anévrysme ventriculaire (avec risque de fistulisation dans le péricarde). Cachera décrit également trois types d’atteintes mitro-aortiques : la plus fréquente, la lésion de jet, mais surtout – et c’est le sujet qui nous concerne – la disjonction mitroaortique et l’abcès et/ou anévrysme du trigone aorto-mitral. La disjonction mitro-aortique est liée à une atteinte septique de la structure fibreuse de l’anneau aortique. Ainsi, la jonction fibreuse aorto-mitrale est disloquée, la valve mitrale antérieure perd sa connexion et prolabe dans le ventricule. L’abcès et/ou l’anévrysme du trigone aorto-mitral fait souvent suite à la description précédente du phénomène de dislocation de l’anneau
aortique. Sous l’effet cumulé de la pression ventriculaire et de la prolifération infectieuse, les structures du trigone sont progressivement élargies et dilatées ; le trigone devient alors une cavité anévrysmale, apparaissant au sommet de l’oreillette gauche [24]. Les techniques de réparation de l’appareil valvulaire mitral décrite par l’équipe de Carpentier en 1990 ne sont que peu souvent applicables à ces patients présentant une extension paravalvulaire sévère [28]. Ainsi, une réparation voire une reconstruction d’anneau mitral préalable au remplacement/réparation mitral(e) est fondamentale dans ce contexte. Différentes alternatives sont décrites en fonction de la localisation et de l’extension des lésions. Dans le cadre des dislocations mitro-aortiques, lorsque l’appareil valvulaire peut être conservé, une réparation du trigone peut être assurée au moyen de deux bandes de téflon fixées de part et d’autre de la déhiscence. Lorsque celle-ci est trop importante et que les valves aorto-mitrales doivent être remplacées, la continuité aorto-mitrale peut être assurée par un patch de Dacron ou de péricarde (Fig. 6). Dans le cas des larges cavités abcédées, développées au dépend du trigone, il est également décrit une fermeture de cet abcès par un patch de Dacron et une réduction du sac anévrysmal au moyen de points appuyés sur Téflon. L’emploi de péricarde équin ou bovin comme
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matériau de reconstruction a aussi été proposé par certaines équipes chirurgicales. Dans certains cas, l’étendue de l’infection est telle que toute la circonférence de l’anneau est détruite rendant illusoire toute possibilité de coudre la valve sur ces tissus suppurés et œdématiés. Ainsi certains auteurs ont proposé l’utilisation d’une collerette de Dacron hémi-circonférentielle voire circonférentielle, rendant ainsi la fixation de la valve intra-atriale possible. Il s’agit toutefois de techniques de dernier recours et dont les résultats sont aléatoires [29]. 6. Conclusion L’évolution de la prise en charge des endocardites infectieuses sévères illustre bien celle des connaissances médicales : peu de découvertes ou de travaux isolés ont révolutionné le diagnostic ou la prise en charge des EI, pas même ceux d’Osler, dont la contribution reste néanmoins fondamentale. C’est en réalité les avancées successives, les tâtonnements et erreurs de chacun des protagonistes qui ont amélioré notre connaissance de la maladie et permis sa guérison. Mais en dépit de ces avancées considérables, tant diagnostiques, que thérapeutiques – médicales et chirurgicales, les EI sévères compliquées d’extension paravalvulaire restent une pathologie associée à une importante morbi-mortalité. Ce travail illustre cependant la ténacité et l’inventivité de nos prédécesseurs qui ne reculaient devant aucune audace pour tenter de guérir ces EI parfois compliquées de destructions tissulaires sévérissimes. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Astruc J. Mém. Pour Serv. Hist. Fac. Médecine Montp. Paris: Cavelier; 1767. p. 259. [2] Lancisi GM. Subitaneis Mortibus. Venice: Poleti; 1708. p. 225. [3] Corvisart JN. Essai sur les maladies et les lésions organiques du cœur et des gros vaisseaux. Paris: Migneret; 1806. [4] Laënnec R-T-H. De l’auscultation médiate ou traité du diagnostic des maladies des poumons et du cœur. Paris: Brosson et Chaudé; 1819. [5] Bouillaud J-B. Traité des maladies du cœur et des gros vaisseaux. Bailière, n.d 1824;169:p. XXIV. [6] Sée G. De l’endocardite infectieuse. Gaz Med 1879;31:395–7 [418–20, 430–1]. [7] Osler W. The Glustonian Lectures, on malignant endocarditis. British Medical Journal 1885;1:467–70. [8] Libman E. On some experiences with blood-cultures in the study of bacterial infections. Johns Hopkins Hosp Bull 1906;19:215–28.
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