Rev MCd lnterne 2000 : 2 1 : 5X0-5 0 2000 editions scientifiques et mkdicales
Article original
Elsevier
SAS. Tous droits r6servCs
Les facteurs de croissance h6matopoiStique ont-ils une place dans le traitement des agranulocytoses mkdicamenteuses ?* E. And&s 1, F. Maloisel*, J.E. Kurtz2, S. Vinzio I, J. Sibilia3, J.L. Schlienger’, P. Dufour2 1Servicrs ‘service
de m&deck de rhumatologie,
(Requ le 28 septembre
interne et nutrition, *service h6pital de Hautepierre,
d’onco-hblnatolo~ie, avenue Moli&e,
1999 : accept6 le 7 janvier
2000)
67098
Strushour,~
cede.%. France
R&urn6 Propos. - L’objectif de cette etude est de determiner la place des facteurs de croissance hematopo’ietique dans les agranulocytoses medicamenteuses. Mtithodes. - Cinquante-cinq observations d’agranulocytose medicamenteuse ont ete revues et divisees a posteriori en deux groupes : un groupe de 15 patients avec G-CSF et un groupe de 40 patients saris G-CSF. La mortalite et le delai de recuperation hematologique (polynucleaires neutrophiles a plus de I,5 x 109/L) ont Qte etudies. R&w/tats. - Le nombre moyen de neutrophiles etait de 0,09 x 109/L et tous les patients presentaient une infection. Dans le groupe avec G-CSF, aucune mortalite n’etait observee (0 % versus 5, p = 0,85) et le delai de recuperation hematologique etait de 8,l jours (versus 9,5, p = 0,39). Entre les deux groupes, aucune difference significative n’etait notee pour le nombre de jours d’antibiotherapie (9,3 jours dans le groupe G-CSF versus 10,l ; p = 0,51) ou d’hospitalisation (dix jours dans le groupe traite contre 11, p = 0,46). Conclusion. - Les resultats de notre etude et de la litterature indiquent que le G-CSF pourrait diminuer le delai de recuperation hematologique, et peut etre la mortalite. Cependant la place exacte des facteurs de croissance hematopo’ietique reste a definir. 0 2000 Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS agranulocytoses
m&icamenteuses
I facteurs de croissance
hkmatopoT&ique
Summary - Are hematopoietic growth factors useful in the management of drug-induced agranulocytosis? Purpose. - Our study was aimed at determining the role of hematopoietic growth factor in druginduced agranulocytosis. Methods. - Fifty-five cases of drug-induced agranulocytosis were reviewed and subdivided retrospectively into a G-CSF group (n = 15) and an untreated group (n = 40). Mortality and hematological recovery (number of days required for neutrophil counts to exceed 1.5 x 109/L) were studied in the two groups. Results. - The mean granulocyte count was 0.09 x 109/L. All patients presented infection. In the GCSF group, no mortality (0% versus 5%, P = 0.85) and a shorter recovery time (8.1 versus 9.5 days,
*, Ce travail a fait I’objet d’une Etienne en dtcembre 1998.
prkentation
prtliminaire,
sous forme
de communication
orale, au con&
national
de mgdecine
interne
de Saint-
Facteurs
de croissance
hCmatopo’i&ique
et agranulocytose
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P = 0.39) were observed. No significant difference between the two groups was observed in either the duration of antibiotic therapy (9.3 days in the G-CSF group versus 10.1 days in the untreated group, P = 0.51) or duration of hospitalization (10 days in the treated group versus 11 days in the G-CSF group, P = 0.46). Conclusion. - Our results as well as a literature review indicate that G-CSF could decrease the time to hematological recovery and perhaps reduce mortality. However, the exact role of hematopoietic growth factors requires further investigations. 0 2000 iditions scientifiques et medicales Elsevier SAS drug-induced
agranulocytosis
I hematopoietic
Depuisle dCbutdesannCes1990,les facteursde croissance hkmatopoi’ktiquecomme le G-CSF et le CM-CSF (grunulocyte et grunulocyte-macrophage colony-stimulating factor) sont utilisks dans le traitement des agranulocytoses mkdicamenteuses[ 1, 21. Cependant,en l’absenced’Ctudes prospectives de grande ampleur [3], leur efficacitk reelle reste encore trks controverske [4-61. 11convient d’ailleurs de soulignerque danscette indication cesmole’culesn’ont pasd’autorisation de mise sur le march6(AMM). Nous rapportonsune sCriede 5.5agranulocytosesmt;dicamenteuses,dont 15 sont traitkes par du G-CSF. A travers notre expkrience et les donntes de la littkature, nous discuterons de 1’intCrEt des facteurs de croissance htmatopoiEtique danscette indication. MAThRIEL
ET MkTHODES
I1 s’agit d’une Ctuderktrospective sur 55 patients hospitalists entre janvier 1985 et janvier 1998, dansdes services de mkdecine (mkdecineinterne, onto-hkmatologie, gCriatrie et rhumatologie) ou de chirurgie (chirurgie g&&ale et transplantation), pour une agranulocytose mkdicamenteuse (une partie des donnkes a CtC publike dans un prCcCdentarticle [7]). Toutes ces observations ont CtC notifiCes au centre de pharmacovigilance. Les patients vus en dehors d’une hospitalisation conventionnelle, c’est-L-dire en hospitalisation de jour ou en consultation externe n’ont pas CtCinclus danscette Ctude. Les patientsont CtCrkpartis a posteriorien deux groupes: 15 patients dansle groupeA, avec facteurs de croissance hCmatopoZtique,et 40 patientsdansle groupeS, sansfacteurs de croissancehtmatopo%tique pour traitement de l’agranulocytose.Onze des 12 dernierssujetsde notre sCrie ont bCnCficiCde ce traitement. Le facteurs de croissance hkmatopoEtique utilisk a CtC le G-CSF sous forme de filgrastime(Neupogena)ou de Enograstime(Granocyte@),B la dosede 5 pg/kg/j [8]. Cesmokules ont Ctkadministrkes d&s que le diagnostic d’agranulocytosea CtCposk ou au maximumdanslesdeux Btrois jours suivant. L’administration du facteur de croissancehCmatopoZtiquea CtCpoursuivie jusqu’g ce que le nombrede polynuclCairesneutrophiles soit au moins supkrieur 2 1,5 X 109/L.
growth
factors
Le diagnostic d’agranulocytose mkdicamenteuse rkpondait aux critkres de I’IAAAS (International Agranulocytosis and Aplastic Anemia Study) [9], j savoir l’existence d’une neutropenie s&&e avec moins de 0,5 x 109/L de polynuclkaires neutrophiles sur deux hCmogrammes (2 48 heures d’intervalle) et la prksence d’une fikvre etlou de signes gCnCraux (a type de ceux rencontre’s dans un choc septique : frissons, sueurs, collapsus, confusion) et/au d’une infection (documentation bactkriologique non obligatoire). Tous les Cpisodes d’agranulocytose Ctaient imputables ?I un mkdicament selon les critkres de BCnichou et al. [lo] : le dClai entre le debut du (des) mCdicament(s) suspect(s) et la dkcouverte de l’accident hkmatologique Ctait inferieur ou tgal g sept jours en cas d’antkckdent de traitement par la m&me substance, la cytopknie Ctait apparue pendant le traitement et l’kvolution est caractCrisCepar une augmentation des polynuclkaires neutrophiles B plus de 1,5 x 109/L en moins d’un mois 2 l’arrst du (des) produit(s) incriminC(s). Les neutropkniescongknitales(antCcCdentde neutropknie nionatale ou dans l’enfance) et les agranulocytoses survenues dans les suites d’une chimiothkapie, d’une radiothkrapie et/au d’une immunothkrapieCtaientexclues de cette Ctude.De plus, la quasi-totalitk despatients avait bCnCficiCd’un bilan virologique (skrologiesdeshkpatites B et C. des virus du groupe herpi%, du VIH, voire du parvovirus B 19) et immunologique (recherche de facteur rhumatoi’de,d’anticorps antinuclkaireset dosagedu complkment CH,,) qui se sont r&&Es nkgatifs. Pour toutes les observations, nous avons colligk l’lge et le sexe des patients, le nom du (des) mCdicament(s) incrimint(s) mais aussiles autres produits administks, la duke de l’exposition mkdicamenteuse,le tableauclinique et les paramktreshkmatologiquesau tours de l’hospitalisation, les rksultats desprklkvements bactkriologiques, le dClai de rkcupkration hkmatologique (dkfini comme un nombre de polynuclkaires neutrophiles supkrieur a 1,5 x 109/L), les traitements administrks (antibiotiques, antiviraux, antifongiques, facteurs de croissancehkmatopoi’ktique et transfusions de globules blancs), la duke de l’antibiothkrapie et le nombre de jours d’hospitalisation.
582
E. And&s
Tableau I. Caracukistiques
des patients de notre s&e
d’agranulocytose
et al.
medicamenteuse.
Age moyen Duree d’exposition au medicament incrimine Fievre et signes generaux Septicemies Infections Iocalisees Nombre moyen de PNN DClai de recuperation hematologique (PNN > I .5 x109/L) Duree de I’antibiotberapie Duree de l’hospitahsation Nombre de d&es FCH
: facteurs de croissance
Tableau
II. M6dicaments (n = 55 patients).
hematopoY&ique,
incriminds
dans
Gmupe saris FCH (n = 40)
61 ans *
65 ans * 32,7 jours 25 % 25 % * 50 % 0,09 x 109/L 9,5 jours (* 3,l)
29,7 jours 26.7 % 13,4 % *
60 % 0,07 x 109/L 8,l jours (k 2,7) 9,3 jours (k 2,8) 10 jours (* 1,95) 0
PNN : polynucleaires
neutrophiles.
les agranulocytoses
Antibiotiques (n = 13) Cotrimoxazole piperacilline
(3), amoxycilhne (2), ceftazidime (2), imipkreme (2), (1). cefotaxime (l), vancomycine (l), tinidazole (1) Antithywfdiens de synthese(n = 1.2) Carbimazole (12) Anti-injammatoires non stkrofdiens (n = 8) Acide acttylsalicylique (2), piroxicam (2), phtnylbutazone (l), indom&acine (l), flurbiprofene (l), ibuprofene (1) Antiagr&ants plaquettaires (n = 6) Ticlopidine (5), acide acetylsalicylique (1)
Divers (n = 16) Noramidopyrine (4), clozapine (2). Upst&ne@ (2), fluindione (2) nindione (l), mianserine (l), carbamazepine (l), dapsone (l), tiopronine (l), glibenclamide (1)
Groupe avec FCH (n = 15)
phC-
L’analyse statistique a ete realisee a I’aide du logiciel Statview. L’analyse desdonneesreposaitsur la comparaison desmoyennesde deux Cchantillonspar les testsdu ~2 et surtout par le test de Mann-Whitney. RkXJLTATS La population etudiee est composeede 32 femmeset de 23 hommes.Le sex-ratio est de 2 dansle groupeA et de 1,2 dans le groupe S. L’age moyen des patients est de 65 ans (pour l’ensemble de la population), avec des extremes de 17 a 95 ans. Dans le groupeA, l’rige moyen est de 61 ans et dans le groupe S, il est de 66 ans @ = 0,049) (tableau I). Le medicament a l’origine de l’agranulocytose est determine dans toutes les observations (tableau II). En majorite les moleculesincriminees appartiennenta quatre grandesclassestherapeutiques: - les antibiotiques (23 Ir), avec essentiellementles betalactamines( 15 %) ;
* Difference
significative
10,l jours (+ 3,2) 1 l jou;,
(* 2,
(p < 5 o/o),
- les antithyrofdiens de synthese(20 %) ; - les anti-inflammatoires non steroi’diens(13 %) ; - les antiagregantsplaquettaires (11 %), principalement la ticlopidine (9 %) (une partie des donneesa CtCpresentee dans un precedenttravail [ 111). Dansle groupe A (n = 15 sujets), lesantithyro’idiensde synthese et les antibiotiques sont les classesles plus souvent incriminees, respectivement 47 et 33 8 descas. I1 convient de souligner que la duke mediane d’exposition (determike precisementdans46 observations)n’est pas significativement differentes dans les deux groupes: 29,7 jours dans le groupe A contre 32,5 jours dans le groupe S (p = 0,58). Pendant l’hospitalisation, une fievre parfois accompagnee de signesgeneraux (frissons, collapsus)est d&rite dans 14 observations(25,5 %), respectivementdansquatre cas du groupe A (26,7 %) et dix du groupe S (25 %) (tableau I). Une septicernieet/au un choc septiqueest mis en evidence chez 12 sujets (22 %), deux du groupe A (13,4 %) et dix du groupe S (25 %) 0, < 0.01). Un foyer infectieux estobservechez 29 patients(53 %) : 60 % dans le groupe A et 50 % dansle groupe S. Une documentation bacteriologique est obtenue pour 16 observations, avec essentiellementdes staphylocoquesdares et des bacilles Gram negatif. Parmi les 29 observations d’infections localisees,on note une infection de la sphereORL dans 13 cas (24 %) (dont quatre anginesulceronecrotiques),chez quatre patients du groupeA et neuf du groupe S. Une pneumopathieest presente chez huit patients (14,5 %), quatre pneumoniesdans chaquegroupe. 11faut noter que l’infection pulmonaire d’un patient du groupe S s’est compliquee d’un syndrome de detresserespiratoire aigu, d’evolution favorable sous antibiotherapie. Notre serie comporte Cgalementsix infections cutanees(deux Crysipeles desmembresinferieurs, une furonculose,un panarisdu gros orteil, un abces inguinal et un abces de la marge anale), une osteoarthritedu genou (groupe S) et un abds sous-phrenique(groupe S).
Facteurs
de croissance
hCmatopoi’&ique
Le nombre moyen de polynucleaires neutrophiles est de 0,09 x 109/L, respectivement de 0,07 x 109/L dans le groupe A et de 0,095 x 109/L dans le groupe S (p = 0,056) (tableau I). 11 existe Cgalement une anernie (moins de 10 g/dL d’hemoglobine) chez 20 % des patients et une thrombopenie (nombre de plaquettes inferieur a 150 000/L) chez 22 % des patients, en association avec un episode de coagulation intravasculaire disdmince et cinq septictmies. Lorsque le myelogramme est realist! (notamment pour tous les patients du groupe A), il met en evidence un <>de la maturation, le plus souvent au stade promyelocytaire (41 %) ou une absence complete de la lignee granuleuse associee a une Crythroblastopenie (59 %). Le delai moyen de recuperation hematologique (a plus de 1,5 x 109/L de polynucleaires neutrophiles) est de 9,l jours (2 2,6) apres l’arret du ou des medicaments incrimines (tableau I). Ce delai est 9,5 jours (rt 3,1) dans le groupe S (extremes de cinq a 30 jours) et de 8,l jours (* 2,7) dans le groupe A (extremes de quatre a 16 jours) QJ = 0,39). Une antibiotherapie parent&ale a large spectre (reposant en general sur I’association d’une betalactamine et d’un aminoside ou d’une fluoroquinolone) a Ctt administree a tous les patients. Un patient a beneficie de transfusions de globules blancs (abces de la marge anale). 11faut souligner que la durte moyenne de l’antibiothtrapie n’est pas significativement differente entre les deux groupes : 10,l jours (+ 3,2) dans le groupe S versus 9,3 jours (+ 2,8) dans le groupe A (JJ = 0,51). De mCme le nombre de jours d’hospitalisation n’est pas significativement differente selon les deux groupes : 11 jours (+ 2) en moyenne pour les sujets du groupe S contre dix jours (+ 1,95) pour ceux du groupe A (p = 0,46). Dans notre serie, l’evolution est favorable dans tous les cas, sauf pour deux patients aux antecedents multiples (de 8 1 et 90 ans) du groupe S qui sont d&Cd& d’un choc septique et d’une bronchopneumonie extensive (p =0,85). 11faut souligner qu’aucun effet secondaire majeur lie a l’utilisation du GCSF n’a 6tC observee en dehors de quelques syndromes grippaux (avec fievre et arthromyalgies) chez environ 20 % des patients. DISCUSSION 11faut d’emblee remarquer que : - la definition de l’agranulocytose medicamenteuse adoptee (moins de 0,5 x 109/L de polynucleaires neutrophiles et presence d’une fievre et/au d’une infection) est relativement restrictive [4, 91, puisqu’elle suppose la presence de signes infectieux patents (18 patients asymptomatiques avec moins de 0,5 x 109/L de polynucleaires neutrophiles n’ont pas CtC inclus dans ce travail) ; - tous les patients ont CtC hospitalids, d’ou un biais de selection potentiel (selection des agranulocytoses les plus graves).
et agranulocytose
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Cependant, les donnees epidemiologiques de notre serie sont concordantes avec celles de la litterature [4, 12, 131. Ainsi, notre population est relativement agee (age moyen de 65 ans) [ 141, avec une predominance feminine (sex-ratio de 1,4) [4, 121 et les medicaments incrimines sont principalement de la classe des antibiotiques (betalactamines et cotrimoxazole), des antithyrofdiens de synthese et des anti-inflammatoires non sterdidiens (tableau II) [12, 13, 151. Au plan clinique, les donnees sont Cgalement superposables a celles de la litterature, notamment a celles des deux series franqaises recentes de Nancy et Lyon [4, 121. Toutefois, le tableau clinique est plus severe (en raison des critbres d’inclusion) avec surtout un quart de septicemies et/au de chocs septiques (tableau I). 11convient aussi de souligner que la neutropenie est profonde puisque le nombre de polynucleaires neutrophiles est de 0,09 x 109/L (+ 0,23). Nonobstant ces caracteres pejoratifs, le delai moyen de recuperation hematologique (a plus de 1,5 x 109/L de polynucleaires neutrophiles) est court (9,l jours) et la mortalit& faible (3,6 %), inferieure a celle des etudes publiees dans les annees 1990 : de 5 % a plus de 10 % selon les etudes [ 1, 4, 121. Cette mortalite moindre traduit probablement une meilleure prise en charge des agranulocytoses medicamenteuses : diagnostic precoce, utilisation d’une antibiotherapie a large spectre, voire pour certains I’emploi de G-CSF ou de GM-CSF [ 1, 7, 121. Toutefois l’utilite des facteurs de croissance hematopoi’etique dans les agranulocytoses medicamenteuses n’est pas encore clairement prouvee et la controverse reste d’actualid [7, 121. De nombreuses observations isolees [2] et de courtes series retrospectives (moins de dix patients) ont conclu B l’efficacite des facteurs de croissance hdmatopoietique, tant pour le G-CSF que pour le GM-CSF [4, 12, 16-201. Neanmoins, les arguments avances ne sont pas toujours convaincants. En effet, ces travaux se fondent sur differents parametres non comparables : mortalite, morbidite, delai de sortie d’aplasie, duree de l’hospitalisation ou de l’antibiotherapie [ 1620]. De plus, la methodologie employee est variable : comparaison a des series historiques ou B un groupe temoin, avec ou saris appariement [ 16-201. Dans une serie de 19 agranulocytoses, dont 13 traitees par G-CSF, Marquez et al. rapportent un delai de sortie d’aplasie reduit de 9,l a 5,7 jours sous G-CSF (p = 0,07) et une mortalite nulle [21]. Deux etudes rtcentes, avec des effectifs plus importants, une etude retrospective avec 70 patients [l] et une meta-analyse avec 118 observations [2], sont Cgalement en faveur de l’utilisation des facteurs de croissance hematopoi’etique dans les agranulocytoses medicamenteuses. Ainsi, le travail de Sprikkelman et al., a propos de 70 cas d’agranulocytoses hospitalisees aux Pays-Bas, affirme le role du G-CSF ou du GM-CSF avec une mortalite faible de 5 %, un dtlai de recuperation hematologique reduit (gain de quatre a sept jours selon la
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E. And&
profondeur de la neutropenie) et une innocuite quasi complete de ces molecules [ 11. L’etude de Beauchesne et al. parvient aux m&me conclusions avec un delai de recuperation hematologique plus court (de 4,6 a 7,7 jours avec facteurs de croissance hematopoi’etique versus dix jours) et une mortalite moindre (4,2 % versus 16 %) [2]. Cependant, ici aussi il convient de relativiser la portee de ces travaux en raison de leur methodologie (travaux retrospectifs). L’etude prospective et randomisee de Fukata et al. ne permet pas non plus de conclure definitivement sur le role des facteurs de croissance hematopoi’etique, en depit des resultats negatifs qu’elle rapporte [3]. En effet, l’etude est discutable, non pas sur la methodologie mais sur l’effectif minime (24 patients) qui la compose et sur les modalites d’utilisation du facteur de croissance hematopoi’etique. La posologie de G-CSF (de 100 et 250 pg/j) est insuffisante et le traitement est arr&d trop precocement (des que les polynucleaires neutrophiles sont a plus de 1 x 109/L). Nos r&hats n’apportent aucun argument decisif en faveur de l’utilisation des facteurs de croissance hematopoi’etique. Certes le delai moyen de recuperation hematologique (polynucleaires neutrophiles a plus 1,5 x 109/L) est reduit de 1,4 jours sous G-CSF (8,l contre 9,5 jours), mais la difference n’est pas significative (p = 0,39) (tableau 1). De m&me les durees moyennes d’antibiotherapie et d’hospitalisation sont plus courtes sous G-CSF, respectivement de 0,8 jour (9,3 versus 10,l jours) et d’un jour (dix contre 11 jours), mais avec un p non significatif. Toutefois, la mortalite est nulle dans le groupe A et il n’existe pas d’effets indesirables majeurs (un cas de syndrome de detresse respiratoire aigue mais dans le group S). 11 convient de souligner que les deux groupes ne sont pas homogenes : les sujets sont en moyenne plus jeunes de quatre ans dans le groupe A (p = 0,049), l’existence d’une septicernie etlou d’un choc septique chez 25 % des patients du groupe S (p < 0,Ol ), et un nombre moyen de polynucleaires neutrophiles plus bas dans le groupe A 0, = 0,056) (tubleau I). Dans l’interpretation des resultats, ces donnees sont h mettre en parallele avec les facteurs pronostiques decrits par Julia et al. : age avance, pourcentage de cellules myeloi’des au myelogramme, existence d’une bacteriemie ou d’un &at de choc et d’une insuffisance r&ale [22]. Plusieurs autres raisons peuvent Cgalement &tre proposees pour expliquer nos resultats modestes : - l’effectif restreint de notre serie qui est retrospective avec deux groupes non homogenes ; - le retard a l’instauration des facteurs de croissance hematopoi’etique (debut en moyenne 1,8 jours apres le diagnostic d’agranulocytose) et un atret peut-&tre trop precoce ; - l’absence d’adaptation de la posologie du G-CSF au poids du patients [23] ; - la meilleure prise en charge des agranulocytoses, avec
et al.
une mortalite actuelle faible et un delai de recuperation spontane court (en moyenne de dix jours) [4, 7, 121. CONCLUSION L’analyse de notre serie de 55 patients et des don&es de la litterature ne permet pas de conclure definitivement sur l’interet des facteurs de croissance hematopoietique dans les agranulocytoses medicamenteuses, notamment en raison de biais methodologiques ou d’effectifs trop reduits [ 1-3, 12, 16-201. Certes le delai de recuperation hematologiques sous facteur de croissance hCmatopoYetique est en general plus court (en moyenne de deux a huit jours selon la profondeur de la neutropenie initiale) et la tolerance de ces molecules excellente, mais il n’y a aucun effet sur la mortalite (proche de 5 % dans les series les plus recentes). De m&me, les durees d’hospitalisation et d’antibiotherapie sont souvent reduites sous facteur de croissance hematopoi’etique, cependant saris consequence notable du point de vue clinique. Le cotit n’est en general pas pris en compte. Une etude prospective est done a notre avis indispensable et pourrait notamment se concevoir sous I’tgide de la SNFMI. REMERCIEMENTS Nous remercions les professeurs J.M. Brogard (medecine interne, clinique medicale Bi), D. Storck (medecine interne, clinique medicale A’), F. Kuntzmann (geriatric, hopital de la Robertsau3), J.L. Kuntz (rhumatologie, hopital de Hautepierre), C. Meyer (chirurgie get&ale et digestive, hopital de Hautepierre), D. Jaeck (chirurgie g&r&ale et endocrinienne, hopital de Hautepierre) et P. Wolf (chirurgie g&r&-ale et transplantation, hopital de Hautepierre) qui ont permis que ce travail voit le jour et les docteurs C. Offner, D. Lipsker (clinique de dermatologie), F. Grunenberger (medecine interne, hopital de Hautepierre), G. Kaltenbach’, N. Neyrollesi et J.C. Weber* qui ont participe a la collecte des informations. RkFtiRENCES Sprikkelman A, de Wolf JT, Vellenga E. The application of hematopoietic growth factors in drug-induced agranulocytosis: a review of 70 cases. Leukemia 1994 ; 8 : 203 I-6. Beauchesne MF, Shalansky SJ. Nonchemotherapy drug-induced agranulocytosis: a review of 118 patients treated with colony-stimulating factors. Pharmacotherapy 1999 ; 19 : 299-305. Fukata S, Kuma K, Sugawara M. Granulocyte colony-stimulating factor (G-CSF) does not improve recovery from antithyroid druginduced agranulocytosis: a prospective study. Thyroid 1999 ; 9 : 29-3 I. Paitel JF, Stockemer V, Dorvaux V, Witr F: Guerci A, Lederlin P. Agranulocytoses aigues medicamenteuses. Etude clinique a propos de 30 patients et evolution des etiologies sur deux decennies. Rev MCd Interne 1995 ; 16 : 495-9. Hunault M, Dombret H. Gardin C. Rio B, Hermine 0, Brice P. et al.
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hematopoi’etique
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et agranulocytose
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