Les histiocytoses spléniques : Diagnostic des différentes variétés

Les histiocytoses spléniques : Diagnostic des différentes variétés

ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES Les histiocytoses spléniques : diagnostic des différentes variétés Jacques Diebolda, Josée Audouina, Agnès Le Tou...

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ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES

Les histiocytoses spléniques : diagnostic des différentes variétés Jacques Diebolda, Josée Audouina, Agnès Le Tourneaua, Thierry Jo Molinab,*

SUMMARY

RÉSUMÉ Le terme d’histiocytose désigne l’accumulation pathologique d’histiocytes dans un tissu ou un organe. La rate est l’un des organes où les histiocytoses sont fréquentes. Elles réalisent une splénomégalie. Le diagnostic repose sur l’étude des signes cliniques et biologiques. Les techniques d’imagerie montrent si le parenchyme est infiltré de façon diffuse ou s’il existe des masses. Souvent une splénectomie d’intérêt diagnostique est proposée. L’examen anatomo-pathologique apporte des éléments majeurs pour le diagnostic en particulier grâce à la morphologie et à l’immunophénotype (expression de CD68 et CD 163), pour le diagnostic de l’affection responsable et la prise en charge thérapeutique. Trois variétés d’histiocytose splénique peuvent être reconnues : - les histiocytoses réactionnelles à des infections, des parasitoses, des états dysimmunitaires, des hémopathies malignes, (avec une forme particulière se caractérisant par une hémophagocytose, surtout une érythrophagocytose, parfois associée à un syndrome d’activation des phagocytes mononucléés) ou des désordres métaboliques avec accumulation de lipides divers dans les histiocytes ; - les histiocytoses néoplasiques d’agressivité variable comme les histiocytoses langerhansiennes, ou parfois tumorales agressives (sarcome histiocytique vrai ou à cellules de Langerhans ou à cellules interdigitées) ; - enfin, un cadre d’attente rare, les histiocytoses spléniques de signification indéterminée. Histiocytose réactionnelle – inflammation – dyslipidose – hémosidérose – sarcome histiocytaire – rate.

Définition Le terme d’histiocytose désigne une accumulation dans un tissu ou un organe d’histiocytes ou de cellules en dérivant.

Service central d’anatomie et de cytologie pathologiques Hôtel- Dieu (AP-HP) 1, place du Parvis Notre-Dame 75181 Paris cedex 04 b Service d’anatomie et cytologie pathologiques Hôpital universitaire Necker – Enfants Malades (AP-HP) Université Paris Descartes 149, rue de Sèvres 75730 Paris cedex 15

Splenic histiocytosis : diagnosis of the different varieties The name ‘histiocytosis’ is given to an accumulation of histiocytes in a tissue or in an organ. The spleen is one of the organ in which histiocytosis are the most frequent. Splenic histiocytosis is responsible of the development of a splenomegaly. The diagnosis is based on the study of clinical and biological symptoms. Imaging technics demonstrate either a diffuse infiltration or masses. A splenectomy for diagnosis is often performed. Pathological study brings important arguments for the diagnosis of histiocytosis based on the cell morphology and phenotype (expression of CD68 and 163), for the diagnosis of the aetiology and the treatment. Three types of histiocytosis of the spleen can be described : - reactive histiocytosis dues to various infections, parasitosis, dysimmune diseases , malignant haematologic diseases (with a peculiar type with hemophagocytosis, sometimes associated with an activated macrophage syndrome) or various metabolic diseases with lipidic histiocytosis; - neoplastic histiocytosis as Langerhans cell histiocytosis or more aggressive tumours as true histiocytic sarcoma, Langerhans cell sarcoma, interdigitating cell sarcoma; - finally, a variety of splenic histiocytosis of undetermined significance, for which more studies are needed. Reactive histiocytosis – inflammation – dyslipidosis – hemosidérosis – true histiocytic sarcoma – spleen.

1. Généralités

a

* Correspondance [email protected] article ti l reçu le l 4 octobre, t b accepté té le l 11 octobre t b 2014 © 2015 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

La rate est constituée par l’association de deux tissus différents s’interpénétrant et organisés autour d’une vascularisation de type terminale, d’une part, un tissu lymphoïde (la pulpe blanche) comprenant des follicules autour d’artérioles terminales (corpuscules de Malpighi) responsables des réactions immunitaires humorales et des gaines lymphoïdes péri artérielles constituées de lymphocytes T responsables des réactions immunitaires cellulaires, d’autre part, la pulpe rouge entourant la pulpe blanche, faite de cordons et de sinus, réalisant une sorte d’éponge vasculaire où une épuration du sang se fait. L’histiocyte, dérive du monocyte, cellule sanguine née de précurseurs médullaires osseux et en représente la forme tissulaire. Il possède la propriété de phagocyter de gros REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2015 - N°468//

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fragments solides devenant alors un macrophage. Une fois stimulé au cours des réactions immunitaires surtout cellulaires, il se transforme en cellule épithélioïde ou géante sécrétant et libérant des cytokines. Certains histiocytes, les cellules de Langerhans, jouent un rôle dans les réactions de l’immunité cellulaire et donnent des cellules interdigitées. D’autres cellules (dont l’origine reste mal déterminée) facilitant les réactions immunitaires (cellules accessoires de l’immunité) prennent l’aspect de cellules dendritiques folliculaires, responsable du développement des centres germinatifs et du fonctionnement des follicules. Les histiocytes et les cellules qui en dérivent vont s’accumuler dans les follicules, les gaines lymphoïdes périartérielles et les sinus, mêlés aux lymphocytes B et T. Des mastocytes, dont l’origine histiocytaire est démontrée, peuvent également être présents dans le tissu lymphoïde, les cordons et les lames conjonctives porte-vaisseaux. Enfin, des cellules fusiformes contenant de l’alpha-actine et dont l’origine myofibroblastique ou histiocytaire est encore discutée, sont présentes dans le tissu lymphoïde. Selon les étiologies, différentes variétés d’histiocytoses spléniques (HS) peuvent être distinguées et seront successivement discutées : histiocytoses réactionnelles, histiocytoses néoplasiques ou tumorales, histiocytoses de signification non connue.

2. Présentation clinique La plupart des HS sont responsables d’une splénomégalie d’importance variable. Les techniques d’imagerie (scanner, IRM, voire scintigraphies) sont utiles pour confirmer la splénomégalie, étudier la structure de la rate (présence ou non de masses intraspléniques, d’adénopathies hilaires) et certaines fonctions spléniques. Le diagnostic précis de la maladie causale repose sur une bonne analyse des signes cliniques et biologiques, en particulier hémogramme, ponction médullaire osseuse, biopsie de la moelle osseuse. Si une étiologie précise est évoquée, la recherche d’arguments cliniques et biologiques de cette étiologie s’impose. Lorsqu’aucune étiologie n’est trouvée, la splénectomie pour diagnostic est indiquée. La ponction splénique ou la biopsie splénique peuvent apporter des informations importantes pour le diagnostic. Toutefois le risque d’hémorragie intra abdominale est tel que ces gestes agressifs sont exceptionnellement réalisés. L’étude anatomo-pathologique de la pièce de splénectomie apporte souvent un diagnostic précis ou au minimum oriente vers diverses étiologies à préciser. Une biopsie hépatique per-opératoire doit être réalisée.

3. Étude anatomopathologique de la rate Elle sera réalisée sur la rate entière, non disséquée, transmise au laboratoire immédiatement après son exérèse. La rate est pesée, mesurée dans les trois dimensions de l’espace. L’examen macroscopique note la conservation de la forme normale ou l’existence de déformation par une ou plusieurs masses, l’aspect de la capsule normale ou épaissie et la présence ou non d’adénopathies dans le hile ainsi que l’état des vaisseaux.

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La rate est ensuite disséquée en tranches parallèles dans un plan vertico-frontal passant par le hile splénique. Les deux faces de chaque tranche sont étudiées notant toute anomalie de la pulpe blanche et de la pulpe rouge. Des prélèvements tissulaires sont alors réalisés, centrés sur les lésions macroscopiques. Des appositions seront faites sur lames, séchées à l’air pour colorations de MayGrünewald-Giemsa et étude cytologique. Les fragments tissulaires sont fixés dans une solution de formol à 10 %. Après inclusion en paraffine, les colorations les plus utiles sont l’hématéine-éosine, la coloration de Giemsa lent, de PAS, de Perls et une argentation (par ex. selon Gordon et Sweet). Diverses colorations pourront être réalisées pour la mise en évidence d’agents pathogènes. Une étude en immunohistochimie selon une technique d’immunopéroxydase sur coupe en paraffine permettra d’étudier toutes les populations cellulaires de la rate. La mise en évidence des cellules histiomonocytaires repose sur l’expression par ces cellules des antigènes suivants : CD45, CD4, surtout CD 68 soit KP1, soit PGM1 ainsi que CD163 [1-4]. Elles peuvent aussi être positives pour le lysozyme et la protéine S100, parfois faiblement [3]. En revanche, CD 15 n’est que rarement exprimé. Les cellules de Langerhans et les cellules interdigitées sont positives pour la protéine S100 et CD1a, quant aux cellules dendritiques folliculaires, elles expriment CD 21, CD23, CD35 et la clustérine [3, 4]. Il est recommandé de congeler dans l’azote liquide quelques prélèvements tissulaires pour permettre certaines techniques complémentaires en particulier de biologie moléculaire telles les techniques d’hybridation in situ pour déceler la présence de certains virus.

4. Les histiocytoses spléniques réactionnelles La splénomégalie est d’importance variable. La tranche de section montre un aspect homogène. L’étude histologique reconnaît des histiocytes typiques (noyau ovalaire ou réniforme, petit nucléole, cytoplasme clair), avec parfois vacuoles et divers débris, avec même érythrophagocytose. Ils sont dispersés dans les cordons, les sinus mais aussi dans les follicules et les gaines péri artériolaires. Plus nombreux, ils peuvent réaliser des plages, plus ou moins nodulaires, où les sinus sont mal visibles, soit qu’ils soient collabés, soit qu’ils soient infiltrés. Ces histiocytoses diffuses s’observent dans de multiples étiologies. Il peut s’agir d’infections virales par exemple d’une infection par VIH (hyperplasie folliculaire, plasmocytose, valeur de la clinique +++ mais ce mode de présentation est rare de nos jours), d’une mononucléose infectieuse (valeur de la clinique, association à une importante hyperplasie immunoblastique EBER1 positive dans le tissu lymphoïde splénique et les cordons de la pulpe rouge). Il peut s’agir d’infection intracellulaire par une mycobactériose atypique (figure 1), réalisant des plages d’histiocytose parfois à cellules rondes, parfois à cellules fusiformes, soit diffuse de la pulpe rouge, soit diffuse des follicules, avec mise en évidence dans le cytoplasme des cellules de nombreux bacilles (positifs pour les colorations de PAS, de Grocott et surtout de Ziehl). Il peut s’agir de parasitoses, par ex. leishmaniose (enfant dans le sud-est

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Figure 1 – Histiocytose diffuse de la pulpe rouge chez un patient VIH positif (coloration de Ziehl-Nielsen).

Figure 3 – Histiocytose diffuse de la pulpe rouge chez un patient VIH positif.

A

Nombreux histiocytes dispersés dans les cordons et contenant des bacilles positifs pour cette coloration (rouge) traduisant une mycobactériose atypique.

A. (HE) Amas d’histiocytes au cytoplasme clair contenant des cryptocoques. B. (Bleu Alcian) Les levures sont mieux visibles en raison de la vive coloration bleue de leur capsule.

Figure 2 – Histiocytose diffuse de la pulpe rouge chez un patient VIH positif (HE).

Figure 4 – Sarcoïdose splénique (HE).

A

Dans les cordons, amas d’histiocytes contenant de nombreuses leishmanies (corpuscules sombres).

de la France ou adulte prenant des drogues intraveineuses, reconnaissance dans de nombreux histiocytes du parasite) (figure 2), ou paludisme (voyage, rate volumineuse avec infarctus, présence de pigment noir paludéen libre ou dans des macrophages, recherche du parasite dans le sang). Il peut s’agir de mycoses avec levures intra cellulaires (par ex. cryptococcose) (figure 3). D’autre part, une histiocytose réactionnelle diffuse de la pulpe rouge peut se voir associée aux néoplasies myéloprolifératives, à la leucémie myélo-monocytaire chronique, aux leucémies aiguës myéloïdes et aux mastocytoses systémiques, ainsi qu’autour ou dans des splénomes ou des transformations nodulaires angiomatoïdes et fibreuses de la pulpe rouge [5]. r De telles histiocytoses diffuses peuvent accompagner une splénite aiguë congestive ou suppurée dues à un sepsis à germes Gram positifs ou négatifs ou à une endocardite aigue ou subaiguë (valeur de la clinique, petite splénomégalie

B

B

A. Multiples granulomes épithélïoides et giganto-cellulaires entre des follicules lymphoïdes actifs. B. Présence d’une fibrose collagène autour et dans les granulomes.

avec parenchyme rouge sombre coulant sous le couteau, association à de multiples petits abcès ou à un gros abcès unique, à des foyers de nécrose ischémique et à des hémorragies, importance de prélèvements bactériologiques sur la rate avant la dissection). Elles peuvent aussi s’observer dans le parenchyme splénique au cours des splénites granulomateuses, deuxième forme histologique des histiocytoses spléniques inflammatoires. Il peut s’agir de lésions granulomateuses prédominantes, soit petits granulomes histiocytaires ou épithélioïdes sans nécrose, soit granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires sans nécrose ou avec nécrose fibrinoïde ou suppurée, soit lésions caséo-folliculaires avec nécrose caséeuse contenant des BK et avec fibrose plus ou moins importante. Les principales étiologies sont la tuberculose splénique dans ses principales formes (granulie par dissémination hématogène, tuberculose tertiaire caséo-folliculaire), la sarcoïdose (figure 4), la brucellose ou exceptionnellement certaines lésions nodulaires abcédées comme la maladie REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2015 - N°468//

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Figure 5 – Amas d’histiocytes contenant du pigment hémosidérinique, dispersés dans la pulpe rouge, au cours d’une anémie hémolytique à  auto-anticorps (Giemsa).

Figure 6 – Histiocytose avec érythrophagocytose secondaire à un lymphome à grandes cellules B (HE).

À gauche, plage lymphomateuse. Dans les cordons et les sinus de la pulpe rouge, nombreux histiocytes contenant des hématies dans leur cytoplasme.

Figure 7 – Histiocytes au cytoplasme spumeux (cartouche) dispersés ou en amas dans les cordons de la pulpe rouge correspondant à une histiocytose lipidique découverte dans la rate d’un patient ayant un purpura thrombopénique auto-immun (HE).

Figure 8 – Maladie de Gaucher (HE).

Plages de grands histiocytes dans les cordons. Cartouche : les cellules en surcharge montrent un large cytoplasme éosinophile, rose jaunâtre, avec un aspect de papier de soie froissé. Dans le cartouche à droite : histiocytes avec céroïdes.

des griffures du chat. Des granulomes épithélioïdes et/ou épithélioïdes et gigantocellulaires d’extension variable purement réactionnels, sans étiologie bactérienne, peuvent s’observer dans la rate de sujets présentant soit un lymphome de Hodgkin classique, soit divers lymphomes de type B ou NK/T, que la rate soit tumorale ou sans localisation lymphomateuse. r Deux variétés particulières d’histiocytoses spléniques réactionnelles doivent encore discutées. D’abord les histiocytoses diffuses avec hémosidérose observées au cours des anémies hémolytiques, surtout maladie de Minkowski-Chauffard, drépanocytose ou autoimmune, avec de nombreux macrophages contenant de l’hémosidérine sont dispersés ou groupés en petits amas dans les cordons, autour des follicules et au contact des lames porte-vaisseaux (figure 5). Puis les histiocytoses avec érythrophagocytose soit associées à un lymphome

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à grandes cellules B (figure 6), soit de grands syndromes hémophagocytaires, d’évolution sévère avec syndrome des macrophages activés associés à divers lymphomes B ou T, en particulier la lymphoprolifération T systémique EBV positive de l’enfant [4] voire au cours de certaines viroses, en particulier à EBV. Enfin, celles réalisant les histiocytoses spléniques lipidiques parfois à céroïdes. Certaines sont modérées faites de petits amas d’histiocytes au cytoplasme clair, spumeux ou franchement vacuolaires observés dans 10 à 20 % des thrombopénies d’origine auto-immune (figure 7) ou dans la rare circonstance représentée par les perfusions intraveineuses de solutions hypercaloriques hyperlipidiques pour pallier les troubles de l’absorption du syndrome des grêles courts après chirurgie ou radiothérapie. D’autres sont massives réalisant de très volumineuses splénomégalies au parenchyme splénique dense et homogène par accumulation dans les cordons de la pulpe rouge de très nombreux macrophages laminant les sinus. Cet aspect se voit dans des affections

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Figure 9 – Maladie de Niemann-Pick.

B

montré les études de monoclonalité, mais avec une évolution habituellement non ou peu agressive. Elle s’intègre dans le cadre ancien de l’histiocytose X. Elle survient chez les enfants et les adultes jeunes, avec une prédominance masculine [3, 4]. La localisation splénique reste rare et est souvent associée à d’autres tissus ou organes : peau, os, foie, Ces formes plurifocales sont souvent accompagnées de fièvre et de cytopénies sanguines. L’atteinte splénique réalise des plages nodulaires effaçant l’architecture de la pulpe rouge, constituées de grandes cellules allongées ou ovalaires, avec un noyau clair, allongé, de contour irrégulier, lobulé, plicaturé, indenté, à la membrane fine, avec de petits Figure 10 – Maladie des histiocytes bleu marine.

A

C

A. et B. (HE). Amas d’histiocytes au cytoplasme abondant et clair, dans les cordons de la pulpe rouge. Cartouche : aspect microvacuolaire du cytoplasme des cellules en surcharge.

dues à des déficits enzymatiques avec accumulation de métabolites intermédiaires ne pouvant être digérés dans les macrophages : comme dans la maladie de Gaucher de type I par défaut de glucocérébrosidase (avec macrophages présentant un abondant cytoplasme rose jaunâtre, chiffonné, feuilleté, très caractéristique) (figure 8), comme dans la maladie de Niemann-Pick du groupe I par défaut en sphingomyélinase (avec gros macrophages au cytoplasme microvacuolaire) (figure 9) ou comme dans la maladie des histiocytes bleu marine avec des amas de macrophages les uns au cytoplasme clair, spumeux, les autres contenant un lipopigment jaunâtre, ayant toutes les caractéristiques des céroïdes, bleu marine avec le Giemsa, PAS positif, noir soudan positif après inclusion en paraffine et autofluorescent (figure 10). r Une dernière modification, non encore décrite dans la littérature, est représentée par une hyperplasie des gaines lymphoïdes péri-artérielles (territoires lymphoïdes thymo-dépendants de la rate) avec hyperplasie des cellules interdigitées formant par place des sortes de nodules au contact des follicules actifs. Les lymphocytes responsables de cette hyperplasie expriment CD3, et tantôt CD4, tantôt CD8. Au milieu de ces lymphocytes, de nombreuses cellules au cytoplasme clair, au noyau allongé, plicaturé, contourné sont dispersées. Ces cellules ont l’aspect d’histiocytes particulier, les cellules interdigitées exprimant CD1a et la protéine S100 (figure 11). L’aspect d’ensemble est semblable aux hyperplasies de la corticale profonde ganglionnaire, témoignant d’une mise en jeu des réactions de l’immunité cellulaire. Il s’agit très probablement d’une lésion élémentaire au cours de réaction immunitaire splénique. Une telle modification, qui peut être appelée « hyperplasie des gaines lymphoïdes T péri artérielles de la rate » reste très rarement observée.

5. Les histiocytoses spléniques néoplasiques [2-4] 5.1. L’histiocytose à cellules de Langerhans Ce type d’histiocytose est bien une néoplasie comme l’ont

B

C

A

D

E

A. (HE) Histiocytes chargés de lipides, tantôt sous forme de vacuoles optiquement vides, tantôt de granulations brunes dispersés dans les cordons. B. (Giemsa) Coloration bleu marine des lipopigments. C. (PAS) Positivité des granules de lipopigment. D. (Noir Soudan), positivité des lipopigments. E. Ils sont autofluorescents sous lumière ultraviolette.

Figure 11 – Hyperplasie des gaines lymphoïdes T périartérielles avec hyperplasie des cellules interdigitées (CID).

B

A

C

A. (HE) Gaine hyperplasique. B. (HE) CID typiques entourées de lymphocytes au phénotype T (non montré). C. (immunopéroxydase) Positivité brunâtre de certaines CID pour la protéine S100, contrastant avec leur vive expression par des lymphocytes T.

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Figure 12 – Histiocytose langerhansienne de la rate.

B C

A A. (HE) Plages claires représentant des zones de pulpe rouge, infiltrées par des cellules de Langerhans. B. (HE) Zone de prédominance de ces cellules. C. (HE) Cas riche en granulocytes éosinophiles. Dans le cartouche : mise en évidence de l’expression par les cellules de Langerhans de CD1a par immunopéroxydase.

Figure 13 – Sarcome histiocytique vrai.

A

B

A. (HE) Infltration massive détruisant l’architecture de la rate par des cellules de taille variable, souvent grandes, parfois monstrueuses. B. (immunopéroxydase), la population tumorale exprime CD68 (KP1) (et aussi CD163, non montré).

nucléoles. Le cytoplasme est clair, faiblement éosinophile. Il n’existe que peu d’atypies nucléaires. Les mitoses sont rares. Elles peuvent être associées à des histiocytes réactionnels ; à des plasmocytes, à des lymphocytes et souvent à des granulocytes éosinophiles (figure 12). Parfois des nids de cellules histiocytaires au cytoplasme spumeux peuvent se voir. Ces cellules tumorales sont, faiblement positives pour CD45 et CD68, mais franchement positives pour la protéine S100, CD1a et la langérine, comme les cellules de Langerhans normales. Le nombre de cellules positives pour Ki67 est faible. L’étude au microscope électronique trouve dans les cellules tumorales des granulations de Birbeck. L’évolution est très favorable dans les formes limitées alors que les formes multifocales peuvent être agressives.

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5.2. Le sarcome histiocytique vrai La prolifération maligne d’histiocytes plus ou moins bien différenciés est souvent appelée dans la littérature « sarcome histiocytique vrai » lorsque des masses tumorales destructrices sont réalisées [2-4, 6, 7). Le terme « histiocytose maligne » n’est plus guère utilisé. Il semble essentiellement correspondre à une infiltration diffuse du parenchyme splénique responsable d’une splénomégalie diffuse ; homogène, sans formation de masse tumorale. Ce sont des néoplasies rares, représentant, dans une étude de « l’International Lymphoma Study Group », 17 % des tumeurs histiocytaires [3], survenant à tout âge, surtout chez l’adulte, avec une certaine prédominance pour le sexe masculin [4]. La clinique est dominée par le développement d’une splénomégalie avec thrombopénie, signes généraux et altération de l’état général. L’étude anatomo-pathologique de la rate montre de multiples masses tumorales de taille variable, déformant l’organe, pouvant confluer en une masse unique. Ces masses sont constituées par des cellules de type histiocytaire, avec un cytoplasme clair ou faiblement éosinophile, un noyau allongé, plus ou moins volumineux, plus ou moins irrégulier, plus ou moins pourvus de nucléoles, réalisant un infiltrat très polymorphe (figure 13). Des cellules géantes, monstrueuses sont fréquentes. Dans certains cas, des histiocytes tumoraux développent une érythrophagocytose. Parfois, ce sont des histiocytes de morphologie normale, qui présentent une telle activité érythrophagocytaire [6, 7]. D’autres formes sont constituées de cellules plus régulières, plus rondes ne pouvant être distinguées d’un lymphome à grandes cellules B sans étude immunohistochimique complète. Cette population tumorale n’exprime aucun marqueur épithélial et seulement des marqueurs de la lignée histiocytaire. L’immunophénotype permet d’éliminer les lymphomes à grandes cellules B ou T et les rares métastases épithéliales spléniques massives. Les hémangioendothéliosarcomes fréquents dans la rate montrent une infiltration diffuse, une prédominance de cellules fusiformes, en faisceaux denses avec des plages plus lâches et par place, une organisation vasculaire. Les cellules tumorales fusiformes expriment seulement des marqueurs de cellules endothéliales CD31, CD34, facteur VIII. Enfin, le diagnostic différentiel avec une infiltration de la rate par une leucéme aigue monoblastique ne se pose pratiquement pas dans notre expérience. Elle repose sur la clinique (existence d’une leucose), le phénotype complet des cellules sanguines (co-expression d’antigènes myéloïdes (CD13, CD33, CD15) et d’au moins 2 antigènes de différenciation monocytique (CD14, CD4, CD11b et 11c, CD 64, CD68, lysozyme), la cytogénétique [4]. En raison d’une réponse limitée à la chimiothérapie, l’évolution est plus ou moins rapidement mortelle [4]. L’évolution serait plus favorable chez les patients présentant une localisation cutanée [4].

5.3. Le sarcome des cellules de Langerhans Cette variété très rare s’observe chez l’adulte, avec une prédominance pour le sexe féminin [4]. La présentation clinique et biologique est superposable, ainsi que l’aspect macroscopique à ceux du sarcome histiocytaire vrai.

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Le diagnostic repose sur les caractères morphologiques des cellules néoplasiques semblables à ceux des cellules de Langerhans : cytoplasme abondant, clair, sans témoins de phagocytose, noyau allongé ; irrégulier, plicaturé ainsi que sur leur immunophénotype : expression cytoplasmique de la protéine S100, de CD1a et de la langérine. Des anomalies nucléaires, des monstruosités nucléaires, un taux de mitose élevé oriente vers une prolifération agressive. Le diagnostic avec une hyperplasie langerhansienne repose essentiellement sur l’âge, la présentation clinique et la morphologie. L’évolution est plus agressive que celle de l’histiocytose langerhansienne avec progression vers la mort dans la moitié des cas.

Figure 14 – Histiocytose splénique de signification indéterminée (HE).

5.4. Le sarcome à cellules interdigitées C’est un sarcome exceptionnel survenant chez l’adulte, avec une prédominance masculine, réalisant une masse splénique ave hépatomégalie et adénopathies. La ou les masses spléniques détruisent le parenchyme normal et sont faites de cellules fusiformes ou ovoïdes, avec un abondant cytoplasme éosinophile, un noyau allongé, plicaturé, très typique des cellules interdigitées. Parfois existent des cellules multinucléées. Il n’y a pas de cellules atypiques. Le nombre des mitoses reste faible. L’immunomarquage montre un contraste entre la morphologie très évocatrice des cellules interdigitées et leur négativité pour CD1a et langérine. Toutefois, elles expriment vimentine et protéine S100, ainsi que la fascine. CD68, lysozyme et CD45 sont faiblement positifs. Une forte positivité nucléaire peut être notée pour p 53. Les marqueurs des cellules folliculaires dendritiques sont négatifs. L’évolution est habituellement agressive.

5.5 Le sarcome à cellules dendritiques folliculaires Il réalise dans la rate une tumeur ressemblant au sarcome histiocytaire vrai tant dans la présentation clinique que dans l’aspect macroscopique. L’infiltration tumorale détruit l’architecture de la rate. Elle est faite de cellules fusiformes en faisceaux. Certaines cellules sont binucléées, les noyaux s’opposant par la base. Les atypies peuvent être nombreuses. Les mitoses sont peu fréquentes. Le diagnostic repose sur l’expression d’un phénotype typique avec positivité de CD 21, CD23, CD35 et la clustérine. Certaines peuvent se présenter comme une pseudotumeur inflammatoire de la rate [4]. L’origine de ces cellules restant encore discutée, leur place dans le cadre des tumeurs histiocytaires reste également controversée. Elles sont toutefois à discuter dans le diagnostic différentiel des histiocytoses néoplasiques.

6. Les histiocytoses spléniques de signification indéterminée Dans divers tissus peuvent s’accumuler des histiocytes, réalisant des plages pseudo-tumorales, sans témoin patent de malignité et dont l’évolution est imprévisible.

A

B

A. Plages claires dans la pulpe blanche s’étendant dans la pulpe rouge voisine. B. Ces plages sont faites de cellules arrondies, spumeuses et d’autres fusiformes, toutes expriment CD 68 et/ou CD163 (non montré).

Ce sont ces lésions qui, dans l’attente d’une meilleure connaissance, sont désignées par le terme d’histiocytose de signification indéterminée [4]. Deux observations de lésions spléniques s’intégrant dans ce cadre, nous ont été adressées en consultation et sont actuellement en cours de publication [8]. Dans les deux cas, chez des adultes, une splénomégalie s’est développée sans raison apparente. L’imagerie splénique découvre une masse faisant suspecter une tumeur. Une splénectomie pour diagnostic est réalisée. Les deux rates ont un poids dans les limites de la normale et sont le siège d’une masse polylobé. Les mêmes modifications histologiques sont reconnues dans les deux cas. Des plages arrondies de cellules fusiformes se développent en périphérie des follicules et dans les gaines lymphoïdes périartérielles remplaçant et refoulant le tissu lymphoïde normal et s’étendant dans la pulpe rouge voisine. Entre les cellules fusiformes, des nids de plasmocytes sont associés à quelques lymphocytes et granulocytes éosinophiles. Une autre lésion est représentée par des amas d’histiocytes au cytoplasme spumeux dispersés dans la pulpe rouge (figure 14). Les cellules fusiformes sont positives pour la vimentine et focalement pour le lysozyme. Elles expriment CD163. alors que CD68, aussi bien KP1 que PGM1 sont négatifs. En revanche, les cellules au cytoplasme spumeux sont positives pour KP1, PGM1 et CD163. Les deux populations cellulaires restent négatives pour les marqueurs des cellu Le taux de cellules positives pour Ki 67 est faible. Il n’y a aucun argument formel de malignité. Les lésions ne répondent à aucune entité connue. Ces deux cas peuvent donc être classés dans le cadre d’attente des histiocytoses de signification indéterminée. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2015 - N°468//

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