Les infections urinaires nosocomiales de l’adulte

Les infections urinaires nosocomiales de l’adulte

Médecine et maladies infectieuses 33 (2003) 431–437 www.elsevier.com/locate/medmal Texte d’experts Les infections urinaires nosocomiales de l’adulte...

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Médecine et maladies infectieuses 33 (2003) 431–437 www.elsevier.com/locate/medmal

Texte d’experts

Les infections urinaires nosocomiales de l’adulte Nosocomial urinary tract infections in adults B. Lejeune Service hygiène épidémiologie, CHU Morvan, 5, avenue Foch, 29200 Brest, France Reçu le 30 juin 2002 ; accepté le 15 octobre 2002

Résumé Les infections urinaires nosocomiales (IUN) représentent 40 % des infections acquises à l’hôpital. Leur fréquence varie selon le type d’établissement, le service. Dans les services de court séjour les pourcentages fluctuent de 30–49 % et de 20–64 % dans les établissements pour personnes âgées. Quelques facteurs de risque particuliers ont été identifiés chez la femme après l’accouchement. Le facteur de risque majeur est le sondage vésical, surtout après le 5e jour. La survenue d’une bactériémie secondaire à l’UIN met en jeu le pronostic vital. Les IUN à bactéries multirésistantes aux antibiotiques ou à champignons sont grevées d’une lourde létalité. Par leur nombre, les IUN pèsent lourdement sur les budgets hospitaliers et justifient d’une prévention efficace. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract An average 40% of hospital-acquired infections are nosocomial urinary tract infections (NUTI). Their frequency depends on hospital ward type and specialty: from 30 to 49% in short stay units, and from 20 to 64% in long stay institutions for the elderly. Some specific risk factors have been identified in post-partum women. The most important risk factor is the duration of urinary catheterization, especially after the 5th day. Death rates are high in nosocomial bacteriema induced by NUTI and NUTI due to multi-drug resistant bacteria or fungi. The great number of NUTIs has a strong economic impact on hospital budgets and justifies implementing efficient prevention measures. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Infections urinaires nosocomiales ; Épidémiologie ; Facteurs de risque Keywords: Nosocomial urinary tract infection; Epidemiology; Risk factors

1. Introduction Les infections urinaires sont les premières infections rencontrées tant en pratique de ville qu’à l’hôpital, 40 % des infections acquises à l’hôpital sont des infections urinaires [1]. Branger [2] estime qu’environ 300 000 infections nosocomiales surviennent chaque année en France ; sur ce nombre 132 000 environ sont des infections urinaires nosocomiales [IUN] qui sont responsables de 1300 à 5300 bactériémies à point de départ urinaire, lesquelles entraîneront un millier de décès. Adresse e-mail : [email protected] (B. Lejeune). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0399-077X(03)00163-X

Comme le révèle l’enquête nationale de prévalence, en milieu hospitalier, plus de 25 % des patients hospitalisés ont une sonde urinaire le jour de l’enquête (résultats provisoires Enquête nationale de prévalence 2001 CCLIN Ouest). Par ailleurs, le risque de contracter une infection urinaire nosocomiale augmente régulièrement avec la durée du sondage ; il est évalué de 3 à 10 % par jour de sondage [1]. L’autre aspect important du problème réside dans la fréquence d’isolement de germes urinaires résistant aux antibiotiques. Un autre point à souligner tient au fait que 15 % des IUN sont d’origine endémique et que le risque de transmission croisée lors des soins est loin d’être négligeable [1,3].

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Dans ces conditions la connaissance de la fréquence des IUN, des facteurs de risque de survenue et de la bactériologie urinaire dans les établissements de santé représentent un atout majeur pour mettre en jeu des méthodes de prévention d’efficacité prouvée. La connaissance du taux des IUN pourrait être un bon indicateur de qualité en hygiène hospitalière [4]. 2. Épidémiologie des infections urinaires nosocomiales Les résultats des deux enquêtes de prévalence nationale – 1996 et 2001 – sont relativement comparables avec des taux de prévalence de 2,8 % en 1996 (résultats nationaux : RN) et 2,6 % en 2001 (résultats provisoires qui ne concernent que l’inter région du CCLIN Ouest pour 2001) ; les taux de prévalence globale pour chacune des enquêtes sont respectivement de 7,6 % en 1996 et 6,0 % en 2001. Cela place les infections urinaires nosocomiales au premier rang des infections acquises à l’hôpital, soit respectivement 36,3 % des infections nosocomiales en 1996 (RN) et 42,7 % en 2001 pour l’inter région Ouest [I.R.Ouest]. L’analyse des données de la littérature retrouve cette place privilégiée des IUN, que ce soit les résultats du CDC (enquêtes NNISS) ou ceux d’enquêtes effectuées dans différents pays européens. En Angleterre, la prévalence des IUN est évaluée jusqu’à 12,6 % (EPIC Projects 2001). Burke et Saint les placent au premier rangdes infections nosocomiales ; elles représentent 40 % du total des IN. Le taux de prévalence varie de 2 à 23 % selon les études [4,5]. Chez la femme en post partum, l’incidence se situe autour de 3,7 % [6]. La meilleure expression des taux d’IUN consiste à prendre en compte le facteur de risque principal et de les comptabiliser chez les malades porteurs de sonde urinaire-ratio d’incidence d’IUN pour 100 j de sondage ; nous pouvons affiner les résultats en calculant l’incidence vraie encore appelée densité d’incidence, qui prend en compte la durée d’exposition au risque de la population–taux d’infection urinaire pour 1000 patients-jours de sondage. Cette expression des résultats nécessite le recueil d’informations qui malheureusement ne sont pas toujours disponibles et qui sont rarement fiables. Nous avons observé un taux d’attaque des IUN dans notre établissement de 23 % chez les malades sondés, le taux d’incidence – ou ratio d’incidence – est de 3,1 pour 100 j de sondage (Roudaut-Ollivier S., Lejeune B., Fauchier C., Baron R. Les infections nosocomiales en long séjour, soumis pour publication, 2002). Par ailleurs, il faut souligner que plus des trois-quarts des IUN restent asymptomatiques. Cela confirme l’intérêt du dépistage systématique, confirmé par les examens de laboratoire qui permettent d’affirmer la réalité de l’IU. Une assez grande variation s’observe en fonction : • du type d’établissements – CHU, CHG, hôpital local ; • de la catégorie de service dans les établissements ; • des caractéristiques des patients pris en charge dans ces services.

2.1. Fréquence selon le type d’établissement Dans l’enquête de prévalence 2001 I.R.Ouest, nous avons constaté que la prévalence la plus élevée se retrouve dans les hôpitaux locaux et la plus faible dans les établissements de psychiatrie (Tableaux 1, 2). Tableau 1 Prévalence des IUN selon les catégories d’établissement* Prevalence of NUTIs according to type of institution Catégories d’E.S CHU/CHR CH/CHG CHS/Psychiatrie Hôpital local Clinique MCO SSR/ELD

Taux de prévalence 2,6 % 3,1 % 0,5 % 4,3 % 2,2 % 3,4 %

Pourcentage 31,2 % 45,9 % 24,6 % 52,4 % 52,6 % 45,8 %

* D’après enquête nationale de prévalence 2001 - Résultats provisoires CCLIN Ouest. Tableau 2 Fréquence des IN selon les services Frequency of NIs according to type of ward Catégories de services Médecine Chirurgie Réanimation Court séjour Moyen séjour Long séjour

Taux de prévalence 2,6 % 3,0 % 8,1 % 2,3 % 4,7 % 3,3 %

Pourcentage 43 % 45,4 % 30,1 % 41,7 % 49,0 % 38,0 %

D’après enquête nationale de prévalence 2001 – Résultats provisoires CCLIN Ouest.

2.2. Fréquence selon les services i.e. selon les spécialités et des patients pris en charge (Tableau 2) L’enquête de prévalence nationale [I.R.Ouest 2001] montre que le taux d’IUN le plus élevé se retrouve en réanimation 8,1 %, où elles ne représentent que 30,1 % des IN derrière les pneumopathies. Par ailleurs, nous observons que ce sont les services de moyen séjour qui ont les taux d’IUN les plus élevés – en moyenne sur l’ensemble des établissements. 2.3. Centres de long séjour Dans les centres de long séjour pour personnes âgées ou les services de soins de suites et réadaptation, les taux de prévalence varient considérablement (Tableau 3). L’enquête de Emori s’inscrit dans le cadre du programme NNISS aux États-Unis et regroupe les résultats observés entre 1986 et 1990. L’étude de Quenon porte sur 50 unités de long séjour de l’AP-HP en 1993. Nous constatons que dans les centres de long séjour pour personnes âgées, la fréquence des infections urinaires est très variable ; cela est essentiellement dû aux modalités de prise en charge des troubles urinaires chez les personnes âgées d’une part, mais aussi aux modalités de reconnaissance des IUN en fonction des habitudes de dépistage mises en œuvre d’autre part.

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Tableau 3 Fréquence des IN dans les établissements de long séjour Frequency of NIs in long stay institutions Référence Emori, 1991 [7] Darnowski, 1991 [8] Jackson, 1992 [9] Quenon, 1997 [10] Poupet, 1995 [11] Bourdel-Marchasson, 2001 [12] Roudaut-Ollivier et al. (soumis pour publication, 2002) Strausbaugh, 2000 [13]

IUN 46 % 17 % 18 % 3,3* 35 % 64 % 47,7 % 19,7 %, 1,04*

IRN 18 % 46 % 47 %, 1,27* 19 % 9% 27,5 % 55,3 %, 2,9*

IC-MN

BN 8%

0,1 – 3,5*

0,3 – 4,7*

0,1 – 2,1*

21,2 % 25 %, 1,77* 26 % 9% 9,2 % 6,6 %, 0,35*

2 %, 0,14* 9% 7,3 % 3,4 %, 0,18*

Autres 18 % 15,6 % 9 %, 0,63* 7% 11 % 8,2 % 15,0 %

Taux (× 1000 P–J) 1,77* 7,1* 8,9 % 11* 9,2 % 5,3* 1,8 – 13,5*

* Taux de prévalence ; ** Taux d’incidence ; IUN : infection urinaire nosocomiale ; IRN : infection respiratoire nosocomiale ; IC-MN : infection cutanée-muqueuse nosocomiale ; BN : bactériémie nosocomiale.

Dans les services de réanimation, nous retrouvons cette disparité de fréquence. L’incidence moyenne est comprise entre 3,5 et 6,3 % chez les malades sondés [14], loin derrière les pneumopathies. Elle tend cependant à diminuer comme le souligne Léone en 2000 [15]. L’enquête européenne EPIIC Study en 1992 note que dans les services de réanimation, les IUN viennent en deuxième position – 17,6 % des IN, après les pneumonies – 46,9 % [16]. L’incidence des IUN évaluée par le programme NNISS varie entre 10 à 15 pour 1000 cathéters-jours [17]. Dans les services de chirurgie outre les patients qui présentent des facteurs de risque « généraux », les IUN se rencontrent surtout après chirurgie urologique, en particulier après résection endoscopique de prostate ou après exploration endoscopique des voies urinaires. L’incidence des IUN après cystoscopie serait de 6,5 % d’IUN si les urines sont contrôlées stériles avant l’examen et de près de 50 % si les urines étaient déjà infectées avant l’exploration. 3. Épidémiologie bactérienne et fongique des infections urinaires nosocomiales Escherichia coli est le germe des infections urinaires, qu’elles soient communautaires ou nosocomiales [18].

Trois points méritent d’être soulignés : • une plus grande disparité des espèces bactériennes isolées des IUN, par comparaison avec les IU communautaires ; • la fréquence d’isolement de souches résistantes aux antibiotiques dans les UIN ; • le rôle des champignons, essentiellement des levures et la plus grande gravité des IUN à levures. 3.1. Épidémiologie bactérienne L’étude de Péan concerne les résultats d’un réseau de laboratoires de ville, nous notons que E. coli est le germe des IU communautaires (Tableau 4). EPIIC Study montre la fréquence d’isolement des fungi au cours des IUN en réanimation. Akpabie rapporte les résultats observés au cours des IUN dans des services de long séjour, soins de suite et rééducation, chez des personnes âgées. Pour l’enquête de prévalence 2001, nous ne rapportons que les résultats de l’inter région du CCLIN Ouest. 3.2. Résistance aux antibiotiques Claudon et al., en 2002, analysant les résultats des isolements des entérobactéries productrices de bêtalactamases à

Tableau 4 Épidémiologie bactérienne et fongique comparée des IU Comparative bacterial and fungal epidemiology of UTIs E. coli Proteus spp P. mirabilis Klebsiella spp K. pneumoniæ Autres entérobactéries P. aethrioscope Pseudomonas spp S. aureus Enterococcus spp E. faecalis Candida spp Fungi Autres G+

CDC, 1992 [19] 31,7 % 7,3 %

EPIIC Study, 1992 [16] 21,2 %

7,6 %

6,8 %

Akpabie, 2000 [20] 38,7 %

Prévalence, 2001 37,4 %

Péan, 2001 [21] 74,7 %

11,1 %

6,5 %

7,3 %

5,7 % 15,0 % 12,5 % 1,6 % 14,9 %

3,3 % 8,9 %

15,9 %

5,1 % 21,2 % 9,4 %

10 % 5,2 % 12,5 % 11,5 %

7,9 % 7,0 %

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Tableau 5 Distribution des espèces bactériennes isolées des urines en gériatrie et résistance aux antibiotiques – Akpabie – 2001 Distribution and resistance to antibiotics of bacterial species identified in urine, in geriatric wards – Akpabie – 2001 Distribution des espèces bactériennes E. coli P. mirabilis K. pneumoniæ P. aethrioscope E. faecalis S. aureus

Niveau de résistance aux antibiotiques Akpabie, 2001 [20] 38,7 % 11,1 % 5,7 % 9,9 % 11,5 % 5,2 %

57,5 % R AMX 71,3 % R AMX 27,4 % R AMC 56,9 % R TIC 46,2 % R GM Sarm 87,9 %

Onerba-COL-BVH, 1999* [23] 42,1 % R AMX 44,6 % R AMX 8,5 % R AMC 31,2 % TIC

* Tous prélèvements confondus. AMX: amoxicilline ; AMC : amoxicilline-clavulanate ; TIC : ticarcilline ; GM : gentamycine ; Sarm : S. aureus résistant à la méticilline.

spectre étendu (EB ßLES) pendant 6 mois au CHU de Strasbourg, notent que 36 % (43 souches sur 119) d’entre elles sont isolées par des prélèvements urinaires [22]. Ils observent un clone d’E. aerogenes et l’émergence de deux clones de K. pneumoniæ. Parmi ces EB ßLES, les cinq souches de E. coli productrices sont d’origine urinaire. Dans la série de Akpabie, un niveau de résistance élevé des différents germes isolés est retrouvé, en particulier pour S. aureus (Tableau 5). La comparaison avec les données rapportées par l’Onerba [23] confirme la fréquence élevée des résistances, encore que ces dernières concernent des germes non spécifiquement urinaires.

Facteurs de risque Durée du sondage Qualité de la pose : asepsie Qualification du poseur Système de drainage et maintenance du dispositif Manipulation de la sonde urinaire Pose de la sonde après le 6e j d’hospitalisation *

Quelques références d’auteurs Beeson 1958* [1,7,15,26] [26,28] [26] [29–31,34] [28] [32]

cité par Burke, 1983.

Tableau 8 Autres facteurs de risque Other risk factors

3.3. IUN et fungi Deux séries récentes évaluent la fréquence des fungi dans les IUN, dans les deux Candida albicans est de loin l’espèce prédominante (Tableau 6). Tableau 6 Distribution des espèces fongiques dans les IUN Distribution of fungal species in NUTIs Espèces C. albicans C. glabrata C. tropicalis C. parapsilopsis Autres

Tableau 7 Facteurs de risque d’IUN liés au sondage urinaire NUTI risks factors associated with cathethers

Sobel, 2000 [24] 50 % 18 % 11 % 3% 5%

Kauffman, 2000 [25] 63,1 % 18,9 % 9,6 % 5% 3,4 %

4. Facteurs de risque des infections urinaires nosocomiales Le facteur de risque principal des IUN est le sondage urinaire (Tableau 7). Par ailleurs, la durée du sondage représente le deuxième élément du risque ; le risque de survenue d’une IUN est relativement stable dans les 2 à 3 premiers jours puis augmente de façon très significative de 5 % par jour de sondage supplémentaire. La désolidarisation sac de recueil–sonde augmente le risque de survenue d’une IUN [RR : 1,2–3,0] (Platt 1983). Pour cet auteur, la pose d’une sonde préconnectée au sac de drainage réduirait de 63 % le risque d’IUN chez les sondés. D’autres facteurs de risques sont listés dans le Tableau 8.

Facteurs de risque Sexe féminin ˆ ge A Absence d’antibiothérapie par voie générale Diabète sucré Le taux de créatinine plasmatique Pathologie sous-jacente Secteur d’hospitalisation

Quelques références d’auteurs [33–36] [33] [33–36] [34] [34,35] [27] [32]

4.1. Facteurs de risque particulier Chez la femme en post partum outre le sondage urinaire, nous retrouvons comme facteurs de risque [6,38,39] : • les antécédents d’IU ; • l’existence d’une bactériurie pendant la grossesse ; • l’analgésie péridurale ; • la césarienne ; • la pose de forceps. L’analgésie péridurale multiplierait par 2,8 le risque d’IUN, mais le nombre de sondages est de l’ordre de 3,6 fois plus fréquent [37]. 4.2. Les IUN fongiques [24,25] Dans nombre de cas, l’IUN à levures est précédée d’une infection bactérienne d’un autre site ou l’infection bactérienne est concomitante : • 43,4 % IUN bactériennes ;

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• 40 % pneumonie bactérienne ; • 23,6 % bactériémie, 77,6 % des patients sont porteurs d’une sonde à demeure, 4,6 % bénéficient d’un sondage intermittent et 16,8 % aucun sondage. Une fongicémie surviendrait dans 1,3 % des cas avec un risque de décès dans 28 % des cas. L’antibiothérapie est un élément favorisant la survenue de l’infection fongique La mortalité globale serait de 19,8 % des cas pour Kauffman [25].

5. Mortalité et morbidité induite par les infections urinaires nosocomiales 5.1. Morbidité 5.1.1. Complications Les complications des IUN sont essentiellement liées aux localisations urinaires secondaires : abcès rénal, vésical, urétral, épididymite, prostatite, orchite ; des séquelles peuvent être observées, comme un reflux vésico-urétéral [3]. La survenue d’une atteinte urinaire haute, à type de pyélonéphrite est difficile à évaluer et souvent sous-estimée à cause des difficultés de diagnostic (Stamm 5). La deuxième complication, grave, est la survenue de bactériémies secondaires à une IUN, dont le pronostic peut être redoutable. 5.1.2. Bactériémies nosocomiales secondaires Platt [26] attribue 14 % des décès comme conséquence d’IUN ; pour 2,6 %, il considère que la relation est directe et pour 11,4 % il avance que l’IUN est contributive du décès. Quarante pour cent des BN à BGN seraient secondaires à une IUN. La réduction des BN à BGN serait liée à la diminution de la fréquence des IUN. Emori [7] sur 1877 IUN, 176 présentent une BN secondaire dont 73 décèdent. Pour Saint [1], 1 à 4 % des IUN se compliquent de BN dont 13 à 30 % des patients décèdent. 5.2. Mortalité et IUN Peu d’études portent sur la mortalité induite par les IN (Tableau 9). Nous avons vu que Branger estimait qu’environ 132 000 IUN se déclaraient par an, responsables d’un millier de décès [2]. La question la plus cruciale réside dans l’imputabilité du décès à l’IUN. Morrisson rapporte que 14 % des IUN à Enterococcus spp se terminaient par un décès [39]. Pour Kauffman [25], les décès liés aux IUN fongiques – 19,8 % – sont plus liés aux affections concomitantes qu’à la fongiurie elle-même. Les facteurs de risque de décès en cas d’IUN sont résumés dans le Tableau 10 : nous retrouvons en fait les facteurs de risque d’infection urinaire...

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Tableau 9 IUN et décès NUTIs and death rates Référence Morrisson, 1986 [39] CDC, 1992 Martone, 1992 [19] Ward, 1997 [40] Kauffman, 2000 [25]

Décès liés aux IUN Directs Indirects 14 % [IUN à Enterococcus] 4,9 % 0,1 % 0,72 % 0,1 à 0,3 % 19,8 % [IUN à levures]

Tableau 10 Les facteurs de risque de décès en cas d’IUN [41] NUTI-associated risks factors ˆ ge A Gravité de la maladie intercurrente Type de service à l’hôpital : chirurgie > médecine Durée du sondage Taux de la créatininémie La qualification de la personne ayant mis en place la sonde urinaire. OR Ajusté : 2,8 [1,5–5,1]

6. Coût des IUN Le coût peut être évalué soit par les coûts mesurables directs comme la prolongation de la durée de séjour ou par les dépenses induites comme le coût des examens complémentaires ou des traitements. Il peut aussi se mesurer par les débours liés au retentissement de l’IN pour le patient et sa famille du fait de la maladie et en particulier la prolongation de la durée de séjour. Enfin lorsque l’infection se déclare après la sortie de l’hôpital, elle nécessite souvent une prise en charge ambulatoire par le système de santé. En moyenne, les malades atteints d’infections nosocomiales ont une durée de séjour multipliée par 2,8 (Tableau 11). Rosalind Plowman retrouve 19,1 % des patients qui présentent une IN déclarée après la sortie de l’hôpital, non identifiée lors de leur séjour hospitalier. Les IUN représentent un coût unitaire per se relativement faible, de l’ordre de 2955 £ par malade soit un surcoût moyen de 1327 £. En fait, le coût global est très important car l’incidence des IUN est élevée ; Plowman l’évalue aux environs de 124 millions de Livres par an [80,96–166,83] ; ce qui place les IUN au premier rang des dépenses liées aux IN, en cours d’hospitalisation en Angleterre. Cette étude ne prend pas en compte le coût des IN après la sortie de l’hôpital. Mais, dans le système anglo-saxon de santé et en France, devant l’évolution de la prise en charge des malades, il est à Tableau 11 Prolongation de la durée de séjour imputable aux IUN Extension of the stay due to NUTIs Référence Green, 1982 [42] Haley, 1992 [43] Plowman, 2000 [44]

Augmentation de la durée de séjour 5,1 ± 1,6 j 1j 6j

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craindre que le retentissement financier des IN et en particulier des IUN, pèsera plus sur la médecine ambulatoire que sur les établissements de santé eux-mêmes. Plowman estime qu’une réduction de 10 % du total des IN en Angleterre permettrait d’économiser près de 100 millions de Livres par an. Ce chiffre de 10 % est bien inférieur à celui avancé par Halley lors de l’évaluation du SENIC Project en 1986. Cela souligne l’impérative nécessité des efforts de prévention à mettre en œuvre.

7. Conclusion Infections nosocomiales les plus fréquentes, les IUN représentent 40 % des IN. Leur pronostic est habituellement favorable, mais certaines situations particulières comme l’IUN à levures et les IUN à BMR font peser un risque notable pour les populations exposées, d’autant que les IUN à BMR représentent un réservoir de germes, source de dissémination. La prévention repose sur la connaissance des facteurs de risque individuels et sur la qualité du sondage urinaire, pour les sondages de courte durée en deçà de 10–15 jours. Le coût humain et financier n’est pas négligeable du fait de la fréquence de ces infections nosocomiales.

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