Les inhibiteurs des kinases Aurora

Les inhibiteurs des kinases Aurora

Annales Pharmaceutiques Françaises (2009) 67, 69—77 MISE AU POINT Les inhibiteurs des kinases Aurora Inhibitors of aurora kinases S. Pinel a, S. Bar...

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Annales Pharmaceutiques Françaises (2009) 67, 69—77

MISE AU POINT

Les inhibiteurs des kinases Aurora Inhibitors of aurora kinases S. Pinel a, S. Barbault-Foucher a,∗, M.-C. Lott-Desroches a, A. Astier b a

Service pharmacie, hôpital Antoine-Béclère, AP—HP, 157, rue de la porte de Trivaux, 92140 Clamart, France b UMR-CNRS 7054, faculté de médecine Paris 12, service pharmacie-toxicologie, CHU Henri-Mondor, AP-HP, Créteil, France Rec ¸u le 30 juin 2008 ; accepté le 22 d´ ecembre 2008 Disponible sur Internet le 23 f´ evrier 2009

MOTS CLÉS Kinases aurora ; Inhibiteurs des kinases aurora ; Cancer ; Division cellulaire

KEYWORDS Aurora kinases; Inhibitors of aurora kinases; ∗

Résumé Les kinases Aurora (A, B et C) sont des protéines exprimées uniquement dans les cellules qui se divisent activement et leur augmentation est un facteur de mauvais pronostic dans le cancer. Leur rôle est de réguler la maturation des centrosomes, la séparation et la condensation des chromosomes, le checkpoint mitotique et la cytokinèse. L’inhibition des kinases Aurora, par des inhibiteurs puissants et sélectifs, aboutit à la formation de cellules anormales qui sont éliminées par apoptose. L’objectif de cet article est de présenter le rôle, l’action antitumorale et la tolérance des inhibiteurs des kinases Aurora. Ils peuvent être administrés soit per os soit par voie intraveineuse, par cure hebdomadaire ou mensuelle. À notre connaissance, 12 molécules sont actuellement évaluées et ne seront abordées que les plus avancées à savoir le VX-680, le ZM 447439, le MLN 8054, l’AZD 1152, le PHA 739358, le SU 6668 et l’AT 9283. Les principales indications sont le cancer du sein, du côlon, du poumon, du pancréas, de la vessie ainsi que les tumeurs hématologiques telles que les leucémies (LLA, LMA, LMC) et les lymphomes. Ces inhibiteurs peuvent être associés à une autre chimiothérapie. Ils semblent bien tolérés ; les effets secondaires rapportés sont des troubles digestifs (diarrhée), de la fièvre, de la fatigue, de l’alopécie, de la somnolence, des neutropénies, des myélosuppressions et une perturbation des bilans biologiques. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Aurora kinases (A, B and C) are proteins expressed only in cells which divide actively and their increase is a factor of bad prognosis in cancer. They regulate the maturation of centrosomes, the separation and the condensation of chromosomes, mitotic checkpoint and cytokinesis. The inhibition of aurora kinases, by powerful and selective inhibitors, is due to the formation of abnormal cells which are eliminated by apoptosis. The purpose of this article is

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Barbault-Foucher).

0003-4509/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pharma.2008.12.005

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S. Pinel et al.

Tumor; Cell division

to present the role, the antitumor activity and the tolerability of these inhibitors. They can be administered orally or intravenously, on weekly or monthly schedules. In our knowledge, twelve molecules are evaluated at the present time and will be discussed only the most advanced namely: VX-680, ZM 447439, MLN 8054, AZD 1152, PHA 739358, SU 6668 and AT 9283. The main indications are breast, colon, lung, pancreas and bladder cancers as well as hematologic tumors such as leukemia (ALL, AML, CML) and lymphoma. These inhibitors can be associated with other chemotherapies. They seem well tolerated; the reported side effects are digestive disorders (diarrhea), fever, asthenia, alopecia, slumber, neutropenia, myelosuppression and disturbance of the biological markers. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le cancer est un problème de santé publique majeur, dont la prise en charge est pluridisciplinaire (chirurgie, radiologie, chimiothérapie). Le traitement des cancers par chimiothérapie a connu une forte évolution. Les anticancéreux utilisés s’attaquent aux cellules cancéreuses, en les détruisant ou en stoppant leur croissance. Une nouvelle famille de molécules, les inhibiteurs des kinases Aurora, a été découverte il y a une dizaine d’années. Leur cible d’action, les kinases Aurora, découvertes en 1995 (premier homologue identifié chez la Drosophile), appartiennent à la famille des sérine/thréonine kinases [1—3]. Leur nom provient de la localisation des protéines Aurora au niveau des pôles du fuseau mitotique [3]. Ces kinases ont pour fonction la formation du fuseau mitotique en régulant la maturation des centrosomes, la séparation des chromosomes liés aux microtubules en régulant le checkpoint du fuseau et la cytokinèse. Les mammifères expriment trois types de kinases Aurora : Aurora A, Aurora B et Aurora C. Ces trois kinases ont une grande partie de leur structure identique mais ont des cibles cellulaires différentes [4—6]. Après un bref rappel sur le cycle cellulaire, le rôle des différentes kinases Aurora dans la division cellulaire sera abordé. Dans un deuxième temps, les inhibiteurs des kinases Aurora seront présentés, en développant tout particulièrement leur activité in vivo et in vitro, leur mécanisme d’action, leurs indications, leur posologie et leur tolérance.

La prophase correspond à la fin de condensation des chromosomes (deux chromatides reliées par un kinétochore), à la disparition de l’enveloppe nucléaire et à la migration des centrosomes vers les pôles de la cellule grâce aux microtubules. Les centrosomes sont en effet les centres organisateurs des microtubules (hétéro dimères de tubuline constituant le fuseau mitotique). À la métaphase, les chromosomes sont au maximum de leur condensation et les caryotypes sont généralement établis. Les chromosomes sont disposés dans le plan équatorial de la cellule par leurs centromères. Les kinétochores, complexes protéiques moteurs des mouvements chromosomiques sont orientés vers les pôles. Ils se positionnent sur les centromères des chromosomes et interagissent mécaniquement avec les microtubules. La liaison avec les microtubules a pour conséquence la création d’une force de traction en direction du pôle auquel sont accrochés le microtubule et une dépolymérisation des microtubules. À ce niveau, l’ensemble du système est sous le contrôle d’un checkpoint. La séparation des chromatides est bloquée tant que tous les kinétochores de chaque chromosome ne sont pas alignés et reliés aux deux pôles par les microtubules (tout chromosome mal attaché envoie un signal inhibiteur). L’anaphase est la phase de migration des chromatides aux pôles de la cellule. Enfin la télophase est caractérisée par la décondensation des chromosomes, la disparition du fuseau et le début de la cytokinèse. À la fin de ce stade, il y a formation de deux cellules filles identiques [8].

Structure

Kinases Aurora Rappel : la division cellulaire La division cellulaire est le processus fondamental par lequel une cellule mère donne deux cellules filles identiques [7]. La division cellulaire est un mécanisme complexe, régulée par des protéines qui interviennent de fac ¸on transitoire et dans un ordre précis permettant ainsi la succession précise des différentes étapes du cycle cellulaire. Par conséquent, l’étude des régulateurs de la division cellulaire, dont les anomalies sont souvent à l’origine de cancers présente un intérêt. Le cycle cellulaire est constitué de quatre phases : G1, S, G2 et M (Fig. 1). La phase G1 est une phase de croissance qui prépare la cellule à la phase S, phase de réplication de l’acide désoxyribonucléique (ADN). La phase G2 est une phase de préparation à la mitose M qui comprend quatre étapes.

Les kinases de la famille Aurora A, B et C présentent un très haut degré d’homologie de leur site catalytique. Elles sont constituées d’un domaine N-terminal, C-terminal et une séquence d’acides aminés. Soixante et onze pour cent des acides aminés des kinases Aurora A et B sont identiques au niveau de leur domaine catalytique C-terminal. Ce fort pourcentage de conservation explique la spécificité des inhibiteurs pour la famille des kinases Aurora [9] (Fig. 2). Ainsi, les kinases Aurora sont des protéines importantes dans la régulation de la mitose et de la division cellulaire : elles régulent l’entrée et la sortie en mitose, et contrôlent l’intégrité de la séparation des chromosomes (Fig. 2). L’Aurora A, située sur le gène STK15, est la molécule la plus étudiée de la famille des kinases Aurora. Elle est localisée au niveau des centrosomes et des pôles du fuseau de microtubules. La perte de sa fonction aboutit à l’arrêt du cycle cellulaire et à un fuseau mitotique monopolaire. L’Aurora A est physiologiquement exprimée dans les tissus

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Figure 1. Les quatre phases de la mitose et les deux cellules filles [8]. 1 : la prophase ; 2 : la métaphase ; 3 : l’anaphase ; 4 : la télophase ; 5 : deux cellules filles. The four steps of mitosis and two daughters cells [8]. 1: prophasis; 2: metaphasis; 3: anaphasis; 4: telophasis; 5: two news cells.

sains, dans les cellules qui prolifèrent pour atteindre un pic au moment de la phase G2/M du cycle cellulaire [10]. Pour être activée, elle doit être phosphorylée dans la boucle d’activation sur la thréonine en position 295, il s’agit d’une réaction d’autophosphorylation initiée par association avec la protéine cible Targetting Protein for Xenopus kinesine like protein 2 (TPX2) [11]. L’Aurora B, située sur le gène STK12, est localisée au niveau des kinétochores des chromosomes de la prophase à la métaphase et sur la plaque équatoriale de l’anaphase à la cytokinèse (c’est un « chromosome passenger »). Elle phosphoryle l’histone H3 sur les sérines en position 10 et 28 pendant la mitose, étape importante dans le recrutement des condensines sur les chromosomes [12]. L’Aurora B est également exprimée de fac ¸on physiologique dans les tissus sains, avec un taux également maximal au moment de la phase G2/M du cycle [10]. L’Aurora B est impliquée dans l’alignement des chromosomes, la bi-orientation des kinétochores — microtubules, mais également dans l’activation du checkpoint et dans la cytokinèse [13].

Figure 2. Localisation des kinases Aurora [8]. Localization of aurora kinase [8].

L’Aurora C, localisée sur le gène STK13, est la molécule la moins étudiée de cette famille. Elle est localisée au niveau des centrosomes en interphase et se comporte comme un « chromosome passenger » en mitose (exactement comme Aurora B). Elle est essentiellement impliquée dans la spermatogenèse [14]. Une mutation homozygote de l’Aurora C génère une infertilité masculine. Aucun substrat spécifique de l’Aurora C n’a été identifié pour le moment.

Kinases Aurora et cancer Les protéines kinases Aurora A, B et C sont activées par phosphorylation. Elles sont exprimées uniquement dans les cellules qui se divisent. Il a été observé in vitro, comme in vivo, des surexpressions d’Aurora A et/ou B et une amplification du gène de l’Aurora A dans de nombreux cancers tels que le cancer du côlon, du sein, de la prostate, du pancréas, de la thyroïde, de la tête et du cou. Récemment, il a été montré que ces kinases s’exprimaient de manière aberrante dans les cancers hématologiques incluant les leucémies myéloïdes aiguës et chroniques, les leucémies lymphoblastiques aiguës. Une expression élevée de ces kinases est associée à un stade avancé de la maladie et est de mauvais pronostic notamment dans les cancers du côlon et de la prostate (Tableau 1) [14,15]. Pour la protéine kinase Aurora C, la relation avec le cancer est limitée. L’Aurora A est exprimée dans de nombreuses tumeurs. Le gène de l’Aurora A (STK15) est localisé dans une région du chromosome (20q13) fréquemment amplifiée dans les tumeurs [16]. L’inhibition de l’Aurora A provoque la formation de fuseaux mitotiques mono-polaires ou multipolaires. Cette kinase est oncogène [17,18]. Aurora A phosphoryle, sur la sérine en position 315, la protéine anti-apoptotique

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S. Pinel et al.

Tableau 1 Anomalies des kinases Aurora A (A) et B (B) observées dans différentes tumeurs humaines in vivo [16]. Reported abnormalities of Aurora A (A) and Aurora B (B) in vivo human tumors [16].

Types de cancer Cancers solides Colorectal Endomètre Estomac Gliome Hépato-cellulaire Larynx Œsophage Ovaire Pancréas Poumons Prostate Sein Tête et cou Thyroïde Vessie Cancers liquides Leucémie Lymphome non hodgkinien

Amplification du gène

Surexpression de l’Aurora kinase

A A A A A

A (> 50 %), B (56 %) (5—13 %) (26—31 %) (3 %)

A (10—15 %)

A A (12 %)

A

A A A A A A A B A A A B A

(41—50 %) (60 %), B (61 %) (68 %) (68 %) (67 %) (56—93 %) (98 %), B (94 %)

A, B A

p53. Le gène p53 est un gène suppresseur de tumeurs qui protège des effets d’agents mutagènes. Ce gène peut subir une mutation provoquant une diminution de l’apoptose et une dérégulation du cycle cellulaire. La phosphorylation par Aurora A entraîne une inhibition de la réparation de l’ADN endommagé par la protéine p53 et par conséquent favorise les tumeurs [19]. La surexpression de l’Aurora A a pour conséquence une augmentation de l’instabilité génétique à l’origine du développement de tumeurs [20]. L’expression aberrante de la protéine Aurora A n’est pas toujours due à l’amplification du gène STK15, d’autres mécanismes comme la stabilité de la protéine et/ou l’expression anormalement élevée de l’ARNm et/ou de la protéine pourraient être impliqués [21]. La surexpression de l’Aurora A induit une résistance au paclitaxel (Taxol® BMS). Il existe un antagonisme d’action : le paclitaxel provoque une apoptose dans les cellules Hela en activant le checkpoint [22,23]. Le gène de l’Aurora B est localisé dans une région du chromosome (17q13) qui est peu amplifiée dans les tumeurs [16]. Cette kinase est également surexprimée dans de nombreux cancers. C’est un facteur de mauvais pronostic puisqu’elle semble impliquée dans le développement de métastases [24,25].

Les inhibiteurs des kinases Aurora Des inhibiteurs puissants et sélectifs des kinases Aurora ont été découverts ces dernières années. À notre connaissance, 12 molécules sont actuellement évaluées, et ne seront abordées que les plus avancées à

savoir le VX-680, le ZM 447439, le MLN 8054, l’AZD 1152, le PHA 739358, le SU 6668 et l’AT 9283. Les autres inhibiteurs que sont l’hesperadin, le JNJ-7706621, le MP529, le resveratrol et le rebamipide font l’objet d’évaluation préclinique. Les structures chimiques des sept inhibiteurs des kinases Aurora étudiés sont présentées sur la Fig. 3 [26,27]. Ils font actuellement l’objet d’essais cliniques (phase I et II) dans différentes indications afin d’évaluer leur efficacité et leur tolérance. Ils sont utilisés par voie orale ou par voie intraveineuse (Tableau 2). Ce sont des antagonistes compétitifs du site de liaison à l’adénosine triphosphate (ATP) [28]. Ils sont tous très spécifiques des kinases Aurora puisqu’ils n’interagissent que très peu avec d’autres kinases. Ils vont, par différents mécanismes, empêcher la phosphorylation de l’histone H3, créer un fuseau mitotique défectueux et induire une apoptose dose-dépendante. Le dosage de la phosphorylation de l’histone H3 pourrait être utilisé pour suivre l’efficacité du traitement par un inhibiteur de kinase Aurora B (car seule la kinase Aurora B phosphoryle l’histone H3).

VK-680 (MK-0457) Il s’agit d’un inhibiteur sélectif et réversible des kinases Aurora (A > C > B) [29]. Il inhibe également la kinase FTL3 (fms-like tyrosine kinase) à 30 nmoles/L. Il entraîne une apoptose, un arrêt du cycle cellulaire dans de nombreux cancers et stoppe la prolifération des cellules tétraploïdes. Les cancers les plus sensibles sont les cancers colorectaux, les leucémies et les lymphomes. Cette molécule a été étudiée en phase I dans des tumeurs colorectales (6), du poumon (3), du pancréas (4), autres (5), à la posologie de 0,5 mg/m2 /h jusqu’à 8 mg/m2 /h, administrée en perfusion intraveineuse de 24 h pendant cinq jours, tous les 28 jours. Les patients avaient rec ¸u auparavant trois lignes de chimiothérapies en moyenne. Les études précliniques ont mis en évidence une bonne tolérance et une demi-vie de 15 heures environ [3,30]. Il faut noter cependant une toxicité limitante par apparition de neutropénie de grade 3 s’accompagnant de fatigue et de troubles digestifs [31]. Le VX680 est actuellement en phase II d’essai clinique dans les cancers colorectaux, la leucémie aiguë myéloïde (LAM), la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) et la leucémie myéloïde chronique (LMC) à la dose recommandée de 10 mg/m2 /h [3,30]. Une étude clinique récente a montré l’efficacité de cette molécule chez les patients atteints de LMC ou de LAL résistant à l’imatinib (Glivec® Novartis) due à la mutation T315IBCR/ABL [32,33]. Le VX-680 a une action spécifique sur la mutation T315I (42 nM). Cette molécule paraît être prometteuse dans le traitement des LMA en raison de sa double activité inhibitrice sur les kinases Aurora et FTL-3. Le gène FTL-3, impliqué dans l’hématopoïèse, se trouve fréquemment muté dans les LMA de mauvais pronostic [2]. VX-680 a été testé, seul ou en association avec le docétaxel (Taxotère® Sanofi-Aventis), sur des souris ayant développé un cancer des ovaires. Cette étude a démontré l’action synergique de l’association sur la tumeur : meilleur ralentissement de la croissance tumorale par rapport à docétaxel seul, diminution de la prolifération cellulaire et

Les inhibiteurs de kinases Aurora actuellement en développement.

Aurora kinase inhibitors in development.

Molecules (Laboratoire)

IC50 (nM)

Voie

Stade De L’essai

Indications

Commentaires

Références

VX-680 (Merck)

A = 0,6 B = 18 C = 4,6

i.v

phase II

Inhibe aussi le Flt3

[26,29]

MLN8054 (Millenium)

A=4 B = 172

p.o

phase I

AZD1152 (Astra-Zeneca)

A = 1369 B = 0,36 C = 17

i.v

phase I

Cancer colorectal (phase I) Tumeurs solides (phase I) Cancer poumon (phase I) LAL (phase I) LMC (phase I) Cancer sein (phase I) Cancer côlon (phase I) Cancer pancréas (phase I) Cancer vessie (phase I) Tumeurs solides (phase I)

PHA739358 (Nervanio)

i.v

phase II

Tumeurs solides (phase I) LMC (phase II)

SU6668 (Pfizer)

A = 13 B = 79 C = 61 +

p.o

phase II

Tumeurs solides (phase I)

AT9283 (Astex)

+

p.o

phase I/II

Tumeurs solides (phase I) Tumeurs hématologiques (phase I/II) LMC réfractaire à l’imatinib

ZM447439 (Astra-Zeneca)

A = 110 B = 130





Les inhibiteurs des kinases aurora

Tableau 2

[26,27,34]

Agit en synergie avec des agents dépolymérisants de la tubuline et avec des inhibiteurs de la topoisomérases II

[26,39]

[26,44]

Inhibe également plusieurs récepteurs de la tyrosine kinase

[26,48]

[3,26,53]

[26,54,55]

i.v = intraveineuse ; p.o = per os ; IC50 A, B, C : concentration inhibitrice à 50 % pour l’Aurora A, B ou C.

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S. Pinel et al.

Figure 3. Formules chimiques de différents inhibiteurs de kinases Aurora [26,27]. Chemical structure of inhibitors of aurora kinase [26,27].

augmentation de l’apoptose des cellules tumorales d’un facteur 3 par rapport au docétaxel seul [34].

MLN 8054 Cet inhibiteur, très sélectif de l’Aurora A, est une aminopyrimidine tri-substituée. Son action est rapide et réversible à l’arrêt du traitement. L’inhibition du MLN 8054 est 150 fois plus sélective de l’Aurora A que de l’Aurora B dans des cultures cellulaires mais, à de fortes concentrations, il inhibe l’Aurora B uniquement [35]. Lors d’administration de fortes doses de MLN 8054, il a été observé que le phénotype des cellules traitées change, passant d’une inhibition de l’Aurora A à une inhibition de l’Aurora B [3]. L’inhibition de la phosphorylation de la thréonine 295 de l’Aurora A induit une accumulation en phase G2/M et un fuseau mitotique anormal [36—38]. Le MLN 8054 est le premier inhibiteur de kinases aurora administrable per os à être utilisé dans un essai clinique. Cette molécule est en phase I. La toxicité limitante de cet inhibiteur, administré sept jours consécutifs par mois, est une somnolence de grade 3 [31,39].

AZD 1152 Cet inhibiteur est sélectif de l’Aurora B. Il s’agit d’un composé pyrrazole aminoquinazoline acétanilide (QPA) dont

la forme active dans le plasma est la forme hydroxyQPA [40]. Cette molécule augmente la quantité de cellules polyploïdes par inhibition de la cytokinèse : il en résulte l’obtention deux à quatre fois plus de cellules à 4N chromosomes et deux à trois fois plus de cellules à plus de 4N chromosomes [41]. Elle provoque l’apoptose par induction de la protéine p53 [42], améliore l’effet antiprolifératif de la vincristine et des topoisomérases (par agonisme d’action), son activité antimyélomateuse est accrue par l’association avec la dexaméthasone (Dectancyl® DB Pharma) [43]. Elle agit de manière synergique avec la gemcitabine (Gemzar® Lilly), l’irinotécan (Campto® Pfizer), l’oxaliplatine (Eloxatine® Sanofi-Aventis), le 5-fluorouracile (5-Fluorouracile Dakota® ) et la vinorelbine (Navelbine® Pierre Fabre), mais son activité est diminuée si le patient a déjà été traité par de la gemcitabine ou de l’irinotécan [43]. De même, avec la vincristine (Oncovin® EG Labo), elle semble montrer une synergie dans le traitement des leucémies [44]. L’AZD1152 inhibe la prolifération des lignées cellulaires des LMA, LLA et des leucémies avec un IC50 = 3 à 40 nM. Cette molécule paraît être un médicament prometteur dans la prise en charge des patients leucémiques. Des études combinant AZD1152 et agents cytotoxiques classiques sont en cours d’investigation dans le traitement des leucémies [43]. L’AZD1152 a fait l’objet de deux essais cliniques en phase I. Le premier a été réalisé chez 13 personnes (âge moyen

Les inhibiteurs des kinases aurora 58 ans) en injection intraveineuse de deux heures, une fois par semaine, à des doses de 100, 200, 300 et 450 mg. Une neutropénie de grade 4 à la dose de 450 mg a été observée chez trois patients [44]. La deuxième étude a été menée sur des tumeurs afin de comparer deux schémas posologiques : 100 mg en intraveineuse de deux heures aux jours j1, j8, j15, j21 (cycle de 21 jours) ou j1, j15 (cycle de 28 jours). Cette étude a regroupé 19 patients. Il existe moins de neutropénie avec le schéma d’administration toutes les deux semaines. Pour trois patients, il y a eu stabilisation de la maladie pendant 25, 32 et 35 semaines. Le seul effet indésirable mis en évidence est une myélosuppression transitoire et réversible à l’arrêt du traitement [44].

PHA 739358 Le PHA 739358 est une petite molécule dérivée du 3aminopyrrazole. Cet inhibiteur est plus sélectif de l’Aurora B que de l’Aurora A. Elle est active sur la mutation T315I BCR/ABL. Cette molécule est actuellement en essai clinique dans le cancer de la prostate réfractaire à l’hormonothérapie et dans les tumeurs hématologiques (incluant les LMC résistantes à l’imatinib) [26,45—48]. Dans une première étude, le PHA 739358 a été utilisé en perfusion intraveineuse de six heures à j1, j8 et j15 sur un cycle de quatre semaines. La toxicité limitante rapportée est une neutropénie de grade 3 à 4. Huit patients sur 40 ont vu leur maladie se stabiliser pendant quatre mois. Dans une deuxième étude, le PHA 739358 a été testé en perfusion de 24 heures pendant deux semaines. La toxicité limitante rapportée est une neutropénie de grade 3 à 4. Il a été également observé une fatigue, une fièvre et des diarrhées. Onze patients sur 40 ont vu leur maladie se stabiliser. La dose recommandée en phase II est de 500 mg/m2 sans G-CSF (Growth Cell Stimulating Factor). Cependant, des études en association avec le filgrastim (Neupogen® Amgem) sont prévues [31].

SU 6668 Cet inhibiteur, pris per os, agit sur les Aurora A et B et inhibe également les tyrosines kinases [49]. Possédant des effets anti-angiogéniques, le SU 6668 devrait entrer prochainement en phase II d’essai clinique [50]. Une association avec du paclitaxel dans une étude préclinique est en cours ainsi qu’une comparaison avec le tamoxifène (Novaldex® Astra-Zeneca) [51,52]. Une étude comparant 5-fluorouracile ± endostatine (inhibiteur de l’angiogénèse) ± SU 6668 (injection intrapéritonéale pendant quatre semaines) a été menée dans des modèles de souris ayant développé un cancer du côlon métastatique. Six semaines après la fin des injections, il a été observé un effet inhibiteur plus important dans le bras avec SU 6668 versus le bras sans SU 6668 sur la croissance tumorale ainsi que sur les métastases [53].

AT 9283 Pris per os, il inhibe l’Aurora A et B mais également JAK 2 et 3 (impliqués dans la signalisation des cytokines) et le mutant ABL kinase (T315I ABL). Il est récemment entré en phase I d’essai clinique dans le traitement des LMC réfrac-

75 taires à l’imatinib [4]. Dans cette étude, 29 patients ont été inclus (moyenne d’âge : 54 ans). Ils ont rec ¸u trois perfusions de AT 9283 pendant 72 heures à des doses différentes (3 à 162 mg/m2 ). Il a été observé à la dose de 162 mg/m2 une augmentation des transaminases, des créatines kinases (CK) et des lactates déshydrogénases (LDH) et un décès par infarctus du myocarde. Un syndrome de lyse tumorale a été observé à la dose de 12 mg/m2 trois fois par jour. Une myélosuppression et une alopécie sont prévisibles pour toutes les posologies supérieures à 6 mg/m2 [54].

ZM 447439 Cette molécule est 100 fois plus active, in vitro, sur l’Aurora B que l’Aurora A [33]. En agissant sur la phosphorylation de l’histone H3 et sur la cytokinèse, elle induit, in vitro, la formation de cellules polyploïdes par accumulation dans les cellules de matériel génétique à 4N/8N chromosomes. Cela provoque un arrêt du cycle cellulaire. Elle n’est pas active sur les cellules quiescentes [55-56]. Cette molécule ne fait pas l’objet d’essai clinique actuellement.

Conclusion La découverte des fonctions biologiques des kinases Aurora dans les cellules cancéreuses ainsi que dans les cellules saines a abouti au développement de molécules inhibitrices. Ces inhibiteurs semblent bien tolérés et l’efficacité paraît prometteuse dans la prise en charge des tumeurs. Certains de ces traitements peuvent être pris per os et permettent d’améliorer la qualité de vie du patient. D’autres sont administrés par perfusion intraveineuse par cure et avec des schémas posologiques qui restent à évaluer. La tolérance semble bonne et les effets indésirables observés sont communs aux agents cytotoxiques classiques. Cependant, une évaluation à court, moyen et long terme est à envisager. De plus, il est possible d’optimiser l’efficacité de ces inhibiteurs en les combinant à d’autres molécules cytotoxiques (essais cliniques à venir). Ces inhibiteurs sont découverts au moment où la thérapeutique se dirige davantage vers un traitement « à la carte » c’est-à-dire où le traitement est choisi en fonction du type histologique de la tumeur (surexpression de certains marqueurs) et non plus en fonction de l’organe atteint. Les essais cliniques en phase III permettront d’affirmer la tolérance et l’efficacité des inhibiteurs des kinases Aurora.

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