Les mastocytoses systémiques

Les mastocytoses systémiques

Presse Med 2005; 34: 681-7 M © 2005, Masson, Paris I S E A U P O I N T Médecine interne/Hématologie O. Fain1, J. Stirnemann1 V. Eclache3, S. Ba...

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Presse Med 2005; 34: 681-7

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© 2005, Masson, Paris

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Médecine interne/Hématologie

O. Fain1, J. Stirnemann1 V. Eclache3, S. Barete2 P. Casassus4, O. Hermine5 O. Lorholary6

1 - Service de médecine interne, Hôpital Jean Verdier (AP-HP), Université Paris XIII, Bondy (93) 2 - Service de médecine interne, Hôpital PitiéSalpêtrière (AP-HP), Paris (75) 3 - Laboratoire d’hématologie biologique Hôpital Avicenne (AP-HP), Bobigny (93) 4 - Service d’hématologie clinique, 5 - Service d’hématologie, 6 - Service de maladies infectieuses, Hôpital Necker (AP-HP), Paris (75)

Correspondance : Olivier Fain, service de médecine interne, Hôpital Jean Verdier, avenue du 14 Juillet, 93143 Bondy Cedex [email protected]

Les mastocytoses systémiques

Key points

Points essentiels

Systemic mastocytosis

• Les mastocytoses systémiques sont caractérisées par une prolifération anormale de mastocytes intéressant divers organes. • La classification de 2001 différencie les mastocytoses systémiques indolentes, les mastocytoses associées à une hémopathie, les mastocytoses agressives et les leucémies à mastocytes. • Les manifestations cliniques sont liées à l’infiltration des tissus par la prolifération mastocytaire et à la libération des médiateurs. • Les organes atteints sont principalement la peau, l’os, le tube digestif, le foie, la rate, les ganglions. • Le diagnostic est histologique et fait appel aux colorations spécifiques (bleu de toluidine, May-Grunwald Giemsa) et à l’immunomarquage (tryptase, CD 117 [Kit : récepteur du Stem Cell Factor]). • Le taux de la tryptase sérique est corrélé à l’importance de l‘infiltration mastocytaire. • Le traitement des mastocytoses systémiques vise à prévenir les manifestations de dégranulation (antihistaminiques, corticoïdes, cromoglycate disodique, antileucotriènes), limiter l’atteinte osseuse (bisphosphonates) et contrôler la prolifération mastocytaire (interféron, cladribine, inhibiteurs des tyrosines kinases). • La meilleure compréhension des mécanismes pathogéniques (mutation du c-kit et du Platelet-Derived Growth Factor Receptor) permet d’envisager des thérapeutiques plus ciblées : nouveaux inhibiteurs des tyrosines kinases, inhibiteurs de NF Kappa B, etc.

• Systemic mastocytosis is characterized by abnormal mast cell proliferation in different organs. • The 2001 consensus classification distinguishes in separate categories indolent systemic mastocytosis, systemic mastocytosis with concomitant blood disease, aggressive systemic mastocytosis and mast cell leukemia. • Clinical manifestations are caused by tissue infiltration by proliferating mastocytes and by release of mediators. • The principal organs affected are the skin, bones, digestive tract, liver, spleen and lymph nodes. • Diagnosis of mastocytosis is based on appropriate stains (Giemsa, toluidine blue) and immunophenotype features (tryptase, CD117, also known as c-KIT and stem cell factor receptor). • Serum tryptase levels reflect the total mast cell burden. • Treatment must prevent release of mast cell mediators (histamine antagonists, cromolyn sodium, corticosteroids, or leukotrienereceptor inhibitors), limit bone involvement (bisphosphonates) and reduce the number of circulating mast cells (interferon, cladribine, or tyrosine kinase inhibitors). • Enhanced understanding of the pathogenic mechanisms (mutation of c-kit and platelet-derived growth factor receptor alpha has led to the development of targeted treatments, including new inhibitors of tyrosine kinase and of nuclear factor Kappa B. O. Fain, J. Stirnemann, V. Eclache, S. Barete, P. Casassus, O. Hermine et al. Presse Med 2005; 34: 681-7 © 2005, Masson, Paris

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es mastocytoses systémiques sont caractérisées par une prolifération anormale de mastocytes dans un ou plusieurs organes autres que la peau, ce qui les différencie des mastocytoses cutanées pures.

Prolifération et différenciation mastocytaire : rôle de la stimulation de kit Le mastocyte est une cellule du tissu conjonctif contenant des granulations cytoplasmiques au sein desquelles sont stockés de nombreux médiateurs (histamine, héparine, enzymes : tryptase, prostaglandines, leucotriènes,

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cytokines : interleukine (IL)1, -3, -4, -5 et -6,TNF-1, GMCSF, Interféron γ). Le mastocyte est présent dans l’ensemble des organes contenant du tissu conjonctif (derme,foie,tube digestif,péritoine,moelle osseuse,ganglions, rate). Les mastocytes proviennent d’un progéniteur médullaire CD34+ qui se différencie, grâce au Stem Cell Factor (SCF), à l’interleukine 3IF et à l’interleukine 6, en précurseur mastocytaire exprimant le récepteur du SCF (kit :CD117).Ces précurseurs se transforment en mastocytes tissulaires sous l’influence du SCF et de l’interleukine 4 (figure 1).La stimulation de kit,produit du proto-oncogène La Presse Médicale - 681

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ment uniquement dans le cadre de protocoles thérapeutiques.

Moelle osseuse

Cellule souche totipotente CD34

Stem Cell Factor (SCF) IL-3 IL-6

Sang

Précurseurs mastocytaires CD 117

SCF IL-4 Tissus

Mastocytes

Figure 1 Différenciation mastocytaire (stem cell factor). = CD117 = kit = récepteur SCF, IL : Interleukine

Voie Ras-Map kinase : La protéine Ras joue un rôle de transmission entre le stimulus externe, la transcription génétique et les protéines Mapkinases qui phosphorylent les gènes de la transcription du DNA

c-kit situé sur le chromosome 4 en 4q12 et récepteur de la famille des tyrosine kinases,entraîne par le SCF une activation de la voie Ras-Map kinase* (mitogen activating protein) à 1 l’origine d’une prolifération et d’une activation mastocytaire .

Physiopathologie des mastocytoses systémiques : mutation de c-kit et du PDGFRA (Platelet-Derived Growth Factor Receptor α) Les mastocytoses systémiques sont considérées comme des syndromes myéloprolifératifs sur des arguments biologiques: 2 prolifération clonale de cellules d’origine myéloïde ,et d’imagerie : myélopoïèse s’étendant aux métaphyses sur la scinti3 graphie médullaire . ❚ Un certain nombre de mutations ont été identifiées au cours des mastocytoses systémiques.La plus caractérisée est celle du proto-oncogène c-kit Asp816Val, mais d’autres ont été décrites :Asp820Gly,Val560Gly, au cours des mastocytoses indolentes, agressives ou associées aux hémopathies. La mutation Asp816 Val est détectée dans 30 % des cas chez l’adulte, sa prévalence suivant le type de mastocytose est variable selon les auteurs.Sa présence semble être un facteur 4 de mauvais pronostic . Les mutations de c-kit sont recherchées par RT-PCR, suivie d’un séquençage direct, actuelle-

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❚ Une mutation du gène codant pour la protéine de fusion FIP1-PDGFRA à l’origine d’une activation de la voie des tyrosines kinases a été décrite au cours de certaines mastocy5 toses systémiques associées à une hyperéosinophilie . Les mastocytoses systémiques représentent 10 % de l’ensemble des mastocytoses, mais 25 à 50 % des mastocytoses de l’adulte. Les autres formes, essentiellement cutanées, prédominent chez l’enfant.La recherche systématique par biopsie médullaire ou scintigraphie médullaire d’une atteinte médullaire chez l’adulte au cours des mastocytoses cutanées 6,7 est positive dans plus de 50 % des cas . Les mastocytoses systémiques atteignent l’adulte (âge moyen entre 50 et 70 ans, sex ratio : 1) et le sujet de race blanche.

Manifestations cliniques Les manifestations cliniques (tableau 1) sont liées à l’infiltration des tissus par la prolifération mastocytaire et à la libération des médiateurs. Les mastocytoses systémiques touchent la peau dans 90 % des cas,l’os dans 70 %,le tube digestif dans 80 % des cas et plus rarement le foie, la rate, les gan6 glions, voire le poumon et le cœur .

L’ATTEINTE CUTANÉE Inconstante, l’atteinte cutanée peut être diffuse dans les formes systémiques. Son absence est un facteur de mauvais pronostic. Les lésions infiltratives sont de plusieurs types : l’urticaire pigmentaire correspond à des macules ou maculopapules de taille variable (1 mm à 1 cm) de couleur (rouge violacée au brun) et d’importante variables (allant de quelques éléments à plusieurs centaines). Ces lésions touchent préférentiellement le tronc puis les membres et la tête en respectant les régions palmo-plantaires. Les premières lésions peuvent être prurigineuses et turgescentes. La turgescence est provoquée par la friction cutanée,c’est le signe de Darier,pathognomonique (figure 2).Un dermographisme est souvent associé. Les autres formes sont plus rares : la telangiectasia macularis eruptiva perstans (figure 3) est une forme trompeuse puisqu’il s’agit de télangiectasies prédominantes et qu’il n’y a pas de signe de Darier. Les mastocytoses papulo-nodulaires touchent plutôt l’enfant. Les mastocytoses cutanées diffuses sont plus rares et se traduisent chez l’adulte par un aspect de lichénification diffuse (figure 4) érythrodermique ou de pachydermie lichénoïde. Un prurit, une urticaire, des bulles sont décrits.

LES BOUFFÉES VASOMOTRICES (FLUSHS) Elles évoluent de façon paroxystique, durent de 15 à 30 minutes et peuvent s’associer à d’autres symptômes liés à la dégranulation mastocytaire : prurit, nausées, vomissements, céphalées, diarrhée, malaise, syncope, convulsions, dyspnée 14 mai 2005 • tome 34 • n°9

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Figure 2 Signe de Darier

Figure 3 Telangiectasia macularis eruptiva perstans

fée vasomotrice avec diarrhée,dyspnée ;elles peuvent s’accompagner de collapsus pouvant s’intégrer dans un choc de type anaphylactoïde. Tableau 1

Manifestations cliniques de la mastocytose systémique Symptômes liés aux médiateurs mastocytaires

Figure 4 Infiltration lichénoïde diffuse

asthmatiforme, rhinorrhée, palpitation, tachycardie, hypotension et choc anaphylactique. Les facteurs déclenchants sont nombreux mais variables suivant les individus (tableau 2).

L’ATTEINTE OSSEUSE Très fréquente, l’atteinte osseuse est rarement symptomatique. Il s’agit alors de douleurs rachidiennes le plus souvent secondaires à un tassement vertébral. Les radiographies montrent plus fréquemment une ostéopénie (28 %) 6 que des lésions condensantes (19 %) ou mixtes (10 %) .Le rachis et le bassin, les os longs, le crâne et les côtes sont préférentiellement atteints. La calcémie, la phosphorémie sont habituellement normales, les phosphatases alcalines peuvent être augmentées dans les formes condensantes.La scintigraphie osseuse objective une hyperfixation 8 dans les formes condensantes .

L’ATTEINTE RESPIRATOIRE Il s’agit essentiellement de dyspnée asthmatiforme lors de la dégranulation mastocytaire, plus rarement d’une infiltration mastocytaire tissulaire.

L’ATTEINTE CARDIAQUE Exceptionnelle, l’atteinte cardiaque se manifeste par une tachycardie voire une insuffisance cardiaque liée à une infiltration des 3 tuniques du cœur.Les pertes de connaissance sont habituelles, de durée variable et font suite à une bouf14 mai 2005 • tome 34 • n°9

Symptômes liés à l’envahissement mastocytaire

Syncopes

Urticaire pigmentaire

Choc anaphylactique

Insuffisance médullaire

Diarrhée, douleurs abdominales

Diarrhée, malabsorption, dénutrition

Ulcère gatroduodénal

Hépatomégalie, ascite, hypertension portale

Céphalées

Insuffisance hépatocellulaire

Flushs

Splénomégalie

Douleurs osseuses

Lacunes osseuses, ostéoporose sévère

Source : Valent P, Horny HP, Escribano L, Longley BJ, Li CY, Schwartz LB, Marone G et al. Diagnostic criteria and classification of mastocytosis: a consensus proposal. Leuk Res 2001; 25: 603-25.

Tableau 2

Facteurs déclenchant les crises mastocytaires

Médicaments

salicylés, AINS, morphiniques, codéine, protamine, amphétamines, macromolécules (dextran) produits de contraste iodés anesthésiques généraux (D tubocurarine, halothane) antibiotiques (polymyxine B, colimycine, néomycine) anti-hypertenseurs (réserpine, hydralazine) thiamine, quinine, scopolamine, pilocarpine, chymotrypsine, ACTH

Traumatismes

interventions chirurgicales, coups, etc. changements de température (bains, efforts physiques), stress et émotions piqûres de guêpe, d'abeille, morsures de serpent

Aliments alcool, crustacés, tomates, épices, blanc d'œuf, fraises, bananes, histaminolibérateurs ananas, fruits exotiques, cacahuètes, noix, noisettes, chocolat Aliments riches en histamine

vin, choucroute, fromages fermentés, charcuterie conserves, notamment de poisson et petits pois, fruits de mer

Source : Marroche F, Memain N, Bonte I, Barete S, Casassus P, de Gennes C et al. Traitement des mastocytoses systémiques. Rev Med Interne 2003; 24: 594-601.

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L’ATTEINTE HÉPATIQUE ❚ Liée à l’infiltration mastocytaire, l’atteinte hépatique se traduit par une hépatomégalie dans 40 à 70 % des cas, 9 plus rarement une hypertension portale avec ascite .Le diagnostic est confirmé par la biopsie hépatique qui montre une infiltration mastocytaire prédominant au niveau des espaces portes (42 %). La fibrose péri-portale est rare (14%) et la cirrhose exceptionnelle (4 %).La rate peut être atteinte dans 40 à 60 % des cas (splénomégalie), tout comme des adénopathies périphériques et profondes dans 25 à 40 % des cas.L’organomégalie (augmentation de volume d’un organe) du système hématopoïétique peut être également secondaire à une hémopathie parfois associée. ❚ L’ensemble du tube digestif peut être touché. Les symptômes sont plutôt liés à la dégranulation mastocytaire : douleurs abdominales, vomissements, diarrhée. L’infiltration diffuse peut être responsable de malabsorption,de troubles de la motilité digestive.Le diagnostic est fait par biopsies. ❚ L’infiltration mastocytaire de la paroi vésicale et du détrusor à l’origine d’une cystite interstitielle est responsable 10,11 de pollakiurie et d’impériosités mictionnelles .

LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES Anxiété,dépression peuvent atteindre 20 % des patients6.

Examens complémentaires LES ANOMALIES BIOLOGIQUES ❚ Elles peuvent être la conséquence des différentes atteintes et des pathologies hématologiques associées.L’hy-

peréosinophilie est notée dans 10 à 40 % des cas. Excep-

Encadré

Critères diagnostiques de mastocytoses systémiques Diagnostic retenu en présence d’un critère majeur et un critère mineur ou de 3 critères mineurs. Critère majeur :

tionnellement, des mastocytes circulants sont détectés les leucémies à mastocytes ou de mastocytoses agressives. L’allongement du temps de thrombine du fait de la libération mastocytaire d’héparine est possible, de même que l’allongement du temps de saignement.Une hypocholestérolémie est présente dans 10 à 20 % des cas,secondaire à l’activation de la lipoprotéine lipase par l’héparine mastocytaire. ❚ Le diagnostic de mastocytose est histologique. Cependant, les dosages des médiateurs peuvent orienter. L’augmentation de l’histamine plasmatique n’est ni sensible ni spécifique.L’histamine urinaire est essentiellement augmentée au décours des flushs, mais elle peut être normale dans 30 % des cas ; son augmentation n’est pas proportionnelle aux symptômes ni à la prolifération mastocytaire.Le dosage du métabolite urinaire de l’histamine, l’acide N-méthyl-imidazole-acétique,est sensible et spécifique,augmenté dans les mastocytoses systémiques et proportionnel aux symptômes et à la prolifération mastocytaire. Les prostaglandines urinaires D2 sont augmentées en cas de diarrhée chronique.

❚ L’examen le plus spécifique semble être le dosage de la tryptase sérique, une sérine protéase produite presque exclusivement par les mastocytes. Le taux de l’alpha-tryptase,sécrétée en continu par les mastocytes,est proportionnel à l’infiltrat mastocytaire.Le dosage de la tryptase est global (α + β) ; une augmentation peut se voir transitoirement au cours d’une réaction allergique (la bêta-tryptase est libé12 rée dans le sérum lors d’un choc anaphylactique) .Pour des valeurs de tryptase sérique supérieures à 75 ng/L, Khantawata et al. ont observé que 100 % des biopsies confirmaient 13 le diagnostic de mastocytose . Les sujets contrôles ont des valeurs inférieures à 5 ng/mL ; dans les mastocytoses cutanées,elles sont inférieures à 20 ng/mL;elles sont supérieures 14 à 20 ng/mL dans les mastocytoses systémiques . ❚ Les dosages plasmatiques du récepteur Kit soluble (CD 117) et du récepteur de l’IL-2 soluble (CD 25) reflètent la prolifération mastocytaire ; ils sont corrélés au taux de tryp15 tase circulante et à l’infiltration médullaire .

LES DONNÉES HISTOLOGIQUES (COLORATIONS SPÉCIFIQUES

• présence d’infiltrats multifocaux denses de cellules mastocytaires (> 15) sur la

ET IMMUNOMARQUAGE )

biopsie médullaire et/ou sur un autre tissu.

• taux élevé persistant de tryptase totale sérique (> 20ng /mL), en l’absence

❚ Les granulations mastocytaires sont colorées par le bleu de toluidine en rouge pourpre et par le May-Grunwald Giemsa en violet. Les immunomarquages complètent les colorations standard et permettent de détecter des infiltrations minimes. Les mastocytes expriment la tryptase, le CD 117 (Kit : récepteur du SCF) et le CD 68 (marqueur macrophagique) de plus, les mastocytes tumoraux expriment le 4 CD 25 et plus rarement le CD 2 (30 %) ;

d’hémopathie associée.

❚ La présence de mastocytes dans un tissu n’est pas syno-

Critères mineurs : • présence au sein de l’infiltrat mastocytaire de plus de 25 % de cellules mastocytaires fusiformes ; • détection de la mutation du codon 816 du c-kit sur un prélèvement tissulaire ou sanguin ; • présence de cellules mastocytaires Kit+ coexprimant le CD 2 ou le CD 25 ;

Source :Valent P, Horny HP, Escribano L, Longley BJ, Li CY, Schwartz LB, Marone G et al. Diagnostic criteria and classification of mastocytosis: a consensus proposal. Leuk Res 2001; 25: 603-25.

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nyme de mastocytose. Des infiltrats mastocytaires réactionnels s’observent au cours des infections, des inflammations chroniques, des néoplasies et des maladies systé16 miques . 14 mai 2005 • tome 34 • n°9

O. Fain, J. Stirnemann, V. Eclache, S. Barete, P. Casassus, O. Hermine et al.

Le diagnostic de mastocytose n’est affirmé que si la densité en mastocytes est supérieure à 15 par champ à un grossis14 sement de 40 . La biopsie est dirigée en fonction du point d’appel clinique. Sur les biopsies cutanées, la présence de mastocytes (> 5) de localisation périvasculaire est évocatrice du diagnostic. Le contenu des granulations étant facilement libéré par les traumatismes et par certains agents physiques ou chimiques, les prélèvements cutanés doivent être effectués sur des lésions non urticariennes et non traumatisées et être fixées dans le formol ;les biopsies médullaires ne doivent pas être décalcifiées. ❚ Le diagnostic de mastocytose systémique est habituellement fait grâce à la biopsie ostéomédullaire. Un infiltrat de plus de 25 % de cellules mastocytaires fusiformes est un élé14 ment important du diagnostic . Les critères diagnostiques 14 proposés par Valent et al. sont dans l’encadré ci-contre .

CLASSIFICATION DES MASTOCYTOSES SYSTÉMIQUES La classification proposée par un collège d’experts inter14 nationaux en 2001 (tableau 3) différencie : • les mastocytoses systémiques indolentes les plus fréquentes (plus de 60 % des cas) de bon pronostic ; • les mastocytoses associées à une hémopathie dont le pronostic est lié à l’hémopathie (5 à 30 % des mastocytoses systémiques) ; • les mastocytoses agressives (5 à 15 % des cas) traduisant une prolifération mastocytaire majeure et responsable de signes généraux, d’un syndrome tumoral, d’une infiltration hépatique et splénique, d’une malabsorption liée à l’atteinte digestive, d’une ostéolyse. L’atteinte cutanée est rare, les anomalies hématologiques fréquentes : cytopénie, hyperéosinophilie, thrombocytose, monocytose,basophilie.L’envahissement médullaire est massif,les mastocytes circulants ne dépassant pas 10 % . Le pronostic est réservé. Un variant associant polyadénopathie et hyperéosinophilie est décrit ; • les leucémies à mastocytes exceptionnelles (1 à 2 % des cas) ;la prolifération de mastocytes immatures est responsable de signes généraux,d’ulcères gastro-duodénaux, d’hépatomégalie, de splénomégalie, de polyadénopathie mais sans atteinte cutanée ; les mastocytes circulants dépassent les 10 %.

Pronostic ❚ Les mastocytoses systémiques s’accompagnent d’hé6,14

mopathie dans 5 à 30 % des cas

, avec une prédominance de syndromes myélodysplasiques et de syndromes myéloprolifératifs :polyglobulie,splénomégalie myéloïde, thrombocytémie essentielle, et plus rarement de leucémies aiguës ou de lymphomes. ❚ Les facteurs de mauvais pronostic sont, d’après Travis 6 et al. ,l’âge supérieur à 65 ans,la présence de signes géné14 mai 2005 • tome 34 • n°9

Tableau 3

Caractéristiques des différentes formes de mastocytoses systémiques Mastocytose

Indolente

Atteinte cutanée

Fréquente

Rare

Rare

Absente

Organomégalie

Rare

Selon hémopathie

Fréquente

Fréquente Défaillance multiviscérale

Hémogramme

Normal

Anormal

Anormal

> 10 % Mastocytes

Mastocytes médullaires

< 20 %

< 20 %

< 20 % Mastocytes atypiques

> 20 % Mastocytes immatures

20-500 ng/mL

Élevée

Très élevée

Élevée

+

+

+

+

Fréquente

Rare

Rare

Rare

Tryptase sérique CD2/CD25 Mutation c-kit Asp 816-Val

Associée à une hémopathie

Agressive

Leucémie à mastocytes

Source : Valent P, Horny HP, Escribano L, Longley BJ, Li CY, Schwartz LB, Marone G et al. Diagnostic criteria and classification of mastocytosis: a consensus proposal. Leuk Res 2001; 25: 603-25.

raux,l’absence de lésion cutanée ou osseuse,l’hépatomégalie et la splénomégalie, l’anémie, la thrombopénie, les anomalies hépatiques,la raréfaction des cellules adipeuses médullaires et une hémopathie associée. Dans les mastocytoses systémiques isolées, les éléments de mauvais pronostic sont l’importance de l’infiltration médullaire en mastocytes et en éosinophiles, l’augmentation des phosphatases alcalines, l’anémie, l’hépatospléno17 mégalie .

❚ La survie à 5 ans est de 61 % quand la mastocytose ne s’accompagne pas d’hémopathie ; elle est de 28 % quand existe une hémopathie avec une survie médiane 6 de 1,2 an .

Traitement ❚ Le traitement vise à prévenir les manifestations de dégranulation, la plus grave d’entre elles étant le choc anaphylactoïde, et à limiter la prolifération mastocytaire. Les facteurs déclenchants des crises mastocytaires, variables selon les individus, doivent être évités (tableau 2). L’anesthésie générale et l’injection de produit de contraste iodé sont des situations fréquentes particulièrement à risques, nécessitant une prémédication associant anti histaminiques : anti-H1 et anti-H2, et une corticothérapie. Le traitement de fond préventif peut associer ces mêmes molécules. Les antihistaminiques ont une action sur le prurit et les manifestations congestives ; les antiH2, de même que les inhibiteurs de la pompe à protons,diminuent les symptômes digestifs. Chaque patient atteint de mastocytose systémique et chez lequel surviennent des La Presse Médicale - 685

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Médecine interne, hématologie

Mastocytose systémique Mastocytose indolente

Mastocytose agressive Éviction des situations à risque de dégranulation

anti-H1, anti-H2 atteinte digestive : cromoglycate disodique anti-H2 IPP urticaire pigmentaire : corticoïdes, PUVA thérapie atteinte osseuse : bisphosphonates sans hyperéosinophilie

avec hyperéosinophilie

mutation PDGFRA

mutation Asp816Val

-

+

+

Interféron + prednisone ou interféron + aracytine échec

Interféron + prednisone ou interféron + aracytine

Imatimib

Imatimib

cladribine

Figure 5 Schéma thérapeutique des mastocytoses systémiques (adapté de Tefferi A, Pardanani A. Clinical, genetic, and therapeutic insights into systemic mast cell disease. Curr Opin Hematol 2004; 11: 58-64)

épisodes de dégranulation doit avoir une carte signalant les principaux facteurs déclenchants à éviter ;en cas d’antécédents de choc de type anaphylactoïde, un kit injectable d’adrénaline est indispensable. L’usage des bêtabloquants est contre-indiqué chez ces patients du fait de la limitation des effets de l’adrénaline. Le cromoglycate disodique inhibe la dégranulation mastocytaire ; il peut prévenir les épisodes de dégranulation mais semble plus efficace (à des posologies élevées : 400 à 800 mg/j) dans les mani18 festations digestives car il est peu absorbé . La corticothérapie stabilise le mastocyte et diminue la prolifération mastocytaire. Son utilisation par voie orale est limitée du fait des effets secondaires notamment osseux induits par des posologies efficaces élevées.Les différentes voies d’administration locales (cutanée,nasopharyngée,bronchique et colique) entraînent une amélioration symptomatique. L’urticaire pigmentaire est améliorée par les dermocorti19 coïdes, la corticothérapie orale et la PUVAthérapie . ❚ Les inhibiteurs des leucotriènes (montélukast, zafirlukast, etc.) ont une action sur les manifestations cutanées et vasomotrices et les symptômes fonctionnels urinaires 20,21 . de la cystite interstitielle 686 - La Presse Médicale

❚ Les bisphosphonates augmentent la densité minérale osseuse en inhibant la résorption ostéoclastique et préviennent les fractures vertébrales, indépendamment du contrôle de la 22,23 . Ils doivent être prolifération mastocytaire associés à une supplémentation vitamino-calcique. À côté de ces traitements symptomatiques, les traitements visant à contrôler la prolifération mastocytaire doivent être proposés essentiellement dans les mastocytoses agressives. ❚ L’interféron alpha utilisé par analogie au traitement de la leucémie myéloïde chronique semble plus efficace sur les manifestations congestives que sur le syndrome tumoral et l’infiltration médullaire. Une étude sur 20 patients traités par 1 à 5 millions d’unités 3 fois par semaine pendant 6 mois a montré une réponse partielle (disparition des manifestations congestives et régression de plus de 50 % de l’infiltration médullaire ou du syndrome tumoral) dans 24 7 cas . La tolérance du traitement était médiocre avec manifestations générales et syndrome dépressif aggravant les troubles psychiatriques inhérents à la mastocytose.L’association à la corticothérapie orale renforce l’efficacité et 25 la tolérance de l’interféron . ❚ La cladribine est un analogue nucléosidique

permettant des rémissions prolongées des leucémies à tricholeucocytes. Son utilisation dans les mastocytoses systémiques apporte des premiers résultats encourageants. Kluin-Nelemans et al. ont traité 9 patients (0,10 mg/kg J1 à J5, une cure toutes les 4 à 8 semaines, 6 cures) dans des formes indolentes, agressives ou associées à une hémopathie ; ils ont obtenu une réponse partielle dans tous les cas : disparition des signes cliniques et normalisation des paramètres biologiques (tryptase),réduction voire disparition de l’infiltration mastocytaire dans un délai de 3 à 12 mois mais au prix d’une toxicité hématologique parfois sévère dans un tiers des 26 cas .La gravité de cette toxicité doit faire réserver ce traitement aux formes agressives. La durée de la rémission 27 était variable (2 mois à 4 ans) . Nous avons observé une réponse majeure (lésions cutanées et/ou syndrome tumoral, atteinte osseuse, cytopénie, flush et syncope) dans 24 des 33 cas traités dans un délai moyen de 4 mois et pour 28 une durée de 16 mois . ❚ Les inhibiteurs de tyrosine kinase spécifiques du c-kit (imatinib mésylate) sont efficaces dans la leucémie myéloïde chronique et dans les tumeurs stromales gastro-intestinales où les mutations activatrices de c-kit sont à l’origine de la prolifération tumorale.L’utilisation dans les mastocytoses systémiques ne semble pas efficace quand 14 mai 2005 • tome 34 • n°9

O. Fain, J. Stirnemann, V. Eclache, S. Barete, P. Casassus, O. Hermine et al.

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existe une mutation Asp816Val , mais par contre, d’un intérêt certain en présence d’autres mutations, principalement celle de la FIP1L1-PDGFRA (associée à une hyperéosinophilie).Trois patients ayant cette mutation ont eu une 30 réponse complète sous faible dose d’imatinib mésylate 100mg/j, de même que 5 patients n’ayant ni la mutation c31 kit ni la mutation PDGFRA .D’autres inhibiteurs des tyrosines kinases sont en cours d’évaluation. Un nouvel inhibiteur de NF-kappa-B actif sur les mastocytes ayant une muta32 tion de c-kit pourait être une voie thérapeutique.

Un schéma thérapeutique peut être proposé (figure 2). Les mastocytoses systémiques, maladies rares dont la prévalence est probablement sous-estimée du fait de la diversité et de la non spécificité des symptômes, devraient avoir des thérapeutiques plus ciblées et efficaces : modulateurs du microphthalmia transcription factor (MITF), membres de la famille Bcl2, nouveaux 33 inhibiteurs des tyrosines kinases, etc. du fait de la meilleure compréhension des mécanismes pathogé33,34 .■ niques en cause

Références 1

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14 mai 2005 • tome 34 • n°9

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