Revu e Neu Rol ogique 166 (2010) S49-S50
Résumé
Les troubles cognitifs au stade le plus précoce de la sclérose en plaques : réalité et devenir F. Reutera,b, W. Zaaraouib, A. Ricoa,b, I. Malikovaa,b, J.-P. Ranjevab, B. Audoina,b, J. Pelletiera,b* aPôle
de Neurosciences Cliniques, Service de Neurologie, Assistance Publique Hôpitaux de Marseille, CHu Timone, Marseille, France de Résonance Magnétique Biologique et Médicale (CRMBM) uMR CNRS 6612, Faculté de Médecine, université de la Méditerranée, Aix-marseille ii, Marseille, France
bCentre
Introduction. - Le dysfonctionnement cognitif est fréquent chez les patients atteints de sclérose en plaques (SeP). l’importance des troubles rencontrés est variable selon le domaine cognitif considéré mais les perturbations prédominent sur la mémoire de travail, les capacités attentionnelles, les fonctions exécutives, le raisonnement abstrait, la perception visuospatiale et la vitesse de traitement de l’information. Toutefois, la fréquence et la nature des troubles cognitifs au stade le plus précoce de la maladie (patients évalués dans les suites d’un premier événement démyélinisant inaugural) restent difficiles à préciser, du fait notamment des effectifs de petite taille des populations étudiées. D’autre part, le mode évolutif des perturbations cognitives au décours de l’événement inaugural reste lui aussi difficile à appréhender, en rapport à la fois avec le peu de spécificité des tests psychométriques utilisés, et du fait de l’influence majeure de l’apprentissage (ou effet test re-test). Des travaux récents montrent que les troubles cognitifs au stade précoce de la maladie sont fréquents (évalué entre 30 et 50 %) et principalement caractérisés par une atteinte du traitement rapide de l’information, de la mémoire de travail et des fonctions attentionnelles (Deloire et al., 2005 ; Achiron et al., 2006 ; Feuillet et al., 2007 ; Glanz et al., 2007 ; Potagas et al., 2008). En particulier, les résultats obtenus à la BRBNT (Brief Repeatable Battery for Neuropsychological Tests) (Rao et al., 1991) (Tableau 1) montrent une différence significative des performances chez les patients
*
Orateur
par rapport aux sujets témoins appariés aux tests du PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test) et du SDMT (Symbol Digit Modalities Test), suggérant une plus grande sensibilité des tests mesurant la vitesse de traitement de l’information ou la mémoire de travail à ce stade de la maladie. Objectifs. - les objectifs de ce travail étaient : • d’évaluer la fréquence et le type de perturbations cognitives rencontrées au stade le plus précoce de la SeP dans un grand effectif de patients ; • de préciser l’évolution de ces troubles dans le temps. Matériel et méthodes. - un groupe de 100 patients inclus dans les suites d’un syndrome cliniquement isolé (SCi) et un groupe de 66 sujets témoins appariés ont fait l’objet d’une évaluation cognitive avec la BRBNT. lors de l’inclusion, la comparaison entre les deux groupes a été effectuée pour chaque épreuve, et les patients ont été considérés comme détériorés sur une épreuve lorsque le résultat était supérieur ou égal à 2 DS par rapport aux témoins. un suivi longitudinal a été effectué annuellement. Résultats. - les caractéristiques démographiques des deux groupes étudiés sont présentées dans le tableau 2. À l’inclusion le groupe SCI apparaissait significativement différent du groupe témoin pour
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Tableau 1 - Évaluation neuropsychologique par la BRBNT SRT (Selective Reminding Test)
Mémoire verbale immédiate et différée (d’apprentissage verbal et de rappel différé d’une liste de 12 mots présentés oralement)
SPART (Spatial Recall Test)
Mémoire visuelle immédiate et différée (capacités d’apprentissage visuo-spatial et le rappel différé d’une configuration de pions placés sur un damier)
SDMT (Symbol Digit Modalities Test)
Vitesse de traitement de l’information (mesure la vitesse de traitement d’une information visuelle et les capacités de recherche et de balayage visuel)
PASAT 3’ (Paced Auditory Serial Addition Test 3 secondes)
Mémoire de travail, fonctions exécutives (capacités d’attention soutenue, de vitesse de traitement de l’information et d’inhibition d’une réponse automatique)
Fluences verbales (Word List Generation)
Fluence verbale (animaux, lettre P)
Tableau 2 - Caractéristiques démographiques des populations étudiées Age
Scolarité (nombre d’années)
Sexe (H/F)
Témoins (n=66)
28(8)
14(3)
20/46
Patients (n=100)
31(4,5)
13(3)
21/79
EDSS (médiane)
Durée de la maladie (mois)
1(0-2)
6 (3)
Tableau 3 - Résultats à l’inclusion et à 3 ans SRTL
SRTC
SRTD
SPART
SPARTD
SDMT
PASAT 3
Fluences sémantiques
Fluences phonémiques
Témoins (T0, n=66)
60(7)
54(11)
12(1)
23(5)
8(2)
60(9)
49(8)
38(9)
26(8)
Patients (T0, n=100)
57(10)
52(13)
11(2)
20(6)
7(2)
53(10)
40(11)
31(9)
20(7)
% de patients >2DS à T0
15
13
12
0
3
7
26
3
4
64(8)*
59(13)*
11(1)
21(5)
7(2)
55(11)
45(9)**
31(8)
20(7)
Scores Moyen (DS) des patients à 3 ans ( n=44) Effet temps (Wilcoxon)*
T0 : performances à l’inclusion T3 : performances à 3 ans * significativement amélioré à 3 ans (effet d’apprentissage) ** significativement diminué à 3 ans (détérioration)
la majorité des épreuves. Au total, 49 % des patients présentaient au moins une anomalie significative par rapport au groupe témoin, 29 % sur une épreuve, et 20 % sur au moins deux épreuves. Dans le sous-groupe des patients évalués à 3 ans, une détérioration des scores au PASAT était retrouvée par rapport à l’inclusion alors qu’il était noté l’absence de modification concernant la majorité des autres épreuves, en dehors d’un effet d’apprentissage pour le SRT. Enfin, aucune corrélation significative n’a été mise en évidence entre le niveau de handicap (EDSS) et le degré de détérioration cognitive (lors de l’inclusion et à 3 ans). De même, le degré de handicap et de détérioration cognitive identifié lors de l’inclusion n’était pas prédictif de l’atteinte cognitive et du niveau de handicap à 3 ans (Tableau 3). Conclusion. - Ces résultats préliminaires argumentent la fréquence élevée des perturbations cognitives rencontrées au stade précoce de la SEP. Les perturbations identifiées prédominent sur les capacités attentionnelles, la mémoire de travail et les fonctions exécutives.
Références Achiron A, Barak Y. Cognitive changes in early MS: a call for a common framework. J Neurol Sci 2006;245:47-51. Deloire MS, Salort E, Bonnet M, et al. Cognitive impairment as marker of diffuse brain abnormalities in early relapsing remitting multiple sclerosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2005;76:519-26. Deloire MS, Salort E, Bonnet M, Arimone Y, Boudineau M, Amieva H, et al. Early cognitive impairment in patients with clinically isolated syndrome suggestive of multiple sclerosis. Mult Scler 2007;13:124-7. Glanz BI, Holland CM, Gauthier SA, Amunwa EL, Liptak Z, Houtchens MK. Cognitive dysfunction in patients with clinically isolated syndromes or newly diagnosed multiple sclerosis. Mult Scler 2007;13:1004-10. Potagas C, Giogkaraki E, Koutsis G, Mandellos D, Tsirempolou E, Sfagos C, et al. Cognitive impairment in different MS subtypes and clinically isolated syndromes. J Neurol Sci 2008;267:100-6. Rao SM, Leo GJ, Bernardin L, Unverzagt F. Cognitive dysfunction in multiple sclerosis. I. Frequency, patterns, and prediction. Neurology 1991;41:685-91.