Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 73–74
ANALYSE DE LIVRES Lu pour vous Oser un autre regard sur la relation entre anesthésiste et chirurgien en 30 questions. Henri Cuche, Vincent Travers. Rueil-Malmaison: Arnette/Wolters Kluwer, 2009. Cet ouvrage de 185 pages, en format poche, est le premier de la nouvelle collection Books-e-Books dirigée par Élisabeth Gaertner. Cette collection dédiée aux spécialités médicales comporte des renvois à des compléments consultables sur Internet et destinés à prolonger les propos des auteurs. Le thème de l’ouvrage, la relation entre médecin anesthésiste et chirurgien, est fondamental pour ces deux catégories de praticiens appelés à travailler ensemble. Cette relation est actuellement nettement meilleure que dans le passé. Mais il existera toujours des foyers de mésentente, depuis le départ ou qui vont éventuellement se réactiver en cours d’exercice. C’est pourquoi il faut remercier les auteurs de s’être attaqués à ce problème. Le premier, Henri Cuche est médecin anesthésiste, le second Vincent Travers chirurgien orthopédiste à la clinique Saint-Charles de Lyon. Manifestement, ils s’entendent bien et travaillent « main dans la main » et non pas « face à face ». Une question se pose alors : sont-ils les mieux placés pour disserter sur la mésentente ? On peut le penser dans la mesure où ils sont venus d’horizons différents où ils ont eu l’occasion d’assister à des conflits. Comme dans le couple, l’entente ne repose pas sur un coup de foudre mais résulte d’une construction et de son entretien. L’estime mutuelle et la compréhension en sont des facteurs essentiels. L’harmonie dans les relations de travail est plus facile à trouver en milieu libéral qu’en milieu public où elles dépassent le plan individuel et se déroulent entre des équipes à géométrie variable : l’anesthésiste travaille avec des chirurgiens qu’il connaît moins et vice-versa. Le renouvellement des intervenants est plus intense, notamment du fait de la venue de ceux en cours de formation, ce qui ne permet pas la cooptation. Nombre de conflits ont pour origine des facteurs organisationnels (programme opératoire) ou personnels (personnalité des acteurs de santé). Les 30 questions auxquelles les auteurs répondent sont rassemblées en cinq chapitres. Le premier analyse le travail des deux catégories d’intervenants. La saynète qui condense les points de frottement, essentiellement en milieu public, est bien vue.
Le second porte sur l’incidence médicolégale de leurs relations. La question no 7 sur l’impact des « 35 heures » sur les relations anesthésiste–chirurgien est particulièrement intéressante. Comme prévu, celui-ci est quasi nul dans le cas de l’activité libérale, contrairement au secteur public. À noter que comme dans d’autres pays européens, les heures d’activité publique une fois plus ou moins bouclées, certains anesthésistes et/ou chirurgiens continuent leur journée de travail en secteur libéral. Le troisième chapitre détaille l’aspect organisationnel de ces spécialités, en particulier l’établissement du programme opératoire, ainsi que les revues de mortalité et de morbidité. Le quatrième chapitre est entièrement consacré au stress. Ce phénomène physiologique, qui peut être salvateur, est actuellement galvaudé par certains, notamment pour justifier des revendications. Dans mon expérience, l’absence de stress par manque de vigilance et/ou d’expérience est plus préjudiciable pour le patient qu’un stress transitoire de l’anesthésiste lui permettant de réagir efficacement. Les stress persistants observés notamment à l’occasion d’une complication à incidence médicolégale appellent différentes mesures parmi lesquelles le soutien par des collègues proches est fondamental. L’importance accordée actuellement par certains au Burn out syndrome ou syndrome d’épuisement professionnel des soignants, aussi qualifié de « infarctus de l’âme », fait sourire les anciens qui ont connu des conditions de travail bien plus rudes et ont beaucoup œuvré pour améliorer celles de la génération actuelle. Il est certain qu’il ne faut pas oublier que l’engagement dans les études de médecine, et par la suite, dans l’exercice de la profession ne peut être cohérent qu’avec l’assentiment du sujet et la conscience d’un devoir de disponibilité, d’intérêt, d’attention et de responsabilité envers autrui. Si la notion de confort personnel prédomine, il est préférable d’envisager d’autres carrières. Le chapitre cinq traite de la question des clés pour améliorer la communication et la relation. Les conflits peuvent être atténués par le dialogue, le debriefing, dans le but d’analyser ce qui ne va pas et de discerner ce qu’il convient de faire pour promouvoir l’esprit d’équipe et la maîtrise de soi. La dernière question propose deux tests : l’un, qui est personnel, destiné à évaluer ses « réactions au stress », l’autre qui est comparatif, porte sur la relation anesthésiste–chirurgien. La comparaison à deux des résultats permet une prise de conscience des problèmes et éventuellement des modifications de comportement.
74
Analyse de livres / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 73–74
L’ouvrage apporte beaucoup d’informations fort pertinentes et utiles. Il mériterait d’être offert et commenté à tous ceux et celles qui font leurs premiers pas en anesthésie-réanimation, en chirurgie ou une spécialité chirurgicale. Il mériterait d’être consulté de manière approfondie par les professionnels de ces spécialités et par tous ceux et celles qui les côtoient.
J.-C. Otteni 6, boulevard Ohmacht, 67000 Strasbourg, France Adresse e-mail :
[email protected] Disponible sur Internet le 13 janvier 2010 0750-7658/$ see front matter doi:10.1016/j.annfar.2009.12.007