L'ostéomyélite sclérosante chronique primitive : un cas

L'ostéomyélite sclérosante chronique primitive : un cas

Revue du Rhumatisme 72 (2005) 83–85 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/ Fait clinique L’ostéomyélite sclérosante chronique primitive : un cas ...

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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 83–85 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Fait clinique

L’ostéomyélite sclérosante chronique primitive : un cas Primary chronic sclerosing osteomyelitis: a case-report e Didier Viejo-Fuertes a,*, Renaud Rossillon, Marilyne Mousny a, Pierre-Louis Docquier a, Frédéric Lecouvet b, Jean-Jacques Rombouts a a

Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie de l’appareil locomoteur, cliniques universitaires Saint-Luc, université Catholique de Louvain (UCL), 1200 Bruxelles, Belgique b Service de radiologie, cliniques universitaires Saint-Luc, université catholique de Louvain (UCL), Bruxelles, Belgique Reçu le 25 août 2003 ; accepté le 18 février 2004 Disponible sur internet le 15 avril 2004

Résumé L’observation d’une ostéomyélite chronique sclérosante primitive de la fibula chez un garçon de 14 ans, est rapportée. C’est une pathologie rare qui pose des problèmes de diagnostic différentiel avec les tumeurs osseuses. La nature de l’ostéomyélite chronique sclérosante primitive reste discutée. Classiquement, c’est une infection osseuse chronique dont la phase aiguë est passée inaperçue. Ultérieurement, on a mis en doute son existence sous une forme nosologique définie. Plus récemment, elle a été rapprochée de l’ostéomyélite multifocale récidivante chronique et des pathologies osseuses associées aux spondylarthropathies séronégatives (SAPHO) dont elle serait une variante localisée ou unifocale. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Ostéomyélite chronique sclérosante ; Maladie de Garré ; Syndrome Sapho ; Infection osseuse ; Tumeur osseuse

1. Observation Un jeune garçon de 14 ans consulte pour une tuméfaction et des douleurs à la face latérale du mollet droit depuis quelques mois accompagnée de douleurs. On note dans ses antécédents médicaux chirurgicaux : une fracture de l’humérus droit, une acné modérée au niveau de la face, il n’y a pas de lésions psoriasiques. Il pratique le football régulièrement. L’examen clinique retrouve une tuméfaction de la face latérale du mollet droit et est cependant normale par ailleurs sans signe d’inflammation d’infection ni de fièvre. Le bilan biologique : numération et formule sanguine (leucocytes : 5780 éléments/mm3), bilan inflammatoire (CRP : 0,3 mg/dl, fibrinogène : 200 mg/dl) phosphocalcique, hépatique et pancréatique reste normal. Les radiographies (figure 1A) et l’examen tomodensitométrique (figures 1B et 1C) met* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Viejo-Fuertes). e Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.rhum.2004.02.007

tent en évidence des remaniements hyperostosants étendus sur environ 15 cm à la moitié supérieure de la diaphyse fibulaire, caractérisés par des appositions périostées avec la présence d’une plage lacunaire allongée sur 25 mm au voisinage de la cavité médullaire. Il s’agit donc d’une lésion de la fibula, de nature hyperostosante, chez un enfant de 14 ans par ailleurs en bon état général sans signe, ni antécédents infectieux. L’indication d’une exérèse chirurgicale est posée. Une résection en bloc est réalisée. Il n’y a pas de modification significative constatée des tissus mous du voisinage. L’examen anatomopathologique révèle un os compact d’allure corticale sur la quasi-totalité de l’épaisseur du cylindre diaphysaire. Les espaces médullaires paraissent fibrosés ou fibro-œdémateux suivant les endroits et l’on observe quelques plages d’infiltrat inflammatoire contenant des plasmocytes. On n’observe pas de collection abcédée, ni de séquestres osseux. Le prélèvement montre un tableau de densification osseuse, représentant probablement un phénomène réactionnel vis-à-vis d’un état inflammatoire chroni-

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Figure 2. Aspect anatomopathologie

plémentaire après l’exérèse chirurgicale. L’évolution fonctionnelle est satisfaisante, avec une mobilité normale du genou et de la cheville. Il n’y a pas de boiterie à la marche. Le jeune garçon reprend ses activités sportives limitées par quelques douleurs résiduelles, avec un contrôle radiographique satisfaisant à six mois.

2. Discussion

Figure 1. Imagerie A. Radiographie Standard B. Aspect homodensitométrique bugitudinal C. Aspect transversal

que, sans caractère spécifique d’une affection déterminée (figure 2). La culture bactériologique aérobie, anaérobie et par enrichissement de plusieurs fragments de la pièce d’exérèse ne révèle aucun germe. Il a été effectué des cultures à la recherche du Propionibacterium acnes. Elles sont restées négatives. Le diagnostic retenu est : « ostéomyélite chronique d’emblée ». Il n’a pas été prescrit de traitement médical com-

L’ostéomyélite chronique est généralement la séquelle d’une ostéomyélite aiguë qui a été traitée trop tardivement ou qui n’a pas répondu au traitement. L’ostéomyélite chronique d’emblée existe-t-elle ? En 1893, Garré [1] a décrit une forme d’ostéomyélite chronique d’emblée caractérisée par un « épaississement » osseux n’évoluant pas vers la suppuration, la séquestration ou la fistulisation. Il s’agit d’une description purement clinique. Parmi les cas d’ostéomyélite sclérosante publiés au cours de la première moitié de ce siècle, il y a certainement plusieurs diagnostics incertains et en particulier des cas d’ostéomes ostéoïdes ignorés. En 1982, Collert et Isacson [2] de Stockholm ont revu une série de huit patients collectée en 20 ans et répondant aux critères suivants : • diagnostic histologique d’ostéomyélite chronique non suppurée ; • densification osseuse à la radiographie. La culture aérobie s’est avérée négative dans tous les cas. Une recherche d’anaérobies a été faite dans un des deux cas seulement avec développement d’une P. acnes dans un cas [3]. Ces patients ont été traités chirurgicalement et ont reçu des antibiotiques. Ces auteurs sont convaincus que l’ostéomyélite sclérosante de Garré est une entité clinique définie dont l’étiologie pourrait être une infection chronique par un germe anaérobie peu virulent. La lecture critique de leur article suggère que certaines de leurs observations et en particulier les cas 1 et 2 avec locali-

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sation claviculaire rentrent dans le cadre des ostéomyélites chroniques sternoclaviculaires [4]. Il n’est donc pas sûr que l’ostéomyélite sclérosante de Garré puisse être isolée des ostéomyélites chroniques récidivantes et en particulier de l’hyperostose diaphysaire associée au syndrome SAPHO.[4,5] Récemment, Segev et al. [6] ont rapporté trois cas d’ostéomyélite chronique d’emblée, sans qu’une origine infectieuse n’ait été mise en évidence dans aucun cas. L’origine infectieuse de l’affection est mise en doute et l’hypothèse qui émerge est celle d’une pathologie inflammatoire induite par un processus infectieux inapparent, à distance [6]. Depuis 1987, il est d’usage de désigner sous le nom SAPHO un groupe de situations caractérisées par la présence de synovite, d’acné, de pustulose, d’hyperostose et d’ostéite [7–9]. L’hyperostose sternocostoclaviculaire et l’hyperostose diaphysaire rentrent dans ce cadre [4,5]. Ces affections comme l’ostéomyélite chronique symétrique récidivante de l’enfant de Giedion et al. [10] se rapprochent probablement des spondylarthropathies réactionnelles. Les lésions osseuses inflammatoires évoquent une ostéomyélite sans que les germes ne puissent y être identifiés [11,12]. L’ostéomyélite chronique sclérosante pose des problèmes de diagnostic avec les tumeurs osseuses : ostéomes ostéoïdes, sarcomes d’Ewing, ostéoblastome, dysplasie fibreuse [13]. Même si les aspects radiologiques sont a posteriori évocateurs, seule l’exérèse chirurgicale et l’examen anatomopathologique permettent de poser avec certitude le diagnostic. Dans l’observation rapportée, il s’agit d’un jeune garçon de 14 ans présentant une évolution clinique lente et insidieuse, sans altération de l’état général avec douleur du mollet et tuméfaction sans antécédent médical rhumatoïde et infectieux clinique, biologique et radiologique. Le bilan radiologique met en évidence un syndrome tumoral hyperostosant de la fibula justifiant une exérèse chirurgicale en bloc afin d’en précise sa nature. L’examen anatomopathologique révèle une lésion inflammatoire chronique ave séquestre et densification osseuse, les cultures bactériologiques sont négatives [14]. Le diagnostic posé est donc ostéomyélite chronique d’emblée ; Cette observation confirme l’existence de l’ostéomyélite chronique d’emblée diagnostiquée sur ce faisceau d’arguments, cliniques, radiologiques, anatomopathologiques, mais n’apporte pas d’élément permettant de préciser le cadre nosologique de cette entité radioclinique. Le garçon

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n’a actuellement aucun autre signe évoquant un syndrome SAPHO, sauf peut-être son acné. Son évolution à très long terme mérite d’être suivie car il pourrait développer ultérieurement d’autres manifestations de l’affection.

Références [1] [2] [3]

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