Maladie veineuse chronique au travail

Maladie veineuse chronique au travail

© Masson, Paris, 2005 Arch. mal. prof., 2005, 66, n° 1, 37-44 MÉMOIRE Maladie veineuse chronique au travail À propos d’une série à la Mutualité soc...

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© Masson, Paris, 2005

Arch. mal. prof., 2005, 66, n° 1, 37-44

MÉMOIRE

Maladie veineuse chronique au travail À propos d’une série à la Mutualité sociale agricole de la Mayenne O. TARSISSI (1), V. GAUSSERES (2), M. RAFFRAY (2), S. HELESBEUX (2) (1) 33 rue Ambroise Paré, 53000 Laval (2) 76 bd Lucien Daniel, 53000 Laval.

SUMMARY: Occupational vein disease. A survey among workers questioned and examined by the occupational medicine services of the Mutualité sociale agricole (M.S.A.) in the district of Mayenne in France Objectives A questionnaire survey followed by a clinical examination has been carried out by the occupational practitioners of the M.SA. of the district of Mayenne in France, 1086 workers were randomly examined in a systematic procedure. The study aimed to identify risk factors of vein chronic disease, specially those related to positions at work. Method Workers on the register of the occupational medical services of the “M.S.A” (a social security service) of Mayenne were randomly examined during systematic health control visits all around the district. An occupational and health questionnaire was followed by a clinical examination by the occupational practitioner. The questionnaire aimed the following items: type of occupation, usual conditions of occupational positions, leg complaints, vein disease, vein disease treatment, major complications secondary to a vein disease or the fact to have had a leg ultrasound scan in the person’s medical history and sickness absences secondary to a vein disease. The practitioner then proceeded to a clinical examination including size, weight, calculation of body mass index (BMI), and detection of leg varicose veins. The practitioner annotated age, sex, and task of the worker. These factors were submitted to principal component analysis. Results The analytic study of the survey shows that the older is the subject, the more frequent are all the other components: legs complaints, varicose veins, treatment for vein disease, major complications, secondary to a vein disease and sickness absences. Female sex induced more leg complaints, leg varicose veins, and treatment for vein disease. A high B.M.I. induced leg varicose veins and sickness absences secondary to vein disease. Small distance occupational movements induced all the other components compared to medium and even more compared to long distance movements. Handling medium weight objects during work curiously induced leg varicose veins and treatment for vein disease, compared to light and heavy objects. Final point, hot occupational surrounding temperature induced more leg complaints, compared to cold or intermediate temperatures. Conclusion The main interest of this survey is the rather large sample of the population it covers, and the results include some interesting tracks for well targeted surveys to fight against occupational vein disease risks, an underestimated disease. Tirés à part : O. Tarsissi, à l’adresse ci-dessus. Mots clés : Insuffisance veineuse chronique. Facteurs de risque. Situations de travail.

RÉSUMÉ Objectifs Enquête par questionnaire médical et professionnel suivi d’un examen clinique menée avec la collaboration des médecins du travail de la Mutualité sociale agricole de la Mayenne sur 1 086 personnes affiliées au service dans le département. Le but était d’identifier des facteurs de risque de la maladie veineuse chronique, et plus particulièrement ceux liés aux postures et positions du travail. Méthode Les assurés affiliés au service vus lors de visites systématiques ont fait l’objet d’un questionnaire professionnel et médical suivi d’un examen clinique effectué par le médecin du travail. Celui-ci portait sur les conditions du travail et les antécédents liés à la maladie veineuse. Le médecin procédait ensuite à un examen clinique incluant la recherche d’une présence selon lui de varices cliniques aux membres inférieurs. Il a noté les paramètres qu’il a recueillis ou constatés. Les données ont été traitées en analyse univariée. Résultats Sur le plan analytique, l’étude a montré que l’âge élevé est un facteur de risque de toutes les variables examinées : le sexe féminin, les plaintes fonctionnelles, les varices cliniquement présentes et l’antécédent de traitement pour maladie veineuse. L’Indice de Masse Corporelle (I.M.C.) est un facteur de risque élevé de varices cliniques et d’arrêts de travail secondaires à une pathologie veineuse. Concernant les situations de travail, la position debout constitue un facteur de risque clinique de varices, de traitement pour maladie veineuse et, de plus, d’arrêts de travail liés à celle-ci. Les petits déplacements au travail ont été à l’origine de plus de plaintes fonctionnelles, de constatation clinique de varices, d’arrêt de travail secondaire à la maladie veineuse, de traitement pour maladie veineuse et de complications secondaires à celles-ci par rapport aux moyens et surtout aux grands déplacements. Curieusement les charges moyennes ont favorisé les varices cliniques ainsi que le traitement pour maladie veineuse par rapport aux charges dites légères et lourdes. Enfin, la température ambiante chaude constitue un facteur de risque d’existence de plaintes fonctionnelles aux membres inférieurs par rapport aux températures ambiantes dites froides ou intermédiaires. Conclusion L’intérêt de cette étude réside dans l’importance de la taille de l’échantillon et les résultats comportent un intérêt pour les pistes permettant de réaliser d’autres études bien ciblées sur la prévention contre la maladie veineuse au travail, maladie dangereuse, coûteuse et probablement sous-estimée.

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O. TARSISSI ET COLL.

La maladie veineuse chronique est un problème majeur de santé publique et d’inaptitude au travail responsable d’absentéisme ou d’hospitalisations, mais ayant également un retentissement indirect sur la qualité de la production. Elle est surtout à l’origine de risques importants de certaines complications, pouvant parfois mettre en péril la santé jusqu’au pronostic vital. C’est un élément clé à évaluer au travail, d’autant que certaines études laissent apparaître un risque accru de maladies veineuses en fonction des situations du travail [2-4, 16-18]. L’objectif de cette étude était d’essayer d’évaluer les facteurs de risque de la maladie veineuse en fonction des caractéristiques du travail, y compris les positions du travail. L’étude devait essayer de déterminer une corrélation statistique entre cette maladie veineuse et certains de ses facteurs de risque (âge, poids, taille, sexe, nature du travail, conditions de travail, existence de plaintes fonctionnelles, de varices cliniques, d’antécédents personnels) et la prescription d’un arrêt de travail lié à cette pathologie. Wess évalue le nombre de jours de travail perdus par an aux Etats-Unis à 6 millions contre 6,3 millions en France d’après Lafuma [1]. L’expérience médicale nous fait penser que certains emplois peuvent avoir un retentissement sur la paroi veineuse et entraîner à long terme une insuffisance veineuse. Le travail serait un facteur de risque ou un facteur aggravant : mais ce facteur reste à définir et par là-même à prouver. Il était logique que notre étude essaye d’apporter une contribution à la définition des facteurs de risque au travail. Il est important de connaître les personnes à risque et les facteurs liés aux positions du travail, plus que de comparer différents corps de métiers par rapport à la maladie veineuse au travail. Autre erreur : les médecins du travail ne sont que rarement associés aux études et tout laisse penser qu’ils sous-estiment très largement la pathologie veineuse chronique. Nous avons demandé pour notre étude la contribution des médecins du travail pour constater la réalité clinique et pour réaliser le questionnaire. Notre étude, tout en impliquant les médecins du travail, a essayé de tenir compte dans le questionnaire d’une partie des variables capables de porter un éclaircissement sur l’influence des conditions de travail sur la maladie veineuse chronique.

d’entreprises ou de collectivités mayennaises sont affiliés au Service de médecine du travail de la Mutualité sociale agricole (MSA) quel que soit leur régime d’assurance maladie. L’enquête a été réalisée à l’aide d’un questionnaire médical et professionnel suivi d’un examen clinique. Ont été inclus dans l’étude de manière aléatoire les salariés vus entre le 1er septembre 2002 et le 31 janvier 2003 en visite systématique et ayant accepté de répondre au questionnaire proposé par les médecins du travail de la M.S.A. de la Mayenne quel que soit leur poste de travail. Les données du questionnaire ont été saisies sur un logiciel statistique type Statview et l’analyse des variables qualitatives faite selon le test de khi 2 [le seuil significatif pour toutes les analyses a été choisi à 0,05 (P < 0,05)]. Le questionnaire utilisé par le médecin enquêteur débutait par le relevé de l’âge, du sexe, de la profession et de la nature du travail effectué par le salarié, ainsi que de ses conditions habituelles de travail : • la position (la définition debout-assis l’était pour plus de 50 % du temps de travail), • les déplacements définis sous le titre petits et réguliers étaient de l’ordre d’1 m2, moyens et réguliers de l’ordre de 10 m2, grands et réguliers supérieurs à 10 m2, • le port de charges défini comme légères étaient pour les charges inférieures à 10 kg, les moyennes entre 10 et 20 kg et les lourdes supérieures à 20 kg. • l’ambiance du travail dans la chaleur ou le froid était laissée à l’appréciation subjective du sujet enquêté. • l’enquêteur a noté la présence des plaintes fonctionnelles, d’antécédents de maladies veineuses traitées (éveinage chirurgical, sclérose, contention élastique, médicaments veinotoniques), de complications veineuses majeures (thrombose veineuse superficielle, thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire). Enfin, l’enquêté a répondu sur la réalisation ou non d’un écho-doppler des membres inférieurs et sur le fait qu’il a bénéficié ou non d’un arrêt de travail en raison de maladie veineuse des membres inférieurs. Le médecin enquêteur procédait ensuite à un examen clinique incluant la taille, le poids (calcul de l’indice de masse corporel) et les membres inférieurs avec la présence ou non selon lui de varices cliniques, sans utilisation d’un barème spécifique.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

RÉSULTATS ET ANALYSES (Tableaux I, II, III et IV)

Notre enquête de cohortes transversale et multicentrique portait sur une population de 1 086 personnes, dans leur très grande majorité des salariés (2 étaient des exploitants agricoles). Ces salariés

L’âge est d’autant plus élevé quand on constate : — des plaintes fonctionnelles aux membres inférieurs,

MALADIE VEINEUSE CHRONIQUE AU TRAVAIL

39

TABLEAU I. Age et pathologie veineuse.

Âge et plaintes aux jambes

Âge et varicosités aux jambes

Âge et traitement pour maladie veineuse

Âge et complications secondaires à une maladie veineuse

Âge et arrêts de travail secondaires à une maladie veineuse

Nombre

Moyenne

Variance

Déviation standard

Erreur standard

Non

897

39,4

105,9

10,2

0,3

Oui

172

44,3

76,6

8,7

0,6

Non

823

38,5

102,2

10,11

0,3

Oui

246

45,8

71,5

8,4

0,53

Non

908

39,1

102,87

10,1

0,33

Oui

160

46,5

67,86

8,2

0,65

Non

1042

40,1

106,64

10,2

0,3

Oui

26

45,8

69,0

8,3

1,6

Non

1 020

39,8

103,8

10,1

0,3

Oui

49

47,9

54,2

7,3

1,0

— l’existence de varices cliniques, — le nombre de sujets traités pour maladie veineuse, — le fait d’avoir subi une complication de la maladie veineuse, — le fait d’avoir eu à subir un arrêt de travail pour maladie veineuse. • On remarque plus de femmes (23,3 %) que d’hommes (7,9 %) ayant des plaintes fonctionnelles aux membres inférieurs. • Constatation par le médecin du travail de varices cliniques chez 32 % des femmes contre 12,8 % des hommes. • 23,9 % des femmes avaient bénéficié d’un traitement pour l’insuffisance veineuse contre seulement 5,3 % des hommes. • Par contre, l’étude n’a pas mis en évidence de relation statistiquement significative entre le sexe et

Différence moyenne

DF

Valeur t

Valeur p

- 4,9

1 067

- 5,8

< 0,001

- 7,2

1 067

- 10,2

< 0,001

- 7,3

1 066

- 8,7

< 0,001

- 5,7

1 066

- 2,8

0,0044

- 8,1

1 067

- 5,4

< 0,001

les complications majeures secondaires aux maladies veineuses, ni d’incidence sur les arrêts de travail secondaires à celles-ci. • La constatation clinique de varices est d’autant plus élevée que l’Indice de Masse Corporelle (I.M.C.) l’est. • La même constatation existe entre l’I.M.C. et le fait d’avoir pris un arrêt de travail secondaire à une pathologie veineuse des membres inférieurs. • Par contre, nous n’avons pas constaté de relation statistique entre l’indice de masse corporelle et les autres variables étudiées (le fait d’être traité pour maladie veineuse, d’avoir suivi un traitement la concernant, ou d’avoir eu des complications majeures qui lui sont imputables). • Il existe une relation statistiquement significative entre la station de travail et l’existence de varices cliniquement constatées (P < 0,022). Ce constat a été

TABLEAU II. Sexe et pathologie veineuse.

Sexe et plaintes aux jambes

Sexe et varicosités aux jambes

Sexe et traitement pour maladie veineuse

Valeur p-khi2

Non

Oui

Totaux

Femme

443

135

578

23,3 %

Homme

468

40

508

7,9 %

Femme

393

185

578

32 %

Homme

443

65

508

12,8 %

Femme

440

138

578

23,9 %

Homme

480

27

507

5,3 %

< 0,001

< 0,001

< 0,001

40

O. TARSISSI ET COLL.

TABLEAU III. Masse corporelle et pathologie veineuse. Nombre

I.M.C. et varicosités aux membres inférieurs

I.M.C et arrêts de travail secondaires à une maladie veineuse

Moyenne

Variance

Déviation standard

Erreur standard

Non

779

24,17

19,9

4,471

0,160

Oui

236

25,3

25,8

5,089

0,331

Non

967

24,3

21,4

4,631

0,149

Oui

48

26,0

22,0

4,691

0,677

fait plus souvent chez les individus travaillant en position debout (25,7 %) que chez ceux travaillant en station assise (17,4 %). • Les individus ayant eu un traitement pour la maladie veineuse étaient plus nombreux chez ceux qui travaillent en station debout (17,1 %) que chez ceux travaillant en position assise (11,2 %) (P < 0,0109). Enfin, les personnes travaillant debout (5,7 %) ont plus souvent subi un arrêt de travail pour maladie veineuse que celles travaillant assises (2,2 %), (P < 0,097). Par contre, nous n’avons pas constaté de relation statistiquement significative entre la station de travail et les plaintes fonctionnelles ou la présence de complications connues de la maladie veineuse. On constate que dans la maladie veineuse il existe un lien significatif entre le type de déplacement au travail et tous les autres paramètres examinés dans l’étude : • Il existe une relation entre le type de déplacement effectué au travail et l’existence de plaintes fonctionnelles. Les individus effectuant des petits déplacements (19,1 %) sont ceux qui ont émis le plus de plaintes par rapport à ceux qui ont eu des déplacements moyens (12,2 %). Les personnes effectuant les grands déplacements au travail sont ceux qui expriment le moins de plaintes (10,7 %) (P < 0,0063). • Les mêmes conclusions concernant les déplacements au travail ont été faites sur la constatation clini-

Différence

DF

Valeur t

Valeur p

- 1,175

1 013

- 3,421

0,0006

- 1,713

1 013

- 2,499

0,0126

que de varices : 26 % pour les petits déplacements contre 20,5 % pour les moyens déplacements et seulement 14,8 % pour les grands déplacements au travail (P < 0,0241). • Conclusions identiques chez les personnes ayant bénéficié d’un traitement pour maladie veineuse : 18 % chez les individus effectuant de petits déplacements contre 12,2 % effectuant des déplacements moyens et 8,2 % effectuant des grands déplacements (P < 0,0057). • Les mêmes conclusions ont encore été constatées sur la relation entre les déplacements au travail et le fait d’avoir subi une complication de la maladie veineuse : 3 % pour les petits déplacements, 1,4 % pour les déplacements moyens et 0,8 % de complications chez les personnes effectuant des grands déplacements (P < 0,001). • Nous constatons curieusement une plus grande fréquence des varices cliniques chez les individus transportant des charges moyennes (28,6 %) que chez ceux transportant des charges légères (21,1 %), et de manière encore plus évidente que chez ceux transportant des charges lourdes (18,7 %) (P < 0,0110). • Le même constat est fait chez les individus ayant bénéficié d’un traitement pour maladie veineuse : 20 % chez les porteurs de charges moyennes, contre 13,9 % chez les manipulateurs de charges légères et 11,99 % chez ceux manipulant des charges lourdes (P < 0,0101).

TABLEAU IV. Station de travail et maladie veineuse.

Station et varicosités aux jambes

Station et traitement pour maladie veineuse

Station et arrêts de travail secondaires à une maladie veineuse

Valeur p-khi2

Non

Oui

Totaux

Assis

294

62

356

17,4 %

Debout

542

188

730

25,7 %

Assis

316

40

356

11,2 %

Debout

604

125

729

17,1 %

Assis

348

8

356

2,2 %

Debout

688

42

730

5,7 %

0,022

0,0109

0,0097

MALADIE VEINEUSE CHRONIQUE AU TRAVAIL

41

TABLEAU V. Type de déplacements au travail et maladie veineuse. Oui

108

13

121

1

1

2

Déplacements moyens

295

41

336

12,2 %

Déplacements courts

507

120

627

19,1 %

Déplacements longs

103

18

121

14,8 %

2

0

2

Déplacements moyens

267

69

336

20,5 %

Déplacements courts

464

163

627

26,0 %

Déplacements longs

111

10

121

8,2 %

1

1

2

Déplacements moyens

294

41

335

12,2 %

Déplacements courts

514

113

627

18,0 %

Déplacements longs

120

1

121

0,8 %

1

1

2

Déplacements moyens

330

5

335

1,4 %

Déplacements courts

608

19

627

3%

Déplacements longs

117

4

121

3,3 %

1

1

2

Déplacements moyens

319

17

336

5%

Déplacements courts

599

28

627

4,5 %

Déplacements longs Type de déplacements et plaintes aux jambes

Type de déplacements et varicosités

Type de déplacements et traitement pour maladie veineuse

Type de déplacements et complications

Type de déplacements et arrêts de travail

Valeur p-khi2

Non

Non précisé

Non précisé

Non précisé

Non précisé

Non précisé

• Nous n’avons pas constaté de relation statistiquement significative pour les autres variables (plaintes aux jambes, traitement pour maladie veineuse) et le poids moyen des charges manipulées. • Nous n’avons constaté de relation entre la température ambiante prédominante au travail qu’avec les plaintes physiques aux membres inférieurs : 20,9 % des individus expriment ces plaintes quand ils travaillent dans une température chaude, contre 3,5 % dans les ambiances froides et 16,5 % pour les ambiances intermédiaires (P < 0,0211). • Il n’y a pas de relation statistiquement constatée entre les autres variables pour la température ambiante au travail et la maladie veineuse.

DISCUSSION Si la force principale de notre étude est la taille relativement importante de l’échantillon, il n’en reste pas moins qu’elle comporte certains biais, et en premier lieu celui commun aux questionnaires : le biais d’éva-

Totaux 10,7 %

0,0063

0,0241

0,0057

< 0,001

0,0183

luation. Par ailleurs, si la sélection était bien aléatoire, il n’empêche que le diagnostic basé uniquement sur des critères cliniques (sans l’appui des examens paracliniques) ou le biais de classification par l’enquêteur n’empêche pas d’avoir des individus ayant une maladie veineuse qui nous aurait échappé. Nous nous sommes efforcés dans notre série de repérer des facteurs de risque statistiques que d’autres séries avaient aussi mis en cause : Widner, Abramson, Occelli (2, 3, 4). Un facteur de risque sera défini comme cause d’insuffisance veineuse si une modification de sa fréquence entraîne une modification de la fréquence de l’insuffisance veineuse sur une population étudiée. D’où l’intérêt de nos résultats et analyses ci-dessus. L’hérédité est un facteur de risque méthodologiquement plus difficile à étudier que la grossesse et l’obésité. Nous n’avons pas pu imaginer inclure l’hérédité dans notre étude de type questionnaire, le biais d’imprécision aurait été trop grand malgré l’importance de cette variable. Les quelques études

42

O. TARSISSI ET COLL.

TABLEAU VI. Port de charges et maladie veineuse.

Charges portées et varicosités

Charges portées et traitement pour maladie veineuse

Température et plaintes aux jambes

Valeur p-khi2

Non

Oui

Lourdes

239

55

294

18,7 %

Moyennes

370

104

474

21,9 %

Légères

227

91

318

28,6 %

Lourdes

259

35

294

11,9 %

Moyennes

408

66

474

13,9 %

Légères

253

64

317

20,0 %

Températures chaudes

49

13

62

20,9 %

Températures froides

54

2

56

3,5 %

Non précisée

808

160

968

16,5 %

existantes ne semblent pas démontrer qu’il existe un modèle de transmission génétique simple. L’étude française portant sur 134 familles (67 cas de varices, 67 cas témoins), montre que c’est l’association des deux parents variqueux qui augmente sensiblement le risque de présenter à son tour des varices (5). Le risque relatif est estimé à 2 quand l’un des parents est variqueux et à 3 si les deux le sont. De nombreuses études ont évalué la prévalence de l’insuffisance veineuse. On affirme toujours qu’il s’agit d’une maladie à prédominance féminine, mais Evans (étude d’Edinburg 1999) trouve 58 % d’atteinte masculine contre 48 % d’atteinte féminine (6). Les études les plus connues sont celles de Widmer, de Coon et d’Abramson. Dans ces études, la prévalence varie de 24 à 58 % chez les femmes et de 12 à 46 % chez les hommes (7, 8, 9). Ces différences s’expliquent d’une part par une définition non homogène de l’insuffisance veineuse, et d’autre part par des biais des recrutements effectués en médecine hospitalière, en médecine scolaire, en médecine du travail ou autre. Ces chiffres se rapprochent de ceux de l’étude de R. Occelli sur une population de plus de 16 000 consultants en médecine générale ; 49 % des femmes et 27 % des hommes présentent des varices (10). Dans notre série, la prédominance féminine dans la maladie veineuse est assez claire sur le plan descriptif, mais elle l’est surtout sur le plan analytique. Nous avons pu constater une relation statistiquement significative entre le sexe féminin et les plaintes fonctionnelles (23,3 % contre 7,9 % ; p < 0,001). La constatation clinique par le médecin du travail de l’existence de varices (32 % contre 12,8% d’hommes ; p < 0,001) et le fait de suivre ou d’avoir suivi un traitement pour maladie veineuse chronique (23,9 % de femmes contre 5,3 % d’hommes ; p < 0,001).

Totaux

0,0110

0,0101

0,0211

Le nombre de grossesses à terme serait également un facteur de risque majeur. Cependant, la relation entre grossesse et varice doit tenir compte de l’âge et de la prise de poids. Notre étude n’a pas examiné cette variable. L’étude de Framingham, avec un suivi de 16 ans, donne une mesure quantifiée du risque de surcharge pondérale : un surpoids avec un indice de masse corporelle inférieur à 27 comporte un risque de développement de varices de 29 % (9). Si l’indice de masse corporelle est supérieur ou égal à 27, le risque passe à 39 %, mais cette différence n’est significative que pour les femmes. Nous avons en ce qui nous concerne constaté dans notre étude une relation entre l’I.M.C. et la constatation clinique de varices. Les facteurs alimentaires sont de plus en plus souvent incriminés par les différents auteurs. Les premiers facteurs invoqués ont été l’excès de poids et la constipation. Mais aujourd’hui, c’est la théorie des radicaux libres qui est de mieux en mieux documentée et qui couvre tout le domaine vasculaire. On la retrouve dans la genèse de l’athérosclérose avec les LDL-oxydées mais aussi au niveau des veines, où la vitamine E peut apparaître comme un protecteur de la paroi veineuse contre les radicaux libres, agissant au niveau de la cellule endothéliale. L’étude de Beaglehole, portant sur des populations du Pacifique Sud, montre que la fréquence des varices est basse chez les populations primitives, mais élevée chez les populations de même origine mais ayant un mode de vie occidentalisé, c’est-à-dire contenant une alimentation riche en sucres raffinés, en graisse, et pauvre en fibres alimentaires et en aliments vitaminés (11). Daynes confirme la faible prévalence des varices chez les populations africaines ayant un mode de vie primitif (12).

MALADIE VEINEUSE CHRONIQUE AU TRAVAIL

Malhotra montre que la fréquence des varices est plus élevée au nord de l’Inde qu’au Sud, bien que la différence de température ait pu faire penser l’inverse. Parmi les différences dans le mode de vie, on retrouve des différences dans le mode alimentaire, notamment la présence d’aliments riches en fibres et en vitamines dans les populations du Sud (13). Phillips et Burkitt démontrent que la fréquence des varices dans les pays industrialisés est pratiquement équivalente chez les migrants et chez les populations d’origine (14). Pour Mellet, la carence relative en vitamine E est spécifique des pays industrialisés. Son argumentation repose sur un ensemble de faits (15) : — les varices sont 5 à 10 fois plus fréquentes dans les pays industrialisés que dans les pays du tiers monde, avec toutefois des exceptions dans les zones urbaines de l’Inde et de l’Amérique du Sud ; — les émigrés peu touchés acquièrent cette pathologie au fur et à mesure de leur intégration dans leur pays d’adoption ; — les varices sont augmentées en fréquence avec le temps dans les pays industrialisés. Elles sont en train de le faire dans les grandes métropoles du tiers monde. De fait, l’augmentation de fréquence des varices en France se vérifie également dans d’autres maladies dites de civilisation comme le diabète et l’athérosclérose. Quelques études ont cherché à mettre en évidence des facteurs de risque significatifs liés au travail. Les études les plus rigoureuses méthodologiquement ont défini la nature de la position au travail, de l’examen clinique et des examens complémentaires à pratiquer. Tomei a retenu dans son étude un temps de travail debout supérieur à 50 % sur une surface de travail d’1 m2 (16). Il a également évalué les différences entre un travail assis de plus de 50 % ou un temps de marche inférieur à 50 %. Il conclut que la prévalence des troubles veineux est significativement corrélée à la position et au nombre d’heures passées debout. Nous avons constaté dans notre série la même corrélation entre la maladie veineuse et la position debout. Le même Tomei à constaté une augmentation avec l’âge de la maladie veineuse, et qu’elle est plus élevée dans l’industrie que chez les employés de bureau. Dans notre série, nous avons constaté ce lien significatif qui est d’autant plus élevé avec l’âge. Krijnen a étudié une cohorte de 387 travailleurs recrutés dans les industries diverses (17). Il a défini la position debout comme supérieure à 80 % du temps de travail sur une surface d’1 m2. L’étude a comporté un questionnaire, un examen clinique, un écho-doppler, une rhéographie par réflexion lumineuse et une mesure opto-électronique de la jambe. Il constate que 29 %

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des travailleurs présentent une maladie veineuse chronique, avec corrélation possible avec l’âge, le poids, la position debout, et un absentéisme de plus 7 %. Dans notre série, 23 % des sujets avaient des varices cliniques. Par ailleurs, nous avons fait les mêmes constats concernant l’âge, le poids et la position debout. En ce qui concerne les résultats relatifs à l’absentéisme, nous avons constaté de façon significative un lien plus important entre la maladie veineuse et les arrêts de travail dans les situations de risque étudiées : la station debout, les moyens et petits déplacements, l’I.M.C. élevé, le sexe féminin et l’âge. En cas de varices jambières, il existe une corrélation entre œdème et temps de travail. Krijnen a également étudié le travail debout avec chaussettes de contention ou tapis de sol en caoutchouc (17). Il conclut à une supériorité de la contention élastique comparée au tapis de sol, la contention étant plus aisée à mettre en œuvre, diminuant davantage les signes fonctionnels et le gonflement des jambes. Notre étude n’a pas examiné cette trilogie : durée de travailœdème-contention. Une étude prospective dans ce domaine paraît intéressante.

CONCLUSION L’étude de l’épidémiologie de l’insuffisance veineuse nécessite des travaux pour aboutir à une véritable démarche d’évaluation. Les objectifs sont de déterminer la prévalence de l’insuffisance veineuse dans les populations ciblées, de préciser les facteurs de risque, et d’aboutir à une prévention secondaire et surtout primaire. Le médecin du travail, du fait de sa fonction, peut occuper un pôle primordial dans cette évaluation. Dans notre série, certains facteurs de risque semblent avoir une relation statistiquement significative avec la maladie veineuse : l’âge, l’I.M.C., le sexe, la position debout au travail, les petits déplacements, le port de charges dites de poids moyen, et la température ambiante chaude au travail. Les postures de travail, associées à d’autres risques de maladies veineuses, peuvent déboucher sur un véritable risque pour la santé au travail. Certains éléments de notre étude mériteraient d’être examinés par des études prospectives en épidémiologie interventionnelle pouvant déboucher sur de véritables recommandations pratiques dans la prévention en médecine du travail après identification des risques. Ce travail aura peut-être apporté quelques éléments d’éclaircissement sur cette maladie veineuse au travail et sur les pistes d’avenir en médecine du travail et de prévention.

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O. TARSISSI ET COLL.

Nous remercions : A. Strady du CHU Robert Debré de Reims qui nous a fourni l’essence de l’approfondissement statistique du travail, M. Lienard, directeur de l’Institut national de médecine agricole en 2003, pour l’aide qu’il a apporté à notre travail.

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