Maladie veinoocclusive hépatique due au Déticène® : une cause de choc hypovolémique aigu

Maladie veinoocclusive hépatique due au Déticène® : une cause de choc hypovolémique aigu

CAS Q Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 9 : 550-552, 1990 CLINIQUE Maladie veinoocclusive h6patique due au D6tic une cause de choc h y p o v o l...

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CAS

Q Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 9 : 550-552, 1990

CLINIQUE

Maladie veinoocclusive h6patique due au D6tic une cause de choc h y p o v o l 6 m i q u e aigu

ne ® :

Hepatic venoocclusive disease due to dacarbazine" a cause of acute hypovolaemic shock B. LEROY*, P. LE FRANC *, P. THOMAS **, F. COLOMBEL***, Ph. SCHERPEREEL* * Service de R6animation Chirurgicale, ** Service de Dermatologie, *** Service de Gastroent6rologie, H6pital Claude-Huriez, CHU, 59037 Lille Cedex

RI~SUMI~ : U n choc hypovol6mique aigu est rapport6 chez une femme de 53 ans qui b6n6ficiait d'une cure de chimioth6rapie au D6tic6ne ® (DTIC) pour un m61anome malin. Le bilan r6alis6 permet de poser le diagnostic de maladie veinoocclusive du foie. Apr6s un remplissage massif associ6 h une corticoth6rapie, l'6volution est favorable. Le DTIC, comme d'autres agents de chimioth6rapie, peut 6tre h l'origine de tels accidents, rares, mais souvent mortels. Mots-cl6s : C H O C : choc hypovoldmique ; F O I E : pathologie, toxicit~ ; C O M P L I C A T I O N S : complication mddicamenteuse.

Le D6tic6ne ® (dacarbazine ou DTIC) est un agent alkylant utilis6 en dermatologie depuis plus de 15 ans dans le traitement palliatif du m61anome malin. Ce m6dicament est r6put6 peu toxique car ses effets secondaires sont habituellement mineurs (naus6es, vomissements, atteinte m6dullaire mod6r6e, syndrome grippal). Depuis 1979, il convient cependant d'y ajouter une autre complication rare mais souvent mortelle: l'insuffisance h6patique aigu6 par n6crose extensive du foie, secondaire une occlusion aigu6 des veines h6patiques [4]. Celle-ci peut se situer au niveau des veines sush6patiques r6alisant un syndrome de Budd-Chiari [8] ou au niveau des veines intrah6patiques, entrant alors dans le cadre de la maladie veinoocclusive du foie (MVO) [1, 2, 3]. Le m6canisme de ces accidents reste discut6. Nous rapportons une nouvelle observation de cette complication rare, caract6ris6e cette lois par un d6but brutal et une 6volution favorable. OBSERVATION Une femme, fig6e de 53 ans, est admise en urgence dans le Service de R6animation pour un 6tat de choc sdv~re. Dans ses ant6c6dents, on note une hypertension art6rielle mod6r6e et non traitde ainsi que l'exdr6se quatre mois auparavant d'un mdlanome malin de la jambe droite. Elle b6n6ficie d'une chimiothdrapie sdquentielle par le DTIC en monoth6rapie. La deuxi6me cure de chimiothdrapie a d6but6 48 h aupara-

Requ le 20 octobre 1989, accept6 awes rdvision le 20 juin 1990.

vant sans autre probl6me que des vomissements. Quelques heures apr6s la deuxi6me injection, elle pr6sente un tableau de choc rapidement 6volutif. A son arriv6e dans le service, le choc eCst s6v~re avec en particulier une absence des pouls p6riph6riques. La patiente est consciente et apyr6tique. On note une vas0constrietion cutan6e et une polypn6e superficielle sans cyanose ni signe clinique d'an6mie aiguE. La patiente se plaint d'une douleur de l'hypocondre droit qui s'accompagne d'une d6fense en regard et d'une discrete matit6 des flancs. U n remplissage vasculaire important (quatre litres de macromol6cules en deux heures) associ6 ~t de la dopamine (10 i~g • kg -1 • min -1) permet d'am6liorer la situation h6modynamique avec une normalisation de la pression artdrielle. Les explorations h6modynamiques par cath6t6risme flott6 droit confirment le diagnostic de choc hypovol6mique (tableau I). L'6chographie abdominale r6alis6e en urgence permet d e mcttre en 6vidence une h6patom6galie d'6chostructure homog~ne avec une fl6che mesur6e ~t 18 cm. La v6sicule et les voies biliaires sont normales. La veine porte est perm6able. II existe un 6panchement p6riton6al de moyenne abondance et la ponction ram6nera un liquide clair de type exsudatif. Le bilan biologique (tableaux II, III et IV) met en 6vidence la pr6sence d'une acidose lactique, d'une polynucl6ose 17 000/mm 3 avec 6osinophilie (1 000 6osinophiles par mm3). I1 existe une cytolyse h6patique (TGO = 136 UI • m1-1, TGP = 137 U I - m l - 1 ) , une insuffisance h6patocellulaire (facteur V = 40 %) et une cholestase mod6r6e (bilirubine totale = 3 0 m g - 1 1, phosphatase alcaline = 126 U I . ml-1). Devant la suspicion de syndrome de Budd-Chiari, la patiente b6n6ficie en urgence d'une 6tude du foie par r6sonance magn6tique nucl6aire. Celle-ci montre une image intraporte anormale correspondant ~ un ralentissement du flux porte mais sans throm-

Tires a part: B. Leroy.

MALADIE VEINOOCCLUSIVE DU FOIE

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bose associ6e (l'6tat circulatoire de la patiente est normalis6 ce moment). Le parenchyme h6patique est normal et les veines sush6patiques sont anormalement gr61es. La phl6bographie des veines sush6patiques confirmera la libert6 des gros troncs veineux sush6patiques. Le diagnostic de maladie veinoocclusive est donc retenu. Le remplissage vasculaire guid6 par les donn6es h6modynamiques est poursuivi. On y adjoint une h6parinoth6rapie faible dose (1 mg. kg -1 .24 h -l) et une corticoth6rapie sous forme d'h6misuccinate d'hydrocortisone (5 mg - kg -1 - 24 h 1).

Tableau I. - - Bilans hemodynamiques realis6s (A: bilan initial realis6 sous dopamine apr~s 4 litres de remplissage ; B : bilan realis6 & la 24 e h)

Fr6quence cardiaque (b - min-I) Pression art6rielle (mmHg) Systolique Moyenne Diastolique Pression auriculaire droite moyenne (mmHg) Pression art6rielle pulmonaire moyenne (mmHg) Pression art6rielle pulmonaire d'occlusion (mmHg) Index systolique (ml • b -I • m 2) Index cardiaque (1 • min -~ - m -2) R6sistance art6rielle syst6mique (dyn . s - cm 5)

A

B

127

107

92 75 62

175 124 89

5

10

14

22

6 19 2,4

12 38 4

1 200

1 200

Tableau II. - - Bilans acidobasiques realis6s (A: apres rernplissage initial de 4 litres ; B : & la 24 e h)

pH Paco2 (mmHg) Bicarbonate (mmol - 1 l) Paoz (mmHg) Lactates (rag • l-l) Pyruvates (rag • 1-l)

A

B

7,24 22 9 114 737 11,7

7,50 32 25 70 266 10,2

Tableau III. - - Bilans h~modynamiques realis6s (A: remplissage initial de 4 litres ; B : & la 24 e h)

H6moglobine (g • 100 ml l) Leucocytes (O - 1-1) Plaquettes (G - 1-I) Temps de c6phaline activ6 (s) (malade/t6moin) Taux de prothrombine (%) Facteur II (%) Facteur V (%) Facteur VII + X (%) Temps thrombine (s) (malade/t6moin) Fibrinog6ne (g • 1 l)

apr6s

A

B

12,6 12,6 40

10,5 14,1 57

44/31 46 60 55 41 19/19 3,10

35/31 42 48 43 33 18/18 2,9

Tableau IV. - - Biologie hepatique (A: apres remplissage initial; B : & la 24 e h)

Bilirubine (rag • 1 l) Totale Directe Phosphatases alcalines (UI - l l) SGOT (UI • 1 ~) SGPT (UI • 1-~) LDH (UI - 1 i)

A

B

28 18 126 235 224 603

26 12 129 9 800 4 600 10 161

Dans les heures qui suivent, 1'6tat clinique de la patiente s'aggrave. L'6tat h6modynamique reste pr6caire et n6cessite la poursuite d'un remplissage important (9 litres sous forme de macromol6cules, s6rum albumine dilu6e et plasma frais congel6). Celui-ci s'explique par l'apparition d'une ascitc volumineuse exsudative associ6e h u n 6panchement pleural bilat6ral majeur qui devra 6tre drain& Parall61ement, la cytolyse h6patique s'aggrave avec 616vation des transaminases (SGOT ou ASAT = 9 800 UI • l -I, SGPT ou ALAT = 4 600 UI - l-I). La fonction r6nale s'alt6re et ~ la 24eh la patiente devient anurique. Une h6modialyse est alors d6but6e. L'6volution s'oriente cependant vers la stabilisation puis l'am61ioration progressive. Le remplissage vasculaire pcut 6tre interrompu au bout de 72 h. La corticoth6rapie est arr6t6e progressivement h partir de la deuxi6me semaine. Le bilan h6patique est normalis6 lors de la 3~ semaine, tandis que parall~lement la diur6se repren d. La patiente sort du service le 24Cjour. Le bilan h6patique et r6nal r6alis6 ~ distance (deuxi~me mois) est strictement normal.

DISCUSSION

La survenue brutale d'une douleur de l'hypocond r e d r o i t s u i v i e d ' u n e h y p o v o l 6 m i e et d ' u n e a s c i t e o r i e n t e le d i a g n o s t i c v e r s u n e p a t h o l o g i e h 6 p a t i que. Les anomalies biologiques observ6es (cytolyse massive avec insuffisance h6patocellulaire et cholestase m o d 6 r 6 e ) 6 v o q u e n t u n e i s c h 6 m i e h 6 p a t i q u e . L'h6patom6galie retrouv6e n'est pas en faveur d'une thrombose porte. Les examens morphologiq u e s r6alis6s o n t p e r m i s p a r a i l l e u r s d ' 6 1 i m i n e r a v e c c e r t i t u d e le s y n d r o m e d e B u d d - C h i a r i e n p r o u v a n t la p e r m 6 a b i l i t 6 d e s g r o s t r o n c s v e i n e u x s u s h 6 p a t i q u e s . I1 est d o n c licite d e p o s e r d a n s ce cas le d i a g n o s t i c d e m a l a d i e v e i n o o c c l u s i v e . L ' e n q u ~ t e 6 t i o l o g i q u e r 6 a l i s 6 e sur la p a t i e n t e n ' a p a s t r o u v 6 d ' a u t r e a n t 6 c 6 d e n t q u e le m 6 1 a n o m e trait6 en monoth6rapie p a r le D T I C . O n p e u t d o n c s u s p e c t e r ce m 6 d i c a m e n t d a n s la g e n 6 s e d e cette complication. L e d i a g n o s t i c de m a l a d i e v e i n o o c c l u s i v e d u f o i e est e n fait u n d i a g n o s t i c d ' e x c l u s i o n . L a d i f f i c u l t 6 e n g 6 n 6 r a l n ' e s t p a s d ' 6 c a r t e r u n f o i e d e c h o c ni une thrombose porte aigu6 (absence d'h6patom6galie, 6chographie, art6riographie) mais bien de d i f f 6 r e n c i e r la m a l a d i e v e i n o o c c l u s i v e d ' u n s y n d r o m e d e B u d d - C h i a r i aigu. C h e z ces p a t i e n t s

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B. LEROY ET COLL.

instables, I'IRM ne permet pas toujours, comme dans notre observation, de trancher formellement ; seule la phl6bographie des veines sush6patiques permet de confirmer formellement la libert6 des gros troncs veineux sush6patiques. Le tableau clinique pr6sent6 par la patiente est superposable aux observations publi6es. Le d6but peut ~tre brutal (comme dans notre 6tude) ou g6n6ralement plus progressif. Le choc observ6 est de type hypovol6mique. I1 est cons6cutif ~ un ph6nom6ne de s6questration aigu6 dans le territoire splanchnique avec exsudation massive. L'6volution jusqu'~ pr6sent est presque toujours mortelle dans un d61ai de quelques heures h quelques jours, du fait de la p6rennisation du choc ou de la survenue de complications retard6es, en particulier infectieuses. Nous avons institu6 une corticoth6rapie car le m6canisme sous-jacent de la thrombose intrah6patique est peut-~tre immunoallergique [6]. En effet : --les accidents d6crits dans la litt6rature surviennent g6n6ralement au d6but de la deuxi6me cure ; - - i l existe fr6quemment, comme dans notre observation, une 6osinophilie sanguine p6riph6rique [3, 7] ; - - l e s 6tudes histologiques r6alis6es chez des patients d6c6d6s pr6cocement mettent souvent en 6vidence outre la n6crose h6patique, une importante infiltration des veines intrah6patiques par des 6osinophiles [5, 8]. La fr6quence exacte de cette complication n'est pas connue mais parait tr6s faible, si I'on se fonde sur le nombre de publications parues depuis 1979. Cependant, le type de patient g6n6ralement trait6 et la mauvaise connaissance de ce probl6me peuvent conduire ~ une sous-estimation de la fr6quence r6elle d'un tel accident. Dans une 6tude randomis6e r6alis6e en 1988, CECl et coll. ont observ6 deux accidents fatals pour 68 patients trait6s [2].

CONCLUSION

La maladie veinoocclusive du foie est une cause de choc hypovol6mique a connaitre. Pour en am6liorer le pronostic, il convient de corriger pr6cocement et 6nergiquement le choc. Lorsque le m6canisme sous-jacent est immunoallergique, comme dans la MVO au DTIC, nous proposons d'adjoindre pr6cocement, une corticoth6rapie. Le b6n6fice r6el de celle-ci reste cependant h 6tre prouv6 par des 6tudes compl6mentaires.

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ABSTRACT: A case is reported of severe hypovolaemic shock occurring in a 53-year-old female patient undergoing a second course of chemotherapy with intravenous DTIC for a malignant melanoma. A few hours after the injection of DTIC, she became shocked, with loss of peripheral pulses, polypnoea and cutaneous vasoconstriction. She also had pain and guarding of the right hypocondrium. She was given 4 litres of colloids within 2 hours, together with 10 v~g " kg -1 " min-1 dopamine. Abdominal echography showed hepatomegaly, with a permeable portal vein. However biological investigations revealed lactic acidosis with hepatic cytolysis and hepatic failure. Nuclear magnetic resonance imaging displayed a reduced portal venous flow, with abnormally small hepatic veins. Fluid replacement was continued, together with administration of small doses of heparin (1 mg • kg l day 1) and hydrocortisone hemisuccinate 5 m g . kg -1- day 1. The status of patient worsened over the next few hours, because of the development of a very large volume of exudativc ascites and bilateral pleural effusions. Despite continuing fluid replacement (9 1), she became anuric at the 24 th hour, requiring haemodialysis. However, her condition became stable, and then slowly improved. Fluid replacement was stopped after 72 h, steroids after a fortnight. Liver function tests returned to normal after the third week, together with diuresis. The patient was able to leave the ICU after 24 days. Physicians should be aware of this rare, often fatal side-effect, probably of immuno-allergic origin. .