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Martial Delairea, Jürgen Försterb
Modalités d’utilisation des résistances élastiques progressives Modalities for the use of progressive elastic resistance Pratiquement, « c’est si simple qu’on croirait pouvoir utiliser les bandes spontanément ». Leur emploi ne s’improvise cependant pas mais répond à une procédure qu’il est préférable de connaître. Voici un petit mode d’emploi enrichi de recommandations et illustré de quelques exemples.
MOTS-CLÉS
KEYWORDS
Actif – Éducation thérapeutique – Proprioception – Renforcement musculaire – Résistance élastique progressive
Active – Therapeutic education – Proprioception – Muscle strengthening – Progressive elastic resistance © 2009. Elsevier Masson SAS. All rights reserved
© 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Introduction
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La force produite par la résistance élastique est mesurable. L’objectivation d’une situation initiale et l’évolution d’un traitement en termes d’objectifs sont possibles ! L’utilisation des REP (résistances élastiques progressives) rend « acteur » le patient durant la séance de masso-kinésithérapie et permet la prescription d’un programme de rééducation reproductible par le patient seul. Les objectifs poursuivis sont : – le renforcement musculaire par sollicitation spécifique imposée par le type de travail ; – la coordination, le mouvement actif facilité par la proprioception ; – la reproduction du geste fonctionnel. L’efficacité de la technique dépendant toutefois d’une utilisation rationnelle des REP, une éducation thérapeutique s’impose. Une présentation théorique et pratique de la a. Directeur IFMK Saint Michel, 4, technique devrait prendre rue Jules Vallès, place dans le programme 42030 Saint-Étienne cedex 02, France des études de nos futurs E-mail : saint.michel. collègues, rejoignant ainsi
[email protected] l’exemple des physiothéb. Physiotherapeutischer rapeutes des pays angloSchulleiter saxons et germaniques.
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Institution of Physiotherapy, University Hospital Aachen (UKA), Medical Faculty Technical University (RWTH), Pauwelsstr. 30, D - 52074 Aachen, Germany
[email protected] Article commandé le : 11/02/2009 Article reçu le : 22/02/2009 Article relu le : 1er relecteur : 23/06/2009 2e relecteur : 24/06/2009 3e relecteur : 29/06/2009 Article accepté le : 29/06/2009
Matériel : bandes ou tubes (figure 1) Le choix est personnel ou dépend de l’exercice à réaliser. Les propriétés mécaniques des bandes et des tubes sont similaires. La force produite est identique. La bande est un pro-
Figure 1. Tube et poignées.
duit naturel en latex pur ; pour les personnes allergiques il existe des bandes sans latex. Recommandations Choisir une couleur de bande correspondant aux capacités du patient et à l’effet recherché (mouvement aidé, contrarié). Vérifier l’intégrité du matériel avant chaque utilisation. Talquer régulièrement le matériel : 5 000 répétitions sont possibles [1].
Méthodologie
Régler la longueur de la bande (figure 2) En position de départ, créer un allongement de la bande de 50 %. La mise en tension préalable à l’installation de la bande entraîne un recrutement des muscles cibles tout au long de l’exercice, ceci jusqu’au retour à la posi-
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tion de départ. Sur l’exemple présenté sur la figure 2, la longueur de la bande (LA) correspond à la longueur du membre inférieur. À 90° d’élévation, l’allongement est de 100 %. Quand la main est au zénith, l’allongement est de 200 %. Recommandation Travailler entre 50 % et 250 % (exclusivement entre 30 % et 300 %) d’allongement pour obtenir une augmentation linéaire de l’intensité de la résistance.
Positionner le point d’ancrage (figure 3) Le point d’ancrage est déterminé en fonction du secteur angulaire à travailler ; il se situe dans le plan du mouvement. L’axe de rotation autour duquel le mouvement s’effectue est ainsi aligné avec le point d’ancrage, évitant les conflits ou dérangements articulaires. Recommandations Assurer et vérifier le point d’ancrage. Si le point d’ancrage est positionné sur le patient lui-même, les avantages sont : – un recrutement en chaîne musculaire [2] ; – une installation plus pratique de la bande ; – une reproductibilité de l’exercice sans élément extrinsèque.
Figure 3. Point d’encrage.
Déterminer les prises
Figure 2. Longueur de la bande.
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Figure 4. Prise au niveau des métacarpiens.
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Au membre supérieur, plusieurs possibilités existent : – enrouler l’ensemble des têtes métacarpiennes des 4 doigts dits « longs » (figures 4 et 6) ou des 5 rayons en conservant l’ouverture de la première commissure (figure 5). Les avantages sont nombreux et variés, citons par exemple : le travail en ouverture de la main, en
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extension des doigts, une prise possible en cas de lésion des racines C8-T1, ne pas aggraver une déformation type coup de vent cubital (figure 7). – utiliser des poignées (figure 1) ;
– la prise digito-palmaire est préférée s’il est indispensable de renforcer les fléchisseurs des doigts, dans le cadre du béquillage par exemple. Au membre inférieur soit : – enrouler l’ensemble des métatarsiens (figure 8) ; – réaliser un « huit » autour de la cheville stabilise davantage l’amarrage de la bande mais limite le recrutement des fléchisseurs plantaires (figure 9). Recommandations Comme pour le point d’ancrage, assurer et vérifier les prises. Les prises distales intègrent l’ensemble du membre lors du mouvement et reproduisent la fonction première des membres : préhension pour la main et marche pour le pied. Le bras de levier est alors plus important. Modifier la prise en cas de lésion pour ne pas interposer une zone lésionnelle entre la prise et l’axe de rotation autour duquel s’effectue le mouvement. Attention : les ongles longs, les bijoux et les objets métalliques ou le fait de passer la bande sous la semelle de la chaussure risquent d’altérer l’intégrité de la bande.
Figure 5. Prise prenant le pouce.
Figure 8. Prise au niveau des métatarsiens.
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Figure 6. Prise correcte.
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Figure 7. Prise déformante.
Figure 9. Prise à la cheville.
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Figure 11a. Position de départ.
Figure 11b. Position d’arrivée.
Exemples
Vérifier l’exécution Les exercices proposés ne sont pas exhaustifs. Le choix s’est déterminé en fonction des champs d’applications les plus fréquemment utilisés avec les REP. La position de départ doit être « hyper » -corrigée ; les exercices sont conduits chronologiquement sur les modes concentrique, isométrique puis excentrique. Le retour à la position de départ se fait en excentrique à une vitesse adaptée permettant d’éviter de profiter du rappel élastique. Le recrutement musculaire est automatiquement associé à une régulation via le système proprioceptif. Déterminer au préalable le plan, l’amplitude et la vitesse d’exécution du mouvement, le nombre de répétitions et les temps de repos. Ne pas tolérer les compensations. Être progressif et choisir une longueur et une couleur de bande adaptées.
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Renforcement musculaire analytique ou en chaîne musculaire pour l’épaule Renforcement musculaire des rotateurs latéraux d’épaule selon les 3 modes de contraction. Possibilité d’adapter des exercices pliométriques [3] : – en analytique et en course interne (figure 10), déterminer le secteur angulaire de travail des muscles, sachant que la résistance opposée sera maximale quand le moment de force sera maximal ; – en chaîne de facilitation neuro-musculaire dite diagonospiralée [4] (figures 11 a et b).
Travail du moyen fessier de l’analytique au fonctionnel En décubitus latéral (figure 12) dans son rôle d’abduction de hanche ; remarque : le moyen fessier homolatéral réalise quant à lui une contraction isométrique en empêchant le rappel vers l’adduction provoqué par la bande. En décubitus dorsal (figure 13) suivant le même protocole : positionner le membre inférieur contre pesanteur n’est plus nécessaire pour que le muscle cible travaille à une cotation supérieure à 3 au testing international en isométrique ou en dynamique concentrique puis excentrique.
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Figure 10. Renforcement des rotateurs latéraux d’épaule en course interne.
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Figure 14a. Position de départ & d’arrivée.
Figure 12. Travail du moyen fessier contre pesanteur.
Figure 14b.Travail du moyen fessier en décubitus dorsal.
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Figure 13. Travail du moyen fessier en décubitus dorsal.
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Dans le cas d’un patient présentant une amputation, ici le moyen fessier est côté à 3+ au testing international du côté prothétique (figure 14), le travail isométrique (intermittent si nécessaire) du muscle cible est associé à un travail en chaîne d’extension par l’installation de la bande sous la semelle, luttant ainsi contre le flessum de hanche. L’abduction du côté dit « sain » lors de la contraction dynamique concentrique puis excentrique faisant varier la résistance appliquée. En position debout et en unipodal (figure 15) : travail du moyen fessier en charge dans son rôle de stabilisateur du bassin dans le plan frontal et renforcement en dynamique du côté controlatéral. Reprenons la situation précédente, le pas postérieur favorise l’extension de hanche (figure 16). La mise en tension de la bande provoquée par le kiné déplace le centre de gravité du côté appareillé, déplacement contre lequel le patient lutte pour maintenir l’équilibre. La bande est positionnée autour de la taille du thérapeute et celle du patient de manière à libérer les mains, permettant de parer aux éventuelles chutes.
Figure 15. Travail du moyen fessier en position debout.
Le travail de l’équilibre peut s’accentuer par des exercices dynamiques (figures 17 et 18), exercices non reproduits chez le patient amputé, l’évaluation musculaire actuelle du moyen fessier ne l’autorisant pas. La bande positionnée au niveau du massif musculaire des fessiers favorise une stimulation extéroceptive. Les objectifs sont multiples : stimuler la vigilance proprioceptive, les réactions d’équilibration et parachutes. La bande positionnée au
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Figure 16. Travail des stabilisateurs de hanche dans le plan frontal.
Figure 18. Bande positionnée en distal.
niveau des chevilles a pour effet d’augmenter l’amplitude d’extension de hanche et par la même occasion celle du pas postérieur.
recrute l’organisation musculaire anti-gravifique du membre inférieur, évite le tiroir antérieur, par la même occasion protège le ligament croisé antérieur (LCA) ou sa plastie [6]. Mouvement passif, un exemple la flexion du poignet et des doigts (figure 22) : Placer la bande face dorsale du poignet et des doigts entraînant les articulations concernées en flexion sans participation des fléchisseurs. La contraction des muscles extenseurs antagonistes entraîne le mouvement contre résistance de la bande. L’élastique permet le retour à la position de départ sans aucune sollicitation des muscles fléchisseurs. Intérêts en cas de lésion des muscles fléchisseurs : mise en tension des muscles sains et entretien de la force musculaire.
Travail du quadriceps en chaîne musculaire Le choix du type de travail tient compte de la pathologie présente et de l’objectif recherché. La chaîne série dite « de vitesse » (figure 19) : La bande positionnée sur le premier métatarsien cible préférentiellement le tibial antérieur et le vaste médial, le recentrage de la patella et verrouillage du genou en extension. Le montage entraîne également un travail de stabilité dans les trois plans de l’espace du membre inférieur en appui. Reproduction de l’exercice à finalité fonctionnelle : la frappe de l’intérieur du pied chez le footballeur (figure 20). La chaîne parallèle dite « de force » (figure 21) : Le montage réalisé entraîne un rappel vers la triple flexion,
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Conclusion Les avantages qu’offre l’utilisation des REP sont multiples : un côté pratique, ludique, simple, conception d’exercices
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Figure 17. Travail de l’équilibre dynamique lors du passage du pas.
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Figure 21. Chaîne parallèle - de force.
Figure 20. Geste fonctionnel.
Figure 22. Mouvement aidé.
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Figure 19. Chaîne série - de vitesse.
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d’une bande à résistance élastique. Il conviendra dans un second temps de reproduire l’exercice sans la bande en s’assurant que la contraction et le recrutement musculaire s’effectuent dans les mêmes conditions. ■ RÉFÉRENCES 1. Page P, Todd S, Ellenbecker T. The scientific and clinical application of elastic resistance, Human Kinetics: Champaign, IL, 2003. 2.
Busquet L. Les chaînes musculaires. Tome 1, Tronc, colonne cervicale et membres supérieurs, Frison-Roche, 5e édition.
3.
Chu D, Plummer L. The Language of plyometrics. NSCA J. 1984: 6-30.
4.
Knott M, Voss D. Facilitation neuro-musculaire proprioceptive, Maloine, 1977 : 51-3. 238 p.
5.
Bislop H, Montgomery J. Le Bilan Musculaire de Daniels & Worthingham, Masson, 2006 : 198-9. 470 p.
6.
Delaire M. Le genou et l’élastique : une solution pour reproduire la chaîne cinétique fermée. Kinésither Rev 2009;87:13-5.
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aisée, coût financier peu élevé, pas de problème de transport, ni de stockage. Le matériel demeure néanmoins fragile et cassable en cas de non-respect des consignes d’utilisation. Facilement transportable de la chambre stérile en secteur d’isolement septique (nécessité d’une stérilisation à sec de la bande) au domicile du patient, permettant ainsi la répétition des exercices par le patient seul dans un but d’autonomisation. Les exercices à l’élastique sont indépendants de la position de travail du sujet et de l’action de la pesanteur. Utilisés judicieusement, les REP s’intègrent dans un programme de rééducation. Les exercices fonctionnels sont privilégiés, le comportement de la bande se rapprochant de la physiologie du mouvement humain. Les principes lors de la stratégie de prise en charge rééducative sont : sélection et progression des exercices. Dans le cadre d’une éducation thérapeutique, les stratégies d’apprentissage du geste sont facilitées par l’utilisation
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