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Revue du Rhumatisme 75 (2008) 280–288
Article original
Modélisation de l’impact de santé publique d’une meilleure persistance au traitement de l’ostéoporose post-ménopausique en France夽 A model of the public health impact of improved treatment persistence in post-menopausal osteoporosis in France Franc¸ois-Emery Cotté a,∗ , Bernard Cortet b , Antoine Lafuma c , Bernard Avouac d , Abdelkader El Hasnaoui a , Patrice Fardellone e , Denis Pouchain f , Christian Roux g , Anne-Franc¸oise Gaudin a a Études, économie de la santé, GlaxoSmithKline, 100, route-de-Versailles, 78160 Marly-le-Roi, France Service de rhumatologie, CHU de Lille, hôpital Roger-Salengro, 1, rue du Pr-Émile-Laine, 59037 Lille, France c CEMKA-EVAL, 43, boulevard Marechal-Joffre, 92340 Bourg-la-Reine, France d Service de rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France e Service de rhumatologie, hôpital universitaire d’Amiens, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France f Département de médecine générale, UFR de Créteil, 8, rue du Général-Sarrail, 94010 Créteil, France g Service de rhumatologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France b
Accepté le 28 juin 2007 Disponible sur Internet le 29 octobre 2007
Résumé Le traitement de l’ostéoporose par les bisphosphonates peut conduire à une réduction importante des taux de fractures. Toutefois, l’efficacité des bisphosphonates est limitée par la mauvaise persistance des patientes à poursuivre leur traitement. L’introduction de formes à administration hebdomadaire a été associée à une meilleure observance du traitement. Objectifs. – Cette étude de modélisation a été conc¸ue pour estimer le gain en matière de persistance associé à un traitement mensuel et son impact sur les taux de fractures. Méthodes. – Les taux de traitement de l’ostéoporose et les taux de persistance à ces traitements ont été obtenus à partir de données sur les prises hebdomadaires et quotidiennes de bisphosphonates extraites d’un panel de médecins généralistes franc¸ais et pour la prise mensuelle de bisphosphonates à partir d’une base de données des filières de soins intégrés aux États-Unis (managed care). Les analyses de survie ont été utilisées pour évaluer la persistance. Les taux de fractures, d’hospitalisations et de surmortalité ont été appliqués en se basant sur des données issues d’essais cliniques et de données épidémiologiques. Résultats. – En utilisant un schéma thérapeutique à prise mensuelle, la réduction du risque de fractures vertébrales et non vertébrales, comparée à des sujets non traités, a été estimée à 21,2 et 9,5 % respectivement. La réduction du risque d’hospitalisation a été estimée à 17 % et la réduction de la mortalité à 18,1 %. Ces réductions sont environ 60 % plus importantes que les estimations faites avec une prise quotidienne de bisphosphonates et 25 % plus élevées qu’avec un traitement hebdomadaire. Conclusion. – Ce modèle soutient la notion qu’une meilleure persistance au traitement notamment associée à une prise mensuelle des bisphosphonates pourrait avoir un impact significatif sur le taux des fractures ostéoporotiques, ainsi que sur les hospitalisations et la surmortalité qui en découlent. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Ostéoporose ; Risque de fracture ; Ibandronate ; Mortalité ; Étude de modélisation Keywords: Osteoporosis; Fracture risk; Ibandronate; Mortality; Modelling study
夽 ∗
Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine. Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F.-E. Cotté).
1169-8330/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2007.06.009
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1. Introduction L’ostéoporose est une pathologie courante chez les personnes âgées avec un impact sur la santé publique en augmentation étant donné le haut risque de fracture dans cette population. Les conséquences des fractures ostéoporotiques sur la santé publique sont importantes, en raison principalement des taux élevés d’hospitalisation et de la surmortalité associée [1–6]. L’incidence des fractures de la hanche a augmenté régulièrement tout au long du xxe siècle, mais de récentes études épidémiologiques [7–9] suggèrent que ces taux d’incidence se sont stabilisés, voire qu’ils sont en déclin. Cela reflète peut-être, du moins en partie, l’impact de l’apparition de nouvelles stratégies thérapeutiques pour l’ostéoporose visant précisément à réduire le risque de fractures [8]. L’ostéoporose peut être traitée par des médicaments qui favorisent la consolidation osseuse, tout particulièrement les bisphosphonates. Cette classe thérapeutique comprend l’étidronate, l’alendronate, le risédronate et l’ibandronate, tous disponibles en Europe. Les bisphosphonates sont efficaces pour augmenter la densité minérale osseuse ainsi que dans la prévention des fractures vertébrales et non vertébrales [10], bien que ces dernières aient moins fait l’objet d’études de phase III de grande ampleur. Les bisphosphonates paraissent moins efficaces dans la prévention des fractures de la hanche que dans celle des fractures vertébrales [10]. Toutefois, tous les essais cliniques randomisés menés avec l’alendronate [11] et le risédronate [12] ont montré leur efficacité, tout particulièrement chez les femmes ayant un risque accru de fracture de la hanche lié à une densité osseuse faible au niveau du fémur. Dans le cas de l’ibandronate, l’efficacité n’a été évaluée et démontrée que dans un sous-groupe de patientes à risque élevé (score T < −3SD) [13]. L’efficacité à long terme des bisphosphonates se trouve pourtant compromise par une mauvaise adhésion au traitement [14]. Ainsi, plusieurs études observationnelles ont montré que le niveau de persistance au traitement était un déterminant majeur de l’efficacité [15–17]. Cela a conduit au développement de formules à prise hebdomadaire et plus récemment mensuelle afin d’anticiper une meilleure adhésion des patientes. L’introduction des bisphosphonates hebdomadaires a effectivement été associée à une amélioration de l’observance et une meilleure persistance au traitement [18]. L’introduction d’une forme à prise mensuelle pourrait également améliorer la persistance des patientes ostéoporotiques de fac¸on à augmenter leur exposition thérapeutique et ainsi à réduire l’incidence des fractures. Cette hypothèse semble avoir été démontrée par l’analyse récente de deux bases de données américaines [19]. Bien qu’une étude dite de préférence ait suggéré qu’un traitement mensuel par bisphosphonates était associé à une meilleure acceptation des patientes comparé au traitement hebdomadaire [20], aucune étude comparative directe n’a en revanche été menée pour évaluer l’efficacité relative de ces deux modes de traitement. Pour cette raison, nous avons entrepris une modélisation afin de comparer l’impact de santé publique des différents bisphosphonates (prise mensuelle, hebdomadaire et quotidienne) à l’absence de traitement. L’objectif de l’étude a été de déterminer le nombre de fractures, d’hospitalisations
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et décès prématurés chez les sujets atteints d’ostéoporose dans la population générale franc¸aise et de comparer les résultats entre les trois rythmes d’administration et l’absence de traitement. 2. Méthodes 2.1. Description globale du modèle Le modèle a simulé pendant la même durée l’emploi de schémas thérapeutiques différents sur une cohorte nationale de femmes âgées de plus de 50 ans et atteintes d’ostéoporose. L’hypothèse était que la persistance au traitement dans la population traitée était différente selon le rythme d’administration et que cette différence restait constante avec le temps. Dans ce modèle, quatre stratégies thérapeutiques ont été comparés : absence de traitement, traitement par biphosphonate avec une prise quotidienne, traitement avec une prise hebdomadaire et traitement avec une prise mensuelle. Le modèle a évalué les résultats sur une période de cinq ans considérée comme étant la durée optimale pour un traitement par les bisphosphonates [21]. Les résultats du modèle prennent en compte le nombre de fractures vertébrales et non vertébrales (fractures de la hanche et du poignet), de même que les hospitalisations et les décès prématurés liés à ces fractures. Les autres types de fractures ostéoporotiques ne sont pas considérés dans ce modèle étant donné le manque de données sur leur prévalence dans la population générale et sur l’impact des bisphosphonates sur leur incidence. Les variables entrées dans le modèle prennent en compte les caractéristiques démographiques de la population cible, les facteurs de risque de cette population cible, l’efficacité des traitements et les taux de persistance associés à ces traitements. La persistance est définie au niveau individuel comme la durée de traitement entre la date de première prescription et celle de la fin théorique de la dernière prescription. Pour une cohorte de patients en instauration de traitement, la persistance est représentée par une courbe de survie qui décrit la proportion d’individu toujours sous traitement à un temps donné de l’observation. Cette modélisation est conforme aux directives des autorités franc¸aises chargées de l’application des lé gislations concernant les études dans le domaine de la santé publique. 2.2. Définition des populations de l’étude Le modèle a considéré toutes les femmes ayant une ostéoporose densitométrique en France. Le point de départ était la population totale de femmes âgées de plus de 50 ans, issue du dernier recensement (2004) de l’Insee. Les taux de prévalence de l’ostéoporose diagnostiquée en France ont été obtenus à partir de la base de données Thalès (données non publiées). Celle-ci est constituée d’un panel national représentatif composé de 1200 médecins généralistes qui alimentent régulièrement de toutes leurs données patients une base de données informatisée.
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2.3. Estimation de la persistance au traitement La proportion des femmes traitées en fonction du temps a été estimée pour chaque schéma thérapeutique considéré. Les données de persistance au traitement avec la prise quotidienne ou hebdomadaire des bisphosphonates en France ont été obtenues à partir de la base de données Thalès [18]. Partant de ces données, la persistance au traitement a été calculée pour chaque patiente. Celle-ci était définie comme la durée entre la date de la prescription initiale la date de fin de la dernière prescription enregistrée dans la base de données avec une tolérance de 30 jours. Aucune autre donnée pertinente n’était disponible afin de réaliser un ajustement. Pour chaque groupe, une courbe actuarielle de persistance au traitement a été réalisée selon la méthode de Kaplan-Meier simplifiée. Pour le traitement mensuel, nous avons utilisé la même différence relative de persistance avec le traitement hebdomadaire que celle observée à partir de deux bases de données américaines utilisant la même méthodologie [19]. Des augmentations de la persistance de 27,2 % [intervalles de confiance à 95 % : 14,1–38,3 %] (base de données HealthCore) et de 21,7 % [12,7–29,8 %] (base de données Innovus) avec la prise mensuelle ont été rapportées. Dans notre étude de modélisation, le chiffre le plus faible a été utilisé dans le scénario de base (base case scenario). Nous avons présumé que les taux de persistance relatifs des deux schémas thérapeutiques observés à six mois resteraient constants au cours de la modélisation de deux ans. 2.4. Extrapolation du modèle à cinq ans
fractures de la hanche et de 16,3 % du taux de fractures du poignet comparée à des patientes non traitées [28]. En l’absence de comparaisons directes entre chaque molécule une hypothèse conservatrice a présumé que les différents traitements par bisphosphonates étaient équivalents au plan thérapeutique. Ces valeurs ont été appliquées à la population cible du modèle final sur cinq ans. L’effet des traitements sur l’incidence fracturaire a été calculé différemment selon sa durée. En effet, six mois est la durée la plus courte au cours de laquelle le traitement par bisphosphonates a montré une réduction significative du taux de fractures [29]. Pour cette raison, l’efficacité a été considérée comme nulle pendant les six premiers mois et aucune réduction des taux de fractures n’y était appliqué. Pour les sujets qui arrêtaient leur traitement entre six mois et cinq ans, le niveau d’efficacité était estimé au prorata de la durée réelle de leur traitement. L’efficacité ainsi calculée pour chaque sujet était combinée pour fournir une mesure globale et pondérée de l’efficacité de chaque régime thérapeutique. Ce taux d’efficacité globale pondéré pouvait être utilisé pour déterminer le nombre de fractures évitées par la prise des bisphosphonates à l’aide de l’équation ci-dessous, où ENF représente le nombre prédit de fractures en l’absence de traitement, OWER le taux d’efficacité global pondéré et FSE l’efficacité spécifique au type de fracture (47,4 % pour les fractures vertébrales et 32,8 et 16,3 % pour les fractures de la hanche et du poignet) : Fractures évitées = ENF − (ENF × 100(OWER × FSE))
Les taux de fractures dans la population cible ont été calculés à l’aide des données sur l’incidence des fractures ostéoporotiques par groupes d’âge dans la population générale féminine [22,23] et des estimations de prévalences de l’ostéoporose diagnostiqués obtenues antérieurement. Pour un contrôle de qualité, les taux obtenus ont été comparés à ceux observés dans des essais cliniques randomisés portant sur la prévention des fractures chez les femmes atteintes d’ostéoporose [12,24–27].
Les taux de fractures obtenus pour chaque régime thérapeutiques étaient ensuite utilisés pour calculer les taux d’hospitalisation et de mortalité. Pour l’hospitalisation, il était présumé que 100 % des sujets ayant une fracture de la hanche étaient hospitalisés. Le taux d’hospitalisation pour les fractures vertébrales (10 %) était basé sur celui rapportés par Ross et al. [30]. Il était admis que les fractures du poignet étaient généralement traitées en externe ne nécessitaient pas d’hospitalisations prolongées. Un taux de surmortalité pour les fractures de la hanche de 24 % (ajusté sur le taux de mortalité par âge en population générale) a été appliqué, selon une récente étude longitudinale menée en Espagne [31]. Pour les fractures vertébrales, une étude menée sur la population générale aux États-Unis a rapporté que la présence d’une fracture vertébrale symptomatique augmentait le risque de décès de 15 % par an [1]. Puisque seulement 30 % des fractures vertébrales déterminées par l’examen radiologique sont symptomatiques [27], un taux de mortalité de 4,5 % correspondant à 15 % × 0,3 a été appliqué dans le modèle. Conformément aux données épidémiologiques à disposition, aucun excès de mortalité n’a été attribué aux fractures du poignet.
2.6. Détermination des résultats
2.7. Analyse de sensibilité
Afin de modéliser l’efficacité des bisphosphonates sur le risque fracturaire, les résultats publiés provenant d’essais cliniques ont été appliqués. Ils correspondaient à une réduction de 47,4 % du taux de fractures vertébrales, de 32,8 % du taux de
Deux analyses de sensibilité ont été conduites pour évaluer la robustesse du « modèle de base » et pour identifier les facteurs qui peuvent influencer l’impact de santé publique du traitement par les bisphosphonates sur la santé publique.
Les courbes actuarielles de la persistance au traitement définies précédemment ont été extrapolées sur toute la durée du modèle (cinq ans) par régression mathématique pour produire les courbes de tendance du logiciel Excel. Les équations de régression les mieux ajustées étaient comme suit : • traitement quotidien : TPR = 1,11864 × durée−0,4082 • traitement hebdomadaire : TPR = 1,1042 × durée−0,3117 • traitement mensuel : TPR = 1,2144 × durée−0,2731 2.5. Estimation des taux de fractures
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2.7.1. Scénario 1 La durée minimale de traitement requise pour observer l’efficacité des bisphosphonates sur les taux de fractures passe de six mois à un an. 2.7.2. Scénario 2 Les limites de l’intervalle de confiance à 95 % du modèle à risques proportionnels de Cox sont utilisées comme gains de persistance du traitement mensuel par rapport au traitement hebdomadaire par bisphosphonates. 3. Résultats 3.1. Définition des populations de l’étude Selon les statistiques démographiques nationales les plus récentes, le nombre de femmes âgées de plus de 50 ans en France était de 10 004 625. En rapportant à cette population les prévalences par âge de l’ostéoporose diagnostiquée identifiées dans le registre Thalès en médecine générale, le nombre final de 1 129 392 femmes atteintes d’une ostéoporose diagnostiquée a été obtenu (Tableau 1). Les taux fracturaires dans la population cible de femmes âgées de plus de 50 ans avec une ostéoporose diagnostiquée ont été établis à partir des données du Tableau 1 et des taux fracturaires par groupe d’âge dans la population générale issus de l’étude EPOS [22,23]. L’incidence annuelle par groupe d’âge pour les trois types de fractures envisagés dans le modèle est présentée dans la Fig. 1. Ces estimations ont été comparées avec les taux annuels d’incidence rapportés dans les études de référence prédéfinies. Pour les fractures vertébrales, les taux étaient comparables à ceux rapportés par Black et al. [24] (5 % pour une moyenne d’âge de 71 ans) et par Harris et al. [25] (5,4 % pour une moyenne d’âge de 68 ans) mais plus faibles que ceux rapportés par Reginster et al. [27] (9,6 % pour une moyenne d’âge de 72 ans). Les taux de Tableau 1 Estimation de la population de femmes âgées de plus de 50 ans avec une ostéoporose diagnostiquée en France et par groupe d’âge Groupe d’âge
Population totale de femmesa
50–54 55–59 60–64 65–69 70–74 75–79 80–84 > 85
1 732 851 1 358 221 1 450 042 1 495 177 1 382 475 1 070 504 652 179 863 176
Total
10 004 625
a
% atteintes de femmes avec une d’ostéoporose diagnostiquéeb 2,8 8,2 9,2 12,0 16,2 20,2 14,3d
Nombre de femmes avec une ostéoporose diagnostiquéec 48 384 111 072 133 536 179 616 223 536 215 856 93 561d 123 831d 1 129 392
Données de l’Insee (2004). Registre de médecine générale Thalès. c Calculé à partir des deux colonnes précédentes. d La base de données Thalès ne donne qu’une classe pour les sujets de plus de 80 ans ; pour les deux dernières catégories d’âge du modèle, il a été considéré la même distribution que dans la population totale de femmes (deuxième colonne). b
Fig. 1. Taux annuels estimés par groupe d’âge de fractures en France chez les femmes âgées de plus de 50 ans ayant une ostéoporose. En haut : fractures vertébrales ; au centre : fractures de la hanche ; en bas : fractures du poignet. Dans chaque encadré, la courbe du haut représente le taux d’incidence dans la population atteinte d’ostéoporose et la courbe la plus basse le taux d’incidence dans la population générale. Les losanges indiquent les taux d’incidence annuels observés dans des essais cliniques séparés : (A) : Reginster et al. [27] ; (B) : Harris et al. [25] ; (C) : Black et al. [24] ; (D) : Heaney et al. [26] ; (E) : McClung et al. [12].
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fractures de la hanche étaient cohérents avec ceux rapportés par McClung et al. [12] (1,07 % pour une moyenne d’âge de 74 ans et 1,70 % pour une moyenne d’âge de 83 ans) et plus faibles que ceux rapportés par Heaney et al. [26] (3,13 % pour une moyenne d’âge de 76 ans). Pour les fractures du poignet, une seule étude a fourni un taux d’incidence annuelle [27] ; la valeur rapportée (2,03 % pour une moyenne d’âge de 74 ans) est cohérente avec celle qui a été estimée dans le modèle. 3.2. Estimation de la persistance au traitement Les courbes actuarielles de la persistance au traitement dans les deux groupes sont présentées dans la Fig. 2. À partir du troisième mois et ensuite, à tous les contrôles ponctuels, la persistance était nettement plus élevée dans le groupe recevant le traitement hebdomadaire (p < 0,001 ; test logrank). La persistance au traitement à un an était de 43,6 % dans le groupe recevant le traitement quotidien et 50,5 % dans le groupe recevant le traitement hebdomadaire. Les chiffres à deux ans étaient respectivement 31,5 et 41,1 %. À partir des analyses des bases de données américaines sur le traitement mensuel, une augmentation incrémentale fixe de la persistance de 21,7 % a été appliquée entre six mois et deux ans aux valeurs du traitement hebdomadaire. La taille des populations encore sous traitement à six mois, un an et deux ans a pu être évaluée en combinant les taux de persistance obtenus avec le nombre de patientes initialement traitées (Tableau 2).
Fig. 2. Courbes actuarielles de persistance au traitement chez des patientes recevant des bisphosphonates quotidiens () ou hebdomadaires (). Les courbes de persistance étaient significativement différentes à trois mois (p = 0,0002) et aux points ponctuels suivants (p < 0,0001).
3.3. Extrapolation du modèle à cinq ans L’extrapolation à cinq ans des courbes de persistance observées à deux ans, a fourni des coefficients de corrélation supérieurs à 0,93 pour chacun des trois régimes d’administration. La liste des taux de la persistance au traitement estimés à trois, quatre et cinq ans, figure également dans le Tableau 2. La proportion des sujets encore sous traitement après cinq ans dans le groupe prenant le traitement mensuel représentait le double de celle des sujets prenant le traitement quotidien
Tableau 2 Nombre de sujets encore sous traitement avec les bisphosphonates à différents contrôles ponctuels lors de la prise quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle Prise quotidienne des bisphosphonates Traitées initialement* Encore sous traitement (observation) Six mois Un an Deux ans Encore sous traitement (extrapolation) Trois ans Quatre ans Cinq ans
Prise hebdomadaire des bisphosphonates
Prise mensuelle des bisphosphonates
1 129 392 (100,0 %)
1 129 392 (100,0 %)
1 129 392 (100,0 %)
711 414 (63,0 %) 492 334 (43,6 %) 355 281 (31,5 %)
761 349 (67,4 %) 570 271 (50,5 %) 463 671 (41,1 %)
926 562 (82,0 %) 694 020 (61,5 %)1 564 287 (50,0 %)1
310 308 (27,5 %) 275 926 (24,4 %) 251 904 (22,3 %)
408 125 (36,1 %) 373 121 (33,0 %) 348 051 (30,8 %)
515 443 (45,6 %) 476 496 (42,2 %) 448 325 (39,7 %)
Les données sont présentées en chiffres absolus et en pourcentage du nombre de femmes initialement traitées par la prise quotidienne de bisphosphonates. Le nombre de femmes traitées correspond à celui présenté dans le Tableau 1. Les données observées pour la prise mensuelle ne sont disponibles que pour six mois. Une augmentation incrémentale fixe a été appliquée pour obtenir les taux de persistance à un et deux ans. Tableau 3 Nombre d’événements (fractures, hospitalisations ou décès prématurés) sur une période de cinq ans selon le régime d’administration Evénement
Absence de traitement
Bisphosphonates quotidiens
Bisphosphonates hebdomadaires
Bisphosphonates mensuels
Fracture vertébrale Fracture de la hanche Fracture du poignet Hospitalisation Fracture vertébrale Fracture de la hanche Décès prématuré Fracture vertébrale Fracture de la hanche
320 883 52 667 109 515 84 755 32 088 52 667 27 080 14 440 12 640
275 010 48 284 104 667 75 785 27 501 48 284 23 963 12 375 11 588
266 173 46 552 103 313 73 169 26 617 46 552 23 150 11 978 11 173
252 842 45 048 101 771 70 333 25 284 45 048 22 190 11 378 10 812
Les données ont été calculées pour la population de 1 129 392 femmes âgées de plus de 50 ans ayant une ostéoporose diagnostiquée (déterminé dans le Tableau 1).
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et presque une fois et demi plus grande que la proportion de ceux prenant le traitement hebdomadaire. 3.4. Détermination des résultats En considérant les taux de persistance au traitement estimés pour le modèle, le taux global pondéré d’efficacité (OWER) pour les différents schémas thérapeutiques était 27 % pour le traitement quotidien, 34,1 % pour le traitement hebdomadaire et 42,4 % pour le traitement mensuel. Appliquer les taux d’efficacité spécifiques de chaque fracture, au nombre prédit de fractures chez les sujets non traités permet de calculer le nombre de fractures attendues dans chaque groupe traité (Tableau 3). L’extrapolation des taux de fracture à la totalité de la population féminine franc¸aise ostéoporotique de plus de 50 ans (diagnostiquée ou non) aboutirait au nombre total annuel de fractures des vertèbres, de la hanche et du poignet de 186 076, 38 708 et 54 375 respectivement. À partir de ces chiffres, le nombre d’événements évités par les différents régimes d’administration des bisphosphonates peut être calculé pour la population cible de 1 129 392 patientes ayant une ostéoporose diagnostiquée (Fig. 3). Avec un traitement mensuel, la réduction du risque de fractures vertébrales en ce qui concerne les sujets non traités est de 21,2 %. La réduction de risque correspondante pour les fractures non vertébrales (hanche et poignet) est de 9,5 %. Pour tous les types de fractures pris ensemble, la réduction du risque d’hospitalisation est de 17 % et la réduction de la mortalité de 18,1 %. Toutes ces réductions de risque sont environ 1,6 fois celles observées avec le traitement quotidien et 1,25 fois celles observées avec le traitement hebdomadaire. 3.5. Analyse de sensibilité 3.5.1. Scénario 1 Dans ce scénario, la durée minimale de traitement requise pour obtenir un effet est augmentée à un an. Cela aboutit à une réduction du taux d’efficacité global de 21,9 % pour le traitement quotidien, 28,5 % pour le traitement hebdomadaire et 35,6 % pour le traitement mensuel. Cela réduit le nombre absolu de fractures évitées mais le bénéfice relatif des différents schémas thérapeutiques est préservé (Tableau 4).
Fig. 3. Nombre d’événements évités avec les différents schémas thérapeutiques sur une période de cinq ans. En haut : fractures ; au centre : hospitalisations ; en bas : décès. Segments blancs : fractures de la hanche ; segments gris : fractures du poignet ; segments noirs : fractures vertébrales.
3.5.2. Scénario 2 Dans ce scénario, l’augmentation du taux de persistance associé aux traitements mensuels par rapport aux hebdomadaires utilisée, correspondait aux limites de l’intervalle de confiance observées dans la base de données américaines Innovus. Là encore, le bénéfice relatif des différents schémas thérapeutiques est préservé (Tableau 4). 4. Discussion Le modèle construit pour cette étude évalue sur cinq années l’impact potentiel sur la santé publique d’un traitement mensuel par bisphosphonates dans l’ostéoporose postménopausique. Cet impact comprend les fractures, les hospitalisations qui
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Tableau 4 Analyse de sensibilité de l’impact des traitements quotidiens, hebdomadaires et mensuels par bisphosphonates sur le taux de fractures Modèle
Référence Modèle de base (augmentation du taux de persistance : 21,7 %)
Scénario 1 un an de traitement nécessaire
Scénario 2 augmentation du taux de persistance : 12,7 %
Scénario 2 augmentation du taux de persistance : 29,8 %
Schéma thérapeutique
Aucun traitement Bisphosphonates quotidiens Bisphosphonates hebdomadaires Bisphosphonates mensuels Bisphosphonates quotidiens Bisphosphonates hebdomadaires Bisphosphonates mensuels Bisphosphonates quotidiens Bisphosphonates hebdomadaires Bisphosphonates mensuels Bisphosphonates quotidiens Bisphosphonates hebdomadaires Bisphosphonates mensuels
Réduction sur cinq ans du taux de fractures Vertébrales (%)
Poignet (%)
Hanche (%)
0 13,5 (43 319) 17,0 (54 710) 21,2 (68 041) 11,0 (35 214) 14,3 (45 743) 17,8 (57 129) 13,5 (43 319) 17,0 (54 710) 19,0 (61 084) 13,5 (43 319) 17,0 (54 710) 22,3 (71 613)
0 4,4 (4848) 5,7 (6203) 7,1 (7744) 3,6 (3896) 4,7 (5150) 5,9 (6379) 4,4 (4848) 5,7 (6203) 6,5 (7088) 4,4 (4848) 5,7 (6203) 7,6 (8283)
0 9,1 (4813) 11,6 (6114) 14,5 (7618) 7,4 (3892) 9,7 (5096) 12,1 (6379) 9,1 (4813) 11,6 (6114) 13,0 (6831) 9,1 (4813) 11,6 (6114) 15,2 (8023)
Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre absolu de fractures évitées.
s’ensuivent et l’excès de mortalité. Le traitement mensuel par bisphosphonates a été comparé aux schémas thérapeutiques de prise quotidienne et hebdomadaire et à l’absence de traitement. Les taux de persistance se sont montrés plus élevés avec le traitement hebdomadaire qu’avec le traitement quotidien et semblent plus élevés avec les traitements mensuels qu’avec les traitements hebdomadaires. Ces différences de persistance se maintiennent avec le temps pendant au moins deux ans [32]. Bien que modestes, les conséquences sur le nombre relatif de fractures évitées sont considérables. Par exemple, l’emploi de traitements mensuels réduirait encore les taux absolus de fractures vertébrales de 8 % comparé aux traitements quotidien et cela doublerait presque le nombre d’hospitalisations et de décès évités. L’impact potentiel du traitement mensuel par bisphosphonates sur l’incidence des fractures vertébrales est d’autant plus pertinent que les taux de morbidité et de mortalité associés à ce type de fracture sont élevés [1,2,33–38]. En effet ce modèle a déterminé une réduction de 3062 décès sur une période de cinq ans comparé à 2065 décès évités avec le traitement quotidien. Un résultat surprenant à première vue est que, dans le groupe de patientes non traitées, le nombre de décès estimés après une fracture vertébrale était semblable à celui estimé pour les fractures de la hanche après cinq ans. Contrairement à la mortalité associée aux fractures de la hanche, la mortalité liée aux fractures vertébrales est probablement indirecte et souvent distante de la fracture. L’efficacité des différents traitements comparés était considérée comme identique pour chacun des sites de fractures (hypothèse conservatrice à seule fin de ce modèle). Cependant, une récente méta-analyse a suggéré que les différents bisphosphonates n’auraient pas une efficacité équivalente dans la protection contre les fractures non vertébrales [39]. Les résultats du modèle concernant les fractures non vertébrales doivent donc être interprétés avec prudence en l’absence de comparaison directe et d’une démonstration claire de l’efficacité du traitement par bisphosphonate mensuel sur les fractures non vertébrales. Dans ce modèle, nous présumons que la durée minimale de traitement requise pour observer une efficacité était de six mois.
C’est la période la plus courte avec laquelle l’efficacité a été démontrée dans un essai clinique randomisé avec le risédronate [29]. Toutefois, on ne sait pas si la même durée minimum s’applique au traitement par biphosphonate mensuel. L’analyse de sensibilité a montré une influence importante de cette variable sur l’impact du traitement sur les taux fracturaires. Étant donné que de nombreuses femmes, sinon la majorité, prenant un biphosphonate quotidien interrompent leur traitement pendant la première année, ce rythme d’administration n’apportent donc pas forcément de bénéfices à l’ensemble des sujets traités. Si la proportion des femmes qui persistent dans leur traitement pouvait être augmentée par la prise mensuelle des bisphosphonates, cela réduirait la proportion de prescriptions vaines dues à l’abandon précoce des traitements et en même temps augmenter la proportion des sujets efficacement protégés contre les fractures ostéoporotiques. Cette étude a certains points forts et certaines limites. Parmi les points forts, la validité externe du modèle est acceptable puisque le nombre de fractures annuellement extrapolé à la totalité de la population franc¸aise est proche de celui observé en France [40,41]. Parmi les limites, la relation précise entre persistance et efficacité n’est pas connue et ne peut donc pas être modélisée. Par exemple, les conséquences cliniques d’une persistance intermittente, qui est probablement courante en pratique dans le traitement de tous les jours, ne sont pas considérées. L’attribution « tout ou rien » de l’efficacité constitue une autre limite. Le modèle présume d’abord qu’il n’y a aucune efficacité avant six mois, moment où le traitement par les biphosphonates devient totalement efficace et ensuite que l’efficacité est complètement perdue lorsque le traitement est arrêté. Ces hypothèses sont évidemment incorrectes puisque l’efficacité augmente avec le temps au fur et à mesure du traitement et disparaît lentement une fois celui-ci arrêté conjointement à l’élimination du médicament par l’organisme [42]. Un certain nombre d’autres paramètres pouvant avoir un impact sur l’évolution clinique de l’ostéoporose ou sur le niveau d’effet du traitement par bisphosphonates ne sont pas pris en compte dans ce modèle et en limitent sa précision. Ces paramètres comprennent notamment les décès liés à d’autres causes
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que les fractures, l’augmentation du risque de fractures après plusieurs fractures successives (effet dit de « cascade fracturaire ») [3,43,44], l’hospitalisation due aux fractures du poignet et le handicap résultant de ces fractures [5]. En conclusion, cette approche par modélisation supporte l’idée selon laquelle l’amélioration de la persistance au traitement associée à une prise mensuelle des bisphosphonates pourrait entraîner une baisse substantielle du nombre de fractures ostéoporotiques et donc avoir un impact important en terme de santé publique. Financement de l’étude Cette étude a été initiée et financée par les laboratoires GlaxoSmithKline et Roche, fabricants et fournisseurs de l’ibandronate Références [1] Cooper C, Atkinson EJ, Jacobsen SJ, et al. Population-based study of survival after osteoporotic fractures. Am J Epidemiol 1993;137:1001–5. [2] Hasserius R, Karlsson MK, Jonsson B, et al. Long-term morbidity and mortality after a clinically diagnosed vertebral fracture in the elderly – a 12and 22-year follow-up of 257 patients. Calcif Tissue Int 2005;76:235–42. [3] Lindsay R, Silverman SL, Cooper C, et al. Risk of new vertebral fracture in the year following a fracture. JAMA 2001;285:320–3. [4] Maravic M, Le Bihan C, Landais P, et al. Incidence and cost of osteoporotic fractures in France during 2001. A methodological approach by the national hospital database. Osteoporos Int 2005;16:1475–80. [5] Wehren LE, Magaziner J. Hip fracture: risk factors and outcomes. Curr Osteoporos Rep 2003;1:78–85. [6] Empana JP, Dargent-Molina P, Breart G. Effect of hip fracture on mortality in elderly women: the EPIDOS prospective study. J Am Geriatr Soc 2004;52:685–90. [7] Balasegaram S, Majeed A, Fitz-Clarence H. Trends in hospital admissions for fractures of the hip and femur in England, 1989–1990 to 1997–1998. J Public Health Med 2001;23:11–7. [8] Boufous S, Finch CF, Lord SR. Incidence of hip fracture in New South Wales: are our efforts having an effect ? Med J Aust 2004;180:623–6. [9] Fielden J, Purdie G, Horne G, et al. Hip fracture incidence in New Zealand, revisited. N Z Med J 2001;114(1129):154–6. [10] Delmas PD. The use of bisphosphonates in the treatment of osteoporosis. Curr Opin Rheumatol 2005;17:462–6. [11] Cummings SR, Black DM, Thompson DE, et al. Effect of alendronate on risk of fracture in women with low bone density but without vertebral fractures: results from the fracture intervention trial. JAMA 1998;280: 2077–82. [12] McClung MR, Geusens P, Miller PD, et al., Hip Intervention Program Study Group. Effect of risedronate on the risk of hip fracture in elderly women. N Engl J Med 2001;344:333–40. [13] Chesnut IC, Skag A, Christiansen C, et al. Effects of oral ibandronate administered daily or intermittently on fracture risk in postmenopausal osteoporosis. J Bone Miner Res 2004;19:1241–9. [14] Cortet B, Benichou O. Adherence, persistence, concordance: do we provide optimal management to our patients with osteoporosis ? Joint Bone Spine 2006;73:e1–7. [15] Delmas P, Vrijens B, Roux C, et al. Osteoporosis treatment using reinforcement with bone turnover marker data reduces fracture risk: the IMPACT study. J Bone Miner Res 2004;19:S444. [16] McCombs JS, Thiebaud P, McLaughlin-Miley C, et al. Compliance with drug therapies for the treatment and prevention of osteoporosis. Maturitas 2004;48:271–87. [17] Lespessailles E. A forgotten challenge when treating osteoporosis: getting patients to take their meds. Joint Bone Spine 2007;74:7–8.
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