Modifications de 1'6tat nutritionnel b la phase initiale du traitement des cancers et des h6mopathies malignes F. L A M I S S E * , M . A . M A Y * , C . C O U E T * , T. C O N S T A N S * , Y. B A C Q * , J. D E L A R U E * , J . P . L A M A G N I ~ R E * * , P. C O L O M B A T * * , M.A. G A R R I G U E * * *
RI~SUMI~ Nous avons 6tudi6 les modifications de 1'6tat nutritionnel ~ ia phase initiale du traitement des cancers et des h6mopathies malignes chez 32 malades de sexe maseulin (58 + 18 ans) suivis Iors de 3 hospitalisations de 4 iours (TO, T1, T2)/i 2 mois d'intervalle. Le premier jour de chaque hospitalisation ont 6t6 mesur6s : la prise alimentaire (en kcal/j), le poids (en kg), le rapport dn poids (en kg) au cart6 de la taille (en m), la masse de graisse (en kg) par la mesure de 4 plis cutan6s et les tables de Durnin, la surface museulaire brachiale (en cm 2) et la masse museulaire squelettique totale (en kg) par les 6quatious de Heymsfield. Les troisi6me et quatri6me jour apr6s 48 h de r6gime sans viande et sans poisson ont 6t6 mesur6es dans les urines la 3 mdthyl histidine (en mmol/g er~atininuo fie) et la cr6atininurie (en mg), cette derni6re permettant la d~termination du rapport cr6atininurie/taille (en mg/cm/j)o Dix neuf des 32 malades ont eu des mesures anthropom6triques compl6tes et 9 sur 32 des mesures compl6tes de la 3 m6thyl histidine urinaire et du rapport cr6atininurie/taille. Au cours du suivi des malades, la diminution de la surface musculaire braehiale, de la masse musculaire squelettique totale et du rapport cr6atininurie/taille ont confirm6 la perte de masse musculaire, de m~me que I'augmentation de la 3 m6thyl histidine urinaire de base ; les pertes de masse muscuiaire et grasse ont 6t6 en moyenne de 6 p. 100 entre T1 et TO, de 7 p. 100 entre T2 et TO pour la masse musculaire et de 9 p. 100 entre T2 et TO pour la masse grasse. Ces pertes de masse corporelle sont apparues tr6s pr6cocement et les diff6renees ont 6t6 significatives entre TI et TO et entre T2 et TO ; elles sugg6rent qu'une malnutrition prot6ino 6nerg6tique apparalt tr6s t6t chez les malades ayant un cancer ou une h6mopathie maligne. Mots cl6s: cancers, h6mopathies malignes, malnutrition, masse musculaire, masse grasse.
Liste des principales abr6viations P T
poids (kg) taille (m)
* Clinique mddieale A (Pr F. Lamisse), h6pital Bretonneau, 37044 Tours Cedex. ** Service d'oncologie mddicale (Pr J.P. Lamagn~re) h6pital Bretonneau, 37044 Tours Cedex. *** Laboratoire de biochimie (Pr J.P. Muh) h6pital Bretonneau, 37044 Tours Cedex. Tirds d part : F. Lamisse, adresse ci-dessus.
S U M M A R Y
.........................
Changes in nutritional status at the initial phase of treatment of cancers and malignant blood diseases. Changes in nutritional status at the initial phase of treatr~en~ of cancers and malignant blood diseases were evaluated in 32 male patients (mean age 58 _+ 18 years) examined during three 4-day stays in hospital (TO, T1, T2) at 2 months' interval. On the first day of each stay the following parameters were measured : food intake (kcal/day), weight (kg), squared height (m), fat mass (kg) obtained by measuring 4 skin folds and using Durnin's tables, brachial muscle area (cm 0 and total skeletal muscle mass (kg) calculated from Heymsfield's equations. On the third and fourth days, after 48 hours of meat-free and fish-free diet, 3-methylhistidine (mmol/g crea,~ tininuria) and creatinine (mg) were measured in urine, and the urinary creatinine/heigt ratio (mg/em/day) was calcula ted. Full anthropomorphic measurements were performed on 19/32 patients and complete measurements of 3-methylhistidine and the urinary creatinine/heigt ratio in 9/32 patients. Subsequent examinations revealed a decrease in brachial muscle area, total skeletal muscle mass and urinary creatinine/height ratio which, together with an increase in baseline 3-methylhistidine, confirmed the loss of muscle mass. Mean losses of muscle and fat were 6 p. 100 between T1 and TO and 7 p. 100 between T2 and TO for the muscle mass, and 9 p. 100 between T2 and TO for the fat mass. These losses of body mass occurred very early, with significant differences between T! and TO and between T2 and TO. They suggest that protein-calorie malnutrition develops at a very early stage in patients treated for cancer or malignant blood disease.
Rev Mdd interne 1987 ; 8 : 257-261.
P/T 2 CB PCT PCB PSS PSI SMB MMST MM MG 3MH RCT
index de Quetelet ( k g / m 2) circonf6rence brachiale pli cutan6 tricipital (en mm) pli cutan6 bicipital (en ram) pli sous scapulaire (en mm) pli supra iliaque (en mm) surface musculaire brachiale ( e n c m z) masse musculaire squelettique totale (en kg) masse maigre (en kg) masse grasse (en kg) 3 m6thyl histidine (en m m o l / g cr6atininurie) rapport cr6atininurie/taille ( m g / c m / j o u r ) Requ le 2r-2-1986. Renvoi pour correction le 9-6-1986. Acceptation d6finitive le 30-1986
258
F. Lamisse et coll.
L'6tat cachectique est fr6quent ~ la phase terminale de la p l u p a r t des cancers. Watson (1) a 6tudi6 la nature des pertes tissulaires lors de cette phase terminale et a montr6 qu'il y avait assez peu de modifications de la masse maigre. A l'inverse Heymsfield(2), 6tudiant la c o m p o s i t i o n tissulaire des pertes de poids chez les canc6reux dont la maladie & o l u a i t depuis 7 mois ~ 3 ans, a constat6 que les pertes de masse maigre 6taient majeures. Le but de notre travail a 6t6 d'6valuer l'6tat nutritionnel chez des malades ayant un cancer ou une h6mopathie maligne, p e n d a n t les 4 premiers mois du traitement de leur maladie en appr6ciant les modifications des diff6rentes masses corporelles.
MALADES ET MI~THODES Entre mai 1983 et septembre 1984, 32 malades de sexe masculin, ag6s de 24 ~ 78 ans (fige moyen 58 + 18 ans), ont accept6 de participer h cette 6tude. Tous ces m a l a d e s atteints de cancer ou d ' h 6 m o p a t h i e maligne, ont 6t6 hospitalis6s 3 fois 4 jours, une premi6re lois lors du bilan diagnostique avant tout traitement sp6cifique et deux lois fi 2 mois d'intervalle, apr6s chimioth6rapie e t / o u radioth6rapie. La liste des diagnostics figure dans le tableau I. Deux des 6 l y m p h o m e s non hodgkiniens 6talent de haut grade de malignit6 et diffus, 2 des 3 maladies de Hodgkin 6taient d'histologie d~favorable et diffuse, le my6lome avait une masse tumorale 6lev6e et toutes les tumeurs solides p r & e n t a i e n t des m6tastases pulmonaires e t / o u osseuses. Pour tous ces malades, il s'agissait d ' u n e premi6re prise en charge hospitali&e. Aucune autre pathologie n'6tait associ6e et les pertes de poids au m o m e n t de I'entr6e dans l'6tude 6taient mineures (tableau II). Le premier jour de chaque hospitalisation ont 6t6 mesur6s e t / o u calcul6s : -- la prise alimentaire (en k i l o c a l o r i e s / j o u r ) des 7 derniers jours, l'interrogatoire 6rant r6alis6 p a r la m6me di6t6ticienne p o u r t o u s l e s malades. - - le poids P (en kg) fi jefin et la taille T ( m ) ; - - l'index de Quetelet ou ~ index de masse corporelle )~ P / T 2 ( k g / m 2) ; - - le poids id6al en multipliant le cart6 de la taille p a r 22,5 ; ce dernier chiffre repr6sente l'index de masse corporelle id6al chez l ' h o m m e ; - - la circonf6rence brachiale CB (en cm) a l'aide d ' u n m6tre ruban ~ mi-distance a c r o m i o n ol6crane, au niveau du bras droit ; - - les plis cutan6s tricipital PCT et bicipital PCB (en mm) ~ mi-distance a c r o m i o n ol6crane au niveau du bras d o m i n a n t ; le plis sous-scapulaire PSS (en mm) ~t 1 cm au-dessous de la pointe de l ' o m o p l a t e ; le pli supra-iliaque PSI (en mm), juste au-dessus de la cr6te iliaque sur la ligne axillaire m o y e n n e ; - - le pourcentage de graisse d6duit des tables de Durnin (3) - - qui tiennent compte de la somme en mm des 4 plis - - et qui ~i partir du p o i d s d o n n e la masse grasse M G (en kg) ;
La R e v u e de Mddecine interne Mai-Juin 1987
Tableau I NATURE DU CANCER OU DE L'HI~MOPATHIEMALIGNE CHEZ LES 32 MALADES C a r c i n o m e des voies a6ro-digestives sup6rieures Leucoses aigu~s L y m p h o m e s malins non hodgkiniens M a l a d i e de Hodgkin Carcinomes b r o n c h o - p u l m o n a i r e s Myelome S y n d r o m e my61o prolif6ratif T u m e u r de l'uret6re Sarcome de la cuisse C a r c i n o m e gastrique
- - la surface musculaire brachiale SMB (en cm 2) par l'6quation de Heymsfield (4): SMB = [ C B - (FI × PCTcm)] 2 - - 10. La circonf6rence 4I-1 musculaire brachiale C M B dans cette 6quation est repr6sent6e par CB - - (FI × PCT cm) ; - - la masse musculaire squelettique totale M M S T (en kg) par l'6quation de Heymsfield (4): M M S T (kg) = T ( c m ) x [0,0264 + (0,0029 x SMB)].
Les 4 plis ont 6t6 mesur6s avec un compas de Harp e n d e n (British indicators L T D St Alban England). La mesure de la CB et des 4 plis a 6t6 r6p6t6e 3 fois et par 2 observateurs diff6rents ; la moyenne des 6 mesures a 6t6 retenue, Les 4 premiers jours de chaque hospitalistion, chaque m a l a d e a requ dans son alimentation, 1,5 g / k g de poids id6al de prot6ines de bonne vateur biologique (~euf, lait, laitages, solutions h y p e r p r o t i d i q u e s prEtes /l l'emploi), en excluant viandes et poissons pour mesurer dans les urines, la cr6atinine et la 3 m6thylhistidine (3 MH). Aucun malade ne pr6sentait d'insuffisance r6nale ou h6patique. Les apports hydriques ont 6t6 d ' a u moins 1 litre 500 par 24 heures. Dans les urines des 3 et 4 e jour on 6t6 mesur6es :
la 3 MH par c h r o m a t o g r a p h i e (valeurs normales du laboratoire inf6rieures ~ 0,16 m m o l / g de cr6atininurie) ; - - la cr6atinine (en m g / 2 4 h) p a r la m6thode de Jaffe modifi6e p a r Chasson. Le r a p p o r t cr6atininurie/taille RCT exprim6 en m g / c m / j o u r a 6t6 calcul6; les normes comprises entre 8,2 et 9,8 chez l ' h o m m e sont celles de Bistrian (5). Ont pu ainsi &re appr4ei6s pendant les 4 jours de chaque hospitalisation :
- - la masse musculaire squelettique p a r la MMST, la SMB et le r a p p o r t cr6atininurie/taille ;
Tome VIII Numdro 3
l~tat nutritionnel et affections malignes
259
Tableau II RI~PARTITION DES MESURES ANTHROPOMETRIQUES ET BIOLOGIQUES
n = n o m b r e de malades TO (Admission)
T1 (TO + 2 mois)
T2 (TI + 4 mois)
n
n
n
32
23 (2 d6c+s 7 refus)
19 (3 d6c6s 10 refus)
28 (4 recueils d ' u r i n e incomplets)
21 (2 d6c6s + 3 recueils d ' u r i n e incomplets + 2 r6gimes n o n suivis)
9 (3 d6c6s + 3 recueils d ' u r i n e incomplets + 9 r6gimes n o n suivis)
Mesures anthropom6triques Mesures biologiques
-le catabolisme musculaire par l'6volution de la 3 MH urinaire ; - - la masse grasse M G (en kg) par la mesure des 4 plis cutan6s et le poids corporel. Chaque malade 6tant son propre t6moin, il a 6t6 possible de rapporter les modifications individuelles des diff6rentes masses corporelles ; - - le pourcentage d'amaigrissement calcul6 h partir du poids comparatif lots de chaque hospitalisation, le poids avant la premi6re hospitalisation 6tant celui consid6r6 comme habituel pour le malade.
- - Le P / T 2 6tait en m o y e n n e de 24,26 + 2,69 (kg/ m0, 5 malades avaient un P / T z < 20. Le poids 6tait en m o y e n n e de 108 p. 100 du poids id6al ; La 3 M H urinaire a pu ~tre mesur6e chez 28 m a l a d e s ; elle 6tait en m o y e n n e de 0,193 _+ 0,03 ( m m o l / g cr6atinine urinaire) et 21 malades sur 28 avaient une valeur augment6e ; - - Le RCT a pu ~tre calcul6 chez 28 malades ; il 6tait en m o y e n n e de 6,61 _+ 1,23 ( m g / c m / j ) et tous les malades avaient une valeur diminuee.
Les r6sultats ont 6t6 exprim6s en m o y e n n e ± 1 6cart type. L'6tude statistique a employ6 le test t de Student Fisher pour la m o y e n n e des diff6rences entre valeur appari6es. L'existence d ' u n e liaison entre 2 variables quantitatives a 6t6 recherch6e par le coefficient de corr61ation r.
Deuxieme et troisieme hospitalisations (T1 et T2)
Rg:SULTATS (tableaux II et III) Trois malades sur 32 sont d6c6d6s pr6cocement, deux malades avant la fin du 2e mois (leucose aigue, carcinome gastrique) u n malade avant la fin du 4e mois (carcinome broncho-pulmonaire). Les mesures anthropom6triques ont 6t+ compl6tes chez 19 des 32 malades et les mesures biologiques chez 9 des 32 malades (tableau II): Lorsque les contr61es anthropom6triques ont 6t6 refus6s ~t T1, ils n ' o n t pas 6t6 effectu6s & T2. I I e n a 6t6 de m6me lorsque le r6gime sans viandes et sans poissons a 6t6 refus6 ou lorsque le recueil des urines a 6t6 incomplet. Les 9 malades dont les mesures du RCT et de la 3 MH ont 6t6 correctement effectu6es ont eu des mesures anthropom6triques compl6tes. Chez 11 malades, dont 6 avaient accept6 la suppression des viandes et des poissons le recueil des urines a 6t6 incomplet.
Avant TI, 2 des 19 malades ayant eu un contr61e complet des param6tres anthropom6triques ont 6t6 op6r6s, 17 ont requ une premi6re chimioth6rapie et 2 une radioth6rapie. Avant T2, 17 malades ont eu une deuxi6me cure de chimioth6rapie et 2 une radioth6rapie ; -l'enqu&e alimentaire a montr6 une prise energ6tique de 1950 + 412 kcal/j & TI et de 1910 + 408 kcal/j & T2. Aucune diff6rence significative n'a 6t6 not6e entre TI et TO, T2 et T1, T2 et TO ; - - les diff6rences ont 6t6 significatives (tableau III) entre T1 et TO et plus encore entre T2 et TO pour les pourcentages d'amaigrissement, les diminutions du poids, du P / T 2, de la SMB, de la M M S T et de la MG. Les pertes de masse musculaire ont 6t6 en m o y e n n e de 6 p. 100 entre TI et TO et de 7 p. 100 entre T2 et TO, les pertes de masse grasse de 6 p. 100 entre T1 et TO et de 9 p. 100 entre T2 et TO ; - - le PCT et le RCT n ' o n t diminu6 de faqon significative qu'entre T2 et TO; la 3 MH n'a pas diminu6 de faqon significative.
A u c u n param6tre n ' a vari6 de faqon significative entre T2 et TI.
Premiere hospitalisation (TO)
DISCUSSION
-L'enqu&e alimentaire a montr6 une prise 6nerg6tique de 1935 + 560 kcal/j ; trois malades sur 32 prenaient moins de 1 600 kcal/j ;
Tr6s pr6cocement dans 1'6volution des cancers et des h6mopathies malignes, lots du diagnostic et d6s les premi6res phases du traitement, les pertes de
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F Lamisse et coll.
La Revue de M~decine interne Mai-Juin 1987
Tableau I I I MODIFICATIONS DES PARAMI~TRESANTHROPOMI~TRIQUES(19 MALADES), DU RAPPORT CRI~ATININURIE/TAILLE ET DE LA 3 METHYLHISTID1NURIE (9 MALADES) TO (Admission)
TI (TO + 2 mois) T1-T0
T2 (TI + 4 mois) T2-T 1
T2-T0
Poids (kg)
68,39 _ 11,25
+ + +
65,75 ___ 11,86
65,60 + 11,70
+ + +
P/T2
24,26 _+ 2,69
+ + +
23,29 +__ 3,02
23,24 _
2,86
+ + +
+ + +
7,78 __+ 6,09
8,50 _
5,37
+ + +
9,39 +
8,92 +
3,11
+ +
% amaigrissement
4,32 +
5,54
PCT(mm)
9,76 +__ 3,47
3,06
SMB (cm 2)
47,92 _+ 9,99
+
44,77 ___ 7,74
43,72 _+ 9,96
M M S T (kg)
27,79 +
5,64
+
26,21 ___ 4,51
25,77 +
5,72
+ +
M G (kg)
12,46 +
4,28
+ +
11,64___ 6,59
11,40 +
3,83
+++
6,61 +
1,23
6,16 +_ 1,15
6,01 ___ 1,54
+
0,193 +_ 0,03
0,180 ___ 0,05
0,168 _+ 0,04
RCT(mg/cm/j) 3 M H urinaire ( m g / g cr6atinine) +++
p < 0,01, + +
+ + +
p < 0,025, + p < 0,05
masse musculaire et de masse grasse sont majeures. Dans notre travail, d+s la premi6re hospitalisation les pertes de masse musculaire ont pu 6tre affirm6es par une 3 M H urinaire 61ev6e et par un RCT diminu6. Apr6s 2 mois de traitement, les pertes de masse musculaire et de masse grasse ont 6t6 confirm6es p a r la d i m i n u t i o n significative de la SMB et des 4 plis cutan6s, diminution qui s'est encore accentu6e apr+s 4 mois de traitement. L'interpr6tation de 1'6volution de la 3 M H urinaire et du RCT a 6t6 rendue difficile p a r le petit nombre de m a l a d e s chez lesquels ces 2 param~tres ont pu &re mesur6s. N o u s n'avons pas trouv6 de travaux c o n c e r n a n t le d61ai d ' a p p a r i t i o n de la d6nutrition dans 1'6volution des cancers et des h6mopathies malignes de l ' h o m m e , les troubles nutritionnels 6tant le plus souvent d6crits ~ une phase avanc6e et caract6risant la cachexie canc6reuse (1, 6, 7). L'appr6ciation de cette d6nutrition peut se faire de faqon simple par l'6valuation de la perte de poids et la diminution de l'index de Quetelet P / T 2 (8). G a r r o w (9) a montr6 dans un travail post6rieur au n6tre que l'index de Quetelet 6tait un b o n reflet de la masse corporelle totale, mais qu'il 6tait aussi 6troitement corr616 ~ la masse grasse - - que celle-ci ait 6t6 d6termin6e par la mesure de la densit6 dans l'air et dans l'eau, par la diff6rence entre le poids corporel et la masse maigre mesur6e p a r le 4°K, OU
par la somme des 4 plis cutan6s et les tables de Durnin (3). G a r r o w (9) a 6tabli des 6quations permettant de mesurer directement la masse grasse h partir de l'index de Quetelet, Heymsfield (2) a 6tudi6 les modifications de chacun des compartiments de la masse maigre chez le m a l a d e canc6reux ; il a montr6 que la M M S T d6termin6e p a r anthropom6trie 6tait 6troitement corr~i6e ~ ia SMB mesur6e p a r tomo~ densitom6trie ou 6chographie. Le m~qme auteur a montr6 que le catabolisme musculaire pouvait 6tre appr6ci6 par les variations de ia SMB, de la MMST, mais aussi par le RCT, la 3 M H urinaire ou la cr6atininurie des 24 heures. La fonte musculaire ainsi mesur6e chez le canc6reux peut a t t e i n d r e en phase tr~s 6volutive 50 ~ 75 p. I00 des valeurs constat6es avant le d6but de la maladie. Blackburn (10) et G r a y (11) ont montr6 que le RCT est un bon reflet de la M M S T ; Buzby (12) et Young (13) pensent que sous r6serve du respect des pr6cautions d ' a l i m e n t a tion (pas de viande et pas de poisson) et d ' u n recueil correct des urines, la 3 M H urinaire est un bon crit6re d'6valuation du catabolisme musculaire. Heymsfield (2) a mesur6 p a r tomodensitom6trie la masse visc6rale chez le canc6reux e t a constat6 une perte importante comme p o u r la MMST. La d6nutrition chez le canc6reux est li6e ~ divers m6canismes. L'anorexie est fr6quente (14) aggrav6e p a r la chimioth6rapie e t / o u la radioth6rapie (6, 15)
Tome VIII Numdro 3
[~tat nutritionnel et affections malignes
qui peuvent 6tre responsables de naus6es et de vomissements. Chez nos malades h chacune des hospitalisations nous avons constat6 une prise alimentaire limite en moyenne pour l'homme; il faut cependant tenir compte de l'activit6 physique r6duite et de l'~tge moyen relativement ~lev6. L'insuffisance d'apports entraine une malnutrition prot6ique qui alt~re rapidement les fonctions digestives, majorant encore la malnutrition au moment m6me ou l'organisme dolt faire face ~ une r6duction des apports. La chimioth6rapie provoque des 16sions digestives teUes que des mucites (glossites, stomatites, oesophagites), des ulc6rations muqueuses 6ventuellement aggrav6es par les vomissements (15). La radioth6rapie peut entrainer une hyposialie, une disgueusie ou une ent6ropathie (16) et de la diarrh6e comme la chimioth6rapie. Les d6penses 6nerg6tiques sont accrues pour les besoins de croissance de la masse tumorale (17) alors qu'elles devraient diminuer du fait de l'anorexie et de la moindre activit6 physique (18); le m6tabolisme de base et la thermog6n~se sont augment6es (19). La malnutrition prot6ino-6nerg6tique est encore aggrav6e par les perturbations m6taboliques propres au malade canc6reux (20). L'anabolisme glucidique du fait de I'anorexie et des perturbations digestives fait essentiellement appel ~ la n6oglucog6n6se protidique ; le catabolisme protidique est majeur: utilisation en premier des prot6ines labiles, albumine, transferrine, lipoprot6ines et immunoglobulines s6riques(21) dont par ailleurs la synth~se est diminu6e (6) puis des prot6ines mobiles, muscles, enzymes, mu queuses, entrainant rapidement une d6gradation des structures digestives (21), enfin destruction des prot6ines vitales, poumons, reins, os, foie, coeur et cerveau (2). Les prot6ines sont consomm6es par leur turn over normal et physiologique qui est cependant
261
acc616r6 (22), par la n6oglucog6n~se et par la tumevr qui exag~re sa consommation en acides amin6s (23) ; les synth6ses prot6iques sont r6duites de moiti6 chez le sujet canc6reux (6) aux profits de l'augmentation de celles de la tumeur qui se comporte comme un organisme en croissance (13). Le catabolisme lipidique d6passe 6galement nettement l'anabolisme lipidique chez le malade canc6reux (6). La lipolyse qui emprunte les voles normales est h la fois une r6ponse aux stress, h l'6tat de jefme, ~t l'hypoinsulin6mie (24, 25) et peut 6tre ~ une s6cr6tion tumorale de substances mobilisatrices de graisses (24). Heymsfield (2) a constat6 une 6troite corr61ation entre la perte de poids et la perte de masse grasse. Les r6sultats que nous avons observ6 ~t la phase initiale de l'6volution des cancers vont dans le m6me sens que ceux qui ont 6t6 rapport6s dans la litt6rature ~ une phase plus tardive par Heymsfield en particulier (2). Ils sugg~rent que m6me lorsque l'alimentation est surveill6e (en particulier le contenu prot6ique) et reste sensiblement identique pendant les 4 premiers mois d'6volution de la maladie, la composition corporelle se modifie rapidement avec pour cons6quences, une perte de poids, de masse musculaire et de masse grasse. Les pertes de masse musculaire pr6coces laissent h penser que le tissu maigre sert de donneur d'6nergie pr6matur6ment du fait des m6tabolismes particuliers de la masse tumorale. Nous avons vu que la masse musculaire diminuait rapidement ; Heymsfield (2) a montr6 que la masse visc6rale contribuait 6galement largement ~ la perte de masse maigre. L'6valuation du catabolisme musculaire peut 6tre appr6ci6e par la 3 MH urinaire et l'6volution des masses corporelles peut 6tre appr6ci6e de fa~on simple par les mesures anthropom6triques mais aussi par les modifications du RCT.
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