À LIRE, VOIR, ÉCOUTER
se livre l’auteur. Dans un style fluide, haletant parfois, il arrive à nous faire douter de la véracité de ce qui nous est enseigné dans les manuels d’histoire. Une intrigue, aussi folle que crédible tant le talent de l’auteur est capable de nous emmener jusqu’au rêve. Le pari est réussi car à partir d’évènements avérés au plan historique, l’auteur fait comme s’il était possible de réécrire l’histoire. Frais, ce roman est un excellent moment de détente.
L’étourdissement J. Egloff Seuil. Buchet Chastel, 2005. ISBN 2-283-02020-4. (142 p., 14 €)
Le matin ne ressemble pas à l’idée qu’on se fait du matin. Si on n’a pas l’habitude, on ne le remarque même pas. La différence avec la nuit est subtile, il faut avoir l’œil. C’est juste un ton clair. Même les vieux coqs font une distinction perspicace. Certains jours l’éclairage public ne s’éteint pas. Le soleil est levé mais parfois il se cache derrière des fumées, des brumes, des nuages, des poussières en suspension. Ce roman est plein d’humour. L’écriture frôle la poésie avec une musicalité bien douce à fréquenter. À découvrir.
Divers
Les inventeurs de maladies. Manœuvres et manipulations de l’industrie pharmaceutique J. Blech Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5527-6. (282 p., 20 €)
L’auteur, journaliste scientifique en Allemagne, collabore régulièrement avec des journaux comme Der Spiegel et Die Zeit. Fort de sa formation en biologie et en chimie biologique, renforcé d’une plume aussi libre que directe, soucieux de la plus grande objectivité possible, Jörg Blech nous livre son enquête ayant porté sur une multitude d’articles scientifiques, sur ce que l’on pourrait considérer comme les intérêts réels des industries
Médecine palliative
chimiques, biologiques et de la santé. On y découvre que si l’homme a toujours voulu trouver un remède adapté à chaque maladie, il se pourrait que certains pensent à sens inverse. Il existerait certaines molécules qui une fois inventées, n’auraient comme seule vocation de créer, ou plutôt de faire trouver voire inventer la maladie qu’elle serait susceptible de traiter efficacement. Nous ne serions donc pas aussi malades que l’on voudrait nous le faire croire. Nous n’aurions donc pas à vivre dans les innombrables angoisses dans lesquelles on voudrait nous enfermer, nous imposant ainsi une limitation de notre liberté de vivre comme bon nous semble, nous imposant des règles de vie, des prises médicamenteuses aussi fantaisistes qu’irrationnelles, voire dangereuse pour notre santé. Certes, ne sombrons pas dans une vue machiavélique qui nous ferait tourner le dos à tout progrès scientifique. Il nous suffit de conserver un esprit critique qui nous permettrait de ne pas prendre pour une vérité totale et avérée une simple allégation prétendument scientifique. La science ne connaît pas le dogme. Elle ne connaît qu’une quête incessante de vérifications, de nouveaux questionnements. Elle n’affirme rien qu’elle ne peut démontrer et remontrer. Ne confondons pas les genres. S’il faut sûrement limiter certaines attitudes voire consommations pour protéger notre capital santé, s’il faut savoir prévenir certaines conséquences des risques auxquels nous sommes exposés, il ne faut pas sombrer dans le piège d’une prévention tout azimuts de maladies dont rien, absolument rien, si ce n’est des intérêts purement économiques, ne prouve la réalité. On peut également s’interroger sur d’éventuelles complicités volontaires ou involontaires de certains experts. Ainsi tout expert devrait être évaluable quant à son impartialité, quant à ses compétences et quant à ses intérêts directs ou indirects par chacun d’entre nous. Illusion d’une démocratie sanitaire, vœu pieux, ou exigence de transparence ? À lire avec le plus grand intérêt.
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Le livre de l’humour arabe J.-J. Schmidt Sindbad, Actes Sud. Collection « la bibliothèque arabe », série « les classiques », 2005. ISBN 2-7427-5292-7. (220 p., 23 €)
L’idée reçue, renforcée par l’image un peu réductrice donnée par certains extrémistes ou intégristes, est qu’à nos yeux, les Arabes, musulmans, chrétiens ou d’autres confessions, sont austères, puritains voire rigides. Au fil des pages de ce livre, ceux qui en doutent vont découvrir un pan entier de la culture arabe, celle de l’humour, parfois caustique, parfois enclin à la dérision, parfois se laissant aller à la grivoiserie. À travers une série d’anecdotes, toutes pleines d’un humour que l’on appréciera ou non, l’auteur nous offre une approche peu fréquente de la grande culture arabe qui souvent fascine, parfois inquiète. À découvrir.
Mu, le maître et les magiciennes A. Jodorowsky Albin Michel, 2005. ISBN 2-226-14900-7. (305 p., 22 €)
L’auteur nous offre un récit, picaresque, rempli d’une certaine sagesse, de son initiation par un maître Zen japonais, alors qu’il vivait au Mexique. Il nous conte également par le menu les truculentes et déjantées aventures féminines qu’il connut dans cette période. Ces femmes sont les magiciennes qui l’ont aidé à se débarrasser des cuirasses émotionnelles. Se côtoient avec une certaine harmonie, la visite au tréfonds de son être avec le maître, ses expériences méditatives, ses rapports hallucinés et hallucinants avec des femmes hors du commun. Une façon d’approcher ce qui anime l’être humain dans une écriture agréable par sa fluidité et sa musicalité.
L’homme libéré J. Macé-Scaron Plon, 2005. ISBN 2-259-19917-8. (205 p., 18 €)
Qui suis-je, qui sommes-nous ? L’exigence d’être soi sonne, aujourd’hui, comme un impératif. Et pourtant tout conspire à nous détourner de nous-mêmes. L’individu est présenté le plus souvent comme un alibi.
N° 2 – Avril 2006