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elle peut induire des complications comme une compression de la moelle épinière ou une compression médiastinale [1,2]. La radiographie thoracique peut montrer des masses paravertébrales arrondies ou bosselées dans le médiastin postérieur, généralement bilatérales, sans calcification ou érosion osseuse des corps vertébraux ou des côtes. Le scanner permet de voir des masses avec des parties molles denses, généralement homogènes, avec des caractéristiques similaires à celles décrites en radiologie conventionnelle [6]. L’IRM permet souvent le diagnostic en montrant une masse ressemblant à une lésion iso-intense en pondération T1 et T2. Une biopsie percutanée est indiquée en cas de doute en matière de diagnostic ou en cas de contre-indication à l’IRM. L’histopathologie révèle un tissu hématopoïétique normal [6]. Le diagnostic différentiel doit être fait avec d’autres masses médiastinales postérieures, en particulier les tumeurs neurogènes (neurofibrome) et les lymphadénopathies [7,8]. Le traitement de l’HEM est basé sur la radiothérapie, les transfusions sanguines répétées, la corticothérapie et l’hydroxyurée. En cas de compression de la moelle épinière, les tissus hématopoïétiques doivent être supprimés [8,9]. L’HEM intrathoracique devrait être prise en considération dans le diagnostic différentiel des masses médiastinales, surtout chez les patients ayant une hémoglobinopathie sous-jacente. Déclaration d’intérêt Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Koch CA, Li CY, Mesa RA, et al. Nonhepatosplenic extramedullary hematopoiesis: associated diseases, pathology, clinical course, and treatment. Mayo Clin Proc 2003;8:1223–33. [2] Georgiades CS, Neyman EG, Francis IR, et al. Typical and atypical presentations of extramedullary hemopoiesis. AJR Am J Roentgenol 2002;179: 1239–43. [3] Plensa E, Tapia G, Juncà J, et al. Paravertebral extramedullary hematopoiesis due to pyruvate kinase deficiency. Haematologica 2005;90:ECR32. [4] Koudieh MS, Afzal M, Rasul K, et al. Intrathoracic extramedullary hematopoietic tumor in hemoglobin C disease. Arch Pathol Lab Med 1996;120:504–6. [5] Hoyer JD, Fairbanks VF. Intrathoracic extramedullary hematopoietic tumor in hemoglobin C disease. Arch Pathol Lab Med 1997;121:355–6. [6] Marchiori E, Escuissato DL, Irion KL, et al. Extramedullary hematopoiesis: findings on computed tomography scans of the chest in 6 patients. J Bras Pneumol 2008;34:812–6. [7] Lall C, Payne DK. A patient with anemia and a paraspinal chest mass. Chest 2003;124:732–4. [8] Berkmen YM, Zalta BA. Case 126: extramedullary hematopoiesis. Radiology 2007;245:905–8. [9] Cario H, Wegener M, Debatin KM, et al. Treatment with hydroxyurea in thalassemia intermedia with paravertebral pseudotumors of extramedullary hematopoiesis. Ann Hematol 2002;81:478–82.
Imad Bendeddouche ∗ Agathe Papelard Franc¸ois Rannou Michel Revel Service de rééducation, université Paris-Descartes, hôpital Cochin, Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP–HP), 27, rue du faubourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France ∗ Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Bendeddouche)
Neuropathie motrice focale avec bloc de conduction pendant un traitement par adalimumab pour une polyarthrite rhumatoïde夽
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Mots clés : Neuropathie motrice multifocale Neuropathie motrice focale Bloc de conduction Anti-TNF Adalimumab
L’introduction de biothérapies inhibitrices du TNF-alpha a modifié l’évolution et le pronostic des affections auto-immunes. À ce jour, la Food and Drug Administration américaine a accordé l’autorisation de mise sur le marché à cinq anti-TNF : l’infliximab, l’adalimumab, l’étanercept, le golimumab et le certolizumab [1]. L’innocuité et la tolérance de ces médicaments sont acceptables. Néanmoins, il existe des observations d’effets indésirables autoimmuns, qui vont d’altérations biologiques asymptomatiques jusqu’à la survenue de maladies auto-immunes mettant en jeu le pronostic vital [2]. La neuropathie motrice focale avec bloc de conduction représente une forme partielle de neuropathie motrice multifocale. Le diagnostic doit être envisagé en cas de faiblesse croissante dans le territoire d’un seul nerf, sans altération de la sensibilité et avec des signes électrophysiologiques de neuropathie démyélinisante [3]. Nous décrivons une observation de neuropathie motrice focale avec bloc de conduction dont la survenue a coïncidé avec l’administration d’adalimumab pour traiter une polyarthrite rhumatoïde (PR). 1. Observation clinique Une femme de 60 ans a signalé l’installation en l’espace d’un mois environ d’une chute progressive du poignet droit. Elle n’avait aucun antécédent neurologique. Une PR diagnostiquée cinq ans plus tôt avait été traitée initialement par du méthotrexate. L’inefficacité de ce dernier a conduit à la mise en route d’un traitement par l’adalimumab huit mois avant le début de la faiblesse du poignet. L’examen clinique a permis de constater à droite une faiblesse des extenseurs du poignet, du pouce et des autres doigts, ainsi que du muscle brachioradial. Il n’y avait pas de troubles de la sensibilité. L’étude de la conduction des nerfs sensitifs s’est avérée normale. La stimulation haute du bras, au-dessus de la gouttière radiale de l’humérus, a mis en évidence une diminution de plus de 50 % de l’amplitude et de la surface du potentiel d’action composé musculaire. Cette constatation était en faveur d’un bloc de conduction du nerf radial droit [4]. L’examen à l’aiguille a montré que le bloc se situait dans la gouttière radiale de l’humérus. Les examens biologiques n’ont montré aucune anomalie. En particulier, la recherche d’anticorps IgM anti-GM1 s’est avérée négative et l’immunofixation normale. L’imagerie par résonance magnétique du bras droit n’a mis en évidence ni masse compressive ni lésion infiltrante du nerf radial. L’arrêt de l’adalimumab et l’administration intraveineuse d’immunoglobulines à la posologie de 0,4 g/kg par jour ont permis d’obtenir une amélioration clinique. Une seconde perfusion d’immunoglobulines réalisée deux mois plus tard a nettement amélioré l’état clinique, ne laissant persister qu’une minime faiblesse
8 avril 2011 Disponible sur Internet le 2 octobre 2011 doi:10.1016/j.rhum.2011.08.005
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2011.04.010).
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du poignet droit. Un an plus tard, un nouvel examen électrophysiologique a montré la disparition du bloc de conduction motrice radiale. Au dernier examen de suivi, il n’y avait toujours pas de faiblesse cliniquement décelable dans d’autres territoires nerveux. 2. Discussion Chez notre malade, une faiblesse s’est installée progressivement dans le territoire du nerf radial droit. L’étude approfondie de la conduction nerveuse, comportant une stimulation proximale a permis d’exclure une atteinte multifocale. De nombreux arguments étaient en faveur d’une neuropathie motrice focale auto-immune : absence de signes de compression nerveuse, caractère normal des examens d’imagerie et des études de la conduction sensitive et, enfin, amélioration après l’administration d’immunoglobulines intraveineuses. Chez notre malade, la neuropathie s’est installée pendant un traitement par l’adalimumab. La réaction immunologique à cet anticorps monoclonal peut induire une neuropathie auto-immune [5]. Bien que les anti-TNF soient tous classés dans la même catégorie, le risque de neuropathie et d’autres complications neurologiques varie d’un anti-TNF à l’autre [2]. À notre connaissance, très peu de cas de neuropathie induite par l’adalimumab n’ont été décrits à ce jour. Ce fait pourrait traduire une moindre réactivité immunologique croisée avec l’adalimumab qu’avec l’infliximab. Néanmoins, les données publiées restent rares et cette hypothèse doit donc être envisagée avec prudence [2]. Déclaration d’intérêt A. Alentorn a rec¸u une subvention de Obra Social la Caixa. Carlos Casasnovas a rec¸u une subvention du centro de investigacion biomedica en red para enfermedades neurodegenerativas (CIBERNED). Références [1] Singh JA, Christensen R, Wells GA, et al. Biologics for rheumatoid arthritis: an overview of Cochrane reviews. Cochrane Database Syst Rev 2009:CD007848. ˜ [2] Ramos-Casals M, Brito-Zerón P, Munoz S, et al. Autoimmune diseases induced by TNF-targeted therapies: analysis of 233 cases. Medicine (Baltimore) 2007;86:242–51. [3] Jafari H, Carlander B, Camu W. Monofocal motor neuropathy responsive to intravenous immunoglobulins. Muscle Nerve 2000;23:1610–1. [4] American association of electrodiagnostic medicine, Olney RK. Guidelines in electrodiagnostic medicine. Consensus criteria for the diagnosis of partial conduction block. Muscle Nerve Suppl 1999;8:S225–9. [5] Lozeron P, Denier C, Lacroix C, et al. Long-term course of demyelinating neuropathies occurring during tumor necrosis factor-alpha-blocker therapy. Arch Neurol 2009;66:490–7.
Agustí Alentorn a,∗,b Maria Antònia Albertí a Jordi Montero a Carlos Casasnovas a a Department of neurology, university hospital of Bellvitge (HUB), l’hospitalet de Llobregat, fundació IDIBELL, Feixa llarga sn 08907, Barcelone, Espagne b Centre de recherche de l’institut du cerveau et de la moëlle épinière (CRICM), UMR-S9752, hôpital Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France ∗ Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Alentorn)
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Efficacité de l’étanercept dans une cirrhose biliaire primitive associée à une polyarthrite rhumatoïde夽
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Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde Cirrhose biliaire primitive Facteur de nécrose tumorale (TNF) Thérapeutiques biologiques Étanercept
Chez une femme japonaise de 51 ans, le diagnostic de cirrhose biliaire primitive a été porté d’après les constatations histologiques, les anomalies des examens fonctionnels hépatiques et la positivité de la recherche d’anticorps anti-mitochondries. La biopsie hépatique a mis en évidence une cholangite destructrice non suppurative (non-suppressive) avec un infiltrat de cellules mononucléées inflammatoires entourant un canalicule biliaire, correspondant au stade I de la classification de Ludwig (Fig. 1). Par ailleurs, la présence de nombreuses manifestations d’arthrite a conduit au diagnostic de polyarthrite rhumatoïde (PR) remplissant les critères de l’American College of Rheumatology. Le traitement a consisté en acide ursodésoxycholique, 600 mg par jour, pour la cirrhose biliaire primitive et méthotrexate, 6 mg par semaine, pour la PR. Ces médicaments sont restés sans effet sur l’activité de la maladie hépatique ou articulaire. Il a donc été décidé en août 2007 de débuter un traitement par l’étanercept à la posologie de 50 mg par semaine. Avant le début de l’étanercept, le DAS28 calculé en utilisant la vitesse de sédimentation (VS) était de 5,10, indiquant une nette activité de la PR. L’élévation de la protéine C-réactive (26,7 mg/L), de la VS (56 mm/h), des phosphatases alcalines (939 UI/L) et de la ␥-glutamyl-transférase (glutamytransferase) (91 UI/L) allait dans le même sens. L’étanercept a considérablement diminué l’activité de la maladie articulaire. De plus, comme le montre la Fig. 2, des améliorations nettes et immédiates ont été constatées pour les examens fonctionnels hépatiques notamment les concentrations sériques de phosphatases alcalines et de ␥-glutamyl-transférase. La VS, la protéine C-réactive et la concentration de métalloprotéinase matricielle 3 se sont normalisées. En mai 2009, la réponse clinique restait de bonne qualité. La cirrhose biliaire primitive est caractérisée par une cholangite chronique destructrice et non suppurative qui peut conduire à la cirrhose. Sa pathogénie est mal comprise. Les mécanismes auto-immuns pourraient faire intervenir un mimétisme moléculaire [1] et une association avec l’allèle HLA (DRB1*0803) [2] [3]. Par ailleurs, le TNF jouerait un rôle de premier plan dans le mécanisme pathogénique. Une étude immunohistochimique a démontré que le TNF est la cytokine la plus fortement exprimée dans les voies biliaires, qui contiennent des lymphocytes T CD4+ et CD8+ en abondance. Les lymphocytes T CD8+ infiltrent et détruisent l’épithélium des canalicules biliaires [4] et synthétiseraient de grandes quantités de TNF [5]. En accord avec cette possibilité, les concentrations sériques de TNF sont proportionnelles à la sévérité des altérations morphologiques [6]. Notre observation est le troisième cas décrivant l’efficacité de l’étanercept dans la cirrhose biliaire primitive. Chez les deux malades précédents, les phosphatases alcalines étaient discrètement ou modérément élevées (265 UI/L et 517 UI/L) et se sont normalisées avec le traitement [7]. Notre observation montre
14 avril 2011 Disponible sur Internet le 22 novembre 2011 doi:10.1016/j.rhum.2011.08.004
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2011.04.014).