Physiologie du tissu osseux

Physiologie du tissu osseux

Immunoanal Biol Sp#c (1992) 36, 17-24 © Elsevier, Paris 17 Physiologie du tissu osseux PJ Marie* Unit# 349 Inserm, h5pital Lariboisi#re, 6, rue Guy-...

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Immunoanal Biol Sp#c (1992) 36, 17-24 © Elsevier, Paris

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Physiologie du tissu osseux PJ Marie* Unit# 349 Inserm, h5pital Lariboisi#re, 6, rue Guy-Patin, 75010 Paris, France

Rdsume - - L'organisation du tissu osseux est complexe du fait de la presence de cellules d'origine et de fonctions tr~s variables et d'un tissu conjonctif sp~cialise calcifie. Le tissu osseux est en constant renouvellement, gr&ce & I'activit~ continue des cellules osseuses. Le developpement des cultures de cellules osteoblastiques et osteoclastiques a permis d'etudier les effets des facteurs hormonaux et Iocaux sur les cellules impliqu6es dans le remodelage osseux. II est maintenant bien ~tabli que la regulation du remodelage osseux est contr61ee par de nombreux facteurs systemiques et Iocaux. Un grand nombre de cytokines et de facteurs de croissance modifient la proliferation et I'activit~ des cellules osseuses, et peuvent jouer un r61e important dans le couplage entre la resorption et la formation osseuse. L'implication reelle de ces facteurs Iocaux dans les dysfonctionnements cellulaires au cours du remodelage pathologique reste cependant & determiner. remodelage osseux / cellules osseuses / cytokines / facteurs de croissance Summary - - Physiology of bone tissue. Bone tissue is characterized by continuous modifications due to the activity of cells differing in origin and functions and by the presence of a calcified connective tissue. Systemic and local mechanisms involved in the regulation of bone remodeling (hormones, cytokines, growth factors) are discussed. bone remodeling / bone cells / PTH / cytokines / growth factors

Introduction

Le tissu osseux est un tissu conjonctif sp6cialise, caract6ris~ par la pr6sence de mineral et par sa capacit~ & se renouveler. Les propri~t6s de rigidit~ et de flexibilite de la structure osseuse sont maintenues gr&ce au renouvellement constant de la matrice s'exer£ant tout au long de la vie de I'individu. Ce processus de remaniement lui permet de r6parer ses 616ments constitutifs, gr&ce & I'activit6 continuelle des cellules osseuses. L'utilisation de I'histomorphometrie osseuse et des marqueurs biologiques a contribue & developper notre connaissance du metabolisme osseux, tant physiologique que pathologique. Les d6veloppements r~cents de la biologie cellulaire et mol~culaire ont permis d'identifier les facteurs contr61ant la fonction des cellules osseuses et le remaniement osseux. L'utilisation des cultures de cellules osteoblastiques et osteoclastiques a fait avancer notre connaissance concernant I'origine et la fonction des cellules osseuses et a permis d'etudier les nombreuses interactions existant entre les celtules osseuses, la moelle osseuse, et I'envi-

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* Directeur de recherche au CNRS.

ronnement tissulaire. II est maintenant bien etabli que le deroulement du remaniement osseux est sous I'influence de nombreux facteurs hormonaux et Iocaux, qui interagissent de manitre complexe et coordonn6e aux niveaux celtulaire et tissulaire. Le tissu o s s e u x

Le tissu osseux trabeculaire est compose de trav~es anastomos6es formant un r6seau tridimensionnel dont I'orientation est imposee par les forces m6caniques principales qui s'exercent sur I'os [7]. L'organisation structurale de I'os trabeculaire peut 6tre vue sch6matiquement en trois dimensions, comme un r~seau de plaques osseuses anastomosees, de taille variable, mais d'epaisseur constante, qui sont reliees entre elles par des travees orientees perpendiculairement. Les proprietes mecaniques de resistance & la compression de I'os trabeculaire derivent de I'orientation et de la r6partition des travees osseuses. La rigidite et la r~sistance de I'os trab6culaire dependent davantage du maintien d'un reseau anastomos6 des travees que de la densit~ propre ou du contenu mineral du tissu osseux. Bien que I'os compact et I'os trab~culaire soient diff~rents du point de vue de leur struc-

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ture, I'activite cellulaire qui preside & leur renouveliement est qualitativement identique, et la sequence des evenements prenant place le long de la surface des travees est la m6me que celle qui caracterise le remodelage cortical. Contrairement & I'os cortical cependant, les sites de remodelage ne sont pas constitues en tunnels, mais sont disposes lineairement le long des travees. L'etendue de I'os trabeculaire en contact avec la moelle est considerable, permettant une mobilisation rapide du calcium de I'os calcifie. Bien que ne representant qu'environ 20% du squelette, I'os trabeculaire joue un r61e important dans la regulation & long terme de I'equilibre phosphocaicique. La fonction du processus physiologique du remodelage osseux est d'une part de renouveler les structures osseuses anciennes, et d'autre part de contribuer & I'equilibre mineral de I'organisme.

Les cellules o s s e u s e s

Le remaniement du tissu osseux depend etroitement de I'action concertee de cellules specialisees, les osteoclastes et les osteoblastes. Les termes osteoblastes et osteoclastes regroupent une famille de cellules, dont les proprietes et les fonctions au cours du cycle de remodelage sont multiples. Le terme de cellules osteoblastiques s'applique & un ensemble heterog~ne de cellules de m6me origine, mais dont la fonction est differente" I'osteoblaste mature pr0prement dit, les cellules bordantes, et I'osteocyte [15]. Les cellules osteoblastiques sont issues de cellules mesenchymateuses progenetrices appartenant au stroma medullaire. Les precurseurs des cellules osteogeniques derivent initialement d'une cellule souche du stroma [9]. L'osteoblaste mature est une cellule cuboidale alignee le long de la matdce osseuse qu'elle synthetise. Son cytoplasme, basophile, est riche en reticulum endoplasmique et en mitochondries et presente un appareil de Golgi developpe qui temoigne de son activite de synth~se active. La fonction de I'osteoblaste mature est de synthetiser la matrice extracellulaire organique et de contribuer au processus de mineralisation. La matrice synthetisee consiste principalement en du collag~ne de type l associe & des glycoproteines, des phosphoproteines, des glycosaminoglycans et des proteines non collageniques. La proportion respective de chaque composant et leur organisation depend de I'etat de maturite de I'os et de son niveau de calcification.

Le processus de calcification de ia matrice reste I'objet de nombreuses controverses. On sait que la mineralisation necessite des concentrations adequates en mineraux, I'existence de sites de nucleation permettant la formation de cristaux, ainsi que la presence d'une matrice denuee de substances inhibitrices de ia mineralisation. Le collagene de type l est un site possible de nucleation Iocalise au niveau des zones particuli~res situees entre les fibrilles de tropocollag6ne [6]. Certaines proteines (c~2HS-glycoproteine, osteocaicine, osteonectine, phosphoproteines) ont une forte affinite pour le calcium et contribueraient & la mineralisation du collagene auquel ces proteines sont associees. L'activite de la phosphatase alcaline osteoblastique est liee au processus de mineralisation et son effet serait de degrader les pyrophosphates inorganiques qui sont des inhibiteurs de la calcification. Les osteoblastes matures ne se divisent pas, etant des cellules differenciees. La majorite des osteoblastes se laissent emmurer dans la matrice qu'ils ont synthetisee et deviennent alors des osteocytes. D'autres cellules deviennent aplaties et forment une couche de cellules bordantes alignees le long de la nouvelle matrice nouvellement formee. Un reseau de canalicules s'etend entre ces cellules bordantes et les osteocytes. Les nutriments, les mineraux et les facteurs hormonaux peuvent circuler par les canalicules reliant la surface & I'os profond, et les hormones calciotropes pourraient reguler le passage de ces substances en ajustant la permeabilite membranaire des cellules bordantes. Ces cellules sont en effet regulees par les m6mes facteurs qui influencent I'osteoblaste mature, ce qui leur permet de jouer un r61e important Iors du processus de remodelage. De plus, on a recemment montre que la formation osseuse depend essentiellement de la proliferation des cellules bordant la surface osseuse [8]. Les osteocytes sont issus des osteoblastes matures. La morphologie de I'osteocyte jeune est proche de celle de I'osteobiaste, mais i'aspect ultrastructural des osteocytes varie avec I'&ge de la cellule. L'osteocyte pourrait mobiliser le mineral perilacunaire, tr6s labile, et la faible quantite de mineral libere par chaque osteocyte serait amplifiee par la stimulation de tr6s nombreux osteocytes. Cette mobilisation osseuse permettrait d'effectuer un ajustement rapide de I'equilibre calcique, en reponse aux stimulations hormonales. Bien que I'aspect ultrastructural et histologique des lacunes osteocytaires ait suggere que le mineral perilacunaire et la substance organique

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pericellulaire sont labiles, l'existence d'un veritable phenom~ne d'osteolyse periosteocytaire n'a pas ete formellement demontree. Les cellules matures chargees de resorber le tissu osseux calcifi6 au cours du processus de remodelage sont les osteoclastes. L'osteoclaste est issu de cellules souches hematopoietiques capables de fusionner entre elles, ou avec d'autres cellules existantes, pour former un osteoclaste mature. II semble que I'osteoclaste soit issu de la differenciation, & un stade precoce non encore identifie, d'un precurseur appartenant & la lignee monocytemacrophage. La fonction principale de I'osteoclaste est de resorber la matrice osseuse calcifiee. L'osteoclaste differencie est une cellule geante multinuc166e, presente le long de I'os calcifie qu'elle resorbe en formant des lacunes de resorption. La cellule active est polarisee, les noyaux sont apicaux et la membrane cytoplasmique bordant le tissu osseux presente de multiples replis. Cette bordure en brosse est entouree par une region du cytoplasme denuee d'organelle, la zone claire, qui permet & I'osteoclaste de s'accrocher & la paroi osseuse. In vitro, on observe la formation de podosomes Iorsque les osteoclastes en culture sont mis au contact de I'os. Ces structures particulieres & I'osteoclaste sont complexes, formees de microfilaments relies & la membrane cellulaire. Leur assemblage est rapide et modulable par les concentrations extracellulaires ioniques en calcium ionise, et leur rele est d'assurer une forte adherence de la cellule & son support. La bordure en brosse et la zone claire disparaissent Iorsque la cellule n'est plus en activite et se detache de I'os. La fonction principale de I'osteoclaste est de resorber la matrice osseuse. La r~sorption de I'os se traduit par la degradation de la matrice organique et inorganique. Au cours de la phase de resorption, la surface osseuse au contact de I'osteoclaste est isolee de I'environnement exterieur par la zone claire entourant la bordure en brosse. Cet isolement permet de creer un microenvironnement oQ se ferait la degradation de la substance minerale et organique par des enzymes lysosomiales. Les fibrilles de collagene sont degradees extracellulairement, alors que les glycosaminoglycj~ns semblent 6tre degrades dans la cellule. 'La production locale de citrate et de lactate par I'osteoclaste acidifie le micro-environnement de la bordure en brosse, permettant la dissolution du mineral et I'activite optimale des hydrolases acides. L'anhydrase carbonique, enzyme hydrolysant les carbonates en protons et en gaz carbonique, joue egalement un rSle important dans le

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processus d'acidification du milieu. La zone de resorption peut donc ~tre consideree comme une unit6 fonctionnelle extracellulaire equivalente & celle des lysosomes secondaires. La resorption pourrait ainsi se derouler entierement dans le compartiment extracellulaire, dont le pH acide permettrait de dissoudre le mineral, alors que les enzymes lysosomiales liberees degraderaient la matrice organique [1, 18].

R e m a n i e m e n t du tissu o s s e u x

Les etapes du cycle du remodelage peuvent ~tre appreciees par l'analyse tissulaire morphometrique du tissu osseux. Le renouvellement permanent du tissu osseux adulte est effectue au niveau d'unites fonctionnelles de remodelage, les basic multicellular units (BMU) [5, 12]. Ces unites morphologiques sont histoIogiquement caracterisees par la succession dans le temps et I'espace d'une activite de r~sorption et de formation. Dans les conditions normales, la natalite et la duree de vie des phases de resorption et de formation restent constantes, assurant un etat stable. La frequence d'apparition des nouveaux foyers de remodelage peut ~tre regulee par une stimulation hormonale au cours de laquelle le nombre de foyers de resorption est modifie de fa£on transitoire (~tat instable), I'apparition de nouveaux foyers 6tant acceleree ou ralentie selon I'effet hormonal. ,&, la fin de cet etat instable, un nouvel etat stable est atteint, dans lequel les phases de resorption et de formation ont de nouvelles caract~ristiques. Ce nouvel etat d'equilibre persistera tant que s'appliquera I'action de I'effecteur hormonal sur la natalit~ des unites de remodelage. Le remodelage est regul~ de fa£on independante au niveau de chaque unit~ fonctionnelle, au niveau tissulaire et au niveau de I'os entier. La diminution de I'activite cellulaire au niveau de chaque unite de remodelage peut ~tre compensee par une augmentation du nombre d'unite de remodelage en activite. L'activite de chaque unite de remodelage depend davantage de la duree de vie et du nombre reel de cellules actives que de I'activite de chaque cellule. De meme, I'activite globale du remodelage au niveau tissulaire est principalement fonction du nombre de foyers de remodelage en activite. Le processus de remodelage, caracterise par un processus cyclique d'~rosion, suivi de reparation de microcavites le long de la surface osseuse, ne concerne qu'une frac-

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tion de la surface osseuse et necessite la coordination d'activites cellulaires determinees, regulees par des facteurs d'origine systemique ou locale. Le processus de remodelage commence par un phenomene d'activation par lequel une surface osseuse inactive est convertie en une surface en vole de resorption. Cette phase de resorption est suivie d'une phase intermediaire, qui precede immediatement la phase de formation osseuse. /~, celle-ci succede une phase de quiescence, oQ la surface osseuse reste inactive (fig 1). Le cycle du remodelage peut donc etre considere comme la succession dans le temps d'une phase de quiescence, une phase d'activation puis de resorption, une phase intermediaire suivie d'une phase de formation, puis d'un retour & la phase quiescente [5, 101.

LC ?hase de quiescence •

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1

Activation

1 t 1 1

R~s0rpti0n

2

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Formation

?base de quiescence

Fig 1. Sequence du processus de remodelage du tissu osseux. La phase de quiescence est caract~ris~e par la presence de cellules bordantes (lining cells, LC) le long de la surface osseuse. L'activation du cycle de remodelage debute par la fusion de preosteoclastes (POc) en osteociastes (Oc), qui resorbent la matrice calcifi~e au cours de la phase de resorption. La phase de formation qui suit la phase intermediaire se caracterise par I'apposition et la min~ralisation du tissu osteoi'de par les ost~oblastes (Ob). A cette phase de formation succ~de un nouvel 6tat quiescient.

La phase d'activation est initiee par le recrutement d'osteoclastes provenant de la proliferation et de la fusion de cellules precurseurs. Les osteoclastes reconnaissent une zone particuliere de la surface osseuse destinee & etre resorbee et adherent & cette surface. L'attraction des preosteoclastes & la surface osseuse semble se faire par chemotactisme et de nombreux composes de la matrice organique tels que I'osteocalcine, I'ct2HS-glycoproteine, sont chemotactiques pour les cellules precurseurs des osteoclastes. La surface osseuse etant recouverte de cellules bordantes, I'acces & la surface mineralisee necessite une retraction cellulaire de ces cellules [14], ainsi que la degradation de la matrice organique protectrice par les cellules bordantes [16]. Ces cellules pourraient egalement synthetiser et liberer un certain nombre de facteurs capables d'induire la formation d'osteoclastes et de reguler leur activit& L'osteoclaste multinuclee resorbe la matrice organique mineralisee, creusant une lacune de resorption dont la dimension et la forme sont determinees. Dans I'os trabeculaire, les osteoclastes resorbent une lacune d'environ 50pm de profondeur moyenne sur 1 mm de long. Des cellules mononucleees seraient 6galement impliquees dans la phase finale de la resorption de la lacune [3]. Une fois la lacune de resorption erodee, I'osteoclaste se detache de la paroi osseuse, sans que I'on sache avec precision si la cellule multinucleee se lyse ou se separe en cellules mononucleees. La phase intermediaire separe la phase de resorption osteoclastique proprement dite de la phase de formation. Au cours de cette phase, des cellules seraient responsables de I'erosion des irregularites de la matrice calcifiee et non resorbees par I'osteoclaste. C'est au cours de la phase intermediaire que s'effectue et se transmet le signal inducteur de la phase de formation osseuse. Ce signal doit etre transmis Iocalement, de fa£on & provoquer une osteogenese & un site particulier et & un moment determine. La liaison couplant la resorption et la formation s'effectue par la liberation au cours de la resorption d'un ou de plusieurs facteurs cellulaires ou matriciels. La liberation de tels facteurs pourrait etre suffisante pour permettre la proliferation et la differenciation, de cellules osteogeniques. L'attraction de ces cellules au site de formation pourrait se faire par I'action d'un agent chemotactique libere au cours de la resorption. La phase de formation est caracterisee par I'apposition par les osteoblastes d'une matrice collagenique qui, apres un temps de matura-

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tion, se mineralise. L'activite de formation depend davantage du nombre initial d'osteoblastes que de I'activite propre de chaque cellule. L'apposition de la matrice osteo'~de represente environ 15% des surfaces de I'os trabeculaire, alors que les osteoblastes morphologiquement actifs ne sont presents que le long d'environ 5% des surfaces osteoi'des. La vitesse d'apposition de la matrice est initialement rapide et correspond & une activite de synthese optimale des osteoblastes et le processus de calcification de I'osteoi'de persiste jusqu'& mineralisation complete de la matrice. ,&, ce stade, les cellules osteoblastiques sont devenues cellules bordantes, excepte pour les osteoblastes qui se sont laisse inclure dans la matrice pour devenir des osteocytes. La surface osseuse presente alors les caracteristiques d'une nouvelle phase de quiescence, excepte qu'une portion de I'os ancien a ete remplace par une quantite approximativement egale d'os jeune. Alors que la duree de la phase de resorption est d'environ 3 jours, la duree de la phase intermediaire est de 12 & 13 jours dans I'os trabeculaire adulte, la phase de formation etant beaucoup plus Iongue, d'environ 60 & 120 jours dans I'os humain trabeculaire. Dans les conditions normales, la surface osseuse peut rester quiescente pendant plusieurs annees, avant qu'une nouvelle activation initie un nouveau cycle de remodelage au meme endroit. II existe une perte osseuse avec I'&ge dans la race blanche. Au niveau de I'os spongieux, on observe chez I'homme une decroissance du volume d'os trabeculaire d'environ 30% entre les tranches d'&ge 20 et 80 ans. Chez la femme, il existe une decroissance lente qui s'accelere entre 50 et 70 ans, la perte d'os trabeculaire etant evaluee & 40% entre les tranches d'&ge 20 et 80 ans. Les mecanismes cellulaires impliques dans la perte osseuse trabeculaire avec I'&ge sont multiples. La profondeur des lacunes de resorption diminue avec I'&ge, par une diminution de I'activite des cellules mononucleees presentes dans la lacune de resorption [3]. On a pu mettre en evidence qu'il existe une diminution du nombre de travees dans la moelle et que les distances separant les travees restantes augmentent avec I'&ge, particulierement apr~s la menopause chez la femme. La rt{'refaction du nombre des travees serait due & une perforation des travees amincies existantes et conduit & une osteopenie irreversible [11]. La phase de formation est la plus modifiee au cours du vieillissement. La quantite d'os forrnee dans chaque unite structurale de remo-

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delage, evaluee par I'epaisseur moyenne de chaque unite, diminue significativement avec I'&ge. Cette diminution de la formation osseuse au niveau de chaque unite de remodelage serait due & une reduction de la duree de la periode d'activite des osteoblastes ou & une diminution du recrutement de ces cellules. La diminution de I'activite de la moelle hematopoletique avec I'&ge au profit de I'accumulation de cellules adipeuses, contribuerait a diminuer le recrutement des cellules osteoprogenetrices. Meme si la quantite d'os resorbe diminue avec I'&ge, la quantite d'os reforme reste inferieure & la quantite d'os resorbe. Ce deficit apparaissant & chaque unite de remodelage s'accumule avec le temps et contribue a la perte osseuse au niveau tissulaire. Cette perte osseuse trabeculaire est aggravee Iorsqu'il existe une augmentation du nombre de cycles de remodelage, qui conduit & multiplier le deficit de chaque unite de remodelage et qui accentue d'autant la perte osseuse trabeculaire.

Rdgulation du remaniement osseux

Un certain nombre d'hormones calcitropes, dont I'hormone parathyrofdienne (PTH) la 1,25dihydroxyvitamine D (1,25(OH)2D) et la calcitonine (CT), ont des effets directs sur les cellules osseuses et le remodelage de I'os [13, 17, 19] (tableau I). Au niveau tissulaire, la parathormone (PTH) augmente la natalite des unites multicellulaires de remodelage et la vitesse de renouvellement global de ros trabeculaire. Lorsque le couplage est preserve, le nombre d'osteoblastes actifs est egalement augmente, ainsi que I'etendue des sites actifs de formation [10]. Au niveau cellulaire, la PTH stimule la resorption osteoclastique de la matrice minerale et organique. La reponse osteoclastique & la PTH pourrait etre mediee par les cellules osteoblastiques, bien que d'autres cellules presentes dans le microenvironnement medullaire puissent egalement etre impliquees. Les effets de la PTH au niveau des cellules osteoblastiques sont multiples [19]. La PTH induit une retraction cellulaire des cellules bordantes, permettant I'attachement cellulaire des osteoclastes le long de la surface osseuse. Par ailleurs, la PTH modifie la proliferation et I'activite des cellules osteoblastiques. Ses effets sur I'activite des phosphatases alcalines osteoblastiques sont variables et dependent de I'etat de differenciation osteoblastique des cellules observees. La PTH inhibe in vitro la synthese du collagene et des proteines non collageniques,

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Tableau I. Effets des facteurs syst@miques et Iocaux sur le tissu osseux.. R6sorp tion

Form,a tion

Recrutement des osteoclastes

Activit6 cellulaire

Recrutement cellulaire

Activit# cellulaire

Hormones Parathormone 1,25(OH)2D Calcitonine G lucoco rticoi'des H thyro'fdiennes Insuline H de croissance £Estrog@nes

1` 1" 4, 1" -

1" 1" $ 1" $

1" 4, 1" 1" 1`

$ 4, 4, 1" 1" 1"

Facteurs de croissance EGF PDGF FGF TGFI~ IGF-1

1` 1" 4, -

1` 1` 1" -

1" 1` 1" 1" 1"

$ 4, 1` 1`

IL-I

$

-I"

$

$

PGE2 TNF IFNy IL6

1" $ 1`

$1" 1" $ -

$$ 1` $ -

$1" $ $ -

Cytokines

dont I'osteocalcine, et stimule indirectement la prolif@ration osteoblastique par la production de facteurs de croissance autocrines. Les effets cellulaires de la PTH sont medies par une cascade d'evenements intercellulaires. II est bien @tabli que I'AMP cyclique est un m6diateur de Faction de la PTH au niveau ost@oblastique. De recents travaux ont montre que la PTH augmente I'entr@e du calcium extracellulaire dans le cytosol et modifie le m@tabolisme des phosphatidylinositides. La 1,25(OH)2 vitamine D, le metabolite physiologique le plus actif de la vitamine D, a des effets directs sur le tissu osseux. L'effet de la 1,25(OH)2D sur la resorption pourrait @tre m~die par des facteurs Iocaux, encore non identifi6s, produits par des cellules cibles telles que les cellules osteoblastiques, ou d'autres types cellulaires d'origine medullaire. La 1,25(OH)2D favorise la differenciation, I'activation et la fusion de cellules pr@curseurs hematopo'/etiques en cellules ost@oclastiques [17], et influence I'activit@ et la proliferation des osteoblastes. Comme la PTH, la 1,25(OH)2D produit une r@traction cellulaire des cellules osteoblastiques en culture. Dans de nombreux mod@les in vitro, la 1,25(OH)2D inhibe la proliferation des cellules osteoblastiques, augmente I'acti-

vit@ des phosphatases alcalines et la synth@se d'ost@ocalcine, et inhibe la synth@se intracellulaire de collagene. La calcitonine diminue le nombre et I'activit@ des osteoclastes aussi bien in vivo qu'in vitro. La calcitonine inhibe directement I'activit@ de I'ost@oclaste qui poss@de des r@cepteurs sp@cifiques pour cette hormone. La r@ponse de I'ost@oclaste & la calcitonine est mediee par I'AMP cyclique, dont les analogues inhibent I'activit@ osteoclastique de r@sorption. La mise en @vidence recente de la presence de r@cepteurs pour les eestrogenes au niveau des cellules osseuses a permis de determiner le mecanisme d'action de ces hormones au niveau osseux. Les oestrogenes ont des effets directs et indirects sur les cellules osseuses. L'oestradiol stimule la prolif@ration des cellules ost@oblastiques et la synth@se de collagene, en partie par I'induction de facteurs de croissance autocrines [4] et inhibe la r@ponse & la PTH. Des effets similaires ont recemment 6t@ d@crits pour les androg@nes et la progesterone sur les cellules ost@oblastiques en culture. L'insuline exerce des effets directs sur la formation osseuse in vitro en stimulant I'activite des osteoblastes matures. Les somatomedines sont les m@diateurs de I'effet stimulateur de

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I'hormone de croissance sur la formation osseuse. La somatomedine-C ou insuline-like growth factor (IGF-I) stimule fortement et indirectement la replication des cellules osteoprogenitrices, et augmente directement la synthese de collag~ne en culture. Les glucocortico'fdes ont des effets multiples sur le metabolisme mineral et le remodelage osseux. L'exc~s de glucocortico'fdes induit une diminution de I'absorption intestinale, et par suite un hyperparathyro'fdisme secondaire. In vitro, les glucocorticoi'des affectent directement la formation osseuse. Ces hormones stimulent & court terme la diff6renciation osteoblastique, ce qui se traduit par une augmentation de la synthese de collagene et de I'activite des phosphatases alcalines, et Line modulation des recepteurs & la 1,25(OH)2D3. A plus long terme, les glucocortico'ides inhibent la synthese du collag~ne et des proteines non collageniques, et diminuent I'activite des phosphatases alcalines. Cet effet est dQ & une inhibition de la proliferation des cellules osteoprogenitrices. De nombreux facteurs Iocaux influencent les activites de resorption et de formation [2, 13]. Les cellules osseuses produisent des prostaglandines et la PGE2 stimule fortement la resorption osseuse in vitro, mais inhibe directement I'activite de I'osteoclaste isole. La stimulation de la resorption osseuse est mediee par les osteoblastes en culture d'organe. Les effets de la PGE2 sur la formation osseuse sent biphasiques. ,~ faible dose in vitro, la PGE2 stimule la synthese de collag~ne et des proteines non collageniques, ainsi que la proliferation des cellules osteoprogenitrices, mais ces effets sont inverses & plus forte dose. La PGE2 stimule I'activite des phosphatases alcalines des cellules osteoblastiques en culture, un effet medic par I'AMP cyclique intracellulaire. In vivo, la PGE2 stimule fortement la proliferation d e s cellules periostees, ce qui se traduit par une augmentation de la formation osseuse periostee. La production locale de PGE2 pourrait ~tre impliquee dans le contrSle de la formation osseuse, mais le rSle precis joue par les prostaglandines dans le processus de couplage entre la resterption et la formation de I'os n'est pas connu. L'interleukine 1 (IL-1), produite par les monocytes/macrophages, stimule la resorption osseuse in vitro. Cependant, I'lL-1 n'a pas d'effet direct sur I'osteoclaste, et la resorption n'est stimulee qu'en presence d'osteoblastes. L'IL-1 stimule la proliferation des cellules osteoprogenitrices et inhibe la production de collagene OSseux in vitro.

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Le tumor necrosis factor o~ (TNFo~), produit par les macrophages activ6s, stimule la resorption osseuse in vitro en augmentant le nombre de precurseurs des osteoclastes et en stimulant indirectement t'activite de I'osteoclaste mature. Les effets du TNFot sur la formation osseuse sont similaires & ceux de I'lL-l, les effets du TNFct pouvant par ailleurs 6tre medies en partie par I'lL-l, puisque le TNFo~ stimule la production d'lL-1 par les macrophages. L'interferon y (INFy), produit par les lymphocytes actives, inhibe la resorption osteoclastique en culture et inhibe la differenciation des preosteoclastes en osteoclastes matures. L'INFy inhibe egalement la synthese de collag~ne en culture, un effet secondaire & la diminution de la proliferation des cellules osteoprogenitrices. Les cellules osseuses sont capables de synthetiser un grand nombre de facteurs de croissance, et la matrice osseuse elle-m~me contient un certain nombre de ces facteurs. Le fibroblast growth factor (FGF) stimule la replication cellulaire des preosteoblastes, ce qui induit secondairement une augmentation de la synthese de collagene. Par contre, le FGF ne stimule pas la differenciation osteoblastique, et n'affecte pas la resorption osseuse. L'epidermal growth factor (EGF) stimule la proliferation des cellules osteoprogenitrices in vitro, mais inhibe la synthese du collagene par les osteoblastes matures. L'EGF stimule directement la resorption osseuse en culture, par un mecanisme qui semble impliquer une augmentation de la synth#se des prostaglandines. Le platelet derived growth factor (PDGF), present en quantite importante dans les plaquettes et dans le tissu osseux, stimule la synthese d'ADN in vitro. Comme pour le FGF et I'EGF, l'effet mitogene du PDGF concerne principalement les cellules peu differenciees du p~rioste. Le PDGF stimule egalement la resorption osseuse par un mecanisme impliquant les prostaglandines. Le rSle physiologique jou6 par le PDGF n'est pas connu. Ce facteur pourrait ~tre libere au cours de I'aggregation plaquettaire Iors du processus initial de reparation des fractures et promouvoir ainsi la formation et la reparation de I'os. Les cellules osteoblastiques d'origine humaine sont capables de synthetiser du PDGF, ce qui suggere que le PDGF serait un facteur de croissance a effet local. Le transforming growth factor ~ est synthetise par les osteoblastes et est present en grande quantite dans I'os. Le TGFI3 present dans la matrice osseuse se presente sous la forme de deux dim~res, TGF~I et TGF~2, dont les activit6s biologiques sont identiques. Le

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TGF~ stimule la resorption osseuse en culture d'organe, un effet m~di6 par ies prostaglandines, mais inhibe la diff~renciation osteoclastique. In vitro, le TGFI3 stimule la division cellulaire des preost~oblastes. Cependant, cet effet est biphasique et d~pend de la densite cellulaire et de la dose utilis6e. En culture d'organe, le TGFI3 a un effet stimulateur direct et indirect sur la synth~se du collag~ne osseux. Ce facteur local, dont la concentration est r6gulee par les hormones, serait impliqu~ dans le couplage entre la r6sorption et la formation osseuses.

Conclusion L'apport de la biologie cellulaire et moleculaire a permis d'approfondir nos connaissances portant sur les m~canismes physiologiques r~gulant le tissu osseux. II est maintenant bien ~tabli que la r~gulation du remodelage osseux est contrSlee par de nombreux facteurs syst6miques et Iocaux. D'une part, les hormones calcitropes ont des effets directs sur le remodelage osseux, et leurs effets indirects sont medies par la production d e facteurs Iocaux. D'autre part, un grand nombre de cytokines et de facteurs de croissance modifient I'activit~ et la prolif6ration des cellules osseuses; les effets des facteurs de croissance presents localement au niveau osseux dependent du type de cellules pr6sentes et de leur ~tat de diff6renciation, et leur activite est modul~e par les nombreuses interactions entre les facteurs Iocaux et les hormones. Bien que ces facteurs Iocaux puissent avoir un r61e important dans le couplage entre la r~sorption et la formation osseuse, le r61e precis joue par ces facteurs au cours du remodelage o s s e u x normal et pathologique reste a d~terminer.

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