Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé

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ARTICLE IN PRESS Cancer/Radiothérapie xxx (2020) xxx–xxx

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Mise au point

Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé Role of immunotherapy in locally advanced non-small cell lung cancer A. Levy a,∗,b , J. Doyen c,d , A. Botticella a , R. Bourdais a , S. Achkar a , P. Giraud a , C. Du a , C. Naltet e , P. Lavaud e , B. Besse e,b , P. Pradère f , O. Mercier f , C. Caramella g , D. Planchard e , E. Deutsch a,b , C. Le Péchoux a a

Département d’oncologie radiothérapie, Gustave-Roussy, institut d’oncologie thoracique (IOT), université Paris-Saclay, 94805 Villejuif, France Université Paris Sud, université Paris-Saclay, 94270, Le Kremlin-Bicêtre, France c Département d’oncologie radiothérapie, centre Antoine-Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189, Nice cedex 2, France d Université Côte d’Azur, fédération Claude-Lalanne, Nice cedex 2, France e Département de médecine oncologique, Gustave-Roussy, institut d’oncologie thoracique (IOT), université Paris-Saclay, 94805, Villejuif, France f Département de chirurgie vasculaire et thoracique, hôpital Marie-Lannelongue, université Paris-Saclay, Le Plessis Robinson, France g Département d’imagerie, Gustave-Roussy, institut d’oncologie thoracique (IOT), université Paris-Saclay, 94805 Villejuif, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ˆ 2019 Rec¸u le 26 aout Rec¸u sous la forme révisée le 2 septembre 2019 Accepté le 11 septembre 2019 Mots clés : Immuno-oncologie Radiothérapie Irradiation thoracique Cancer du poumon

r é s u m é La chimioradiothérapie concomitante est le standard thérapeutique chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules non résécable de stade III, quels que soient leurs sous-types histologiques et leurs caractéristiques moléculaires. Dans ce cadre, seuls 15 à 30 % des patients demeurent en vie cinq ans après la chimioradiothérapie et ce chiffre n’a pratiquement pas changé malgré de multiples essais randomisés. Au cours des cinq dernières années, le blocage des points de contrôle immunitaires par anti-PD-(L)1 a révolutionné la prise en charge du cancer bronchique non à petites cellules métastatique, devenant un standard en première ligne et deuxième ligne de traitement. Plusieurs études précliniques ont mis en évidence une libération accrue d’antigènes tumoraux, une présentation améliorée de ces antigènes et l’augmentation de l’infiltration des lymphocytes T dans les tumeurs irradiées. L’immunothérapie a récemment été évaluée pour les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules localement évolué ayant rec¸u une irradiation thoracique. Suite à l’essai PACIFIC, l’anticorps anti-PD-L1 durvalumab est apparu comme un nouveau standard en consolidation pour les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules de stade III non résécable dont la maladie n’a pas progressé après une chimioradiothérapie concomitante à base de sels de platine. L’immunoradiothérapie apparaît donc comme une nouvelle association encourageante chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules localisées. De nombreux essais évaluent donc actuellement l’intérêt d’une immunothérapie concomitante à la chimioradiothérapie et/ou de l’ajout d’une chimiothérapie associée à l’immunothérapie de consolidation chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules localement évolué. ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ oncologique (SFRO). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous © 2020 Societ ´ ´ droits reserv es.

a b s t r a c t Keywords: Immuno-oncology Radiotherapy Thoracic irradiation Lung cancer

Concomitant radiochemotherapy has been the standard of care for unresectable stage III non-small cell lung cancer (NSCLC), irrespective of histological sub-type or molecular characteristics. Currently, only 15–30 % of patients are alive five years after radiochemotherapy, and this figure remains largely unchanged despite multiple phase III randomised trials. In recent years, immune-checkpoint blockades with anti-PD-(L)1 have revolutionised the care of metastatic NSCLC, becoming the standard front- and second-line strategy. Several preclinical studies reported an increased tumour antigen release, improved antigen presentation, and T-cell infiltration in irradiated tumours. Immunotherapy has therefore recently

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Levy). https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.09.007 ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ ´ ´ 1278-3218/© 2020 Societ oncologique (SFRO). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

Pour citer cet article : Levy A, et al. Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé. Cancer Radiother (2020), https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.09.007

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been evaluated for patients with locally advanced stage III NSCLC. Following the PACIFIC trial, the antiPD-L1 durvalumab antibody has emerged as a new standard consolidative treatment for patients with unresectable stage III NSCLC whose disease has not progressed following concomitant platinum-based chemoradiotherapy. Immunoradiotherapy therefore appears to be a promising association in patients with localised NSCLC. Many trials are currently evaluating the value of concomitant immunotherapy and chemoradiotherapy and/or consolidative chemotherapy with immunotherapy in patients with locally advanced unresectable NSCLC. ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All © 2020 Societ rights reserved.

1. Introduction En France, la mortalité liée au cancer du poumon se situe au premier rang chez l’homme (22 761 décès en 2018) et en deuxième place chez la femme (10 356 décès en 2018) [1]. Les cancers bronchiques non à petites cellules de stade III représentent 20 à 25 % des cancers bronchiques non à petites cellules et environ 500 000 dans le monde sont diagnostiqués chaque année. Ce stade comprend les tumeurs primitives localement évoluées avec infiltration des organes médiastinaux et/ou une atteinte des ganglions lymphatiques médiastinaux locorégionaux. Une approche multidisciplinaire, incluant des oncologues radiothérapeutes, des oncologues médicaux et des chirurgiens thoraciques est indiquée. Les facteurs clés qui influent sur la planification du traitement incluent l’étendue de la tumeur primitive et de l’atteinte ganglionnaire sur l’imagerie initiale (scanographie et TEPFDG [fluorodésoxyglucose]), la possibilité de réaliser une résection chirurgicale complète, ainsi que l’état général et les préférences du patient. Pour la plupart des patients atteints d’une maladie non résécable chirurgicalement (pour des raisons fonctionnelles ou multi-site de stade N2 et N3), la chimioradiothérapie concomitante à visée curative est le standard thérapeutique. La radiothérapie thoracique délivre une dose de 60 à 66 Gy en fractions, 2 Gy dans la tumeur bronchique primitive et les aires ganglionnaires envahies, en combinaison avec un doublet de chimiothérapie à base de sels de platine [2,3]. Une irradiation à plus forte dose (74 Gy) était associée à une survie plus courte et à un risque de décès plus élevé par rapport à l’irradiation délivrée à une dose classique (médiane 20 mois contre 29 mois ; HR [Hazard Ratio] 1,38). Une analyse complémentaire suggérait que la survie inférieure aurait pu être liée à des doses plus élevées délivrées au cœur [4]. Une analyse secondaire de 482 patients comparant les techniques de radiothérapie conformationnelles tridimensionnelle et avec modulation d’intensité (RCMI) a révélé une survie similaire à deux ans et la RCMI était associée à des doses cardiaques plus faibles et à des taux inférieurs de pneumopathie de grade ≥ 3 (7,9 % contre 3,5 %) [5]. Un essai de l’intergroupe franc¸ais de cancérologie thoracique (IFCT, RTEP7) évalue actuellement l’intérêt d’un complément de dose sur la zone TEP-FDG positive en cours de chimioradiothérapie thoracique à visée curative. Malgré un traitement multimodal, le pronostic des cancers bronchiques non à petites cellules non résécables de stade III reste limité, avec des taux de survie globale à cinq ans d’environ 15 % à 30 % [4,6]. De nouvelles modalités thérapeutiques sont par conséquent évaluées. L’utilisation des thérapies ciblées n’a pas fait la preuve de son efficacité dans les cancers bronchiques non à petites cellules de stade III. Par exemple, l’addition du cetuximab à la chimioradiothérapie concomitante n’a pas amélioré la survie globale (médiane de 25 contre 24 mois) et a été associé à une augmentation de la toxicité sévère (86 contre 70 % des cas) [4,7]. Plus récemment, l’immunothérapie par inhibiteurs des points de contrôle immunitaires a été évaluée dans le traitement des cancers bronchiques non à petites cellules localement évolués.

2. Immunothérapie de consolidation : un nouveau standard thérapeutique dans les cancers bronchiques non à petites cellules localement évolués 2.1. Rationnel biologique La résistance immunitaire adaptative est un processus par lequel le cancer modifie son phénotype pour contrer une réponse immunitaire cytotoxique ou pro-inflammatoire. Ce processus adaptatif est déclenché par la reconnaissance spécifique des cellules cancéreuses par les lymphocytes T, ce qui conduit à la production de cytokines activant le système immunitaire. La croissance tumorale est ainsi associée à une diminution de l’immunogénicité des cellules tumorales, la tumeur développant des mécanismes adaptatifs d’échappement immunitaire [8,9]. La stimulation de points de contrôle immunitaires inhibant les lymphocytes T activés est un processus physiologique qui aide à maintenir la tolérance et à prévenir l’auto-immunité. Cependant, les tumeurs qui stimulent en permanence le système immunitaire exploitent souvent ce mécanisme. Ainsi, plusieurs points de contrôle immunitaires et leurs ligands sont constamment régulés positivement à la surface de cellules du microenvironnement tumoral, tels que les lymphocytes T (et autres cellules immunitaires) et les cellules cancéreuses [10]. Deux points de contrôle clés sont devenus des cibles thérapeutiques majeures parmi plusieurs types de cancer, dont le cancer bronchique non à petites cellules : l’antigène-4 associé aux lymphocytes T cytotoxiques (CTLA-4) et le « programmed-death » (PD-1)/PD-1 ligand (PD-L1). Les interactions PD-1/PD-L1 fournissent un signal inhibiteur à la réponse des lymphocytes T. Les cellules cancéreuses sont connues pour réguler positivement l’expression de PD-L1 de surface en réponse aux interactions PD-1/PD-L1. Cette expression régulée à la hausse jouerait un rôle essentiel dans l’échappement immunitaire de la tumeur et modifierait le microenvironnement immunitaire tumoral. Les anti-PD-(L)1 pourraient donc inverser la suppression immunitaire et entraîner une réponse antitumorale systémique [11]. Au cours des dernières années, le blocage des points de contrôle immunitaires par des immunothérapies anti-PD-(L)1 a révolutionné la prise en charge des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules métastatique, devenant un standard thérapeutique en deuxième (nivolumab, atezolizumab et pembrolizumab) intention en monothérapie, ainsi qu’en première ligne (pembrolizumab) en association ou non avec la chimiothérapie [12–15]. 2.2. Anti-PD(L)1 et radiothérapie Les données précliniques indiquent que l’efficacité antitumorale est augmentée lorsque les anti-PD-(L)1 sont associés à une irradiation. Dovedi et al. ont démontré que la radiothérapie pouvait augmenter durablement l’expression de PD-L1 à la surface des cellules tumorales, conduisant à une meilleure survie dans des modèles in vivo [16]. Les rayonnements ionisants provoquent la

Pour citer cet article : Levy A, et al. Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé. Cancer Radiother (2020), https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.09.007

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libération d’antigènes tumoraux, favorisant ainsi la reconnaissance par le système immunitaire et son activation contre les cellules tumorales en dehors du champ de radiation (effet « abscopal »). Les rayonnements ionisants modulent aussi le phénotype des cellules tumorales, entraînant à la fois une réponse immunitaire active et une reconnaissance immunitaire accrue. Les tumeurs irradiées émettent des signaux de danger qui déclenchent l’activation des cellules dendritiques. L’irradiation peut également induire une augmentation dose-dépendante de la présentation du CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) de classe I dans les cellules tumorales humaines, conduisant à la reconnaissance tumorale par les cellules immunitaires. L’engagement des récepteurs PD-1 et CTLA4 sur les lymphocytes T activés par leurs ligands (respectivement PD-L1 et B7) entraîne une régulation négative des lymphocytes T, qui protège les cellules cancéreuses de l’élimination immunitaire. Les signaux de danger, les cellules dendritiques activées et les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire induisent tous l’activation de lymphocytes T CD8+ anti-tumoraux [17,18]. Ainsi, dans des modèles tumoraux de cancer bronchique non à petites cellules, la combinaison de la radiothérapie et d’inhibiteurs des points de contrôle immunitaire a montré une régression tumorale plus prononcée en comparaison de l’utilisation seule de l’un de ces traitements [19]. À l’opposé, les rayonnements ionisants peuvent induire une réponse immunosuppressive dans le microenvironnement tumoral. Notamment, l’irradiation induit une augmentation du TGFb ou de certaines cellules immunitaires inhibitrices, telles que les lymphocytes Treg ou des cellules de la lignée myéloïde (MDSC, TAM, etc.) qui agissent contre l’induction d’une immunité anti-tumorale efficace [20,21]. Il existe donc un rationnel à combiner la radiothérapie avec des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires. 2.3. Données cliniques : l’essai PACIFIC Après les nouvelles indications des anti-PD-L1 pour les cancers bronchiques non à petites cellules de stade IV, l’immunothérapie a été évaluée pour les patients avec des stades localement avancés ayant rec¸u une irradiation thoracique. Pour les patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules de stade III non résécable dont la maladie n’a pas progressé après une chimiothérapie concomitante à base de platine et une radiothérapie thoracique, l’anticorps anti-PD-L1 durvalumab est apparu comme un nouveau standard depuis l’essai PACIFIC. L’essai PACIFIC (NCT03693300) a été le premier essai de phase III à évaluer le rôle d’une immunothérapie de consolidation par le durvalumab, un anticorps

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sélectif anti-PD-L1. Dans cet essai randomisé de phase III, plus de 700 patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules non résécable de stade III sans progression après au moins deux cycles de chimioradiothérapie à base de platine ont été randomisés entre l’anticorps anti-PD-L1 durvalumab toutes les deux semaines pendant un an ou un placebo selon un ratio 2/1 [22,23]. Après un suivi médian de 25 mois, le durvalumab a augmenté la survie sans progression médiane (17,2 contre 5,6 mois ; HR : 0,51 ; IC à 95 % [intervalle de confiance à 95 %] : 0,41 – 0,63) et la survie globale (HR 0,68 ; IC 95 % : 0,54 – 0,86). Les taux de survie à 12 mois avec et sans durvalumab étaient respectivement de 83 et 75 %, et ceux de 24 mois, de 66 et 56 % (Fig. 1). Le bénéfice de survie sans progression et de survie globale avec durvalumab a été observé dans les deux sous-groupes PD-L1 > ou < 25 %. Une analyse exploratoire post-hoc a montré que l’avantage du durvalumab n’était pas évident chez les patients dont l’expression de la PD-L1 était inférieure à 1 % (cf. ci-dessous). Des effets indésirables de grade 3 ou 4 sont survenus chez 31 % des patients ayant rec¸u du durvalumab et 26 % de ceux ayant rec¸u un placebo, l’effet indésirable grave le plus courant étant la pneumopathie. Des effets indésirables ont été rapportés chez 66 % des patients recevant le durvalumab, par rapport à 49 % de ceux recevant le placebo, dont la plupart étaient de grade 1 ou 2. Ces effets secondaires ont inclus : diarrhée (18 contre 19 %), pneumopathie (13 contre 8 %), éruption cutanée (12 contre 7 %) et prurit (12 contre 5 %). Les effets indésirables pour lesquels les patients ont dû recevoir un traitement spécifique ont été rapportés chez 42 et 17 patients, respectivement sous durvalumab et placebo. Ces traitements spécifiques comprenaient généralement des stéroïdes, des agents endocriniens et occasionnellement d’autres agents immunosuppresseurs. Ces résultats démontrent l’efficacité et la tolérance du durvalumab pour le traitement du cancer bronchique non à petites cellules non résécable de stade III chez les patients en situation de réponse objective ou de maladie stable à la suite de la chimioradiothérapie concomitante. La dose actuelle recommandée est de 10 mg/kg IV tous les 15 jours pendant un an. Une « flat dose » sera probablement ultérieurement proposée afin d’espacer les injections tous les mois. 3. Limites de l’essai PACIFIC 3.1. Données manquantes concernant la radiothérapie L’influence du délai de l’administration de la radiothérapie sur le bénéfice clinique ou la toxicité de l’immunothérapie n’est pas

Fig. 1. Données de survie sans progression (SSP) et de survie globale (SG) dans l’essai PACIFIC.

Pour citer cet article : Levy A, et al. Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé. Cancer Radiother (2020), https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.09.007

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connue. Dans une analyse secondaire de l’essai PACIFIC, il n’a pas été retrouvé de différence en fonction du délai d’introduction du durvalumab après radiothérapie (< 14 ou ≥ 14 jours) [24]. Une autre analyse secondaire de l’essai KEYNOTE-001 (pembrolizumab chez des patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules évolué) a comparé les résultats selon lesquels le patient avait déjà rec¸u une radiothérapie préalable [25]. La survie sans progression médiane était augmentée de 2,3 mois et la survie globale médiane, de 6,3 mois chez les patients ayant rec¸u une radiothérapie antérieure. Dans la même analyse, des toxicités pulmonaires de tout grade ont été observées plus fréquemment chez les patients ayant déjà rec¸u une radiothérapie thoracique (63 %) par rapport à ceux n’ayant pas eu de radiothérapie thoracique antérieure (40 %). Aucune différence de toxicité pulmonaire de grade ≥ 3 n’a été observée. Dans l’étude PACIFIC, les données sur la radiothérapie délivrée (volumes, contraintes dosimétriques, etc.) étaient manquantes et seuls la dose délivrée et le type de chimiothérapie concomitante étaient disponibles. Les taux de pneumopathie de grade 3–4 étaient similaires entre les deux groupes (3,4 % dans le groupe durvalumab et 2,6 % dans le groupe placebo) [22,23]. Dans une analyse secondaire de l’essai PACIFIC, il n’y avait aucune association apparente entre le taux de pneumopathie, la notion d’une fonction respiratoire altérée au préalable, la dose de radiothérapie ou le type de chimiothérapie concomitante utilisée (cisplatine ou carboplatine). Les patients atteints de pneumopathie étaient plus fréquemment asiatiques (47,9 % contre 17,6 %) ou avec des tumeurs mutées EGFR (écepteur de l’epidermal growth factor) (11,0 % contre 3,8 %) [26]. Il convient toutefois de souligner qu’une incidence plus élevée de pneumopathies liées à l’immunothérapie seule a été rapportée dans la pratique clinique « réelle » (19 %) en comparaison de celle rapportée dans les essais cliniques (3 % à 5 %) [27]. Une irradiation hypofractionnée concomitante à l’immunothérapie pourrait aussi conduire à l’apparition de toxicité pulmonaire sévère [28]. Cette association est donc à utiliser de manière prudente en dehors d’un essai thérapeutique. Luke et al. ont montré qu’une irradiation concomitante à du pembrolizumab était toutefois sans surtoxicité sévère si la masse irradiée ne dépassait pas 65 mL et que la technique d’irradiation utilisée était stéréotaxique [29]. 3.2. Autorisation de mise sur le marché (AMM) actuelle du durvalumab De manière inattendue, l’Agence européenne du médicament (EMA) a décidé de limiter l’utilisation de durvalumab aux patients atteints de tumeurs exprimant le PD-L1. Cette décision a été basée sur une analyse post-hoc, effectuée sur une sous-population de taille relativement limitée, qui n’a pas établi davantage de la survie globale dans les tumeurs PD-L1 négatives. La décision de l’EMA, basée sur l’analyse post-hoc a été critiquée par certains experts Européens [30] : • la conclusion de l’analyse post-hoc n’était pas fondée sur la population en intention de traiter (ITT) de l’essai, comme il aurait été approprié (CONSORT) ; • l’expression de PD-L1 peut être dynamique et hétérogène. Le type de biopsie et de méthode d’analyse utilisé peut influencer les résultats. L’évaluation du statut PD-L1 était effectuée avant chimioradiothérapie et l’irradiation pourrait augmenter l’expression du PDL1 ; • l’expression initiale de PD-L1 n’étant pas obligatoire et les échantillons de tissus n’étaient disponibles que pour 451 (63 %) des patients, avec seulement 148 patients atteints de cancer ayant une expression de PD-L1 inférieure à 1 % ; • l’équilibre des caractéristiques au sein des sous-groupes selon le statut PD-L1 est possiblement hétérogène (pas de stratification sur le statut PD-L1). De plus, dans l’étude de phase II randomisée

PEMBRO-RT testant l’ajout d’une irradiation au pembrolizumab dans les cancers bronchiques non à petites cellules évolués, le sous-groupe ayant le plus grand bénéfice en termes de survie sans progression ou globale était le groupe de patients atteint de cancer n’exprimant pas PD-L1 [31]. Les résultats de cette analyse post-hoc pourraient donc être biaisés par d’éventuels facteurs confondants. À l’heure actuelle en France, l’AMM obtenu en septembre 2018 autorise le durvalumab dans le « traitement, en monothérapie, des patients adultes atteints d’un cancer bronchiques non à petites cellules localement avancé, non opérable, dont les tumeurs expriment PD-L1 ≥ 1 % des cellules tumorales et dont la maladie n’a pas progressé après une chimioradiothérapie à base de platine ». 4. Perspectives et conclusion De nombreuses incertitudes demeurent quant à l’« immunoradiothérapie » optimale. L’influence du volume irradié, de la séquence des traitements, de l’irradiation ganglionnaire et de la technique de radiothérapie devrait se préciser dans les années à venir. Par exemple, les faibles doses délivrées lors d’une RCMI pourraient conduire à une diminution du taux de lymphocytes circulants et diminuer la réponse immunitaire adaptative [32]. De nombreux essais en cours tentent ainsi d’évaluer la place de l’immunothérapie chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules localement évolué (Tableau 1). Certains évaluent l’intérêt d’une immunothérapie de consolidation (HCRN LUN14-179 et BTCRC-LUN16-081), avec dans certains cas l’introduction d’une immunothérapie concomitante pendant la radiochimiothérapie (PACIFIC2, NICOLAS, KEYNOTE-799, RATIONALE001. . .). Des résultats préliminaires (n = 18 patients ayant rec¸u du nivolumab pendant la chimioradiothérapie) de l’essai NICOLAS ont été présentés au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) de 2018 et il n’a pas été rapporté d’effet indésirable inattendu [33]. La séquence optimale entre immunothérapie et radiothérapie n’est en effet pas connue (cf. ci-dessus). Finalement, une combinaison immunothérapie – chimiothérapie de consolidation est aussi à l’essai (DETERRED, AFT-16) dans les cancers bronchiques non à petites cellules localement avancés. Plus largement, de nombreux autres essais s’intéressent à l’intérêt d’une immunothérapie chez les patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules localisé ou évolué recevant une irradiation. Au moins trois essais (PACIFIC-4, ASTEROID et ISABR) sont en cours dans le cadre d’une irradiation stéréotaxique thoracique de la tumeur primitive dans les cancers bronchiques non à petites cellules localisés inopérables. Dans les cancers bronchiques non à petites cellules évolués, une étude de phase II randomisée récente a démontré un gain de survie sans progression (6,6 mois contre 1,9 mois) en cas d’ajout d’une irradiation stéréotaxique des métastases chez 92 patients recevant du pembrolizumab [31]. Afin de confirmer ces résultats, un essai randomisé de phase III multicentrique franc¸ais (NIRVANA-Lung, NCT03774732) évalue l’intérêt d’une irradiation multisite chez des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules évolué recevant une immunothérapie de 1re (pembrolizumab) ou 2e (pembrolizumab, nivolumab ou atezolizumab) ligne dans le cadre de l’AMM. D’autres traitements sont aussi envisagés pour augmenter l’efficacité de l’immunothérapie, comme la chimiothérapie ou la radiofréquence. La radiothérapie pourrait toutefois avoir comme avantage, sur la chimiothérapie, de pouvoir atteindre les zones tumorales anoxiques/avasculaires inaccessibles à la chimiothérapie ; l’avantage majeur de la radiothérapie sur la radiofréquence étant son caractère non invasif. Des stratégies multimodales

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Tableau 1 Essais en cours évaluant l’immunothérapie dans les cancers bronchiques non à petites cellules localement évolués. Intervention

Phase

Stade

Numéro NCT/Nom

RTCT suivie du pembrolizumab RTCT suivie du nivolumab ± ipilimumab Pembrolizumab + RTCT concomitante suivi du pembrolizumab Pembrolizumab + RTCT concomitante suivi du pembrolizumab Durvalumab + RTCT concomitant suivi du durvalumab Nivolumab + RTCT concomitante suivi du nivolumab Tislelizumab + RTCT concomitante suivi du tislelizumab Pembrolizumab et RT séquentielle RTCT ± atezolizumab concomitant suivi d’atezolizumab + chimiothérapie Atezolizumab en induction suivi d’une RTCT suivie d’une chimiothérapie + atezolizumab

2 2 2 1 3 2 3 2 2 2

III III III II, III III III III III I, II, III III

NCT02343952 HCRN LUN14-179 NCT03285321 BTCRC-LUN16-081 NCT03631784 KEYNOTE-799 NCT02621398 NCT03519971 PACIFIC2 NCT02434081 NICOLAS NCT03745222 RATIONALE001 NCT03523702 SPRINT NCT02525757 DETERRED NCT03102242 AFT-16

RTCT : chimioradiothérapie ; RT : radiothérapie.

pourraient malgré tout être envisagées afin d’augmenter au maximum la présentation antigénique. De nouveaux biomarqueurs immunologiques qui pourraient permettre de sélectionner les patients qui pourraient bénéficier de ces médicaments prometteurs mais coûteux sont aussi activement recherchés. Des études récentes ont identifié de potentiels biomarqueurs prédictifs et pronostiques cellulaires (composition du microenvironnement tumoral), génomique (charge mutationnelle/néo-antigène) et sanguin périphérique [34]. En conclusion, l’immunoradiothérapie pourrait conduire à l’amélioration de l’index thérapeutique [35] et apparaît donc comme une nouvelle association prometteuse chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-despublications/Synthese-Estimations-nationales-de-l-incidence-et-de-lamortalite-par-cancer-en-France-metropolitaine-entre-1990-et-2018. [2] Liang J, Bi N, Wu S, Chen M, Lv C, Zhao L, et al. Etoposide and cisplatin versus paclitaxel and carboplatin with concurrent thoracic radiotherapy in unresectable stage III non-small cell lung cancer: a multicentre randomised phase III trial. Ann Oncol 2017;28:777. [3] Senan S, Brade A, Wang LH, Vansteenkiste J, Dakhil S, Biesma B, et al. PROCLAIM: randomised phase III trial of pemetrexed-cisplatin or etoposide-cisplatin plus thoracic radiation therapy followed by consolidation chemotherapy in locally advanced nonsquamous non-small cell lung cancer. J Clin Oncol 2016;34:953. [4] Bradley JD, Paulus R, Komaki R, Masters G, Blumenschein G, Schild S, et al. Standard-dose versus high-dose conformal radiotherapy with concurrent and consolidation carboplatin plus paclitaxel with or without cetuximab for patients with stage IIIA or IIIB non-small cell lung cancer (RTOG 0617): a randomised, two-by-two factorial phase 3 study. Lancet Oncol 2015;16:187. [5] Walraven I, van den Heuvel M, van Diessen J, Schaake E, Uyterlinde W, Aerts J, et al. Long-term follow-up of patients with locally advanced non-small cell lung cancer receiving concurrent hypofractionated chemoradiotherapy with or without cetuximab. Radiother Oncol 2016;118:442–6. [6] Chun SG, Hu C, Choy H, Komaki RU, Timmerman RD, Schild SE, et al. Impact of intensity-modulated radiation therapy technique for locally advanced nonsmall cell lung cancer: a secondary analysis of the nrg oncology RTOG 0617 randomised clinical trial. J Clin Oncol 2017;35:56–62. [7] Aupérin A, Le Péchoux C, Rolland E, Curran WJ, Furuse K, Fournel P, et al. Meta-analysis of concomitant versus sequential radiochemotherapy in locally advanced non-small cell lung cancer. J Clin Oncol 2010;28:2181. [8] Grassberger C, Ellsworth SG, Wilks MQ, Keane FK, Loeffler JS. Assessing the interactions between radiotherapy and anti-tumour immunity. Nat Rev Clin Oncol 2019;16:729–45 [Epub ahead of print]. [9] Deutsch É, Lévy A, Chargari C. Radiation therapy and immuno-modulation: focus on experimental data. Cancer Radiother 2015;19:515–8. [10] Pardoll DM. The blockade of immune checkpoints in cancer immunotherapy. Nat Rev Cancer 2012;12:252–64. [11] Topalian SL, Hodi FS, Brahmer JR, Gettinger SN, Smith DC, McDermott DF, et al. Safety, activity, and immune correlates of anti-PD-1 antibody in cancer. N Engl J Med 2012;366:2443–54. [12] Brahmer J, Reckamp KL, Baas P, Crinò L, Eberhardt WE, Poddubskaya E, et al. Nivolumab versus docetaxel in advanced squamous-cell non-small cell lung cancer. N Engl J Med 2015;373:123–35.

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Pour citer cet article : Levy A, et al. Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé. Cancer Radiother (2020), https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.09.007

G Model CANRAD-3969; No. of Pages 6 6

ARTICLE IN PRESS A. Levy et al. / Cancer/Radiothérapie xxx (2020) xxx–xxx

on non-small cell lung cancer patient outcomes. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2014;89:1084–91. [33] Peters S, De Ruysscher D, Dafni U, Felip E, Guckenberger M, Vansteenkiste JF, et al. Safety evaluation of nivolumab added concurrently to radiotherapy in a standard first line chemo-RT regimen in unresectable locally advanced NSCLC: the ETOP NICOLAS phase II trial. J Clin Oncol 2018;36:8510.

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Pour citer cet article : Levy A, et al. Place de l’immunothérapie dans le cancer bronchique non à petites cellules localement avancé. Cancer Radiother (2020), https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.09.007