Ne´phrologie & The´rapeutique 6 (2010) 226–231
Re´vue ge´ne´rale / Mise au point
Polykystose re´nale autosomique dominante : la lumie`re au bout du tunnel ? Autosomal dominant polycystic kidney disease: Light at the end of the tunnel? Catherine Melander, Dominique Joly, Bertrand Knebelmann * Service de ne´phrologie adultes, hoˆpital Necker–Enfants-Malades, 149, rue de Se`vres, 75743 Paris cedex 15, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 18 janvier 2010 Accepte´ le 13 fe´vrier 2010
La polykystose re´nale autosomique dominante (PKAD), caracte´rise´e par la formation de kystes innombrables a` partir des cellules tubulaires re´nales, est la plus fre´quente des maladies he´re´ditaires monoge´niques potentiellement mortelles, avec une pre´valence estime´e entre 1/400 et 1/1000 naissances. Elle est responsable d’environ 7 a` 8 % des cas d’insuffisance re´nale terminale dans les pays de´veloppe´s. S’il existe encore de nombreuses zones d’ombre sur la physiopathologie de la PKAD et qu’aucun traitement spe´cifique n’a fait a` ce jour la preuve de son efficacite´ dans la pre´vention de l’insuffisance re´nale dans cette pathologie, il y a eu au cours de ces dernie`res anne´es un essor conside´rable de la recherche fondamentale et clinique dans ce domaine. Le but de cette revue est d’actualiser les connaissances pratiques issues de cette recherche sur le plan clinique, diagnostique et the´rapeutique. ß 2010 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Polykystose re´nale autosomique dominante Antagonistes du re´cepteur de la vasopressine Inhibiteurs de mTOR Somatostatine
A B S T R A C T
Keywords: Autosomal dominant polycystic kidney disease Vasopressin receptor antagonists MTOR inhibitors Somatostatin
Autosomal dominant polycystic kidney disease, characterized by numerous cysts in both kidneys, is the most frequent, potentially lethal monogenic disorder. Its prevalence is evaluated between 1/400 and 1/ 1000 live births and it accounts for 7 to 8 % of end-stage renal disease in developped countries. As yet, the pathogenesis of this disease is not fully understood and there is no specific treatment available. Nevertheless, in the last few years, fundamental and clinical research has been highly efficient in these fields. The purpose of this review is to update the practical implications of this research in terms of clinical manifestations, diagnosis and treatment. ß 2010 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Abre´viations AMPc CFTR CDK DFG mTOR PGE2 PKAD TNFa VEGF V2R
Ade´nosine monophosphate cyclique Cystic fibrosis transmembrane conductance regulator Cyclin-dependent kinase De´bit de filtration glome´rulaire Mammalian target of rapamycin Prostaglandine E2 Polykystose re´nale autosomique dominante Tumor necrosis factor a Vascular endothelial growth factor Re´cepteur V2 de la vasopressine
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Knebelmann).
2. He´te´roge´ne´ite´ clinique La se´ve´rite´ clinique de la PKAD est tre`s variable, aussi bien sur le plan interfamilial qu’intrafamilial. La premie`re explication a` cette he´te´roge´ne´ite´ est d’origine ge´nique, les mutations de PKD1 e´tant globalement beaucoup plus se´ve`res que celles de PKD2. L’e´tude e´pide´miologique re´alise´e a` Terre-Neuve (Canada) [1] a permis de mieux caracte´riser ces diffe´rences. Pour PKD1, l’aˆge me´dian de recours au traitement antihypertenseur est 46 ans, de maladie re´nale chronique stade III 50 ans, d’insuffisance re´nale terminale 53 ans et de de´ce`s 67 ans. Pour PKD2, l’aˆge me´dian de recours au traitement antihypertenseur est 51 ans, de maladie re´nale chronique stade III 66 ans et de de´ce`s 71 ans. L’insuffisance re´nale terminale y est tre`s rare. Un enseignement tre`s inte´ressant de cette e´tude est, qu’en de´pit d’une maladie re´nale chronique moins se´ve`re, les patients atteints d’une mutation de PKD2 ont une maladie hypertensive pre´coce et une espe´rance de vie alte´re´e. Il paraıˆt donc essentiel que ces patients
1769-7255/$ – see front matter ß 2010 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.nephro.2010.02.004
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soient de´piste´s et traite´s pre´cocement. En outre, cette e´tude de population trouve une pre´valence de PKD2 plus e´leve´e que celle de´crite dans les e´tudes cliniques (29 % versus 15 %), la pre´valence de PKD1 e´tant probablement surestime´e dans les e´tudes cliniques du fait de sa plus grande se´ve´rite´. L’effet du ge`ne mute´ ne rend pas compte de l’e´tendue de l’he´te´roge´ne´ite´ phe´notypique de la PKAD. L’effet e´ventuel du type ou de la localisation d’une mutation reste assez peu de´crit. De manie`re tre`s inte´ressante, il a e´te´ montre´ re´cemment [2] qu’il existait des alle`les de PKD1 de pe´ne´trance incomple`te qui pourraient expliquer une partie de l’he´te´roge´ne´ite´ intrafamiliale de la PKAD. Le fait d’avoir un de ces alle`les seul pourrait entraıˆner une maladie kystique mode´re´e ; deux alle`les, une maladie kystique se´ve`re classique ; et l’association d’un de ces alle`les a` une mutation inactivatrice, une maladie pre´coce tre`s se´ve`re. De meˆme, des avance´es sont entrevues dans la recherche de ge`nes modificateurs, avec notamment la de´couverte du ge`ne modificateur KIF12 chez la souris cpk, mode`le murin de polykystose re´nale autosomique re´cessive [3]. Une meilleure connaissance des me´canismes responsables de l’he´te´roge´ne´ite´ phe´notypique de la PKAD pourrait permettre a` l’avenir d’envisager de nouvelles cibles the´rapeutiques et de personnaliser les de´marches diagnostiques et the´rapeutiques.
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S’ils sont plus sensibles et plus spe´cifiques, ces nouveaux crite`res ont pour inconve´nient de repousser a` 40 ans l’aˆge auquel on peut e´liminer formellement le diagnostic. 3.2. Place de l’IRM ? Comme le proposent Pei et al., une IRM re´nale peut eˆtre propose´e a` vise´e diagnostic chez les patients de 30 a` 40 ans ayant moins de trois kystes a` l’e´chographie. Bien qu’utile en pratique, cette me´thode n’est pas valide´e et expose au risque de fauxpositifs. Par ailleurs, le volume re´nal en IRM e´tant corre´le´ au de´clin de la fonction re´nale, son e´valuation est un tre`s bon marqueur interme´diaire d’efficacite´ dans le cadre d’essais the´rapeutiques. En effet, il a e´te´ montre´ dans le cadre de l’e´tude Consortium for radiologic imaging studies of polycystic kidney disease (CRISP) [6], que le volume re´nal total e´value´ en IRM augmentait de manie`re exponentielle a` un rythme annuel moyen de 204 246 ml (soit 5,27 3,92 % par an). Le volume re´nal initial permet de pre´dire le rythme de croissance re´nale ulte´rieur et un volume re´nal initial e´leve´ (supe´rieur a` 1500 mL) est associe´ a` un de´clin du DFG important (4,33 8,07 ml/min par an). 3.3. Diagnostic ge´ne´tique
3. Diagnostic Le diagnostic de PKAD est ge´ne´ralement assez aise´, notamment dans un contexte de pathologie familiale, du fait de la pre´sence de kystes visibles en e´chographie. Ne´anmoins, certaines situations ne´cessitent un diagnostic pre´coce, plus difficile a` obtenir. Il peut s’agir des formes de novo (environ 10 %), du diagnostic d’e´limination pour un donneur de rein potentiel, et, a` l’avenir, d’un diagnostic positif pre´symptomatique avant l’institution d’un e´ventuel traitement spe´cifique. Pour cela de nouveaux algorithmes diagnostiques, base´s sur l’imagerie et la ge´ne´tique se mettent en place. 3.1. Diagnostic e´chographique Chez les apparente´s d’un sujet atteint, le diagnostic de PKAD repose en pratique clinique sur la re´alisation d’une e´chographie re´nale. En 1994, Ravine et al. ont e´tabli des crite`res de diagnostic e´chographique chez les sujets porteurs d’une mutation de PKD1 [4] (Tableau 1). Ne´anmoins, ces crite`res ne sont pas applicables dans les familles atteintes d’une mutation de PKD2. Cela pose proble`me dans la mesure ou` l’on ne connait ge´ne´ralement pas le ge´notype des patients. Re´cemment, Pei et al. ont donc propose´ de nouveaux crite`res rendant compte des deux types de PKAD [5]. Pour la tranche d’aˆge de 15 a` 39 ans, on affirme le diagnostic si l’on trouve trois kystes ou plus (uni- ou bilate´raux). Entre 40 et 59 ans, il faut trouver au moins deux kystes de chaque coˆte´. On ne peut e´liminer formellement le diagnostic que si l’on trouve moins de deux kystes apre`s l’aˆge de 40 ans (Tableau 1). Ces crite`res assurent une valeur pre´dictive positive et ne´gative de 100 % et sont applicables a` tous les patients quel que soit leur ge´notype.
Si les ge`nes responsables de la PKAD ont e´te´ identifie´s (PKD1 chromosome 16p13,3 et PKD2 chromosome 4q21), le diagnostic ge´ne´tique de la maladie reste complexe. En effet, les mutations affectant ces deux ge`nes sont tre`s variables et, pour la plupart, prive´es. Dans la base de donne´es des mutations de la PKAD (http://pkdb.mayo.edu), il a e´te´ identifie´ 314 mutations affectant 400 familles pour PKD1 et 91 mutations affectant 166 familles pour PKD2. La mise en e´vidence de mutations affectant PKD1 est particulie`rement complexe du fait de la longueur du ge`ne (46 exons) et de son grand polymorphisme [7]. Dans le cadre de protocoles de recherche associant plusieurs techniques de de´tection (HPLC de´naturante et se´quenc¸age direct), on peut actuellement obtenir un taux de de´tection de mutations certaines ou probables de l’ordre de 90 % [7]. Ces techniques sont ˆ teuses et pas comple`tement fiables dans les cas de tre`s cou mutations « probables », ne permettant pas de proposer le diagnostic ge´ne´tique de PKAD en pratique courante. Ne´anmoins, il est utile pour les donneurs de rein potentiels aˆge´s de moins de 30 ans (ou ceux aˆge´s de moins de 40 ans pour lesquels un doute subsiste apre`s re´alisation d’une e´chographie et d’une IRM). Il pourrait servir e´galement a` l’avenir pour un diagnostic pre´symptomatique si des the´rapeutiques pre´coces efficaces voient le jour. Dans un article re´cent, Huang et al. ont propose´ une strate´gie diagnostique pour les donneurs vivants apparente´s a` risque aˆge´s de moins de 40 ans [8]. Les personnes ayant plus de trois kystes sont conside´re´es comme atteintes et donc re´cuse´es pour le don. Chez les autres, on re´alisera une analyse de liaison, si on dispose d’ADN pour au moins trois personnes atteintes dans la famille. Dans le cas contraire, on re´alisera un se´quenc¸age ge´ne´tique chez le ˆ teuse et moins efficace que l’analyse receveur, technique plus cou
Tableau 1 Crite`res e´chographiques de diagnostic et d’exclusion de la polykystose re´nale autosomique dominante chez les sujets a` risque selon Ravine et al. [5] et selon Pei et al. [6]. ˆ ge A
15–29 ans 30–39 ans 40–59 ans 60 ans
Crite`res diagnostiques
Crite`res d’exclusion
Ravine et al.
Pei et al.
Ravine et al.
Pei et al.
2 kystes, uni- ou bilate´raux
3 kystes, uni- ou bilate´raux
Exclusion impossible
Exclusion impossible
2 kystes par rein 4 kystes par rein
2 kystes par rein 4 kystes par rein
< 2 kystes par rein
< 2 kystes par rein
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de liaison. En l’absence de ge`ne identifie´, le don devra eˆtre diffe´re´ jusqu’aux 40 ans du donneur potentiel. Cet algorithme doit pouvoir eˆtre ame´liore´ afin d’e´viter un recours trop fre´quent a` l’analyse ge´ne´tique. Tout d’abord, en l’absence de kystes visibles a` l’IRM chez les sujets de 30 a` 40 ans, le diagnostic de PKAD peut sans doute eˆtre exclu sans confirmation ge´ne´tique. Ensuite, on doit prendre en compte les donne´es disponibles sur le phe´notype familial. En effet, Barua et al. ont montre´ que l’histoire familiale e´tait pre´dictive du ge`ne mute´ : la pre´sence d’un membre atteint de la famille souffrant d’insuffisance re´nale terminale avant l’aˆge de 55 ans est tre`s pre´dictive d’une mutation de PKD1 (valeur pre´dictive positive 100 %, sensibilite´ 72 %) ; en revanche, la pre´sence d’un membre atteint de la famille conservant une fonction re´nale suffisante ou atteignant l’insuffisance re´nale terminale apre`s l’aˆge de 70 ans est tre`s pre´dictive d’une mutation de PKD2 (valeur pre´dictive positive 100 % ; sensibilite´ 74 %) [8]. Ainsi, en cas d’histoire familiale tre`s e´vocatrice de PKD1, on pourrait appliquer les crite`res de Ravine et al. et envisager un don entre 30 et 40 ans si le sujet a moins de deux kystes dans chaque rein a` l’e´chographie. Ces donne´es peuvent e´galement permettre d’orienter l’analyse ge´ne´tique. 3.4. Diagnostic in utero et dans l’enfance La grande diffusion de l’e´chographie pre´natale entraıˆne des cas de diagnostic de PKAD in utero ou a` la naissance. L’analyse de 26 cas conse´cutifs a montre´ un pronostic re´nal globalement favorable pendant l’enfance, a` part pour les deux patients qui avaient une fonction re´nale alte´re´e de`s la naissance [9]. En dehors de ces rares cas de diagnostic in utero fortuit, l’indication a` un de´pistage syste´matique de la PKAD dans l’enfance ou l’adolescence chez les sujets a` risque est de´battue. Classiquement, un tel de´pistage n’est pas recommande´ dans la mesure ou` il n’existe pas de traitement spe´cifique et du fait des conse´quences psychologiques potentielles. Ne´anmoins, les nouvelles donne´es concernant le risque cardiovasculaire dans cette population relancent le de´bat. En effet, l’e´quipe de Robert Schrier a e´tudie´ 85 enfants atteints de PKAD (ante´ce´dents familiaux et au moins un kyste ou plusieurs kystes et tableau compatible) et montre´ que les enfants ayant une pression arte´rielle e´leve´e (> 95e percentile) ou limite (75–95e percentile) pre´sentaient un index de masse ventriculaire gauche significativement supe´rieur a` celui des enfants normotendus. L’augmentation de masse ventriculaire gauche pouvait eˆtre de´tecte´e avant l’augmentation de volume re´nal [10]. En outre, un traitement antihypertenseur agressif pourrait faire re´gresser l’hypertrophie ventriculaire gauche [11]. Ces diffe´rents e´le´ments incitent a` de´pister activement et a` traiter pre´cocement la survenue d’une hypertension arte´rielle, meˆme limite, chez les enfants a` risque et font discuter un diagnostic e´chographique ou ge´ne´tique pre´coce.
En outre, cette e´tude comparera deux cibles tensionnelles (110/ 75 vs 130/80 mmHg) aux stades I et II. Plus de 1000 patients ont e´te´ recrute´s pour un suivi pre´vu de quatre a` six ans. Les re´sultats sont attendus en 2013. L’inte´reˆt de la prescription pre´coce de statines dans cette population a` risque cardiovasculaire e´leve´ est e´galement pose´. Chez le rat Han:SPRD, mode`le de PKAD, un traitement par lovastatine a e´te´ associe´ a` une augmentation du flux sanguin re´nal et a` une diminution de l’ure´e sanguine [12]. Un essai clinique est en cours de recrutement chez des patients atteints de PKAD (NCT00456365). Les investigateurs veulent e´valuer l’effet d’un traitement par statine tre`s pre´coce (de´but entre huit et 21 ans, fonction re´nale normale) et poursuivi pendant trois ans sur des parame`tres re´naux (volume re´nal et albuminurie) et cardiovasculaires (masse ventriculaire gauche et fonction endothe´liale). 4.2. Traitements spe´cifiques Au cours des dernie`res anne´es, les perspectives the´rapeutiques dans le domaine de la PKAD ont connu un essor conside´rable, essentiellement graˆce aux progre`s effectue´s dans la compre´hension de la physiopathologie (Fig. 1 et revue par Torres et Harris en 2009 [13]). Les principales pistes explore´es sont : l’inhibition de la synthe`se d’AMPc dans les cellules tubulaires ; l’inhibition de la prolife´ration cellulaire ; l’inhibition de la se´cre´tion chlore´e intrakystique.
4. Traitement 4.1. Traitements non spe´cifiques Le traitement de l’hypertension arte´rielle est un enjeu majeur dans la PKAD. Ne´anmoins, les cibles tensionnelles et le choix de mole´cules ne sont pas encore clairement e´tablis. L’e´tude de phase III HALT-PKD (http://clinicaltrials.gov NCT00283686) tente de re´pondre en partie a` ces questions. Il s’agit de de´terminer si l’association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion a` un antagoniste du re´cepteur de l’angiotensine II est supe´rieure a` un inhibiteur de l’enzyme de conversion seul pour pre´venir : la progression du volume re´nal chez les patients ayant une maladie re´nale chronique stade I ou II ; la de´gradation de la fonction re´nale au stade III.
Fig. 1. Repre´sentation sche´matique des voies de signalisation potentiellement implique´es dans la polykystose re´nale autosomique dominante et cible´es par des mole´cules en cours d’e´valuation dans le cadre d’essais the´rapeutiques. L’augmentation de l’activation du re´cepteur de la vasopressine et/ou une diminution du calcium intracellulaire entraıˆnerait l’augmentation de l’AMP cyclique intracellulaire dans les cellules tubulaires re´nales. Cela stimulerait la cystogene`se via une augmentation de la prolife´ration cellulaire et/ou une augmentation de la se´cre´tion chlore´e intrakystique. Les inhibiteurs du re´cepteur de la vasopressine 2 et les analogues de la somatostatine entraıˆnent une diminution de la synthe`se d’AMPc. Le triptolide augmente le calcium intracellulaire. La voie de mTOR serait active´e par diffe´rentes voies possibles (interaction polycystine 1 – tube´rine, activation de la voie des MAPkinases ou activation de la voie du TNFa) et entraıˆnerait une augmentation de la prolife´ration cellulaire. Elle peut eˆtre inhibe´e par les inhibiteurs de mTOR. PC1 : polycystine 1 ; PC2 : polycystine 2 ; RE : re´ticulum endoplasmique ; AMPc : AMP cyclique ; V2R : re´cepteur V2 de la vasopressine ; R : re´cepteur de la somatostatine ; mTOR : mammalian target of rapamycin ; TSC1 et 2 : tube´rine et hamartine.
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Nous de´taillerons tout d’abord les familles de mole´cules pour lesquels des essais the´rapeutiques sont en cours, puis citerons les autres pistes expe´rimentales. 5. Essais the´rapeutiques en cours 5.1. Antagonistes V2R La synthe`se accrue d’AMPc dans les cellules tubulaires re´nales joue un roˆle majeur dans la croissance kystique dans les maladies kystiques re´nales. La vasopressine, via son re´cepteur V2R dans le canal collecteur, est une des mole´cules responsables de cette synthe`se d’AMPc (ainsi que la PTH dans le tube proximal), ce qui en fait une cible the´rapeutique de choix [14]. Des antagonistes non peptidiques du V2R (OPC31260 et OPC41061) inhibent la kystogene`se dans des mode`les animaux de polykystose re´nale re´cessive (rat PCK), de PKAD (souris Pkd2-/tm1Som) et de ne´phronopthise ([15–17]). De meˆme, un apport d’eau tre`s important chez des rats PCK a eu un effet inhibiteur sur la kystogene`se, vraisemblablement via une inhibition de la se´cre´tion de vasopressine [18]. Ces re´sultats prometteurs chez les animaux ont permis la mise en route d’essais cliniques chez l’homme utilisant le tolvaptan, un antagoniste puissant et se´lectif du V2R humain. Le recrutement est termine´ dans un essai de phase II visant a` e´valuer la tole´rance du tolvaptan chez 48 patients polykystiques ayant un DFG > 30 mL/min (NCT00413777). Les re´sultats sont en attente. Pour l’e´valuation de l’efficacite´ de ce traitement, un essai de phase III est en cours (NCT00428948). Mille cinq cent patients polykystiques (DFG 60 mL/min) ont e´te´ recrute´s pour cet essai multicentrique, randomise´, en double insu, contre placebo, dont l’objectif primaire est l’e´valuation du pourcentage de modification du volume re´nal en IRM a` trois ans. Les re´sultats devraient eˆtre connus en 2011. Deux e´tudes non randomise´es et de petite taille e´valuent l’effet d’un apport en eau important chez des patients PKAD (NCT00784030 et NCT00759369). Il convient, par ailleurs, de noter l’absence d’effet be´ne´fique potentiel sur la polykystose he´patique du blocage des re´cepteurs V2R, non exprime´s dans le foie. 5.2. Analogues de la somatostatine La somatostatine inhibe l’accumulation d’AMPc dans le foie et les reins et pourrait donc diminuer la kystogene`se. Un analogue de la somatostatine, l’octre´otide, a pu diminuer la croissance des kystes he´patiques chez des rats PCK. En 2005, une e´tude randomise´e contre placebo a e´value´ l’efficacite´ d’un traitement par octre´otide poursuivi pendant six mois chez 12 patients PKAD. Le traitement a e´te´ bien tole´re´ et on note une moindre augmentation du volume re´nal dans le groupe sous octre´otide [19]. Re´cemment, une e´tude randomise´e contre placebo a e´tudie´ l’effet d’un autre analogue de la somatostaine, le lanre´otide, chez 54 patients ayant une maladie kystique he´patique, dont 32 atteints de PKAD. A` 24 semaines, on notait une diminution significative du volume he´patique chez les patients traite´s. De meˆme, le volume re´nal, e´value´ en objectif secondaire, diminuait significativement dans le groupe sous lanre´otide ( 1,5 % vs +3,4 % ; p = 0,02) [20]. Il faudra attendre 2011 pour avoir les re´sultats d’une e´tude a` plus long terme et spe´cifiquement ne´phrologique : e´tude randomise´e contre placebo, sur 78 patients, e´valuant a` trois ans l’efficacite´ d’une somatostatine a` longue dure´e d’action sur le volume re´nal de patients PKAD ayant un DFG > 40 mL/min (NCT00309283). 5.3. Inhibiteurs de mTOR En 2006, Shillingford et al. ont montre´ que la voie mTOR e´tait active´e dans des cellules kystiques de patients et de mode`les
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animaux de PKAD, du fait d’une interaction entre la polycystine 1 et la tube´rine. Ils ont e´galement montre´ que l’utilisation de sirolimus (antagoniste de mTOR) dans deux mode`les animaux de PKAD inhibait la kystogene`se. Enfin, l’analyse re´trospective de patients PKAD transplante´s re´naux montrait que l’utilisation de sirolimus e´tait associe´e a` une diminution de la taille des reins natifs significativement plus importante qu’avec les autres immunosuppresseurs [21]. A` la suite de cet article princeps, plusieurs e´tudes prospectives randomise´es sont en cours afin d’e´valuer l’effet du sirolimus ou de l’everolimus, autre inhibiteur de mTOR, dans la PKAD. L’e´tude NCT00346918 est une e´tude randomise´e monocentrique suisse qui cherche a` e´valuer l’effet du sirolimus ou d’un traitement standard sur le volume re´nal total de patients PKAD ayant une fonction re´nale normale a` l’inclusion. Cent patients ont e´te´ inclus et vont eˆtre suivis 18 mois. Des re´sultats pre´liminaires concernant 25 patients par groupe suivis pendant six mois ont e´te´ publie´s re´cemment [22]. La se´curite´ et la tole´rance du traitement sont globalement bonnes, avec notamment une incidence d’infections similaire dans les deux groupes et l’absence d’augmentation de survenue de dyslipide´mie sous sirolimus. On note, en revanche, plus de cas d’effets secondaires digestifs non se´ve`res et une diminution du volume globulaire moyen sous sirolimus. L’effet secondaire le plus redoute´ sous sirolimus dans ce contexte est la survenue ou l’aggravation d’une prote´inurie, comme cela a pu eˆtre constate´ en transplantation re´nale [23]. Dans cette e´tude, l’albuminurie initiale est tre`s faible (13,7 et 9 mg/24 heures dans le groupe sirolimus ou standard respectivement) et n’augmente pas significativement apre`s six mois de traitement (36 et 18,9 mg/24 heures ; p = 0,349). Il n’est ne´anmoins pas exclu qu’un tel effet secondaire apparaisse avec de plus gros effectifs et un suivi prolonge´. La clairance de la cre´atinine n’a pas e´volue´ de manie`re significative durant les six mois de suivi. Aucun patient n’a abandonne´ le traitement par sirolimus. Ces premiers re´sultats sont donc assez prometteurs pour ce qui est de la tole´rance et de la se´curite´ du traitement. Cependant, les taux se´riques de sirolimus e´taient relativement faibles dans cette e´tude (< 4 ug/l). Les re´sultats complets de cette e´tude et des autres e´tudes randomise´es en cours (NCT00491517, NCT00414440 et NCT00920309) permettront de mieux connaıˆtre dans les anne´es a` venir l’efficacite´ des inhibiteurs de mTOR dans la PKAD. 5.4. Triptolide Dans la PKAD, on observe une prolife´ration cellulaire accrue, ne´cessaire a` la kystogene`se. Une diminution du calcium dans les cellules tubulaires due au dysfonctionnement du complexe polycystine 1/polycystine 2 semble pouvoir eˆtre un des me´canismes responsables de cette prolife´ration accrue. Il pourrait donc eˆtre inte´ressant de modifier le signal calcique afin de diminuer la prolife´ration cellulaire. La premie`re mole´cule utilise´e est le triptolide, mole´cule issue de la me´decine traditionnelle chinoise, qui semble avoir de nombreux effets sur l’apoptose et la croissance cellulaire. Leuenroth et al. ont montre´ que le triptolide pouvait entraıˆner une entre´e de calcium par un me´canisme de´pendant de la polycystine 2 et arreˆter la croissance de cellules Pkd1 / [24]. Ils ont ensuite utilise´ cette mole´cule dans un mode`le murin de PKAD pre´sentant un phe´notype kystique dans les premiers jours de vie (Pkd1flox/ ; Ksp-Cre) et obtenu une diminution de l’initiation de la cystogene`se, sans effet ulte´rieur sur la croissance kystique [25]. Suite a` ces re´sultats, un essai randomise´ est en cours de recutement pour e´valuer la tole´rance et l’efficacite´ du triptolide chez 150 patients chinois ayant une PKAD et un DFG > 30 mL/min (NCT00801268).
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6. Pistes expe´rimentales Plusieurs autres familles de mole´cules sont l’objet de recherche fondamentale dans la PKAD et pourraient aboutir a` des essais cliniques dans les anne´es a` venir : inhibiteur du TNFa : le TNFa stimule la formation de kystes chez des souris Pkd2+/ ; son inhibiteur, l’etanarcept, de´ja` utilise´ dans la polyarthrite rhumatoı¨de, diminue la kystogene`se chez ces meˆmes souris [26] ; inhibiteurs du CFTR : inhibition de la se´cre´tion chlore´e intrakystique ; diminution de la croissance kystique chez des souris Pkd1flox/ ; Ksp-Cre [27] ; inhibiteur du KCa3.1 : inhibition de la se´cre´tion chlore´e intrakystique et de la croissance kystique dans des mode`les cellulaires de PKAD [28]. Le senicapoc, un inhibiteur de KCa3.1, est utilise´ en essai the´rapeutique dans l’ane´mie falciforme ; inhibiteur de CDK : la roscovitine, de´veloppe´e pour son activite´ anticance´reuse, inhibe la kystogene`se dans deux mode`les murins de polykystose re´nale re´cessive, via un blocage du cycle cellulaire et une inhibition de l’apoptose [29] ; autres inhibiteurs de la prolife´ration cellulaire : des inhibiteurs de Erk [30] et de Src [31] ont montre´ leur efficacite´ dans des mode`les animaux de maladies kystiques re´nales ; roˆle des de´rive´s de l’acide arachidonique : dans un mode`le cellulaire de PKAD humaine, il a e´te´ montre´ que la PGE2 stimulait la cystogene`se via l’activation de l’AMPc [32] ; l’inhibition de COX-2, qui agit en amont des prostaglandines, ralentit la progression de la maladie kystique chez des rats Han : SPRDcy [33] ; roˆle du VEGF ? L’effet du VEGF sur les maladies kystiques est controverse´ puisque, d’une part, le blocage du VEGF re´cepteur 2 en post-natal imme´diat chez des souris a induit une cystogene`se re´nale [34] et, d’autre part, un inhibiteur des VEGF re´cepteurs a entraıˆne´ une inhibition de la croissance des kystes he´patiques chez des souris pkd2(WS25/ ) [35]. 7. Conclusion La prise en charge de patients atteints de PKAD est un enjeu majeur dans la pratique clinique des ne´phrologues. Si les progre`s effectue´s au cours des dernie`res de´cennies dans la pre´vention du risque cardiovasculaire, la dialyse et la transplantation re´nale ont ame´liore´ le pronostic vital de ces patients, le de´fi des anne´es a` venir est le de´veloppement de the´rapeutiques cible´es et spe´cifiques. Nous avons vu que la recherche « translationnelle » de´veloppe´e au cours de ces dernie`res anne´es avait permis d’ame´liorer la de´marche diagnostique et d’entrevoir la possibilite´ de traitements pre´ventifs spe´cifiques. Des essais the´rapeutiques de phase III sont en cours pour quatre familles de mole´cules et nous saurons donc dans les quelques anne´es a` venir si nous pouvons enfin proposer des traitements plus spe´cifiques et efficaces a` nos patients. ˆt Conflit d’inte´re Aucun. Re´fe´rences [1] Dicks E, Ravani P, Langman D, Davidson WS, Pei Y, Parfrey PS. Incident renal events and risk factors in autosomal dominant polycystic kidney disease: a population and family-based cohort followed for 22 years. Clin J Am Soc Nephrol 2006;1(4):710–7. [2] Rossetti S, Kubly VJ, Consugar MB, Hopp K, Roy S, Horsley SW, et al. Incompletely penetrant PKD1 alleles suggest a role for gene dosage in cyst initiation in polycystic kidney disease. Kidney Int 2009;75(8):848–55.
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