RFO 152 No. of Pages 5 Revue francophone d'orthoptie 2014;xx:1–5
Dossier / Formation
Polysensorialité et Orthoptie Polysensoriality and orthoptics 44, rue des Cordelières - 75013 Paris
RÉSUMÉ L'appareil oculomoteur et la fonction binoculaire sont essentiels dans la préhension de l'environnement et la communication avec autrui par l'évaluation de la profondeur, des distances relatives, du positionnement dans l'espace, qui conditionnent l'exécution correcte et appropriée des gestes, mouvements et déplacements pour une action précise. Cependant, le traitement de l'information visuelle n'est pas exclusif et il est associé ou complété par les informations issues des capteurs auditifs, vestibulaires, proprioceptifs, en une intégration cognitive multisensorielle qui est parfois négligée en pratique courante. Les orthoptistes ont une part active dans une évaluation multisensorielle qui comporte, outre l'examen oculomoteur et l'étude de la vision binoculaire, une analyse des voies visuo-visuelles et vestibulo-visuelles, ainsi qu'une étude de l'équilibration par des tests spécifiques dans un véritable ensemble neuro-sensori-cognitif qui permet l'analyse des capacités d'un patient et de ses stratégies oculomotrices et perceptives pour la vie de relation. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Christian Corbé (Professeur d'ophtalmologie et de physiopathologie sensorielle aéronautique et spatiale, Vice-président de l'Organisation pour la Prévention de la Cécité, Ancien Directeur de L'Institution Nationale des Invalides)
Mots clés Orthoptie Polysensorialité Equilibration Cooccurrence Sensori-cognitif Cognition
Keywords SUMMARY The oculomotor apparatus and binocular function are essential in the prehension of the environment and communication with others through the assessment of the depth, relative distances, and positioning in space that condition the correct and appropriate execution of gestures, movements and displacement for a precise action. However, the treatment of visual information is not exclusive and is associated with, or completed by, information issued from the auditive, vestibular and proprioceptive captors, in a multi sensorial cognitive integration, sometimes neglected in common practice. Orthoptists play an active part in the polysensorial assessment which, other than the oculomotor examination and study of binocular vision, also includes an analysis of the visuovisual and visual-vestibular paths, and the study of the equilibration using specific tests combined into a neuro-sensitive-cognitive ensemble that permits analysis of the capacities of a patient and the oculomotor and perceptive strategies for relating.
Orthoptics Polysensoriality Equilibration Cooccurrence Sensorial-cognitive Cognition
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INTRODUCTION L'orthoptie qualifie l'ensemble des études et des méthodes de réadaptation de la fonction visuelle. Cette définition englobe les mécanismes neurosensoriels de la vision binoculaire dont l'expressivité analytique est tout autant au niveau du capteur œil que du traitement cortical. En effet, la fonction visuelle est une fonction de perception de l'environnement dont le processus est d'alerter, de regarder, de voir, de comprendre pour. . . agir, admirer, contempler ou rêver. Une relation avec la
polysensorialité qui est la cooccurrence des capteurs sensoriels entre eux paraît évidente. L'être humain vit en relation avec le milieu dans lequel il évolue. Pour ce faire, il reçoit en permanence des informations de ses capteurs sensoriels. Parmi ceux-ci, l'œil et la fonction visuelle jouent un rôle primordial, car la vision est active et va chercher l'information, en particulier grâce à son architectonie oculomotrice. Les informations convergent vers les centres neuro-cérébraux où elles sont intégrées, pour une analyse cognitive multisensorielle de situation, permettant une réponse spécifique et adaptée.
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http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2014.03.003 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1
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Dossier / Formation La réponse motrice passe par la fonction d'équilibration qui concerne la position du corps, mais aussi la position de l'œil, en association avec les capteurs cochléo-vestibulaires et proprioceptifs. L'œil doit être stabilisé au cours du mouvement, faute de quoi, aucune vision stable n'est possible, c'est d'ailleurs aussi le cas pour les patients dont l'état cochléovestibulaire est déficitaire. L'analyse multisensorielle va étudier la façon dont un sujet procède pour accomplir une tâche dans un milieu changeant, en statique ou en dynamique. L'intérêt de la connaissance du mode de fonctionnement du système multisensoriel est lié au caractère redondant du captage d'informations. Un patient qui présente une défaillance d'un capteur ou d'un système pourra, par compensation, maintenir adapté ses capacités de réponse. Le potentiel de compensation est élevé chez tout individu, par apprentissage et plasticité neurocorticale. Encore faut-il posséder l'énergie réactionnelle nécessaire. L'aventure spatiale a été un observatoire privilégié pour étudier les modifications de stratégies sensorielles des spationautes, compte tenu de l'apesanteur, et les compensations en résultant par des entraînements spécifiques. L'interaction sensorielle trouve là son expressivité d'excellence et concerne, naturellement, l'orthoptie.
PERCEPTION DU MONDE EXTÉRIEUR Dans la plupart des situations courantes, la perception du monde extérieur engage de façon quasi simultanée les différents organes sensoriels. La sollicitation concomitante de plusieurs sens apporte des informations cohérentes qui donnent à ce que nous percevons sa stabilité et sa véracité, condition de l'interface harmonieuse de l'organisme avec son environnement. Quand un pétard explose dans le voisinage, c'est presque en même temps qu'on voit l'éclair, qu'on entend le bruit et qu'on ressent la bouffée de chaleur, une réaction instantanée de protection est immédiate. De même, on comprend mieux ce que dit quelqu'un lorsqu'on le voit parler. De nombreuses études mettent en évidence l'importance des interactions multimodales sensorielles. Parler de perception visuelle ou de perception auditive signifie, tout au plus, que l'objet que l'on perçoit est saisi principalement par la modalité visuelle ou par la modalité auditive. En fait, tout percept est multimodal. Ce caractère procède de l'interaction des divers systèmes sensoriels entre eux en convergeant vers des zones cérébrales polysensorielles appelées, pour cette raison, associatives. La vision et l'audition véhiculent fréquemment des informations complémentaires sur les mêmes objets ou événements. Ils coopèrent alors efficacement à la précision de la détection et, ensemble, assurent une meilleure stabilité, véracité et intelligibilité de ce qui est perçu (M. Imbert). Cependant, de toutes les modalités, la vision est celle qui fournit les informations les plus précises et les plus détaillées sur la structure spatiale tridimensionnelle du monde extérieur. Elle tend alors à imposer ses propres cadres de référence d'espace aux jugements spatiaux portés dans les autres modalités. De fait, dans de nombreuses circonstances, la modalité la plus appropriée du système sensoriel, pour la réalisation d'une tâche, va dominer les autres dans le contexte de situation où cette dimension prédomine. La vision étant,
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essentiellement spatiale, dominera dans les tâches de localisation dans l'espace. L'audition, ayant une meilleure résolution temporelle, dominera dans les tâches de séparation dans le temps. Mais les deux modalités s'enrichissent (un bruit soudain améliore la détection d'un flash, un stimulus visuel est perçu plus intense lorsqu'un son l'accompagne).
POTENTIALITÉS ASSOCIATIVES. EQUILIBRATION Le cerveau humain est basalement un système d'adaptation entre les besoins fondamentaux de l'organisme et les informations fournies par l'environnement. L'œil est un détecteur et un prédateur d'information. Dès qu'une alerte lui parvient, il met en jeu les mécanismes d'exploration et d'attention où la plasticité oculomotrice, potentialisée par la vision binoculaire joue un rôle fondamental. Les stratégies d'accroche des informations pertinentes de l'ergopanorama, permettant la localisation et la place des éléments structuraux de la scène visuelle, mobilisent la motricité corporelle statique et dynamique basée sur l'équilibration, dont la dépendance est multisensorielle. Toute activité posturale de l'appareil locomoteur, le maintien de l'équilibre, est gérée par le système nerveux central. Les informations recueillies par les capteurs sensoriels mettent le corps en relation avec l'environnement. Les capteurs internes proprioceptifs musculaires et articulaires définissent les positions relatives des segments corporels mis en jeu. La musculature oculomotrice est mise à contribution dans un liant avec les autres capteurs. Le maintien de l'équilibre et surtout de l'image rétinienne dans un mouvement, dépend d'un système complexe asservi à la fois à la vue et au système proprioceptif. (Fig. 1). Ainsi : Le système permettant le réflexe optocinétique est en jeu lorsque les vitesses de défilement d'une cible sont basses. Il est influencé par le cortex cérébral. Le système de la poursuite lente fait intervenir les aires corticales, le cervelet et la formation réticulée paramédiane pontique. Le système des saccades, des mouvements oculaires à grande vitesse est le fait d'un phénomène d'orientation du regard. Il fait intervenir la formation réticulée paramédiane pontique, le collinus supérieur, les aires corticales et le cervelet. Si le mouvement provoque des saccades, il se produit une transition vers le système vestibulaire. Les mécanismes de stabilisation du regard font intervenir les réflexes vestibulo-spinaux qui permettent les réponses d'équilibration. La réponse se fait par la posture, mais aussi par une stabilisation de la tête, grâce aux réflexes cervicocolliques et le réflexe oculonuccal. La posture joue donc un rôle de support de l'optique en maintenant le corps dans une position telle qu'il y a stimulation équivalente des deux rétines. Le but principal de la relation posture-œil est d'assurer un fonctionnement optimal de la perception visuelle lors de tâches visuelles spécifiques. Pour assurer sa fonction d'équilibration et de posture, permettant déplacement et gestes dans les meilleures conditions d'efficacité, l'organisme s'appuie sur trois grands systèmes : Vestibulaire. L'appareil vestibulaire est un véritable appareil proprioceptif céphalique, captant et analysant tous les mouvements subis par la tête, capable à tout moment de
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Figure 1. Equilibration.
préciser l'accélération subie, la vitesse instantanée et la position instantanée, dans le but de conserver une stabilité. Le vestibule est l'organe proprioceptif de la tête sensible aux accélérations. Lors de déplacements à vitesse constante ou en position statique, il n'est pas stimulé sauf pour sa portion otolithique sacculaire, dans un plan vertical, constamment soumise à une accélération verticale vers le bas de presque 10 m/s2 (qui est la pesanteur). Cette perception inconsciente de la pesanteur contribue à constituer la référence verticale gravitaire. Par le biais des connections oculaires, la stimulation sacculaire verticale participe au positionnement de l'œil dans l'orbite. En cas de destruction unilatérale otolithique (saccule et utricule), on constate une modification de positionnement de l'œil dans l'orbite. La verticalité visuelle correspond à l'axe des yeux. La modification de leur positionnement dans l'orbite occasionne une modification de la verticale visuelle subjective, avec une inclinaison du côté lésé (abaissement de l'œil) et une cyclotorsion des deux yeux, ainsi qu'une modification du positionnement de la tête (tête penchée du côté lésé). Proprioceptif. La proprioception musculaire renseigne à tout moment sur l'état de tension des différents muscles agonistes-antagonistes. Son rôle est de permettre de prendre conscience du déplacement du centre de gravité, grâce aux muscles dorsaux et de la nuque. D'un point de vue dynamique, les informations proprioceptives permettent d'apprécier correctement une vitesse de déplacement.
Visuel. La vision permet de s'orienter dans l'environnement,
et met en jeu à la fois la vision périphérique, la vision centrale, mais aussi l'oculomotricité. Le système visuel agit non seulement grâce à son efficience, mais aussi par les informations générées lors des mouvements. Tous ces systèmes qui ont pour finalité, l'équilibration, interagissant les uns avec les autres, pour donner des informations concordantes (lorsque j'accélère vers l'avant, le degré d'accélération perçu par les vestibules doit correspondre au même degré d'accélération évalué par mes pas (proprioception) et par le défilement du paysage). Le poids relatif des informations de ces différents capteurs n'est toutefois pas le même selon les individus, en fonction de leur stratégie propre, de leur expérience, mais aussi pour un même individu, au cours de sa vie, en fonction de ses expériences personnelles, des éventuelles pathologies intercurrentes qui peuvent léser un des capteurs, du vieillissement, etc. . . La stratégie d'équilibre évolue et s'adapte grâce à des phénomènes de compensation. Toutefois, la dépendance au système visuel augmente avec l'âge, parfois au détriment des autres capteurs. Ainsi, dans le syndrome d'omission vestibulaire observé chez les personnes âgées, celles-ci n'utilisent plus les informations vestibulaires. La vision, seul sens véritablement conscient, devient prépondérante avec l'âge, alors que paradoxalement elle est souvent déficitaire. De plus, en situation de déséquilibre, le sujet se rattache de plus en plus à sa vision pour le contrôle de la posture.
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Dossier / Formation EN FAIT LA VISION A UNE PLACE ESSENTIELLE DANS L'ÉQUILIBRE POSTURAL La vision périphérique semble jouer le rôle le plus important dans le déclenchement de la réponse posturale, car elle permet de prendre conscience d'un mouvement, par le déplacement du champ visuel, qu'il s'agisse d'un mouvement vrai de l'individu ou d'une stimulation de mouvement par déplacement du panorama, mais aussi d'en apprécier la vitesse relative. Ce système est très sensible aux stimulations de basse fréquence, par opposition au vestibule sensible aux stimulations de haute fréquence. La vision centrale joue un rôle pour faciliter la compensation, en donnant des repères de verticalité et d'horizontalité. Sur le plan dynamique, la vision centrale contribue à l'analyse d'un déplacement. En cas de pathologie vestibulaire périphérique, le nystagmus peut être diminué par la fixation oculaire. Dans le cas d'un trouble de l'équilibre d'origine vestibulaire, il est demandé au patient de privilégier sa vision centrale lors des déplacements, en fixant une cible, puis lorsqu'il s'en rapproche, en fixant une nouvelle cible. Cette stratégie de fixation de cible permet de diminuer la sensation d'instabilité et de redonner de l'assurance au patient. Par ailleurs, la fixation centrale peut engendrer, ellemême, des conflits sensoriels responsables de trouble de l'équilibre. C'est le cas de certaines cinétoses déclenchées lorsqu'on lit dans un véhicule en mouvement (la vision centrale donne une information d'immobilité tandis que les autres capteurs donnent une information de mouvement). Enfin, il a été montré que les patients atteints de DMLA ont une plus grande propension aux chutes lorsque le système proprioceptif est déficient. Mais, toutes ces interactions entre les différents systèmes visuel, vestibulaire, proprioceptif, peuvent conduire à générer des sensations d'illusions sensorielles lors de discordances, soit parce qu'un système est trompé, soit du fait d'une mauvaise analyse, soit du fait d'une atteinte tissulaire d'un système.
LES TESTS D'ANALYSE MULTISENSORIELLE Ce sont les tests qui permettent d'évaluer les stratégies de l'équilibre. Ces tests doivent être connus en orthoptie, car ils doivent être mis en œuvre chez l'enfant avec un déficit fonctionnel, chez l'adulte en décompensation de strabisme, chez le sujet âgé dont l'équilibre est essentiellement dépendant du capteur œil. Le bilan va s'attacher aux réflexes de fixation, de poursuite, de saccades, de nystagmus que nous ne développons pas, car bien connus des orthoptistes. Parfois, il est nécessaire, par exemple sur une hétérophorie négligée, sur un strabisme à petit angle, sur une anisométropie, d'analyser la répercussion fonctionnelle pratique. Pour ce faire, l'étude de la posturographie dynamique permet de tester l'équilibre en fonction des différentes entrées sensorielles, de diagnostiquer et d'évaluer un mauvais rendement pour une entrée sensorielle spécifique. Il existe plusieurs plates-formes d'analyse multisensorielle. L'Equitest® est une plate-forme de posturographie dynamique informatisée. Le patient est debout sur cette plate-forme munie de capteurs de pression, qui peut être fixe ou asservie à ses oscillations, et placé devant un panorama qui lui cache les autres repères de la pièce, qui peut être fixe ou mobile asservi lui aussi aux oscillations. (Fig. 2)
Le Multitest® donne une sensation visuelle de mouvement. Les résultats obtenus sont un statokinésigramme qui représente le déplacement du centre de pression pendant le test et à partir duquel se feront toutes les analyses : plus sa surface est grande et plus le patient est instable. Cet appareillage permet également de réaliser une mesure de la verticale subjective. L'évaluation proprioceptive repose sur les variations du centre de pression. La stimulation proprioceptive est essentiellement cutanée plantaire par la pression de réaction au support articulaire et musculaire, en fonction des oscillations du corps. La plate forme peut être fixe et la stimulation proprioceptive est pertinente. Elle peut être mobile venant perturber la proprioception, voire être asservie aux mouvements d'oscillation du patient et être trompée dans ce cas. L'évaluation visuelle est basée sur plusieurs situations. Il peut s'agir d'une évaluation de la vision d'un panorama ou de repères dans une pièce. La vision peut être supprimée en demandant au patient de fermer les yeux. La vision peut être trompée par une stimulation visuelle de plusieurs ordres comme, par exemple, une stimulation optocinétique par utilisation du défilement d'un panorama simulant un déplacement, ou dépendante des oscillations du patient. L'évaluation vestibulaire est indirecte lorsque l'on trompe à la fois la vision et la proprioception qui suppriment alors la sensation de mouvement. Selon les diverses conditions d'exposition, le recueil des mesures peut être : Invasif, par réalisation d'EMG qui permet d'évaluer les réponses motrices de posture (latences, amplitudes) en relation avec l'intensité des oscillations corporelles induites ; Non invasif, par mesure du déplacement du centre de gravité, et mesure des variations de pression de la voûte plantaire au niveau de la plate forme, la surface de déplacement de cette pression étant corrélée à l'amplitude des oscillations. L'utilisation de ces plates formes a permis : D'évaluer l'évolution des stratégies d'équilibre en fonction de l'âge. On observe chez l'enfant, de plus grandes oscillations du tronc lors de la station debout, yeux fermés. Ces oscillations se réduisent très rapidement jusqu'à l'âge de
Figure 2. Equitest.
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Dossier / Formation Le bilan multisensoriel montrait 13,4 % de déficit visuel isolé, 59 % d'hypoacousie, 27,6 % d'omission vestibulaire. Les troubles de l'équilibre étaient la plupart du temps négligés ou ignorés. Un traitement par audioprothèse et rééducation vestibulaire a permis une amélioration sensorielle objective, mais aussi subjective, où les patients se sont sentis réassurés et ont mieux investi leur support visuel.
CONCLUSION
Figure 3. Les prévalences.
25 ans, pour être parfaitement stables entre 25 et 55 ans. Après 55 ans, on voit réapparaître une majoration des oscillations ; D'objectiver la plus grande dépendance visuelle chez les personnes âgées. Cette dépendance fait qu'ils accordent de plus en plus d'importance à la vision, même si celle-ci est trompée. Il existe également une très grande dépendance visuelle chez les patients victimes d'accidents vasculaires cérébraux ; De mettre en évidence qu'une très grande dépendance visuelle est corrélée à un plus grand risque de chute (Fig. 3) ; De définir le syndrome d'omission vestibulaire. Il s'agit d'une « non utilisation » des informations vestibulaires, alors que si on réalise des tests à visée vestibulaire, l'oreille interne fonctionne parfaitement. Cette pathologie est à l'origine de nombre de troubles de l'équilibre chez les personnes âgées et peut faire l'objet d'une rééducation ; D'évaluer le degré de compensation chez les patients présentant ou ayant présenté une pathologie vestibulaire, ou après rééducation ; De mettre au point des techniques de rééducation par une meilleure compréhension de la nature du trouble en travaillant sur la plasticité cérébrale, en plaçant les patients en situation d'illusion sensorielle, en les faisant travailler par méthode de bio feedback.
EXEMPLE PRATIQUE CHEZ DES PATIENTS MALVOYANTS Une étude initiale, à l'Institution nationale des Invalides à Paris de 1993 à 2002, a validé la place de la multisensorialité dans le protocole clinique de patients malvoyants. Réalisée sur une population de 902 sujets malvoyants, d'âge moyen de 67 ans, la méthode a consisté à pratiquer un examen comprenant, en plus de l'examen fonctionnel orthoptique, un bilan multisensoriel comprenant, outre des examens de psychologie, de psychomotricité, un examen cochléo-vestibulaire avec audiogramme, un examen calorique calibré destiné à vérifier la normalité du récepteur vestibulaire, un Equitest. Les pathologies se sont ainsi réparties : DMLA 62 %, rétinite pigmentaire 5,7 %, rétinopathie myopique 9,8 %, glaucome 8 %, rétinopathie diabétique 2,2 %, rétinopathie hérédo-dégénérative de Stargardt 4 %, divers 8, 3 %.
Le rôle de l'appareil oculomoteur est essentiel dans la communication avec autrui par la gestion du regard dans la prédation des informations, par les réflexes des saccades et de poursuite, dans les mécanismes d'attention associés aux capteurs auditifs, dans l'équilibre postural avec les capteurs cochléovestibulaires et proprioceptifs, dans l'analyse de situation après intégration cognitive multisensorielle. Les orthoptistes ont une part active dans une consultation multisensorielle qui comporte, outre l'examen oculomoteur et l'étude de la fonction binoculaire, une analyse des voies visuo-visuelles et vestibulo-visuelles dans un ensemble neurosensori-cognitif. Par ailleurs, les tests d'équilibration sont des moyens d'analyse efficace d'un déficit de la vision et de sa compensation par les autres capteurs sensoriels. Le bilan multisensoriel permet de connaître les capacités d'un patient et ses stratégies oculomotrices et perceptives, indispensable pour la vie de relation. Déclaration d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt en relation avec cet article.
POUR EN SAVOIR PLUS Bardy BG, Warren WH, Kay BA (1999). The role of central and peripherical vision in postural control during walking. Percept Psychophys, 61:1356-68. Berencsi A, Ishihara M, Imanaka K (2005). The functionnal role of central and peripherical vision in the control of posture. Hum MovSci, 24(5-6):689-709. Corbé C. et all. Avancées en ophtalmologie. Apport de la conquête spatiale. (2012). Lavoisier. Paris. Faubert j, Overbry O (2000). Binocular vision in older people with adventitious visual impairment: sometimes one eye is better than two. J Am Geriatr Soc, 48:375-380. Frakowiak RSF (2005). IRM fonctionnelle et plasticité corticale. Neurosciences sensorielles et cognitives. Solal, Marseille, 3-12. Hubel D (1994). L'œil, le cerveau et la vision. Pour la science, Paris. Imbert Michel (2001). Vision et distance perçue. Vision, sensations et environnement. 12, 15-24.Ed. Irvinn King AJ, Calvert GA (2001). Multisensory integration: perceptual grouping by eye and ear. Ushiyama M, Demura S (2008). Low visual acuity in associated with the decrease in postural sway. Thoku J Exp Med, 216: 277-87. Vouriot A, Gauchard GC, Chau N, Benamghar L, Lepori ML, Mur JM, Perrin PP (2004). Sensorial organization favouring higher visual contribution is a risk factor of falls in an occupational setting. Neuroscience Res, 48:239-47.
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