Revue francophone d'orthoptie 2016;9:133–134
Dossier / Avant-propos
Orthoptie et autisme Muriel Amortila
n 1943, Léo Kanner pédopsychiatre américain d'origine autrichienne, présentait différents cas d'autisme et publiait Les troubles autistiques du contact affectif, puis en 1944 Hans Asperger, pédiatre autrichien, décrivait particulièrement cette forme d'autisme qui porte son nom. Leurs travaux ont été traduits dans différentes langues il y a seulement un peu plus de vingt ans. La 10e édition de la classification internationale des maladies (CIM-10) établie par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2010, précise que les troubles envahissants du développement (TED) et les troubles du spectre autistique (TSA) recouvrent la même réalité clinique. Les symptômes de la triade autistique qui sont : les troubles de la communication et du langage, les troubles des interactions sociales et les comportements répétitifs, évoluent tout au long de la vie. Différentes catégories de TED sont alors identifiées dans la CIM-10 : l'autisme infantile précoce, diagnostiqué avant l'âge de 3 ans ; l'autisme atypique dont l'âge de survenu est plus tardif ; les troubles désintégratifs avec un développement normal au cours des deux premières années suivi d'une perte significative des acquis ; le syndrome de Rett qui ne touche que les filles, apparait après l'âge de 6 mois et se distingue par des mouvements désordonnés des mains et un retard psychomoteur. Le syndrome d'Asperger, est la partie haute du trouble du spectre et se manifeste par une altération des comportements verbaux et non verbaux tels que le contact visuel, les mimiques faciale, les postures et les gestes, l'incapacité à établir des relations avec l'entourage, à partager ses plaisirs, ses centres d'intérêt. . . Le QI de l'autiste Asperger peut être très élevé. Le plan autisme qui a débuté en 2013 et qui s'achèvera en 2017 et le congrès qui s'est tenu en janvier dernier à Paris, permettent de faire un point sur cette problématique complexe. La Haute Autorité de santé (HAS) précise qu'un nouveau-né sur 150 serait concerné par un trouble du spectre autistique. Elle rapporte également qu'en 2010, seul 75 000 enfants étaient diagnostiqués autistes alors que lors du dernier congrès, les intervenants considéraient que 600 000 personnes présenteraient un TED en France. La proportion d'enfants atteints serait en forte augmentation dans le monde entier. L'autisme est complexe tant dans son diagnostic que dans son approche thérapeutique. C'est un sujet qui a fait polémique en 2012 lors des recommandations de l'HAS mais les chercheurs, chacun dans leur domaine, avancent des hypothèses et ont quelques réponses. Certaines observations font consensus et il est clairement établi d'une part que les causes de l'autisme sont multifactorielles : neurologiques, biologiques, génétiques, infectieuses, psychologiques. . . d'autre part qu'il est essentiel de prendre en charge cette pathologie le plus tôt possible, et enfin que les garçons sont 4 fois plus touchés que les filles. Cette diversité des causes de l'autisme amène bien entendu des thérapies tout aussi diverses. Ce qui est aujourd'hui exposé, donne beaucoup d'espoir. En effet, les résultats obtenus sont parfois très satisfaisants en matière de qualité vie pour les patients et leur entourage. Dans l'avenir, des découvertes permettront certainement des améliorations encore plus importantes et fréquentes. L'orthoptiste en tant que rééducateur de la fonction visuelle, outil essentiel de la communication, des apprentissages et de la vie sociale, est donc sollicité tant dans la phase de bilan autour du diagnostic fait par les équipes médicales pour préciser les aides à apporter à l'enfant, que pour la rééducation qui vise à aider l'enfant à utiliser sa vision dans la communication particulièrement mais aussi parfois dans la saisie d'information et l'organisation du geste. L'amélioration des connaissances sur l'autisme et son diagnostic plus précoce, plus fréquent et plus précis, amènent une augmentation des prescriptions de bilan orthoptique pour ces patients présentant un TSA. Si en médecine il est toujours difficile de généraliser lorsqu'on parle d'autisme, tous les auteurs s'accordent à dire qu'il y a presque autant d'autisme que de patients. C'est pourquoi ce dossier, loin d'être exhaustif, vous présente les éléments qui font consensus et permettent de mieux comprendre cette pathologie, sans donner de protocole systématisé mais en mettant en évidence la diversité des parcours de soins. Les auteurs sollicités ont, d'ailleurs pour beaucoup, utilisé le mode du témoignage, considérant qu'il était bien difficile de généraliser les différentes approches. Celles-ci vous permettront
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http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2016.07.013 © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 133
M. Amortila
Dossier / Avant-propos d'appréhender ces patients avec davantage de clairvoyance et de recul grâce à une meilleure connaissance des TSA. Le Dr B. Lebail nous expose l'approche de l'ophtalmologiste bien particulière face à ses enfants présentant un TSA. A. Bonmartin, psychomotricienne, met en évidence l'intérêt de l'approche pluridisciplinaire face à la différenciation du rôle de la déficience visuelle et du TSA dans les difficultés de l'enfant et afin d'affiner la prise en soin. Le test de Vineland, nous est expliqué avec son intérêt et ses limites face à cette même problématique par I. Bechla instructeur en locomotion. I. Norindr, psychomotricienne montre l'intérêt de la langue des signes comme support à la communication des enfants présentant un décalage dans les acquisitions et particulièrement la méthode Makaton. Frédérique Serra, orthoptiste nous expose les particularités de la prise en charge orthoptique de l'enfant présentant un TSA et les éléments qu'il est souhaitable de connaître avant toute approche même si chaque enfant est singulier et a ses propres particularités et qu'il est donc bien difficile de généraliser. Enfin des témoignages viennent mettre en évidence l'aspect unique de chaque prise en charge et tout d'abord celui
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d'A. Bouly de Lesdain, orthoptiste, avec 10 ans d'expérience auprès d'enfants autistes mais aussi celui de M-H Fleurieu, pédiatre, qui insiste sur la particularité de chaque enfant et l'impossibilité à systématiser une approche des enfants présentant un TSA. M. Belitto nous offre ce beau témoignage sur son fils autiste et raconte ses tribulations des deux côtés de l'atlantique mais aussi dans les actualités, un compte rendu du congrès de janvier dernier qui s'est tenu à Paris et dans lequel il a été beaucoup question des différentes pistes de cause de l'autisme. N. Fitton, F. Peter et A. de Villèle nous présentent trois cas cliniques différents mais qui montrent bien la particularité de chaque démarche orthoptique, la spécificité, la réflexion et l'adaptabilité nécessaire à l'aboutissement d'une vision plus fonctionnelle dans le but d'améliorer la qualité de vie de chaque patient. Bonne lecture et bonnes réflexions ! Déclaration de liens d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.