Pathologies somatiques et autisme

Pathologies somatiques et autisme

Table ronde Place du pédiatre dans le repérage précoce et le suivi de l’enfant autiste (GPG) Pathologies somatiques et autisme L. de Pontuala*, M. H...

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Table ronde

Place du pédiatre dans le repérage précoce et le suivi de l’enfant autiste (GPG)

Pathologies somatiques et autisme L. de Pontuala*, M. Heulina,b, E. Charlesb, B. Hérona, P. Zylberbergb aService

de Pédiatrie de Diagnostic et d’Evaluation Pluri-professionnelle de l’autisme, AP-hP, hôpital Jean Verdier, Avenue du 14 juillet, 93143 Bondy cedex, France bUnité

L

e dépistage et la prise en charge des pathologies somatiques chez les enfants autistes posent des problèmes spécifiques et nécessitent une approche individualisée. Les personnes autistes ont une morbidité et une mortalité plus élevées que la population générale, une espérance de vie réduite de 5 ans, un taux de mortalité 9 fois supérieur à la population générale [1,2]. L’amélioration de l’accès aux soins somatiques des personnes autistes est inscrite dans le plan autiste 2013-2014 (fiche action n° 16). Les difficultés d’accès aux soins sont encore majorées du fait d’inégalités sociales qui, en matière de recours aux soins, touchent particulièrement les personnes en situation de handicap.

1. Quels sont les obstacles à l’accès aux soins des enfants autistes ? Les obstacles sont nombreux. Avant tout, les problèmes de communication limitent l’expression des besoins de soins, les déficits dans l’autonomie peuvent être à l’origine d’une attention insuffisante à l’hygiène en particulier bucco-dentaire, une perception différente de la douleur ainsi qu’une expression inhabituelle par exemple par des troubles du comportement, rendent plus complexes le diagnostic et la prise en charge. Il peut également exister des difficultés cognitives nuisant chez ces enfants à l’abstraction des émotions et surtout à l’apprentissage social des réactions à la douleur. La douleur chez l’enfant autiste semble effectivement gérée de manière différente de celle de l’enfant sain. Certaines études ont retrouvé des différences d’expression faciale de la douleur [3] alors que l’expression de la douleur évaluée sur le comportement global de l’enfant était identique entre les groupes d’enfants autistes et sains. Une étude a montré qu’il existait une augmentation de la fréquence cardiaque lors des bilans sanguins, cependant celle-ci est plus tardive chez l’enfant autiste et elle dure plus longtemps après la fin du bilan sanguin [4]. Voir une vidéo d’un individu subissant un stimulus douloureux active pourtant les mêmes zones du cerveau qu’un individu sain en IRM fonctionnelle  [5]. D’autre part les autistes semblent craindre les soins de façon différente : une étude suédoise a montré que pour une consultation chez le

*Correspondance : [email protected]

dentiste, des adultes autistes sont plus anxieux que les adultes contrôles, et ils étaient plus nombreux à dire que les dentistes ayant souvent l’air de se dépêcher, ils ressentaient devoir se dépêcher également. Ils avaient également plus peur d’une incompétence technique du dentiste. Ils étaient également plus nombreux (22 % versus 7 %) à dire qu’ils avaient vécu des soins dentaires en ayant été forcés et non préparés. Le deuxième type d’obstacle est lié à un manque de formation des professionnels dans l’approche de l’enfant autiste, parfois un manque d’intérêt pour ce type de patients, dont les consultations sont longues et difficiles. Les structures hospitalières sont parfois inadaptées (environnement sensoriel, salle d’attente…). Un case report d’une adulte autiste atteinte d’un cancer du sein [6] témoigne de la nécessité d’adapter nos prises en charge et nos structures à ces patients. À l’issue de discussions éthiques en groupe pluri professionnel, une abstention thérapeutique curative a été décidée afin de maintenir la qualité de vie de cette patiente le plus longtemps possible. Un groupe de discussion éthique autour de la maladie de cette patiente a permis une prise de décision utile et raisonnée, sans culpabilité pour l’équipe ou la famille.

2. Principales pathologies somatiques à dépister chez les enfants autistes L’épilepsie est fréquente (30 % des enfants autistes) et souvent non dépistée. Les difficultés liées à l’enregistrement électroencéphalographique sont fréquemment signalées pour des enfants parfois agités ou ayant du mal à s’endormir. Les pathologies traumatiques sont plus importantes chez les enfants autistes du fait de crises d’épilepsie, d’automutilations, d’hétéro-agressivité. Il existe parfois une fragilité osseuse en rapport avec des carences en vitamine D plus fréquentes chez les enfants autistes. Des radiographies osseuses devront être réalisées en cas de chute, de déformations ou hématomes en regard de la structure osseuse. Les troubles gastro-intestinaux sont également plus fréquents. Constipation et reflux gastro-œsophagien sont également fréquents, parfois à l’origine de troubles du comportement. L’hypothèse d’une hyperalgie viscérale chez les enfants autistes a été évoquée. Les pathologies dentaires sont fréquentes, en rapport avec des difficultés d’accès aux soins : hygiène bucco-dentaire souvent insuffisante, douleurs dentaires non spontanément déclarées.

179 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):179-180

L. de Pontual et al.

Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):179-180

Les enfants autistes ont des modes spécifiques d’expression de la douleur qui se manifestent par une auto-agressivité, une spasticité, une hypertonie corporelle ou des changements de comportement. Les pathologies broncho-pulmonaires sont également plus fréquentes, parfois en rapport avec des troubles de déglutition ou des surinfections ORL.

les ressources disponibles incluant les services d’urgence et d’hospitalisation. Il est probable qu’un financement plus adapté des surcoûts liés aux consultations plus longues des enfants autistes permettrait une implication plus importante de certains acteurs de soins en santé primaire.

3. Comment améliorer la prise en charge des soins somatiques des enfants autistes ?

Références

Il est important de diffuser des protocoles d’investigation somatique des enfants autistes, d’avoir parfois une approche plus systématique pour le dépistage de pathologies organiques telles que l’épilepsie, sans doute s’appuyer davantage sur ce que rapportent les aidants habituels en leur permettant d’être acteurs de la santé de leur enfant. Des protocoles de sédation spécifiques des enfants autistes sont des pistes intéressantes, compte tenu de l’importance que peuvent prendre leurs troubles du comportement, notamment lors de la réalisation d’examens d’imagerie comme l’IRM, particulièrement longue pour ces enfants. Des supports d’explications particuliers des examens pourraient être travaillés, notamment visuels : une étude a montré que l’approche par un support visuel expliquant les soins dentaires améliorait la capacité de ces enfants à coopérer  [7]. Il existe déjà des kits de communication avec support visuel adaptés aux enfants autistes. Les aidants doivent pouvoir s’appuyer sur des professionnels formés, d’où l’intérêt d’annuaires recensant

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[1] Mouridsen SE, Brønnum-Hansen H, Rich B, et al. Mortality and causes of death in autism spectrum disorders: an update. Autism 2008;12:403-14. [2] www.social-santé.gouv.fr/plan autisme2013. [3] Allely CS. Pain sensitivity and observer perception of pain in individuals with autistic spectrum disorder. ScientificWorldJournal 2013;2013:916178. [4] Rattaz C, Dubois A, Michelon C, et al. How do children with autism spectrum disorders express pain? A comparison with developmentally delayed and typically developing children. Pain 2013;154:2007-13. [5] Hadjikhani N, Zürcher NR, Rogier O, et al. Emotional contagion for pain is intact in autism spectrum disorders. Transl Psychiatry 2014;4:e343. [6] Fitzgibbon BM, Segrave RA, Fitzgerald PB, et al. Can studies of pain help to bridge the gap between sensory and social impairments in autism? Front Hum Neurosci 2013;7:103. [7] Blomqvist M, Dahllöf G, Bejerot S. Experiences of dental care and dental anxiety in adults with autism spectrum disorder. Autism Res Treat 2014;2014:238764.