Autisme et littérature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse littéraire et thématique de cinq récits autobiographiques de personnes avec autisme

Autisme et littérature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse littéraire et thématique de cinq récits autobiographiques de personnes avec autisme

G Model AMEPSY-2824; No. of Pages 8 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

343KB Sizes 0 Downloads 108 Views

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Me´moire

Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme Autism and literature: Clinical and psychopathological contribution of five autobiographical narratives by individuals with autism Oriane Kolb a,*, Fabrice Berna b,c, Romain Coutelle b,c a b c

EPSAN, 141, avenue de Strasbourg, 67170 Brumath, France Inserm U1114, hoˆpitaux universitaires de Strasbourg, universite´ de Strasbourg, Strasbourg, France Fondation FondaMental, Cre´teil, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 26 juin 2019 Accepte´ le 29 octobre 2019

Ces dernie`res anne´es, les publications d’e´crits autobiographiques de personnes avec autisme se multiplient et connaissent un important succe`s. Elles donnent la parole a` des personnes que leur handicap empeˆche habituellement d’exprimer leur ve´cu et leur expe´rience. Nous avons e´tudie´ les re´cits autobiographiques publie´s de cinq personnes avec autisme en faisant l’hypothe`se que le style litte´raire et les the´matiques aborde´es dans ces œuvres illustrent la se´me´iologie, la psychologie et la phe´nome´nologie du trouble, tout en mettant en e´vidence des diffe´rences individuelles. L’e´tude stylistique des textes montre de nombreuses particularite´s de style telles que l’utilisation particulie`re d’ellipses, de me´taphores et de comparaisons, ou l’utilisation d’un registre didactique et argumentatif, qui peuvent eˆtre mis en lien avec le trouble autistique et qui e´clairent le fonctionnement psychique des auteurs. Dans les the´matiques aborde´es par les auteurs, celles concernant les relations sociales, la communication, l’identite´, les e´motions et les troubles sensoriels re´ve`lent chez les auteurs des pre´occupations en lien avec leur handicap. Ce qu’ils en disent met en lumie`re leur perception de ces proble´matiques spe´cifiques ainsi que les strate´gies adaptatives mises en œuvre pour les de´passer. Cette e´tude litte´raire et psychopathologique de re´cits autobiographiques de personnes avec autisme permet une appre´hension originale, plus vivante et intime des handicaps e´prouve´s par les personnes avec autisme et ouvre des perspectives nouvelles en termes d’accompagnement des sujets et de recherche.

C 2019 Publie ´ par Elsevier Masson SAS.

Mots cle´s : Autisme E´tude comparative Litte´rature Re´cit de vie Trouble du spectre autistique

A B S T R A C T

Keywords: Autism Autism spectrum disorder Comparative analysis Life story Literature

The number of publications of autobiographical narratives written by individuals with autism has markedly increased during the recent years and these books have encountered a growing interest among readers. Narratives of individuals with autism represent a unique opportunity for these people to express themselves and share their experience given that their disability usually severely restrains those opportunities. Previous attempts by Freud and Jaspers to analyze autobiographical narratives of patients were mostly focused on the symptoms and the psychopathological analysis of patients’ experience. On the contrary, these works did not take the literary features of the texts into account. However, in the literacy domain, the style of an author is considered as reflecting his/her personality as well as his/her singular perception of the world. We therefore aimed to study the published autobiographical narratives of five authors with autism: three were from native French authors and two were French translations of english-speaking authors; two further autobiographies were not included as they were not written by the authors themselves. We hypothesized that the literary style and the topics covered in the texts would

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Kolb). https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.10.013 C 2019 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. 0003-4487/

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

2

illustrate the symptoms, psychology and phenomenology of the disorder, while revealing features specific to each of the authors. The stylistic analysis revealed numerous stylistic features. Most of autobiographical narratives took the form of a testimony and included an obvious moral or didactic component. The narratives were highly and explicitly structured but the style was also notably original. Authors made a peculiar use of metaphors and comparisons, which did not exhibit a clear poetic purpose. They rather aimed to describe the particular view of the world of the authors and make it understandable for the reader. A particular use of ellipsis was also noted. This particular stylistic feature consists in the suppression or omission of a part of a narrative without making it impossible to understand. Authors seemed to use ellipses involuntarily and missing information often referred to emotions or social relationships. Finally, authors’ descriptions of their circumscribed interests were rich, detailed, but also repetitive and sometimes took a prominent space in their narratives with regard to other life events that were reported. Moreover, their descriptions of people were often unique and surprising: they were poorly detailed and focused on specific physical or psychological characteristics of the person, this preventing the reader to get a global impression of the character. All these stylistic features appeared related to the autism disorder and revealed the psychic functioning of the authors. Regarding the topics covered by the authors, those related to social relationships, communication, self, emotions and sensory disturbances revealed how concerned the authors are by their disability. Authors’ narratives also shed light on their perception of these particular difficulties as well as on their maladaptive strategies to overcome them. To conclude, the present literary and psychopathological analysis of autobiographical narratives of individuals with autism allows a unique, more vivid and intimate comprehension of the limitations experienced by them. It paves the way to new perspectives for research and care.

C 2019 Published by Elsevier Masson SAS.

1. Introduction Les troubles du spectre autistique se caracte´risent par un de´faut de communication sociale ainsi que par des inte´reˆts restreints et des comportements ste´re´otype´s. Ce de´faut de communication sociale met le clinicien en difficulte´ lorsqu’il s’agit d’e´changer avec une personne avec autisme. Cela a pu conduire a` penser que la vie psychique de ces personnes e´tait pauvre, voire inexistante. Pour des personnes avec autisme sans de´ficience intellectuelle et ayant acce`s a` ce me´dia, l’e´crit peut devenir une voie de choix pour exprimer leur ve´cu et te´moigner de leur parcours. Il est l’occasion de faire part de leurs ide´es a` leur rythme, loin de l’angoisse suscite´e par l’intimite´ excessive de la situation d’entretien clinique. Temple Grandin [7] a ouvert cette voie en 1986 en publiant Ma vie d’autiste, et a bientoˆt e´te´ suivie par d’autres auteurs, comme Josef Shovanec [13] ou Daniel Tammet [16]. Suivant l’ide´e de Sigmund Freud, dans son travail sur les Me´moires d’un ne´vropathe de Daniel Paul Schreber [5], ou de Karl Jaspers [12] dans son e´tude sur Strindberg, nous avons suppose´ que les e´crits de ces personnes pourraient nous aider a` enrichir notre connaissance clinique du trouble et des individus qui en souffrent. Nous pensons qu’il s’agit d’une feneˆtre pre´cieuse sur la richesse de leur univers inte´rieur et sur leur perception de leurs difficulte´s. Freud et Jaspers s’inte´ressent principalement aux symptoˆmes a` travers les contenus rapporte´s par les auteurs et leur entourage mais ne tiennent pas compte des caracte´ristiques litte´raires des e´crits qu’ils e´tudient. Or, dans le domaine de la litte´rature, le style d’un auteur est conside´re´ comme un reflet de son caracte`re et de sa vision du monde, comme la « physionomie de [son] aˆme » [15]. L’e´tude des caracte´ristiques litte´raires d’un texte prend en compte notamment le contexte de sa re´daction, sa structure narrative, les aspects saillants des descriptions et du re´cit, le style et la langue de l’auteur, la position subjective du narrateur par rapport a` son e´crit, etc. Une telle e´tude permet de comprendre pre´cise´ment la manie`re dont son auteur perc¸oit le monde, le type de narration et les e´le´ments stylistiques qui refle`tent le fonctionnement relationnel, e´motionnel et cognitif de l’auteur qui les met

en jeu. Nous pensons donc qu’en plus de leur contenu explicite et se´me´iologique, cet aspect des e´crits me´rite e´galement qu’on s’y attarde. Nous nous sommes donc propose´ d’e´tudier cinq re´cits autobiographiques publie´s de personnes avec autisme. Nous avons fait l’hypothe`se que ces e´crits comporteraient des the´matiques et des particularite´s litte´raires, notamment stylistiques, re´currentes, communes aux diffe´rents auteurs et qui seraient en rapport avec les particularite´s se´me´iologiques, psychologiques et phe´nome´nologiques du trouble. Nous avons e´galement e´mis l’hypothe`se que certaines particularite´s stylistiques et certains the`mes seraient propres aux diffe´rents auteurs et te´moigneraient de la singularite´ de leur personnalite´ et de leurs strate´gies adaptatives face au handicap. 2. Me´thodologie Afin de re´unir notre corpus de textes, nous avons recherche´ des re´cits autobiographiques publie´s, e´crits par des personnes avec autisme et disponibles en langue franc¸aise. Nous avons utilise´ les ressources internet (sites commerciaux, associatifs ou me´dicaux, articles de presse et articles scientifiques), ainsi que des ouvrages ou films traitant de l’autisme afin d’identifier de telles re´fe´rences. Nous avons ensuite recueilli les informations disponibles sur les auteurs ainsi que sur les conditions de re´daction et de publication des re´cits, afin de nous assurer que les ouvrages e´taient bien e´crits par des personnes ayant rec¸u un diagnostic d’autisme ou de trouble du spectre autistique. Nous avons exclu les ouvrages pour lesquels la question de l’auteur e´tait sujette a` controverse (Sais-tu pourquoi je saute d’Higashida [8], dont les qualite´s litte´raires semblent peu correspondre aux possibilite´s d’un enfant de 15 ans non verbal ; Une aˆme prisonnie`re de B. Sellin [14] re´dige´ via une me´thode de communication facilite´e). Nous avons ainsi pu retenir les cinq ouvrages suivants, qui correspondaient a` nos crite`res et dont les e´le´ments biographiques concernant les auteurs e´taient particulie`rement bien connus : Ma vie d’autiste de Temple Grandin [7], publie´ en 1986, Si on me touche, je n’existe plus, de Donna Williams [18], publie´ en 1992, Je suis ne´ un jour bleu de Daniel

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

Tammet [16], publie´ en 2007, L’empereur, c’est moi ! de Hugo Horiot [9], publie´ en 2012, et enfin Je suis a` l’Est de Josef Schovanec [13], publie´ en 2013. Nous avons e´tudie´ les textes d’un point de vue litte´raire, en recherchant les moyens mis en œuvre par les auteurs pour rendre compte de leur expe´rience. Nous nous sommes pour cela re´fe´re´s a` la me´thodologie de l’analyse litte´raire et avons e´te´ attentifs au genre litte´raire utilise´, a` l’architecture des diffe´rents e´crits, a` la tonalite´ du discours des auteurs, aux redondances se´mantiques et the´matiques, a` l’utilisation des figures de styles et aux rapports des textes avec leur contexte socio-culturel. Nous avons e´galement soumis ces textes a` une analyse se´miologique, en cherchant a` repe´rer dans les the´matiques re´currentes celles qui seraient re´ve´latrices de particularite´s autistiques : nous avons e´te´ attentifs aux passages traitant des relations sociales, des inte´reˆts restreints, des troubles sensoriels ou mettant en e´vidence une recherche d’immuabilite´. Nous avons e´galement repe´re´ les passages traitant des particularite´s cognitives, e´motionnelles, motrices et des particularite´s de la perception et de la construction du self. Nous avons enfin releve´ les me´canismes de de´fense et les strate´gies adaptatives apparents dans les re´cits des diffe´rents auteurs. Nous pre´senterons dans un premier temps les particularite´s litte´raires retrouve´es chez les auteurs, puis les re´sultats de l’analyse se´me´iologique, en voyant la manie`re dont les auteurs abordent le sujet des relations sociales et de leurs difficulte´s identitaires et e´motionnelles. Nous mettrons enfin en lien les re´sultats de l’analyse litte´raire et les particularite´s du traitement des the´matiques autistiques par les auteurs dans la mise en jeu de me´canismes de de´fense particuliers.

3. Re´sultats Les re´sultats sont re´sume´s dans les Tableaux 1–3. 3.1. Un style autistique ? Tous les auteurs favorisent a` leur manie`re une forme et un style didactiques, clairs et explicites, et parlent de choses concre`tes et re´elles. Quatre d’entre eux choisissent ainsi de donner a` leur re´cit la forme d’un te´moignage : re´cit autobiographique ayant une porte´e morale ou pe´dagogique (visant ici a` aider le lecteur a` comprendre les personnes avec autisme) et dont le style est conventionnellement sobre, descriptif et ancre´ dans la re´alite´. Les cinq re´cits sont structure´s de manie`re tre`s explicite, ils sont divise´s en chapitres et parfois sous-chapitres, dont les titres expriment clairement le contenu et dont la progression est the´matique ou chronologique. Par exemple chez Daniel Tammet : Premie`res anne´es – Terrasse´ par la foudre : l’e´pilepsie – L’e´cole – Bizarre celui-la` ! – Adolescence. . . Enfin chez Joseph Shovanec, Daniel Tammet et Temple Grandin, le style est marque´ par une recherche de ve´rite´ et d’explications logiques : leur discours est assertif, argumentatif, circonstancie´ et pre´cis. Joseph Shovanec tente ainsi de comprendre comment il a appris l’allemand : « Je ne sais pas, de fait, quand et comment j’ai appris cette langue : a` l’e´cole, sans doute, mais j’ignore pourquoi ; j’e´tais un peu en avance sur le programme et donc ne tenais pas ma connaissance de ce dernier. . . » Ils font e´galement de nombreuses re´fe´rences a` la science et utilisent un vocabulaire technique monose´mique. Malgre´ cet attachement au concret, le style des auteurs est loin d’eˆtre aride et ennuyeux. Ils font tous preuve d’une grande originalite´, lie´e a` leur perception particulie`re du monde et a` leur impossibilite´ a` se saisir de l’expe´rience commune pour le comprendre et des lieux communs acade´miques pour l’exprimer. Chez ces auteurs attache´s a` la transparence de l’expres-

3

sion et favorisant l’explicite, on trouve de tre`s nombreuses me´taphores et comparaisons. Loin d’une utilisation poe´tique et obscure, ces figures de style ont ici pour roˆle d’aider le lecteur a` comprendre la manie`re dont les auteurs perc¸oivent le monde. Par exemple, Daniel Tammet tente de rendre compte de la manie`re dont il perc¸oit les nombres : « Je vois leurs formes lisses et rondes, comme des galets sur une place. [. . .] Le nombre 1, par exemple, est d’un blanc brillant et e´clatant, comme quelqu’un qui dirige le faisceau d’une lampe torche directement dans mes yeux. » Donna Williams et Temple Grandin se servent e´galement de symboles comme d’e´le´ments tangibles et concrets qui mate´rialisent pour elles certains concepts. Temple Grandin, par exemple, symbolise l’ide´e de passage ou d’e´volution en choisissant une porte, de pre´fe´rence interdite ou difficile d’acce`s, a` chaque de´fi qu’elle de´cide de relever : « Ouvrir une porte particulie`re e´tait l’expression concre`te de ma de´cision de re´ussir. Quand j’ai franchi la porte, j’ai ame´liore´ mes notes au lyce´e. » Le fil des re´cits de nos auteurs est parfois rompu par le passage sans transition d’une ide´e ou d’un the`me a` l’autre. Ces ruptures, ainsi que d’autres passages des re´cits, correspondent a` des ellipses. Cette figure de style, qui consiste a` supprimer ou omettre une partie d’un e´nonce´ sans pour autant rendre le message inintelligible, semble utilise´e de manie`re involontaire par les auteurs, et les informations manquantes concernent souvent des e´motions ou des relations sociales. Temple Grandin de´crit ainsi l’e´pisode qui met fin aux de´gradations qu’elle ope`re depuis quelque temps dans le jardin d’un voisin : « On m’a pris sur le fait, quelques jours plus tard, alors que je me rendais a` l’e´glise avec mes tennis. Papa m’a dispute´e. Je me suis sauve´e de l’e´glise, lui sur mes talons. Il m’a coince´e entre la station-service et un grillage en fer. Mon pe`re e´tait soupe au lait. Re´cemment, des travaux de recherche re´alise´s a` l’universite´ de Californie a` Los Angeles ont montre´ que certains traits de caracte`re ont tendance a` se transmettre dans certaines familles d’autistes. » Elle passe sur l’interaction qui a lieu avec son pe`re derrie`re cette stationservice, meˆme si nous devinons qu’elle est probablement violente, et ne livre pas ce que ce souvenir suscite peut-eˆtre comme e´motion. Une dernie`re spe´cificite´ stylistique de ces e´crits re´side dans la place et le contenu des descriptions. Celles des inte´reˆts restreints des auteurs sont a` la fois riches, pre´cises mais e´galement tre`s re´pe´titives. Elles prennent une place centrale dans l’e´conomie des re´cits, au point de supplanter les passages relatant des e´ve´nements de vie ; ceci peut eˆtre le reflet de leur importance dans la vie psychique des auteurs. D’autre part, les descriptions qui concernent les personnes entourant les auteurs sont en ge´ne´ral e´tonnantes : elles sont relativement pauvres, s’inte´ressent a` une petite partie de la personne, un de´tail physique ou du caracte`re, voire a` des particularite´s vestimentaires uniquement (« Ses mains sont belles, elle porte des bagues a` chaque doigt. Bleues », nous dit Hugo Horiot de sa coiffeuse) et ne nous permettent pas de nous faire une ide´e globale de ces personnes. L’analyse litte´raire des cinq re´cits montre des particularite´s communes aux diffe´rents auteurs, qui sont a` mettre en lien avec leur trouble. La structuration de leurs e´crits, la tonalite´ du discours, les figures de styles montrent un besoin de compre´hension concre`te, explicite du monde et leur volonte´ de nous communiquer leurs expe´riences. Certaines particularite´s stylistiques (ellipses, descriptions) refle`tent des de´ficits connus dans l’autisme, dans les domaines des relations sociales, des e´motions ou des inte´reˆts restreints. Apre`s l’analyse litte´raire des cinq re´cits, nous allons maintenant nous pencher sur les re´flexions des auteurs concernant les the´matiques en lien avec les troubles du spectre autistique.

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

4

Tableau 1 Re´sume´ des particularite´s stylistiques identifie´es dans les re´cits autobiographiques de sujets avec autisme. Particularite´s stylistiques Structuration explicite du recit Te´moignage

Ruptures de rythme Me´taphores, comparaisons, symboles Recherche d’explications et d’exhaustivite´ Ellipses Descriptions

Style non corrige´

Les e´crits des 5 auteurs sont divise´s en chapitres aux titres tre`s explicites (« Premie`res anne´es – Terrasse´ par la foudre : l’e´pilepsie – L’e´cole. . . » pour Daniel Tammet), dans un de´roule´ chronologique ou the´matique Forme litte´raire choisie par 4 des 5 auteurs (a` l’exclusion d’Hugo Horiot). Un te´moignage est un re´cit a` la premie`re personne, ancre´ dans la re´alite´. Son style est ge´ne´ralement sobre et descriptif et il a une porte´e morale et/ou pe´dagogique. Les auteurs concerne´s font part d’une volonte´ de nous faire comprendre leur ve´cu et d’eˆtre utile aux autres personnes avec autisme et a` ceux qui les prennent en charge Elles se manifestent par des transitions abruptes : l’auteur passe d’un sujet a` un autre, sans lien apparent et sans avoir conclu sur le sujet pre´ce´dent Sans roˆle ornemental, elles ont comme objectif de nous aider a` comprendre la manie`re dont les auteurs perc¸oivent le monde Chez Daniel Tammet, Temple Grandin et Joseph Shovanec, on retrouve un style argumentatif avec des re´fe´rences a` la science, l’expression des doutes et de questionnements, et l’utilisation de longues phrases tre`s circonstancie´es L’ellipse est la suppression d’une partie d’un e´nonce´ qui n’en alte`re cependant pas le sens. Chez nos auteurs, les ellipses sont probablement involontaires et concernent les informations sur les relations sociales ou les e´motions des sujets Une place centrale, voire envahissante, est donne´e aux descriptions des inte´reˆts restreints dans les re´cits de Temple Grandin, Joseph Shovanec et Daniel Tammet. Chez tous les auteurs les descriptions des personnages qu’ils coˆtoient sont pauvres et ont un caracte`re original (descriptions d’une particularite´ physique seulement ou centre´e uniquement sur un veˆtement) Les œuvres que nous e´tudions ont probablement e´te´ relues et corrige´es avant leur publication, gommant certaines particularite´s stylistiques des auteurs. Cependant, l’inde´pendance des auteurs par rapport aux conventions litte´raires peut eˆtre releve´e, soit directement (Joseph Shovanec use ainsi d’un niveau de langage soutenu, e´maille´ de manie`re e´tonnante de termes totalement inusite´s, d’expressions familie`res ou d’envole´es lyriques), soit lorsque les auteurs en te´moignent (Daniel Tammet parle d’interminables descriptions qu’il re´digeait petit, Donna Williams de ses ide´es concernant la fac¸on de mettre la ponctuation)

3.2. The´matiques en lien avec les troubles autistiques Nous avons retrouve´ chez les diffe´rents auteurs des the´matiques communes, redondantes a` la fois au sein des re´cits et entre les re´cits, qui sont en lien avec la se´me´iologie autistique. Les difficulte´s rencontre´es autour des relations sociales ainsi que celles concernant l’identite´ et les e´motions sont les plus discute´es par les auteurs. La recherche d’immuabilite´ est lisible dans la pre´sence re´pe´titive de descriptions des inte´reˆts restreints et ces derniers prennent leur importance dans la mise en place des relations sociales et dans la de´finition de soi. 3.2.1. Relations sociales Concernant les relations sociales, les auteurs expriment une difficulte´ a` percevoir et a` relier entre elles les caracte´ristiques des personnes qui les entourent. Cette difficulte´ peut eˆtre une absence de perception des gens, comme l’exprime Donna Williams en se souvenant de la pe´riode de ses 3–5 ans : « Les gens autour de moi e´taient transparents. » Il peut e´galement y avoir une difficulte´ a` se repre´senter globalement son interlocuteur, exprime´e de manie`re explicite : « Je n’arrivais pas a` saisir mentalement les personnes comme un tout » nous dit Donna Williams, ou indirectement lorsque Joseph Shovanec explique dresser des « check lists » psychologiques de ses interlocuteurs. Cela peut e´galement eˆtre perceptible au travers des descriptions dont nous parlions plus haut. Les traits retenus par les auteurs pour identifier une personne ne sont pas toujours pertinents pour se faire une ide´e « fonctionnelle » de la personne, c’est-a`-dire qui permettrait de la reconnaıˆtre lors de rencontres ulte´rieures et de nouer une interaction autour d’e´le´ments de la premie`re rencontre. On imagine comment ces de´fauts de perception et de repre´sentation d’autrui peuvent eˆtre une premie`re entrave a` la mise en place de relations sociales. Mais les troubles des interactions sociales trouvent d’autres explications au fil de la lecture des re´cits. Donna Williams et Hugo Horiot expriment un ve´cu intrusif des relations sociales, qui prennent souvent l’allure d’une agression. Donna Williams explique que dans son enfance il lui arrivait de ne se rendre compte de la pre´sence de sa me`re que lorsqu’elle la frappait : « Des gens passaient par la` et obstruaient la vue enchanteresse que j’avais du ne´ant ? Je regardais au-dela` des gens [. . .] La gifle

tombait ! » Ce ve´cu intrusif peut eˆtre en lien avec les particularite´s sensorielles des auteurs ; Hugo Horiot de´crit ainsi ses camarades comme un « troupeau beuglant de vaches ». L’incompre´hension est tre`s pre´sente e´galement entre les auteurs et leur entourage. Lorsque les auteurs sont jeunes, il s’agit de difficulte´s de compre´hension de la langue puis des difficulte´s de compre´hension des re`gles sociales et des e´le´ments de communication implicites. Enfin, quatre des auteurs expriment devoir renoncer a` leur monde inte´rieur pour entrer en relation avec les autres, ce qui est tre`s angoissant pour eux et menace leur subjectivite´. Donna Williams l’exprime ainsi : « La tension e´tait ne´e comme toujours de la ne´cessite´ de renoncer a` mon propre empire sur moi-meˆme afin d’entrer en communication avec les autres. » Face a` ces difficulte´s a` instaurer et maintenir les relations sociales, les auteurs de´crivent dans leurs ouvrages les strate´gies qu’ils mettent en œuvre pour les surmonter. Nous avons e´voque´ la « check list » que Joseph Shovanec met en place pour se faire un portrait cohe´rent de ses interlocuteurs. Il se sert e´galement, tout comme Temple Grandin et Daniel Tamet, d’une sorte de liste de re`gles de conduite a` mettre en œuvre dans les diffe´rentes situations sociales. « Certains mensonges sont socialement exige´s. Si on ne s’y plie pas, on se retrouve dans des postures pe´nibles », explique-t-il par exemple. Une intellectualisation des codes sociaux est ne´cessaire a` ces auteurs pour se conformer a` ces re`gles qui sont intuitivement suivies par la plupart des gens. La mise en place pre´fe´rentielle de relations duelles, notamment via les inte´reˆts particuliers, puis l’appui d’une personne familie`re qui sait s’adapter aux particularite´s de l’auteur et faire le lien avec les autres, peuvent eˆtre e´galement une manie`re d’enrichir leur vie relationnelle. Plus original, se fondre dans un roˆle conventionnel (vendeuse, professeur) peut donner a` nos auteurs l’aplomb ne´cessaire pour entrer en relation avec les autres. Enfin, la provocation et la bagarre sont e´galement des manie`res pour nos auteurs, surtout dans leurs jeunes anne´es, d’initier une interaction. 3.2.2. Fonctionnement psychologique : identite´ Au travers de la description des difficulte´s dans les relations sociales, on rele`ve des me´canismes qui ont e´galement un impact sur le fonctionnement psychologique des auteurs. Ainsi, la difficulte´ a` se faire une ide´e globale et cohe´rente d’une personne est-elle vraie non

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

seulement pour les autres mais e´galement pour les auteurs euxmeˆmes. Les troubles sensoriels semblent avoir un impact tre`s important sur la possibilite´ pour les auteurs de percevoir leur corps et leur psyche´ avec des limites contenantes et stables dans le temps. Ainsi, Temple Grandin a-t-elle l’impression que ses oreilles fondent l’une dans l’autre lorsqu’elle porte un chapeau. Donna Williams fait meˆme l’expe´rience d’exister en dehors de limites de son corps : « Je finis par apprendre a` me fondre dans tout ce qui me fascinait. » Un meˆme stimulus peut eˆtre perc¸u diffe´remment en fonction de la sensibilite´ du moment, ce qui entrave probablement e´galement la mise en place d’une repre´sentation stable de l’environnement. Nous avons vu plus haut que la relation a` l’autre pouvait eˆtre ve´cue comme intrusive et repre´senter une menace pour l’inte´grite´ psychique du sujet : « Un jour, en silence, a` notre insu, nos mains se touche`rent. [. . .] Cela m’avait ane´antie comme si j’e´tais sur le point de mourir », rapporte Donna Williams, alors qu’elle se rapproche d’un garc¸on qu’elle appre´cie. Si les auteurs te´moignent d’une difficulte´ a` investir leur corps avec des perceptions pre´visibles et des limites se´curisantes, on s’e´tonne moins du besoin que Temple Grandin pouvait avoir de sa « machine a` serrer » (installation qui lui permettait d’eˆtre contenue par une machine de bois et de sangles, dont elle pouvait moduler l’intensite´) ou du fait que Donna Williams semble vivre des moments de de´re´alisation lorsqu’elle est en de´tresse. « L’univers entier semblait renverse´ la teˆte en bas, l’inte´rieur au dehors, l’arrie`re en avant. . . » Ces particularite´s de perception ame`nent logiquement a` une difficulte´ pour les auteurs a` construire une repre´sentation cohe´rente d’euxmeˆmes, a` la fois car la mise ensemble des informations est complexe mais e´galement car ces informations notamment sensorielles sont labiles et inconstantes. Certains auteurs comme Donna Williams ou Hugo Horiot repe`rent chez eux des tendances de caracte`re divergentes et incompatibles, qui sont en fait diffe´rentes facettes de leur personnalite´. Hugo Horiot, par exemple, ressent a` la fois l’envie

de parler et d’aller vers les gens, et celle de rester dans son monde. Il se de´double alors en prenant deux pre´noms : Julien (qui veut rester dans son monde) et Hugo (qui nous parle), et de´crit une lutte entre ces deux personnages. Les auteurs ont du mal a` se de´crire et se sentent diffe´rents des autres. Ce fosse´ qu’ils ressentent est un frein pour s’identifier a` leurs pairs, a` leurs parents et pour se de´crire en utilisant les cate´gories usuelles. Afin de mettre en place une repre´sentation d’eux-meˆmes, les auteurs utilisent diffe´rentes strate´gies : ils peuvent se servir de re´fe´rences me´caniques, Temple Grandin compare ainsi le fonctionnement de son cerveau au re´glage « de la vis platine´e sur le carburateur d’une voiture », ou s’identifier a` des animaux ou a` des camarades de jeu. Les connaissances me´dicales leur sont e´galement utiles pour se caracte´riser, de meˆme que leurs inte´reˆts restreints, ou l’utilisation de plusieurs pre´noms pour les diffe´rentes facettes de leur personnalite´, comme de´crit plus haut. 3.2.3. Fonctionnement psychologique : e´motions Concernant encore les aspects psychologiques, les e´motions sont traite´es de manie`re particulie`re par les auteurs. Tout d’abord, elles sont tre`s peu exprime´es dans les diffe´rents textes. Et lorsqu’ils en parlent, les auteurs expriment principalement des e´motions ne´gatives, meˆme dans des contextes ou` le ressenti devrait eˆtre plutoˆt positif, comme dans l’exemple cite´ plus haut ou` Donna Williams touche la main de son ami. L’expression de l’e´motion et de sa manifestation est souvent inverse´e (je pleure, donc je suis triste) et les e´motions sont de´code´es a` partir de manifestations physiques non spe´cifiques (comme les pleurs, qui ne sont pas toujours signe de tristesse), ce qui peut induire des confusions entre les e´motions chez les auteurs. En fait, il semblerait que toutes les e´motions soient ressenties par les auteurs de manie`re uniforme´ment de´sagre´able, ce qui rend leur distinction difficile et pousse les auteurs a` les e´viter.

Tableau 2 Re´sume´ des the´matiques identifie´es dans les re´cits autobiographiques de sujets avec autisme. The´matiques en lien avec les particularite´s psychologiques dans l’autisme I Self (support du ve´cu subjectif du sujet : sentiment de continuite´ dans l’existence, conscience du caracte`re unique de soi et de ses expe´riences. . .)

Me Self (somme de ce que le sujet conside`re comme ses caracte´ristiques) E´motions

Les e´crits montrent la difficulte´ des auteurs a` appre´hender leur eˆtre : au niveau du corps, les troubles sensoriels et la difficulte´ d’inte´grer les diffe´rents stimuli simultane´s ame`nent a` une perception fragmente´e et incomple`te de soi. La fragilite´ de la continuite´ du sentiment d’existence est exprime´e par Donna Williams lorsqu’elle explique avoir besoin d’un support sensoriel permanent pour se sentir exister : tenir un objet, entendre le son de sa voix. Certains des auteurs te´moignent e´galement d’une difficulte´ a` concilier les diffe´rentes facettes de leur personnalite´, et vont jusqu’a` se donner plusieurs pre´noms pour les mate´rialiser Les auteurs expriment tous leur sentiment d’eˆtre diffe´rent des autres. Cette diffe´rence est source d’une difficulte´ pour eux a` de´finir leurs caracte´ristiques selon les cate´gories « habituelles » Les e´motions sont peu e´voque´es dans les diffe´rents textes. Ce sont principalement des e´motions ne´gatives, qui sont de´crites, y compris dans des situations ou` le ressenti devrait eˆtre positif. Le ressenti comme l’expression de ces e´motions est souvent inverse´ (je pleure, donc je suis triste), de´code´es a` partir de manifestations physiques non spe´cifiques comme les pleurs (qui peuvent exprimer la tristesse, la douleur, la joie intense.). Les e´crits traduisent un ressenti uniforme des diffe´rentes e´motions qui ne permet pas aux auteurs de les distinguer les unes des autres

The´matiques en lien avec les relations sociales Perception alte´re´e d’autrui

Difficulte´s d’interaction

5

Les auteurs te´moignent d’une difficulte´ a` percevoir et a` relier entre elles les caracte´ristiques des personnes rencontre´es pour s’en faire une ide´e globale, cohe´rente et distincte. Cela peut eˆtre exprime´ ainsi ou transparaıˆtre dans les descriptions des personnages qui permettent rarement de se faire une ide´e autre que tre`s parcellaire de la personne de´crite Les auteurs ont un ressenti intrusif des relations sociales, souvent en lien avec des particularite´s sensorielles (hypersensibilite´ auditive, tactile.) L’incompre´hension est tre`s pre´sente, qui concerne souvent l’implicites et les re`gles sociales Quatre des auteurs expliquent avoir l’impression de renoncer a` leur monde inte´rieur pour entrer en relation avec autrui. Ce monde inte´rieur semble leur apporter un sentiment de se´curite´ qui est alte´re´ dans la relation a` autrui. Ce renoncement peut eˆtre source d’une anxie´te´ importante. Il peut se faire e´galement sans anxie´te´, sous la forme d’une obe´issance irre´fle´chie aux suggestions d’une personne. Dans les deux cas, il semble que les auteurs aient le sentiment de renoncer a` leur subjectivite´ lorsqu’ils sont en rapport avec autrui

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

6

3.3. Me´canismes de de´fense Les particularite´s de certains auteurs, associe´es a` l’utilisation pre´fe´rentielles de certaines strate´gies adaptatives, e´voquent l’utilisation par les auteurs de certains me´canismes de de´fense. Selon la de´finition de Ionescu et al. [10], « Les me´canismes de de´fense sont des processus psychiques inconscients visant a` re´duire ou a` annuler les effets de´sagre´ables des dangers re´els ou imaginaires, en remaniant les re´alite´s interne et/ou externe, et dont les manifestations – comportements, ide´es ou affects – peuvent eˆtre conscientes ou inconscientes ». Daniel Tammet, Temple Grandin et Joseph Shovanec ont en commun le recours fre´quent a` des notions scientifiques pour e´clairer leur comportement et certains aspects de leur ve´cu, une manie`re d’analyser les choses de manie`re tre`s de´taille´e, en cherchant a` eˆtre exhaustifs et a` pointer des ve´rite´s universelles. Ils ont un style argumentatif, circonstancie´, au vocabulaire technique et monose´mique, et e´vitent tous trois plus que les deux autres de faire re´fe´rence a` leurs e´motions. Tous ces e´le´ments sont en faveur de l’utilisation de l’intellectualisation, un « recours a` l’abstraction et a` la ge´ne´ralisation face a` une situation conflictuelle qui angoisserait trop le sujet s’il reconnaissait y eˆtre personnellement implique´ ». Ce me´canisme permet de substituer « la connaissance, la logique et l’objectivite´ a` tout ce qui est e´motion et pulsion » [17]. La situation d’analyse de texte se preˆte mal a` la

recherche de conflits psychiques, mais nous pouvons relever que les me´canismes d’intellectualisation se jouent a` l’endroit ou` les auteurs peuvent eˆtre en difficulte´ du fait de leur handicap : l’expression des e´motions, les relations sociales, la connaissance de soi. Temple Grandin et surtout Donna Williams relatent chacune des e´pisodes de violences physiques a` leur encontre, chaque fois sans y associer d’e´le´ment concernant leurs sentiments a` ces occasions. Cela pourrait eˆtre lie´ a` un me´canisme d’isolation, par lequel l’affect lie´ a` une repre´sentation conflictuelle est e´limine´. Hugo Horiot et Donna Williams se donnent plusieurs pre´noms en fonction de diffe´rentes facettes de leur personnalite´. Cela a pu eˆtre pour eux, alors que la repre´sentation qu’ils avaient d’eux-meˆmes e´tait fragile, une manie`re de se repre´senter comme e´tant le sie`ge de tendances contradictoires qui peuvent tout de meˆme coexister chez un meˆme individu. Cette solution peut correspondre a` un me´canisme de clivage du moi, qui correspond a` « une action de se´paration, de division du moi sous l’influence angoissante d’une menace, de fac¸on a` faire coexister les deux parties ainsi se´pare´es qui se me´connaissent sans formation de compromis possible » [10]. Enfin, la tendance d’Hugo Horiot a` preˆter a` ses camarades et a` ses professeurs des intentions hostiles a` son e´gard tout en exprimant son me´pris pour eux rele`ve d’un me´canisme de projection, « ope´ration par laquelle le sujet expulse dans le monde exte´rieur des pense´es, affects, de´sirs qu’il me´connaıˆt ou refuse en lui et qu’il attribue a` d’autres, personnes ou choses de son environnement » [10].

Tableau 3 Re´sume´ des strate´gies adaptatives et des me´canismes de de´fense identifie´es dans les re´cits autobiographiques de sujets avec autisme. Strate´gies adaptatives Concernant le self

Concernant les relations sociales

A` de´faut des cate´gories habituelles, les auteurs peuvent se servir de re´fe´rences me´caniques pour se de´crire, comparant par exemple leur esprit a` un ordinateur, ou leurs alve´oles pulmonaires a` des ballons de baudruche. Ils peuvent e´galement s’identifier a` des personnes de leur entourage (Donna Williams devient une de ses camarades de jeu) ou a` des animaux (Temple Grandin avec le be´tail). Leurs connaissances scientifiques ou me´dicales sur les Troubles du Spectre Autistique leur sont e´galement tre`s utiles pour comprendre et caracte´riser ce qu’ils trouvent d’original chez eux. Certains auteurs se maquillent et s’habillent comme ils se de´guiseraient pour jouer un roˆle, ou diffe´rencient les diffe´rentes facettes de leur personnalite´, ou leurs diffe´rentes tendances, en se donnant plusieurs pre´noms. Hugo Horiot distingue ainsi « Julien », qui tente de le retenir dans le silence, loin des autres, et « Hugo », « celui qui [le] fait parler au monde ». Les inte´reˆts particuliers, surtout lorsqu’ils me`nent a` un me´tier ou prennent la forme d’un hobby, sont utiles aux auteurs pour se de´finir Dans la continuite´ de l’incarnation d’un personnage pour se de´finir, jouer un roˆle conventionnel peut e´galement aider a` entrer en relation dans un cadre bien de´fini (ainsi Donna Williams, dans la peau d’une vendeuse, semble e´prouver peu de difficulte´s a` faire son travail.) Les relations duelles avec des personnes familie`res (parents, conjoint.) sont plus faciles a` mettre en place, et peuvent eˆtre un vecteur pour de nouvelles relations. L’intellectualisation des codes sociaux, par la mise de multiples re`gles guidant les auteurs dans chaque situation sociale leur permet d’appre´hender de nombreuses situations. La provocation, voire la bagarre, sont une fac¸on pour Donna Williams, durant son enfance et son adolescence, d’aborder un pair et de se faire des amis. Enfin, les inte´reˆts particuliers repre´sentent un support majeur pour les interactions des auteurs, avec des personnes partageant les meˆmes inte´reˆts qu’eux

Me´canismes de de´fense Me´canisme

De´finition

Utilisation par les auteurs

Intellectualisation

Recours a` l’abstraction et a` la ge´ne´ralisation face a` une situation conflictuelle qui angoisserait trop le sujet s’il reconnaissait y eˆtre personnellement implique´ E´limination d’un affect lie´ a` une repre´sentation conflictuelle (souvenir, ide´e, pense´e), alors que la repre´sentation en question reste consciente Action de se´paration, de division du moi ou de l’objet sous l’influence angoissante d’une menace, de fac¸on a` faire coexister les deux parties ainsi se´pare´es qui se me´connaissent, sans formation de compromis possible Ope´ration par laquelle le sujet expulse dans le monde exte´rieur des pense´es, affects ou de´sirs qu’il me´connaıˆt ou refuse en lui et qu’il attribue a` d’autres, personnes ou choses de son environnement

Plusieurs auteurs pallient leur manque de connaissance intuitive de la conduite a` avoir dans les relations sociales en se donnant des re`gles de conduites pour chaque situation Ce me´canisme permet de mettre a` distance les e´motions lie´es a` certains souvenirs ou a` certaines situations

Isolation

Clivage

Projection

L’utilisation de plusieurs pre´noms pour se de´signer, en fonction du trait de caracte`re qui ressort a` un moment, peut eˆtre mise en relation avec ce me´canisme Preˆter des intentions hostiles a` autrui est une manie`re d’expliquer leur comportement, ou de pallier le manque de the´orie de l’esprit en preˆtant ses propres intentions a` autrui

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

4. Discussion L’analyse litte´raire et the´matique de cinq autobiographies de personnes avec autisme nous montre que le style des auteurs ainsi que les the´matiques aborde´es illustrent de fac¸on riche la se´me´iologie du trouble du spectre autistique et les connaissances qu’ont les psychiatres du fonctionnement psychologique de ces personnes. Ces re´cits contiennent e´galement des particularite´s individuelles qui te´moignent de la singularite´ de chaque individu. Les particularite´s stylistiques pre´sentes chez les auteurs peuvent rendre compte de diffe´rents me´canismes psychologiques connus chez les personnes avec autisme. Le besoin formel d’expliciter, pre´sent dans le style argumentatif, les re´fe´rences scientifiques, l’architecture des textes, ainsi que dans l’utilisation de me´taphores et de symboles concrets, re´pond a` la difficulte´ de compre´hension de l’implicite chez les personnes avec autisme [6]. Uta Frith de´crit que les personnes avec autisme s’attachent uniquement au sens litte´ral et premier des e´nonce´s et sont en difficulte´ pour percevoir les implications et demandes sousjacentes : un de ses patients a` qui elle demandait s’il pouvait lui passer le sel re´pondait qu’il le pouvait, mais sans le faire. La meˆme auteure de´crit e´galement des capacite´s d’abstraction limite´es chez ses patients, ce qui explique les re´fe´rences concre`tes qu’utilisent les auteurs : le concept de passage, par exemple, devient palpable et compre´hensible pour Temple Grandin lorsqu’elle s’imagine que c’est comme franchir une porte. Les transitions brusques que nous repe´rons peuvent eˆtre un effet du de´tachement des personnes avec autisme par rapport au contexte : Uta Frith cite en exemple une de ses patientes qui met fin de manie`re inopine´e a` un entretien « L’heure de travailler maintenant » alors qu’elles e´taient au milieu d’une conversation. Ce de´tachement peut d’ailleurs eˆtre perc¸u par le clinicien comme un signe de dissociation tant il rend les changements de sujets abrupts, et l’orienter sur une fausse piste diagnostique. Le de´ficit de the´orie de l’esprit, de´crit par Baron-Cohen chez les personnes avec autisme [1], qui empeˆche « d’infe´rer l’ensemble des e´tats mentaux a` partir du comportement », explique la pauvrete´ des re´fe´rences sociales des auteurs et la tendance a` l’ellipse sur ces sujets. L’appe´tence pour la syste´misation (capacite´ a` analyser les variables d’un syste`me et de de´duire les re`gles qui le re´gissent), de´crite par Baron–Cohen [2] chez les personnes avec autisme, explique chez nos auteurs leur propension a` assimiler ce qui les entoure a` des syste`mes re´gis par des re`gles fixes, comme par exemple les conventions sociales. Or certains syste`mes, comme celui des rapports sociaux, ne se preˆtent qu’avec de grandes limites a` cette syste´misation et ne´cessiteraient plus d’empathisation (capacite´ d’identifier les e´motions et les pense´es de l’autre) ; ceci explique l’impression de rigidite´ et d’intellectualisation que peuvent donner les re´cits des auteurs. Notre analyse des textes a montre´ que les auteurs e´taient en difficulte´ pour se faire une ide´e globale et cohe´rente des autres, du monde et meˆme d’eux-meˆmes. Les auteurs re´ve`lent e´galement leur perception fragmente´e du monde et des autres, ce qui peut eˆtre mis en lien avec le de´ficit de cohe´rence centrale retrouve´ chez les personnes avec autisme. La cohe´rence centrale est une « propension inne´e a` rendre cohe´rents entre eux une gamme aussi large que possible de stimuli diffe´rents et a` effectuer des ge´ne´ralisations couvrant une gamme aussi large que possible de contextes diffe´rents » [6]. Le de´ficit de cohe´rence centrale, ainsi que d’autres me´canismes, a e´galement une conse´quence importante sur la perception et les repre´sentations que peuvent avoir les sujets d’eux-meˆmes. Plusieurs e´tudes rendent compte d’une fragilite´ du concept d’identite´ chez les personnes avec autisme. Jackson et al. [11] montrent que la repre´sentation de soi de personnes pre´sentant un syndrome d’Asperger est quantitativement plus pauvre, avec une moindre utilisation de qualificatifs personnels pour se de´finir. D’autre part, les qualificatifs utilise´s se rapportent surtout a` des

7

cate´gories identificatoires de niveau plus simple (caracte´ristiques physiques, comparaisons aux autres ou a` des normes), et plus rarement a` des cate´gories mettant en jeu des concepts plus complexes (croyances, objectifs de vie, relations avec les autres). Berna et al. [3] montrent e´galement l’impact de l’intensite´ des traits autistiques sur la capacite´ a` e´prouver un sentiment de soi clair et cohe´rent, cette relation e´tant notamment explique´e par l’impact de´le´te`re des traits autistiques sur la capacite´ des personnes a` donner un sens a` des e´ve´nements marquants de leur vie qui ont eu un impact sur leur construction identitaire. La repre´sentation de soi des personnes avec autisme souffre donc d’un manque de re´fe´rences sociales, lie´ a` la difficulte´ des sujets a` se repre´senter comme faisant partie d’un groupe social, mais e´galement de la pauvrete´ des connaissances psychologiques qu’ils ont sur eux-meˆmes, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des e´motions. Ils ont du mal a` organiser ces connaissances et leurs souvenirs pour e´tablir une repre´sentation de soi claire et stable [4]. Paralle`lement, le trouble de la perception de soi pourrait re´sulter des difficulte´s sensorielles dont souffrent les personnes avec autisme. Les troubles sensoriels et le de´faut d’inte´gration des informations sensorielles [6] geˆnent les jeunes sujets dans l’appre´hension cohe´rente de leur propre corps, fragilisant leur sentiment d’existence et sa continuite´. Dans l’e´tude de Jackson et al. [11], les auteurs montrent des anomalies du sentiment de continuite´ de soi chez les individus pre´sentant un syndrome d’Asperger, qui ont du mal a` faire le lien entre ce qu’ils e´taient, ce qu’ils sont et a` se projeter dans l’avenir. Les solutions adaptatives que les auteurs mettent en œuvre pour pallier leurs de´ficits semblent particulie`rement logiques lorsqu’on les met en regard des me´canismes que nous venons de citer. Dans le domaine des relations sociales, l’intellectualisation et l’utilisation des capacite´s de syste´misation permettent aux auteurs de de´crypter les situations sociales et d’adapter leur comportement. Favoriser des relations duelles permet de diminuer le nombre de parame`tres a` prendre en compte dans l’interaction, se mettre dans un roˆle conventionnel permet de maıˆtriser une partie de l’e´quation. Le me´canisme de projection permet de se faire une ide´e, meˆme fausse, de ce que peut penser l’autre et d’adapter ses re´actions. Concernant l’identite´, e´crire son histoire est une manie`re de rassembler les diffe´rentes facettes de sa vie et de sa personnalite´ et d’en sortir une image unifie´e. Les inte´reˆts particuliers et les habilite´s des auteurs ont une place importante dans leur perception d’eux-meˆmes. Le clivage mis en place par certains auteurs est une manie`re de relier entre elles diffe´rentes tendances du sujet, en en faisant les faces oppose´es d’une meˆme pie`ce. Ces strate´gies permettent de contourner le de´ficit de cohe´rence centrale et de renforcer une repre´sentation de soi par ailleurs fragile. L’intellectualisation joue toujours un roˆle e´galement, preˆtant aux sujets des re´fe´rences me´dicales ou me´caniques. A` l’inverse, certaines strate´gies permettent aux auteurs de garder a` distance des e´le´ments difficiles a` appre´hender pour eux, comme les e´motions dans le me´canisme d’isolation. Ces re´sultats peuvent guider notre pratique clinique : nous pouvons nous inspirer des particularite´s stylistiques des auteurs pour communiquer avec nos patients (utiliser des me´taphores concre`tes, aborder les e´motions par leurs manifestations physiques), nous pouvons e´galement garder en teˆte la richesse des strate´gies mises en place par les auteurs pour tenter de les retrouver et de les renforcer chez nos patients. 4.1. Limites Notre travail est limite´ tout d’abord par le fait que nous avons travaille´ sur des textes publie´s, et donc relus et corrige´s, probablement dans le sens d’une abrasion des particularite´s. De meˆme, les textes des auteurs anglo-saxons ont e´te´ e´tudie´s dans

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013

G Model

AMEPSY-2824; No. of Pages 8 O. Kolb et al. / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2019) xxx–xxx

8

leur traduction franc¸aise, traduction qui a e´galement pu e´dulcorer certaines particularite´s. Un re´cit autobiographique est toujours l’actualisation d’un ve´cu individuel, et comme tel donne des informations sur la fac¸on dont l’individu perc¸oit son passe´ au moment de l’e´criture et non sur la manie`re dont les choses se sont passe´es a` l’e´poque. Nous pensons avoir tenu compte de cela lors de notre analyse des textes. Le corpus e´tudie´ est important et a pu rendre notre e´tude moins pre´cise. L’analyse litte´raire d’un texte est dans son essence une de´marche subjective, et bien qu’ayant aborde´ les textes avec la grille de lecture pre´sente´e dans la me´thodologie, le repe´rage des particularite´s stylistiques reste de´pendant de la sensibilite´ du lecteur. Enfin notre e´tude se cantonne par sa nature a` des re´cits de personnes pre´sentant un autisme de haut niveau et la ge´ne´ralisation de nos re´sultats aux autres cate´gories d’autisme reste limite´e.

5. Conclusion Cette e´tude litte´raire de textes autobiographiques de personnes avec autisme met en lumie`re le ve´cu particulier de cinq auteurs porteurs de ce trouble. Elle pointe les symptoˆmes qui sont au cœur de leurs pre´occupations et nous rend plus sensible et palpable l’expe´rience de leur rapport au monde et a` eux-meˆmes. Meˆme si de nombreux aspects des textes me´ritent encore d’eˆtre explore´s ou approfondis pour ouvrir la voie a` de nouvelles re´flexions, cette e´tude nous permet de repenser notre pratique clinique et de recherche en recentrant nos pre´occupations, en e´tant a` l’e´coute des difficulte´s transcrites par les auteurs, et en nous inspirant de leurs strate´gies adaptatives.

ˆ ts De´claration de liens d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Baron-Cohen S. La ce´cite´ mentale : un essai sur l’autisme et la the´orie de l’esprit. Grenoble: Presses Universitaires de Grenoble; 1998. [2] Baron-Cohen S. The extreme male brain theory of autism. Trends Cogn Sci 2002;6:248–54. [3] Berna F, Go¨ritz AS, Schro¨der J, et al. Self-Disorders in Individuals with Autistic Traits: Contribution of Reduced Autobiographical Reasoning Capacities. J Autism Dev Disord 2016;46:2587–98. [4] Coutelle R, Berna F, Danion JM. La me´moire autobiographique et le self dans les Troubles du Spectre Autistique sans De´ficience Intellectuelle (TSASDI) a` l’aˆge adulte. Ann Me´d Psychol 2017;175:630–5. [5] Freud S. Cinq psychanalyses. Paris: Quadrige/PUF; 2010. [6] Frith U. L’e´nigme de l’autisme. Paris: O. Jacob; 1996. [7] Grandin T. Ma vie d’autiste. Paris: O. Jacob; 1994. [8] Higashida N. Sais-tu pourquoi je saute. Paris: Editions 84; 2017. [9] Horiot H. L’empereur, c’est moi, PL Paris. L’iconoclaste; 2013. [10] Ionescu S, Jacquet MM, Lhote C. Les me´canismes de de´fense: the´orie et clinique. 2016. [11] Jackson P, Skirrow P, Hare DJ. Asperger Through the Looking Glass: An Exploratory Study of Self-Understanding in People with Asperger’s Syndrome. J Autism Dev Disord 2012;42:697–706. [12] Jaspers K. Strindberg et Van Gogh Swedenborg-Ho¨lderlin ; e´tude psychiatrique comparative. Paris: Minuit; 1953. [13] Schovanec J. Je suis a` l’est ! : savant et autiste : un te´moignage unique. Paris: Plon; 2012. [14] Sellin B. Une aˆme prisonnie`re. Paris: Robert Laffont; 1994. [15] Se´ne`que. Lettres a` Luciliu. Paris: Pocket; 1991. [16] Tammet D. Je suis ne´ un jour bleu : te´moignage. Paris: J’ai lu; 2009. [17] de Traubenberg NR, Boizou MF. Les me´canismes de de´fense et leur expression Rorschach chez l’adulte et chez l’enfant. Bull Socie´te´ Fr Rorschach Me´thodes Proj 1976;29:5–21. [18] Williams D. Si on me touche je n’existe plus : le te´moignage exceptionnel d’une jeune autiste. Paris: Robert Laffont; 1992.

Pour citer cet article : Kolb O, et al. Autisme et litte´rature : apports cliniques et psychopathologiques d’une analyse litte´raire et the´matique de cinq re´cits autobiographiques de personnes avec autisme. Ann Med Psychol (Paris) (2019), https://doi.org/10.1016/ j.amp.2019.10.013