Autisme et aripiprazole

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ARTICLE IN PRESS Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence xxx (2016) xxx–xxx

Lettre à la rédaction Autisme et aripiprazole Autism and aripiprazole Une récente note a été émise par l’Agence nationale de sécurité du médicament [1], et relayée par le Quotidien du médecin [2], concernant « l’inefficacité de l’aripiprazole dans l’autisme » et « la mise en garde contre la prescription hors AMM de l’aripiprazole ». La publication de cette note doit être replacée dans le contexte de bipolarisation du débat vif qui se joue entre certaines associations de parents d’enfants autistes et les professionnels [3]. Ainsi, si la note émane d’une agence d’État, elle suit de quelques semaines l’annonce médiatique faite par l’association « VAINCRE L’AUTISME » prompt à porter des thèmes polémiques devant les médias [4,5]. Cette fois, l’association témoigne dans la presse du « suicide » d’un adolescent autiste traité par aripiprazole, incriminant immédiatement la molécule et l’incurie des prescripteurs en général [6]. Le site Internet [7] de l’association relaie des informations sur la prescription de cette molécule dans d’autres indications, sans mentions des travaux scientifiques internationaux dans l’autisme ni de l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis concernant l’utilisation de l’aripiprazole dans l’autisme [8]. Dans ce domaine, il est important de ne pas se laisser contaminer par la vague des effets d’annonce, de plus en plus courant entre champs politique et médiatique, et depuis peu dans l’autisme [3]. L’autisme est un domaine de débat passionnel, marqué par les fausses croyances, les pseudo-théories et les espoirs déc¸us, car encore peu de choses sont connues et démontrées à son sujet [9]. Sans retirer au drame son caractère tragique, et la nécessité de comprendre, il est indispensable d’opter pour une analyse scientifique du problème posé. Ainsi, il reste à prouver les éléments suivants : • le geste de l’adolescent décédé était-il motivé par une intentionnalité suicidaire ? S’il est probable que la prévalence des épisodes dépressifs est notable pour la population des autistes de haut niveau [10], la fréquence des idées suicidaires rapportée pour l’ensemble de la population autistique est très variable d’une étude à l’autre, et leur évaluation méthodologique prête à caution [11,12]. Le suicide est plus rare dans les cas d’autisme avec retard mental, qui représente plus de 75 % des cas [9], surtout du fait des difficultés conceptuelles et identitaires. On peut s’interroger dans ce cas si un état

d’agitation, une absence de prise en compte du danger, voire une recherche de prise de risque [10], ne sont pas plutôt à l’origine de la défenestration de l’adolescent. Il est regrettable qu’il n’y ait aucun élément descriptif circonstanciel fin sur la situation en dehors de la mention « un adolescent autiste s’est suicidé » ; • si ce geste est suicidaire, ou même s’il s’agit d’un autre type de comportement, existe-t-il un lien de causalité avec la prescription d’aripiprazole ? Il est important de rappeler que si l’on se réfère aux critères l’OMS [13] pour déterminer la causalité d’un traitement dans la survenue d’un événement indésirable, quatre considérations doivent être prises en compte : ◦ la relation chronologique entre l’administration du médicament et l’événement, ◦ l’absence ou la présence d’autres causes, ◦ une réponse à l’arrêt ou à la diminution du traitement, ◦ une réponse à la réinstauration du traitement. Là encore, dans la presse, aucune donnée sur le cas de l’adolescent. L’aripiprazole est une molécule qui fait l’objet d’essais cliniques depuis plusieurs années dans l’autisme, avec une meilleure tolérance que la rispéridone, molécule phare dans ce domaine [14]. La revue Cochrane, connue pour son sérieux et son indépendance, a publié deux méta-analyses sur l’aripiprazole [15], dont la seconde cette année [16], qui montrent son intérêt thérapeutique dans les comportements problématiques de l’autisme (surtout sur les dimensions d’irritabilité et d’hyperactivité de l’échelle ABC), et sa bonne tolérance. En outre, ces revues n’ont à aucun moment cité le suicide comme un risque de ce traitement. D’une manière générale, les données de la littérature tendent vers la sécurité relative de prescription de l’aripiprazole [14–19]. Les recommandations de la HAS de 2012 [20] sur les interventions dans l’autisme, citent à égalité l’halopéridol, la rispéridone et l’aripiprazole, – ces deux dernières n’ayant pas l’AMM dans l’autisme – reconnaissant qu’il « n’est pas possible de conclure à la pertinence d’une stratégie médicamenteuse plutôt qu’une autre » (p. 35). Dans l’autisme, il faut rappeler que seul l’halopéridol a une AMM spécifique. En conclusion, tout en gardant à l’esprit les précautions d’usage pour toutes prescriptions hors AMM (information des parents, rapport bénéfice risque plus poussé, revue sérieuse de la littérature pour des cas connexes ou similaires), il n’existe pas d’argument valide en faveur d’un éventuel retrait de l’aripiprazole de l’arsenal chimiothérapeutique des troubles

0222-9617/$ – see front matter © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2016.07.006

Pour citer cet article : Pommepuy N. Autisme et aripiprazole. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2016), doi:10.1016/j.neurenf.2016.07.006

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sévères du comportement dans l’autisme dans l’état actuel des connaissances. Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] http://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Aripiprazole-par-voie-oraleABILIFY-R-et-generiques-rappel-des-indications-et-des-precautions-demploi-liees-au-risque-de-suicide-Lettre-aux-professionnels-de-sante. [2] http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2016/04/05/miseen-garde-de-lansm-contre-les-utilisations-hors-amm-de-laripiprazole 804301. [3] Chamak B. Autism and social movements: French parents’ associations and international autistic individuals’organisations. Sociol Health Illn 2008;30(1):76–96, http://dx.doi.org/10.1111/j.1467-9566.2007.01053.x. [4] Vallade F. Le problème public de l’autisme dans la presse franc¸aise. ALTER 2016:1–14, http://dx.doi.org/10.1016/j.alter.2016.05.001. [5] Chamak B. Le militantisme des associations d’usagers et de familles : l’exemple de l’autisme. Sud/Nord 2010;25(1). [6] http://www.vaincrelautisme.org/sites/default/files/CP VA ABILIFY.pdf. [7] http://www.vaincrelautisme.org/content/alerte-sur-le-psychotrope-abilifyet-appel-temoignage. [8] Blankenship K, Erickson CA, Stigler KA, Posey DJ, Mcdougle CJ. Aripiprazole for irritability associated with autistic disorder in children and adolescents aged 6–17 years. Pediatr Health 2010;4(4):375–81. [9] Schreibman L. The science and fiction if autism. Cambridge: Harvard University Press; 2005. [10] Huguet G, Contejean Y, Doyen C. Troubles du spectre autistique et suicidalité. Encephale 2015;41(4):362–9, http://dx.doi.org/10.1016/ j.encep.2014.08.010. [11] Abadie P, Balan B, Chretien M, Simard C. Suicidalité chez les adolescents appartenant au spectre de l’autisme. Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2013;61(7–8):409–14, http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2013.07.005.

[12] Richa S, Fahed M, Khoury E, Mishara B. Suicide in autism spectrum disorders. Arch Suicide Res 2014;18(4):37–41. [13] Hire RC, Kinage PJ, Gaikwad NN. Review article causality assessment in pharmacovigilance: a step towards quality care. Scholar J Appl Med Sci 2013;1(5):386–92. [14] Périsse D, Guinchat V, Hellings JA, Baghdadli A. Traitement pharmacologique des comportements problématiques associés aux troubles du spectre autistique : revue de la littérature. Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2012;60(1):42–51, http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2011.10.011. [15] Ching H, Pringsheim T. Aripiprazole for autism spectrum disorders (ASD) (review). Cochrane Database Syst Rev 2012;5. [16] Hirsh L, Pringsheim T. Aripiprazole for autism spectrum disorders (ASD) (review). Cochrane Database Syst Rev 2016;5:5–7, http://dx.doi.org/ 10.1002/14651858.CD009043.pub2. [17] Kirino E. Efficacy and safety of aripiprazole in child and adolescent patients. Eur Child Adolesc Psychiatry 2012;21(7):361–8. [18] Deb S, Farmah BK, Arshad E, Deb T, Roy M, Unwin GL. The effectiveness of aripiprazole in the management of problem behaviour in people with intellectual disabilities, developmental disabilities and/or autistic spectrum disorder – a systematic review. Res Dev Disabil 2014;35(3): 711–25. [19] Mankoski R, Stockton G, Manos G, Marler S, McQuade R, Forbes RA, et al. Aripiprazole treatment of irritability associated with autistic disorder and the relationship between prior antipsychotic exposure, adverse events, and weight change. J Child Adolesc Psychopharmacol 2013;23(8):572–6, http://dx.doi.org/10.1089/cap.2012.0075. [20] HAS. Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent; 2012.

N. Pommepuy Secteur de psychiatrie infanto-juvénile 93I05, EPS Ville-Evrard, 202, avenue Jean-Jaurès, 93330 Neuilly-sur-Marne, France Adresse e-mail : [email protected]

Pour citer cet article : Pommepuy N. Autisme et aripiprazole. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2016), doi:10.1016/j.neurenf.2016.07.006