Préparations pharmaceutiques non enregistrées : un renouveau

Préparations pharmaceutiques non enregistrées : un renouveau

Annales Pharmaceutiques Françaises (2011) 69, 283—285 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Préparations pharmaceutiques non enr...

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Annales Pharmaceutiques Françaises (2011) 69, 283—285

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Préparations pharmaceutiques non enregistrées : un renouveau Non-registered medicinal products: A renewal Contrairement aux idées rec ¸ues, les préparations de nature non industrielle (ou « non enregistrées » suivant la traduction de la terminologie européenne), réalisées par les pharmaciens ne sont pas en voie de disparition, ni obsolètes, encore moins inutiles. Bien au contraire. Certes, s’il est moins fréquent que par le passé que les pharmacies d’officine, « fassent des préparations », image traditionnelle de M. Homais, cela n’a pas totalement disparu, même si les pratiques se modifient (sous-traitance par exemple). En revanche, en milieu hospitalier, les besoins explosent et les pharmacies à usage intérieur (PUI, autre nom des pharmacies hospitalières) sont de plus en plus sollicitées pour fournir des préparations magistrales ou hospitalières. Les raisons en sont multiples. Dans de nombreux domaines comme la pédiatrie, l’ophtalmologie et la gériatrie, il est clair que certains médicaments utiles pour les patients n’existent pas (ou plus) sous une présentation et un dosage adéquat, quand ce n’est pas la molécule qui n’est plus commercialisée. Cela est très évident en pédiatrie, domaine dans lequel le besoin en doses unitaires adaptées à l’âge de l’enfant est très mal satisfait par la production industrielle. Comme cela a été largement souligné, notamment au sein de notre Académie, les médicaments pédiatriques sont orphelins et cela pour de multiples causes : trop faible population « cible », essais cliniques difficiles, rentabilité insuffisante. . . De même, en ophtalmologie, le besoin en dosages adaptés comme les collyres antibiotiques dit renforcés ou contenant des substances non disponibles sous formes ophtalmologiques (ciclosporine ou bevacizumab par exemple), est immense [1,2]. De ce fait, les PUI sont très sollicitées pour produire, dans des conditions de qualité maximum dite BPPH (bonnes pratiques de préparations hospitalières), ces préparations, soit sous forme magistrale soit sous forme hospitalière. D’autres spécialités sont bien sûr concernées. L’une des plus importantes est la cancérologie, la réglementation exigeant que, dans les structures d’hospitalisation autorisées à pratiquer la cancérologie, les chimiothérapies soient préparées sous la responsabilité d’un pharmacien et, très généralement, de fac ¸on centralisées au niveau des PUI [3]. Ainsi, certains gros établissements préparent plus de 40 000 doses prêtes à l’administration par an. L’organisation et l’optimisation matérielle et économique de cette importante charge de travail ne sont bien sûr pas simples, conduisant de plus en plus fréquemment à la nécessité de préparer à l’avance, de gérer des reliquats, de réattribuer des doses non administrées ou à réaliser des préparations en série, par lots. Ce changement des pratiques implique de pouvoir stocker les produits reconstitués et/ou dilués dans les conditionnements finaux pour des durées bien supérieures à celles indiquées dans la plupart des RCP qui se basent très généralement sur le

0003-4509/$ — see front matter © 2011 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pharma.2011.11.001

284 mode traditionnel d’usage : préparation au lit du patient et administration immédiate, les deux par l’infirmière. Dans ces conditions, la durée de stabilité indiquée tient plus compte des risques microbiologiques d’une préparation en conditions d’asepsie mal contrôlées que de la réelle stabilité physico-chimique [4]. Comme il est évident que la qualité des préparations administrées au patient doit être maintenue quelles que soient les conditions de préparation, le problème de leur stabilité physico-chimique en conditions dites pratiques est un élément majeur. L’obtention de données pertinentes dans ce domaine est donc un souci constant pour le pharmacien en charge de ces unités, ce qui a conduit des équipes hospitalouniversitaires ou hospitalières de plus en plus nombreuses à s’investir dans cet axe de recherche. De même, des sociétés savantes comme la Société franc ¸aise de pharmacie oncologique (SFPO) se sont largement impliquées dans cette thématique, publiant notamment des recommandations consensuelles sur la stabilité des anticancéreux [4,5]. Au niveau européen et international, les congrès de pharmacie hospitalière sont de plus en plus souvent l’occasion de communiquer sur les stabilités. Une base de données multilingue (Stabilis® ) est entièrement consacrée à la stabilité des médicaments et fait référence au niveau européen, voire mondial [6]. Les autorités sanitaires, après une position initiale de forte réticence vis-à-vis de ces préparations « non industrielles », se sont rapidement rendu compte que les besoins réels étaient majeurs et non ou très mal couverts par les médicaments commercialisés, ce qui justifiait leur maintien, mais aussi nécessitait de rationaliser leur environnement de réalisation. La promulgation des BPPH, la déclaration centralisée des préparations hospitalières comme le renouveau du formulaire national avec la création de groupes de travail préparations officinales et préparations hospitalières dans le but de proposer des monographies de contrôle validées, sont la preuve de la prise de conscience par l’Afssaps que l’activité de production hospitalière reste utile et pourrait même se développer. Au niveau européen, une très récente résolution du Conseil des ministres s’est intéressée aux exigences relatives à l’assurance de qualité et à l’innocuité des médicaments préparées en pharmacie pour les besoins des patients [7]. Cette résolution fait référence aux préparations pharmaceutiques dites « non enregistrés », que celles-ci soient réalisées en faible ou plus grosse quantité, destinées à usage extemporané ou pouvant être stockées, incluant les reconstitutions. Utilisant une classification pertinente par niveau de risques, non directement dépendante des quantités fabriquées comme cela est le cas en France, et en plus de la notion essentielle de validation pharmaceutique de la rationalité de la demande, l’un des apports essentiels de ce texte est l’exigence d’une démarche qualité renforcée : procédures adaptées au niveau de risque, dossier de lot, caractérisation analytique poussée, données de stabilité. Cette résolution est essentielle car elle reconnaît et confirme le besoin de ce type de production. Cela est en effet très clairement reconnu dans les attendus de cette résolution : « . . . considérant que des médicaments autorisés et disponibles, fabriqués par l’industrie pharmaceutique, ne couvrent pas toujours les besoins particuliers du patient. . . ».

Éditorial Elle semble aussi et malheureusement prémonitoire quand on considère le désengagement de nombreuses industries du médicament abandonnant les productions jugées non rentables et plac ¸ant les patients dans des situations catastrophiques. Le pharmacien, notamment hospitalier, peut ainsi être un recours pour répondre à cette mission de service public, ce qui est également reconnu par la résolution. À ce propos, il est intéressant de noter que les Annales sont de plus en plus fréquemment sollicitées pour publier des articles sur la thématique des préparations hospitalières et singulièrement sur les aspects de stabilité. Ce numéro comporte ainsi deux articles originaux sur ce sujet, qui font suite à plusieurs autres récemment publiés dans les Annales [8,9]. Le premier, de l’équipe de J.D. Hecq de l’université belge de Louvain, s’intéresse à la congélation des préparations hospitalières, technique intéressante permettant de limiter la dégradation de molécules sensibles comme des antibiotiques, mais aussi d’optimiser les flux de fabrication et de réaliser également d’appréciables économies. Ce travail de grande qualité a impliqué de nombreuses études de stabilité d’un grand intérêt pratique. Le second, par l’équipe de C. Pivot à Lyon, décrit de fac ¸on très précise une étude de stabilité sur une préparation typiquement hospitalière, une forme injectable de glucose deutéré pour réalisation de tests métaboliques. Cette étude est la première publiée sur ce sujet très actuel des besoins médicaux en isotopes stables et apporte ainsi de précieuses données d’une grande utilité pour les PUI sollicitées pour fournir ce type de préparation. En effet, faute de données disponibles sur la qualité pharmaceutique de la matière première comme sur la stabilité du produit fini, certains préféraient réaliser, au coup par coup, des préparations magistrales, certes moins contraignantes réglementairement que des préparations hospitalières, mais paradoxalement, plus à risques car ne permettant pas une réelle assurance de qualité avec des contrôles finaux de la préparation. Cet article est donc exemplaire en termes de démarche à suivre dans ce type de situation. Ces deux articles sont ainsi une contribution de première importance en regard de l’intérêt grandissant de cette thématique de la stabilité des préparations pharmaceutiques « non enregistrées ». Les études de stabilité pratique des médicaments sont typiques d’une recherche pharmaceutique appliquée, à la fois scientifique et d’application professionnelle, et par-là même, très représentatives de la conception duale de notre Compagnie. Nous souhaitons que les Annales puissent recueillir à l’avenir d’autres propositions d’articles originaux et de qualité dans l’espoir de devenir peut-être une revue de référence sur cette thématique.

Déclaration d’intérêt L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Académie Nationale de pharmacie. Séance thématique « matières premières pharmaceutiques, mondialisation et

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santé publique », 20 avril 2011. Recommandations et résumé téléchargeables sur www.acadpharm.org. Brion F, Fontan JE, Bourdon O. Académie nationale de pharmacie. Rapport de la séance du 6 octobre 2010 : « les médicaments en pédiatrie ». Téléchargeable sur www.acadpharm.org. Décret JORF no 2005-1023 du 24 août 2005 relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à l’article L.162-22-7 du Code de la sécurité sociale. Astier A, Pinguet F, Vigneron J, and the SFPO stabiity group. The practical stability of anticancer drugs : SFPO and ESOP recommendations. Eur J Oncol Pharm 2010;4(3):4—10. Bardin C, Astier A, Vulto A, Sewell J, Vigneron J, Trittler R, et al. Guidelines for the practical stability of anticancer drugs : a European consensus conference. Ann Pharm Fr 2011;69:221— 31.

285 [6] Vigneron J. Stabilis 4.0. www.stabilis.org. [7] Conseil de l’Europe, Comité des ministres. Résolution no CM/ResAP(2011)1F du 19 janvier 2011. Téléchargeable sur http://www.coe.int/t/cm. [8] Louati K, Mistiri F, Kallel M, Safta L. Stress degradation study on sulfadimethoxine and development of a validated stabilityindicating HPLC assay. Ann Pharm Fr 2001;69:91—9. [9] Lagrange F. Déconditionnement et stabilité des formes orales sèches solides : état des connaissances. Ann Pharm Fr 2010;98:332—58.

A. Astier Pôle PUI, CHU Henri-Mondor, AP—HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre, 94010 Créteil, France Adresse e-mail : [email protected]