Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 44 (2016) 88–95
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Article original
Prise en charge de la thrombose veineuse ovarienne du post-partum. L’expe´rience du CHU d’Amiens Management of postpartum ovarian vein thrombosis. The experience of Amiens university hospital J. Lerouge a,*, S. Sanguin b, J. Gondry b, F. Sergent b a b
Centre hospitalier de Compie`gne Noyon, 8, avenue Henri-Adnot, 60200 Compie`gne, France Centre de gyne´cologie-obste´trique du CHU d’Amiens, avenue Rene´-Laennec, 80480 Salouel, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 13 septembre 2015 Accepte´ le 24 novembre 2015 Disponible sur Internet le 10 fe´vrier 2016
Objectif. – La thrombose de la veine ovarienne du post-partum est une complication rare pouvant mettre en jeu le pronostic vital maternel. L’extension de la thrombose a` la veine cave infe´rieure entraıˆne un risque d’embolie pulmonaire et ne´cessite une prise en charge urgente. L’objectif principal de cette e´tude e´tait, a` partir d’une se´rie de patientes, de pre´ciser les signes cliniques et paracliniques devant faire e´voquer le diagnostic de thrombose veineuse ovarienne du post-partum. Les objectifs secondaires e´taient d’e´valuer la localisation et l’extension de la thrombose ainsi que la prise en charge the´rapeutique de cette pathologie au CHU d’Amiens. Me´thode. – Une e´tude re´trospective a e´te´ re´alise´e dans le service de gyne´cologie-obste´trique du CHU d’Amiens entre janvier 2011 et mai 2015. Ont e´te´ incluses dans cette e´tude toutes les patientes pour lesquelles le diagnostic de thrombophle´bite ovarienne du post-partum a e´te´ confirme´ par tomodensitome´trie qui est l’examen de re´fe´rence pour le diagnostic et l’e´valuation du risque embolige`ne. Re´sultats. – Treize patientes ont pre´sente´ une thrombose de la veine ovarienne du post-partum. L’incidence de cette pathologie dans notre se´rie e´tait de 0,13 %. L’aˆge moyen des patientes e´tait de 30 ans. La me´diane de survenue des premiers symptoˆmes e´tait situe´e au 4e jour ; dans 92 % des cas, ils sont apparus dans les 10 jours suivant l’accouchement. Le tableau clinique e´tait peu spe´cifique et les principaux symptoˆmes e´taient la fie`vre (46,1 %) et les douleurs abdominales (53,8 %). Sur le plan biologique, un syndrome inflammatoire e´tait commune´ment retrouve´ avec une e´le´vation des leucocytes et de la CRP. Les pre´le`vements bacte´riologiques e´taient dans la majorite´ des cas revenus ne´gatifs. Soixante-neuf pour cent des atteintes concernaient la veine ovarienne droite ; 23 % avaient une extension re´nale, 53 % avaient une extension cave infe´rieure et 23 % se sont complique´es d’embolie pulmonaire. Aucun de´ce`s maternel n’a e´te´ a` de´plorer. Cent pour cent des patientes ont be´ne´ficie´ d’une anticoagulation a` dose curative dont la dure´e moyenne e´tait de 6 mois. Au total, 84,6 % des patientes ont rec¸u en association une antibiothe´rapie a` large spectre initialement parente´rale puis orale. Conclusion. – La thrombose ovarienne du post-partum est une complication rare qu’il faut savoir e´voquer et rechercher en particulier devant un syndrome douloureux abdominal fe´brile non septique du post-partum. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Thrombophle´bite Veine ovarienne Fie`vre Post-partum
A B S T R A C T
Keywords: Thrombophlebitis Ovarian vein Fever Postpartum
Objectives. – Postpartum ovarian vein thrombophlebitis is an uncommon complication that may threaten mothers’ lives. The extension of thrombosis in the inferior vena cava causes a pulmonary embolisme risk and requires urgent care. The main objective of this study was, from a series of patients, to determine the clinical and paraclincal signs to suggest the diagnosis of postpartum ovarian vein
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Lerouge). http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2015.11.010 1297-9589/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
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thrombosis. Secondary objectives were to assess the location and extent of thrombosis and the therapeutic management of this disease at the University Hospital of Amiens. Methods. – A retrospective study was performed in the Obstetrics and Gynecology department of Amiens University Hospital between January 2011 and May 2015. Were included in this study all patients for whom the diagnosis of postpartum ovarian thrombophlebitis was confirmed by computed tomography. Results. – Thirteen patients had postpartum thrombosis of the ovarian vein. The incidence of this disease in our series was 0.13%. The average age of patients was 30 years. The median onset of symptoms was located on the 4th day; in 92% of cases, they appeared within 10 days after delivery. The clinical picture was not specific and the main symptoms were fever (46.1%) and abdominal pain (53.8%). Biologically inflammatory syndrome was commonly found with elevated leukocytes and CRP. Bacteriological samples were in most cases negative. Sixty-nine percent of lesions concerned the right ovarian vein; 23% had renal extension, 53.8% had inferior vena cava extension and 23% got complicated with pulmonary embolism. No maternal deaths were reported. One hundred percent of patients received anticoagulation at curative dose, the mean duration of which was 6 months. In all, 84.6% of patients received in combination antibiotic therapy with oral and parenteral initially broad spectrum. Conclusion. – Ovarian postpartum thrombosis is a rare complication that must be evoked and sought, especially in front of a non-septic febrile abdominal pain syndrome in postpartum. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction En 1956, Austin de´crit pour la premie`re fois une thrombose de la veine ovarienne (TVO) [1]. Bien qu’elle en soit une complication rare, elle survient pre´fe´rentiellement durant la pe´riode du postpartum. En effet, son incidence est de 0,05 [2] a` 0,18 % [3] des accouchements, soit 1/2000 a` 1/600 naissances. En raison de sa faible incidence et d’un tableau clinique non spe´cifique, il s’agit d’une e´tiologie rarement e´voque´e [4]. Auparavant diagnostique´e lors d’une laparotomie exploratrice [5], la progression des techniques d’imagerie depuis 50 ans a rendu le diagnostic plus pre´coce et moins invasif [6,7]. La TVO peut dans certains cas mettre en jeu le pronostic vital maternel en raison de son extension a` la veine cave infe´rieure [8] et au risque d’embolie pulmonaire. Il semble donc essentiel de ne pas me´connaıˆtre le diagnostic. L’objectif principal de cette e´tude e´tait, a` partir d’une se´rie de patientes, de pre´ciser les signes cliniques et paracliniques devant faire e´voquer le diagnostic de thrombose veineuse ovarienne du post-partum. Les objectifs secondaires e´taient de de´crire la localisation et l’extension de la thrombose ainsi que la prise en charge the´rapeutique de cette pathologie au centre hospitalier universitaire (CHU) d’Amiens. 2. Me´thodes 2.1. Description de l’e´tude Nous avons re´alise´ une e´tude re´trospective, observationnelle, monocentrique au CHU d’Amiens pendant plus de 4 ans, du 1er janvier 2011 au 31 mai 2015. Ont e´te´ incluses dans cette e´tude toutes les patientes pour lesquelles un diagnostic de thrombose veineuse ovarienne du post-partum a e´te´ confirme´ par tomodensitome´trie (TDM).
Pour chaque patiente, les donne´es suivantes ont e´te´ recueillies et e´tudie´es : les caracte´ristiques ge´ne´rales : l’aˆge, la parite´, l’indice de masse corporelle (IMC), les ante´ce´dents notables dont le tabagisme et les ante´ce´dents de thrombophilie ; les caracte´ristiques de l’accouchement : le terme, les modalite´s (accouchement voie basse ou ce´sarienne), le poids fœtal, la notion de sepsis et d’he´morragie de la de´livrance ; le jour de survenue des premiers symptoˆmes et les signes cliniques lors du diagnostic : douleur abdominale ou lombaire, fie`vre et autres signes cliniques ; les re´sultats biologiques : taux de globules blancs (GB) et le taux de prote´ine C re´active (CRP) ; les re´sultats bacte´riologiques du pre´le`vement vaginal (PV), de l’examen cytobacte´riologique des urines (ECBU) et des he´mocultures ainsi que les e´ventuels germes retrouve´s ; la localisation de la thrombose et son e´ventuelle extension ; la re´alisation ou non d’un bilan de thrombophilie a` distance et l’e´ventuel re´sultat ; les modalite´s du traitement : anticoagulation, antibiothe´rapie ; l’existence de complications : embolique, infectieuse, iatroge`ne ou re´cidive ; la dure´e du se´jour et l’e´ventuel transfert en re´animation.
2.3. Crite`res de jugement Le crite`re de jugement principal e´tait les signes cliniques et paracliniques devant faire e´voquer le diagnostic de thrombose veineuse ovarienne du post-partum. Les crite`res de jugement secondaires e´taient : la localisation et l’extension de la thrombose ; les modalite´s de la prise en charge the´rapeutique.
2.2. Recueil de donne´es
2.4. Analyse statistique
Les dossiers des patientes ayant pre´sente´ une thrombose de la veine ovarienne du post-partum ont e´te´ retrouve´s a` l’aide du logiciel DxCare v7.02 (Medasys1) et des cotations effectue´es lors des hospitalisations appele´es re´sume´ d’unite´ me´dicale (RUM).
Les analyses statistiques ont e´te´ re´alise´es avec l’aide du logiciel Excel (Microsoft1). Les variables qualitatives sont exprime´es avec des effectifs et des pourcentages. Les variables quantitatives sont quant a` elles de´crites avec la moyenne, la me´diane et l’e´cart-type.
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Tableau 1 Caracte´ristiques des patientes ayant pre´sente´ une thrombose de la veine ovarienne (TVO) du post-partum. Patiente
ˆ ge A
IMC
Parite´
Terme (SA)
Tabagisme
Voie d’ACCT
Contexte
Poids fœtal (grammes)
1 2
34 36
20 20
5 6
38 + 1 38
Oui Oui
AVB AVB
3500 3550
3 4 5
23 23 38
19,5 23,6 22,3
4 1 1
40 + 6 38 + 4 32 + 6
Non Oui Non
CS/urg AVB Forceps
De´ficit AT III De´ficit AT III Re´cidive Mutation facteur V
6 7 8
27 30 35
24,2 19,7 20
2 1 1
41 + 1 38 + 4 32 + 2
Non Oui Oui
CS/urg CS/urg CS/urg
9
24
22
1
23
Non
10
30
25,3
4
37
Oui
AVB grande extraction CS/urg
11 12
29 29
22,5 24
2 2
41 + 3 41
Oui Non
CS/urg CS/urg
13
32
29,4
1
33 + 5
Non
CS/urg
HPP HH
Jumeaux Jumeaux Chorioamniotite HPP Triple ligature Packing Pas d’anticoagulant apre`s CS HPP Embolisation Jumeaux
3040 2860 2035 3520 2620 1700 1800 NC 2200
3905 2043 2100 1850
AVB : accouchement voie basse ; CS/urg : ce´sarienne en urgence ; HPP : he´morragie du post-partum ; HM : hyste´rectomie d’he´mostase ; ACCT : accouchement.
3. Re´sultats Ont e´te´ incluses dans cette e´tude 13 cas de thrombose de la veine ovarienne du post-partum entre le 1er janvier 2011 et le 31 mai 2015 au CHU d’Amiens. Durant cette meˆme pe´riode, nous avons recense´ 10 033 accouchements au sein de notre maternite´ de niveau III et de recours maternel. L’incidence de la TVO du post-partum au CHU d’Amiens e´tait par conse´quent de 0,13 %. Durant notre e´tude, 1882 ce´sariennes ont e´te´ re´alise´es et 8 TVO sont survenues apre`s ce´sarienne. L’incidence de la TVO du postpartum apre`s ce´sarienne au CHU d’Amiens s’e´levait a` 0,42 %.
(patiente 5), une avait be´ne´ficie´ d’une triple ligature et d’un packing pour un he´matome du ligament large (patiente 10) et la troisie`me avait be´ne´ficie´ d’une embolisation (patiente 12) ; une TVO e´tait survenue apre`s un accouchement dans un contexte septique (patiente 9) ; une patiente a pre´sente´ une TVO apre`s une ce´sarienne pour laquelle elle n’a pas respecte´ l’anticoagulation pre´ventive prescrite (patiente 11) ; 23 % des patientes pre´sentaient une thrombophilie connue. Une e´tait atteinte d’un de´ficit en antithrombine III et a re´cidive´ une TVO lors d’une grossesse ulte´rieure (patientes 1 et 2) ; une patiente pre´sentait une mutation du facteur V Leiden (patiente 3).
3.1. Caracte´ristiques de la population Les caracte´ristiques des patientes ayant pre´sente´ une TVO du post-partum sont pre´sente´es dans le Tableau 1. L’aˆge moyen des patientes e´tait de 30 ans avec des extreˆmes allant de 23 a` 38 ans. L’e´cart-type e´tait de 4,9. L’IMC moyen des patientes e´tait de 22,5 ( 2,85). La parite´ moyenne e´tait de 2,4 ( 1,75). Parmi les 13 patientes, 7 d’entre elles de´claraient une intoxication tabagique avant et pendant la grossesse (53,8 %). Le terme me´dian a` l’accouchement e´tait de 38 SA + 1 jour avec des extreˆmes allant de 23 a` 41 SA + 3 jours. Huit patientes avaient accouche´ par ce´sarienne en urgence (61,5 %) et 5 patientes avaient accouche´ par voie basse (38,5 %) dont 1 avait ne´cessite´ une extraction par forceps et 1 avait be´ne´ficie´ d’une version par manœuvre interne et grande extraction de sie`ge sur j2. Le poids me´dian des nouveau-ne´s e´tait de 2950 grammes avec des extreˆmes allant de 1700 a` 4043 grammes. 3.2. Circonstances de survenue de la TVO Parmi les 13 patientes : trois TVO e´taient survenues apre`s une grossesse ge´mellaire (patientes 8, 9 et 13) ; trois patientes avaient pre´sente´ une he´morragie du post-partum (HPP) dont une avait ne´cessite´ une hyste´rectomie d’he´mostase
3.3. Crite`re de jugement principal : signes cliniques et paracliniques faisant e´voquer le diagnostic de TVO du post-partum Pour les 13 patientes ayant pre´sente´ une TVO la me´diane du jour de survenue des premiers symptoˆmes e´tait situe´e au 4e jour. Au total, 92 % des patientes avaient pre´sente´ les premiers symptoˆmes avant le 10e jour du post-partum. 3.3.1. Signes cliniques Les signes cliniques pre´sente´s par les patientes au moment du diagnostic sont de´crits dans le Tableau 2. Deux signes cliniques principaux e´taient retrouve´s : sept patientes sur 13 (53,8 %) se plaignaient de douleurs toutes localisations confondues. Parmi elles, 2 de´claraient une douleur isole´e en fosse iliaque, 2 de´claraient une douleur en fosse iliaque associe´e a` une douleur en fosse lombaire homolate´rale, 2 pre´sentaient des douleurs pelviennes en barre et 1 pre´sentait des douleurs abdominales non syste´matise´es ; six patientes sur 13 (46,1 %) pre´sentaient une fie`vre supe´rieure a` 38 8C. D’autres signes cliniques moins spe´cifiques ont e´te´ retrouve´s. Une patiente de´crivait des troubles du transit a` type de diarrhe´es et une patiente se plaignait de lochies malodorantes.
J. Lerouge et al. / Gyne´cologie Obste´trique & Fertilite´ 44 (2016) 88–95 Tableau 2 Caracte´ristiques des patientes ayant pre´sente´ une thrombose de la veine ovarienne (TVO) du post-partum. Fie`vre Autres symptoˆmes
PatienteDouleur 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Douleur FID Non Douleur FL droite Douleur FIG Non – Non 39 8C – Douleur FIG Non – Non Oui – Douleurs abdominales non syste´matise´es39 8C – Non Oui Dyspne´e Non Oui – Non 38,7 8C– Non Non – Douleurs pelviennes Non Diarrhe´es Douleurs pelviennes Non Lochies malodorantes Douleur FID Non –
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Pour 6 patientes un PV a e´te´ re´alise´ le jour du diagnostic de TVO. Celui-ci est revenu positif chez 4 patientes soit dans 66,7 % des cas et le germe retrouve´ e´tait un Escherichia coli pour 3 d’entre elles. Lorsqu’ils e´taient re´alise´s, l’ECBU et les he´mocultures e´taient ne´gatives chez toutes les patientes. 3.5. Crite`res de jugement secondaires
FID : fosse iliaque droite ; FIG : fosse iliaque gauche ; FL : fosse lombaire.
Enfin, pour une patiente, le diagnostic de TVO du post-partum a e´te´ pose´ devant la pre´sence d’une dyspne´e aigue¨ en rapport avec une embolie pulmonaire. 3.4. Signes paracliniques Un syndrome inflammatoire e´tait pre´sent chez la majeure partie des patientes : chez 10 patientes sur 13 (76,9 %) la nume´ration formule sanguine (NFS) mettait en e´vidence une hyperleucocytose a` polynucle´aire neutrophile (HLPNN). Le taux moyen de GB e´tait de 15 146 [5900–33 400] ; chez 12 patientes sur 13 (92,3 %), il existait une e´le´vation de la CRP. Le taux moyen de CRP e´tait de 100,7 [7–215].
3.5.1. Localisation et extension de la thrombose Pour 9 patientes (69,2 %), la TVO e´tait localise´e au niveau de la veine ovarienne droite, pour 2 patientes (15,4 %) l’atteinte concernait la veine ovarienne gauche et pour les 2 patientes restantes, la TVO e´tait bilate´rale (15,4 %). Sept patientes (53,8 %) ont pre´sente´ une extension de la thrombose au niveau de la veine cave infe´rieure (VCI). Pour trois patientes (23 %), une extension re´nale a e´te´ mise en e´vidence. Trois patientes (23 %) ont pre´sente´ une complication embolique a` type d’embolie pulmonaire. Ces diffe´rentes extensions sont rapporte´es dans le Tableau 3. Aucune complication infectieuse ni iatroge`ne n’a e´te´ observe´e. Une patiente a pre´sente´ une re´cidive de TVO du post-partum sur la veine ovarienne controlate´rale lors d’une grossesse ulte´rieure. Aucun de´ce`s maternel n’a e´te´ a` de´plorer durant notre e´tude. 3.5.2. Modalite´s de la prise en charge the´rapeutique Cent pour cent des patientes ont be´ne´ficie´ d’une anticoagulation a` dose curative. La dure´e moyenne du traitement anticoagulant e´tait de 6 mois. En association, 11 patientes sur 13 (84,6 %) ont rec¸u une antibiothe´rapie parente´rale puis orale a` large spectre. Les pre´cisions concernant l’anticoagulation et l’antibiothe´rapie rec¸ues par les patientes sont apporte´es par le Tableau 4.
Tableau 3 Extension des thromboses de la veine ovarienne (TVO) du post-partum. Patiente
Localisation
Veines re´nales
VCI
Complications emboliques
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Veine ovarienne droite Veine ovarienne gauche Veine ovarienne droite Veine ovarienne gauche Veine ovarienne droite Veine ovarienne droite Veine ovarienne droite Veine ovarienne droite Veine ovarienne droite Atteinte bilate´rale Atteinte bilate´rale Veine ovarienne droite Veine ovarienne droite
Perme´ables Perme´ables Thrombus droit Perme´ables Thrombus droit Perme´ables Thrombus droit Perme´ables Perme´ables Perme´ables Perme´ables Perme´ables Perme´ables
Perme´able Perme´able Thrombus Perme´able Thrombus Perme´able Thrombus Thrombus Thrombus Thrombus Thrombus Perme´able Thrombus
– – Embolie pulmonaire – Embolie pulmonaire – Embolie pulmonaire – – – – – –
VCI : veine cave infe´rieure. Tableau 4 Anticoagulation et antibiothe´rapie rec¸ues. Patiente
Anticoagulation
Antibiothe´rapie
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Enoxaparine 100 UI antiXa/kg puis relais AVK Enoxaparine 100 UI antiXa/kg puis relais AVK Enoxaparine 100 UI antiXa/kg puis relais AVK Enoxaparine 100 UI antiXa/kg Tinzaparine 175 UI antiXa/kg Tinzaparine 175 UI antiXa/kg Enoxaparine 100 UI antiXa/kg puis relais AVK Calciparine 500 UI/kg adapte´e a` l’activite´ antiXa puis 10 mg/j Tinzaparine 175 UI antiXa/kg puis relais AVK Tinzaparine 175 UI antiXa/kg Tinzaparine 175 UI antiXa/kg puis relais AVK Tinzaparine 175 UI antiXa/kg puis relais AVK Tinzaparine 175 UI antiXa/kg puis relais AVK
– Amoxicilline Amoxicilline + acide clavulanique/ofloxacine puis ceftriaxone/metronidazole/amikacine Amoxicilline + acide clavulanique/ofloxacine Imipenem/amiklin Tazocilline Amoxicilline + acide clavulanique – Dalacine/ofloxacine Vancomycine/amiklin Amoxicilline + acide clavulanique Amoxicilline + acide clavulanique Amoxicilline + acide clavulanique
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Cinq patientes sur 13 (38,5 %) ont ne´cessite´ un transfert en re´animation durant leur prise en charge. La dure´e moyenne du se´jour des patientes e´tait de 13 jours. Parmi les 13 patientes, 3 pre´sentaient une thrombophilie connue. Sur les 10 autres patientes, 3 patientes ont re´alise´ un bilan de thrombophilie suite a` cet e´ve´nement dont 1 a mis en e´vidence une mutation de facteur V Leiden (33,3 %).
4. Discussion 4.1. E´pide´miologie La thrombose de la veine ovarienne est une complication rare du post-partum. Elle peut e´galement survenir en dehors d’un contexte obste´trical tel que dans les affections pelviennes inflammatoires, ne´oplasiques ou dans les suites d’une intervention chirurgicale ou d’un traumatisme pelvien [9,10]. Son incidence exacte est difficile a` e´tablir et aucun chiffre n’a e´te´ publie´ avant 1971 ou` Brown et Munsick rapportent une incidence de 0,18 %, soit 1 cas de TVO pour 600 naissances [3]. Des chiffres plus re´cents e´tablis par Dunnihoo en 1991 e´voquent une incidence de 0,05 %, soit 1 cas de TVO pour 2000 naissances [2]. Le taux de TVO est 10 fois plus e´leve´ au de´cours d’une ce´sarienne comparativement a` la voie basse [11]. Nos re´sultats sont concordants avec ces donne´es puisque l’incidence de la TVO du post-partum au CHU d’Amiens durant notre e´tude e´tait de 0,13 % toutes voies d’accouchement confondues. Meˆme si elle n’e´tait pas multiplie´e par 10 apre`s une ce´sarienne, l’incidence s’e´levait alors a` 0,42 %. La TVO surviendrait plus volontiers chez la multipare [3] avec une parite´ moyenne de 2,5 et un aˆge moyen de 25 ans [2]. Dans notre population, les patientes e´taient plus aˆge´es que ces donne´es avec un aˆge moyen estime´ a` 30 ans mais en effet la parite´ moyenne e´tait de 2,4. La mortalite´ par TVO est actuellement infe´rieure a` 5 % dans les cas ou` le traitement est bien conduit [12,13]. 4.2. Physiopathologie Les me´canismes physiopathologiques a` l’origine de la TVO ne sont pas clairement e´tablis. Ne´anmoins, comme toute phle´bite, la triade de Virchow de´crite en 1856 serait a` l’origine de cette complication [14]. Elle associe 3 facteurs : un e´tat d’hypercoagulabilite´ lie´ a` l’augmentation de la production de certains facteurs pro-coagulants inhe´rente a` toute grossesse et qui se poursuit jusqu’a` 6 semaines dans le postpartum avec un pic au 4e jour [13,15]. Cet e´tat d’hypercoagulabilite´ peut eˆtre lie´ a` des mutations conge´nitales de facteurs de la coagulation (de´ficit en prote´ine C et prote´ine S, mutation du facteur V Leiden) pre´disposant a` la survenue d’une TVO [10]. Cette tendance se retrouve dans notre e´tude puisque 23 % des patientes pre´sentaient une thrombophilie connue ; une stase veineuse qui est la conse´quence de la dilatation des veines ovariennes pendant la grossesse associe´e a` un ralentissement du flux sanguin survenant dans le post-partum imme´diat [16] ; une alte´ration de la paroi veineuse pouvant re´sulter soit d’un traumatisme direct occasionne´ par une ce´sarienne ou une extraction instrumentale, soit d’un traumatisme indirect via une infection endo-ute´rine [17]. En effet, une endome´trite est associe´e a` une TVO dans 67 % des cas par Dunnihoo et al. [2] et dans 45 % des cas pour Brown et Munsick [3]. Dans notre se´rie, 76,9 % des patientes avaient be´ne´ficie´ de manœuvres obste´tricales (ce´sarienne ou extraction) et parmi les patientes pour lesquelles un PV a e´te´ re´alise´, celui-ci e´tait positif dans 66,7 % des cas.
4.3. Localisation La TVO du post-partum concerne le plus souvent la veine ovarienne droite. Les chiffres rapporte´s sont de 80 % de le´sion droite, 6 % de le´sion gauche et 14 % d’atteinte bilate´rale [18,19]. Dans notre se´rie, la veine ovarienne droite e´tait implique´e dans 69,2 % des cas, la veine ovarienne gauche dans 15,4 % des cas et l’atteinte e´tait bilate´rale dans 15,4 % des cas. Cette pre´dominance pour le coˆte´ droit s’explique par des raisons anatomiques qui sont, d’une part, la dextro-rotation de l’ute´rus gravide qui comprime le ligament lombo-ovarien contre le promontoire [20] et, d’autre part, par l’existence d’un flux re´trograde au niveau de la veine ovarienne gauche la prote´geant d’une infection ascendante tandis que le flux reste ante´rograde a` droite [21].
4.4. Clinique La TVO survient ge´ne´ralement dans le premier mois suivant l’accouchement mais les symptoˆmes initiaux se manifestent le plus souvent lors de la premie`re semaine [22] et en moyenne au 4e jour [18]. Les re´sultats de notre e´tude sont compatibles avec ces donne´es puisque la me´diane du jour de survenue des premiers symptoˆmes e´tait situe´e au 4e jour. De meˆme, les premiers symptoˆmes e´taient survenus durant les 15 jours suivant l’accouchement chez l’ensemble des patientes. Le diagnostic est parfois difficile a` poser en raison de la symptomatologie souvent trompeuse et aspe´cifique [4]. Dans notre e´tude, 53,8 % des patientes se plaignaient de douleurs de localisations variables et 46,1 % pre´sentaient une fie`vre. En effet, la pre´sentation clinique de la TVO du post-partum est habituellement marque´e par des douleurs abdominopelviennes dans un contexte fe´brile. Dans son article de 2012, Meuwly rapportait 80 % de fie`vre et 55 % de douleurs pelviennes chez les patientes porteuses d’une TVO du post-partum [12]. Les douleurs de´crites par les patientes sont classiquement late´ralise´es a` droite mais peuvent e´galement eˆtre diffuses, non syste´matise´es voire sie´ger en fosse lombaire traduisant alors une compression ure´te´rale par la veine thrombose´e [23]. La fie`vre est souvent importante avec un pic de tempe´rature au-dela` de 39 8C qui chute a` la mise en route du traitement antibiotique et qui reprend deux a` trois jours plus tard en raison de la suppuration de la veine thrombose´e. Cette fie`vre peut osciller et durer plusieurs jours avant que le diagnostic soit pose´. Peuvent s’associer des troubles du transit ainsi que des nause´es et vomissements voire un ile´us re´flexe [24]. Enfin, des signes pulmonaires et en particulier une dyspne´e peuvent e´galement eˆtre re´ve´lateurs de la thrombose traduisant ainsi une complication qu’est l’embolie pulmonaire [24,25]. Dans notre se´rie, c’e´tait le cas d’une patiente pour laquelle la TVO a e´te´ diagnostique´e secondairement a` la de´couverte d’une embolie pulmonaire. L’examen clinique peut retrouver une masse caracte´ristique a` la palpation abdominale et le toucher vaginal peut mettre en e´vidence un cordon veineux indure´ et douloureux au niveau d’un cul-de-sac vaginal correspondant a` la veine ovarienne thrombose´e et a` l’infiltration inflammatoire qui l’accompagne [26,27]. 4.5. Biologie Les examens biologiques standard re´alise´s mettent ge´ne´ralement en e´vidence un syndrome inflammatoire biologique aspe´cifique caracte´rise´ par une HLPNN et une e´le´vation de la CRP [17], ce qui e´tait le cas dans notre e´tude. Dans ce contexte fe´brile, la recherche de germes est importante pour cibler l’antibiothe´rapie. Des pre´le`vements bacte´riologiques sont donc recommande´s comportant un PV, un ECBU et des he´mocultures [28]. Les re´sultats
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sont le plus souvent ste´riles mais dans le cas contraire un E. coli est fre´quemment retrouve´ [9]. Dans notre se´rie, l’ECBU et les he´mocultures e´taient ne´gatifs pour l’ensemble des patientes. Le PV e´tait positif pour 66,7 % des patientes en ayant be´ne´ficie´ ce qui met en e´vidence le caracte`re suppure´ tre`s fre´quent de la TVO. 4.6. Imagerie Le diagnostic de TVO du post-partum a be´ne´ficie´ des progre`s de l’imagerie avec l’apport de l’e´chographie, de la tomodensitome´trie (TDM) abdominale et de l’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM). L’e´chographie couple´e au Doppler couleur a l’avantage d’eˆtre un examen simple, non invasif, peu one´reux, facilement disponible et permettant le diagnostic positif. Pour ces raisons, elle serait pour certaines e´quipes l’examen a` re´aliser en premie`re intention [29]. La veine ovarienne thrombose´e y apparaıˆt sous la forme d’une image re´trope´ritone´ale late´ro-cave, cylindrique, hypo-e´choge`ne [30]. Au Doppler couleur, la vitesse du flux est re´duite voire absente au niveau de la lumie`re du vaisseau [31]. La sensibilite´ de l’e´chographie pour le diagnostic de TVO du post-partum est de 50 % par voie abdominale compte tenu des difficulte´s lie´es aux fre´quentes interpositions digestives. Cette sensibilite´ peut eˆtre accrue par l’utilisation de la voie endo-vaginale [32] meˆme si a` ce jour aucune e´tude n’a e´value´ cette technique. Depuis les anne´es 1980 et la description par Zerhouni et al. de crite`res scannographiques pre´cis, [33] les e´quipes disposent de la TDM pour poser le diagnostic de TVO. Trois crite`res sont requis pour e´tablir ce diagnostic, a` savoir : la pre´sence d’un e´largissement de la veine ovarienne thrombose´e ; une hyperdensite´ ou hypodensite´ intra-luminale spontane´e selon l’anciennete´ du thrombus ; un renforcement de la paroi du vaisseau (image en « cible »).
A` ces signes peut s’ajouter un aspect d’infiltration graisseuse d’origine inflammatoire sie´geant au contact de la veine ovarienne. La pre´sence d’une hypodensite´ gazeuse au sein du thrombus signe le caracte`re septique de l’affection [34]. La TDM pre´sente un inte´reˆt dans l’e´valuation des diagnostics diffe´rentiels entrant en conside´ration dans les tableaux d’abdomen aigu [12] mais a pour limites la ne´cessite´ d’injection d’un produit de contraste et son caracte`re irradiatiant. L’utilisation de l’IRM dans le diagnostic de TVO du post-partum remonte a` 1986 [35]. Elle apporte des informations comparables a` ˆ t et de sa faible disponibilite´. la TDM avec l’inconve´nient de son cou Le thrombus apparaıˆt alors en signal interme´diaire en se´quence T1 et la veine thrombose´e pre´sente un aspect en cocarde en se´quence T2 (hypo-intensite´ centrale, un lisere´ hyper-intense en rapport avec la me´the´moglobine et une zone pe´riphe´rique hypointense en rapport avec l’he´moside´rine) [30]. Au-dela` du diagnostic positif, ces examens d’imageries vont permettre de caracte´riser le thrombus : son anciennete´ (surtout l’IRM graˆce aux proprie´te´s ferromagne´tiques de l’he´moglobine) [18], son extension ainsi que son caracte`re flottant ou non [17,18]. A` l’heure actuelle, tous les auteurs s’accordent sur la supe´riorite´ de la TDM par rapport aux autres techniques d’imagerie pour affirmer le diagnostic positif. Les sensibilite´s et spe´cificite´s de ces diffe´rentes techniques pour le diagnostic de TVO du post-partum selon Twickler et al. [36] sont re´sume´es dans le Tableau 5. Re´cemment, il existe une tendance a` contourner l’e´chographie et a` re´aliser directement une tomodensitome´trie dans certains e´tablissements [29]. C’est le cas dans notre service puisque tous les diagnostics de TVO ont e´te´ pose´s au de´cours d’une TDM.
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Tableau 5 Sensibilite´ et spe´cificite´ des techniques d’imagerie pour le diagnostic de thrombose de la veine ovarienne (TVO) selon Twicker et al. [36].
E´chographie-Doppler TDM IRM
Sensibilite´ (%)
Spe´cificite´ (%)
50 100 92
100 99 100
4.7. Diagnostics diffe´rentiels Ce contexte de douleurs abdominopelviennes fe´briles du postpartum oriente ge´ne´ralement le clinicien vers le diagnostic d’endome´trite. Ne´anmoins, toute fie`vre du post-partum associe´e ou non a` une douleur pelvienne doit faire penser a` la TVO [37], d’autant plus si elle re´siste a` une antibiothe´rapie bien conduite [29]. Les manifestations cliniques varie´es que peut prendre la TVO expliquent la multitude de diagnostics diffe´rentiels souvent e´voque´s en premie`re intention compte tenu de leur incidence plus e´leve´e. En effet, celle-ci peut simuler une appendicite aigue¨, une pye´lone´phrite, une colique ne´phre´tique, un abce`s pelvien, un he´matome du ligament large, une torsion d’annexe [38]. La re´alisation d’une imagerie prend alors tout son inte´reˆt en permettant de redresser le diagnostic et ainsi d’instituer rapidement un traitement efficace.
4.8. Traitement Auparavant, la prise en charge the´rapeutique e´tait chirurgicale et reposait sur une laparotomie avec incision du thrombus et ligature de la veine ovarienne implique´e. Cette prise en charge e´tait greve´e d’une morbidite´ significative [19]. Dans les anne´es 1970, Brown et Munsick ont de´veloppe´ une prise en charge me´dicale de la TVO du post-partum [3] et aujourd’hui, le traitement standard repose sur l’association d’une anticoagulation a` dose curative et d’une antibiothe´rapie. Il n’existe pas dans la litte´rature de consensus sur la dure´e du traitement anticoagulant. La re´ponse moyenne a` ce traitement est estime´e a` 144 heures [29], soit environ 6 jours. Magee et al. recommandent la re´ alisation d’une TDM de controˆ le montrant la re´gression du thrombus avant d’envisager l’arreˆ t des anticoagulants afin de pre´venir les complications thromboemboliques et la maladie post-phle´bitique [39]. De fac¸on habituelle, l’anticoagulation est prescrite pour une dure´e de 3 a` 6 mois [40] avec initialement de l’he´parine puis un relais par anti-vitamine K. L’antibiothe´rapie doit eˆtre a` large spectre et doit cibler en premier lieu les bacte´ries identifie´es chez la patiente (PV, ECBU, he´mocultures), le plus souvent les germes anae´robies et les bacilles Gram ne´gatifs [41]. Elle est initialement intraveineuse puis orale de`s l’obtention de l’apyrexie. La dure´e de traitement est empirique, ge´ne´ralement pendant 2 a` 3 semaines. Dans notre se´rie, l’analyse de l’antibiothe´rapie rec¸ue par chaque patiente re´ve´lait l’he´te´roge´ne´ite´ des prises en charge. En effet, dans la litte´rature il n’existe aucun consensus ni aucun protocole concernant l’antibiothe´rapie a` mettre en place dans la prise en charge de la TVO du post-partum. Le traitement chirurgical n’a, a` l’heure actuelle, qu’une place minime en cas de contre-indications aux anticoagulants ou d’e´chec du traitement me´dicamenteux bien conduit [42] c’est-a`-dire en cas de persistance de la fie`vre 3 a` 5 jours apre`s le de´but du traitement. Il consiste en une ligature de la veine ovarienne concerne´e. En cas de thrombus flottant dans la VCI, se posera la question de la mise en place d’un filtre cave temporaire [43].
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La prise en charge the´rapeutique des TVO au CHU d’Amiens est en grande partie satisfaisante puisque dans notre se´rie toutes les patientes ont rec¸u une anticoagulation a` dose curative et 11 patientes sur 13 ont be´ne´ficie´ d’une antibiothe´rapie. Aucune patiente n’a ne´cessite´ une prise en charge chirurgicale. 4.9. E´volution et complications Graˆce a` la pre´cocite´ du diagnostic depuis le de´veloppement des techniques d’imagerie, l’e´volution est en ge´ne´ral rapidement favorable sous traitement me´dical avec re´gression rapide de la symptomatologie et ame´lioration clinique. L’apyrexie est obtenue en 48 a` 72 h paralle`lement a` la re´gression des douleurs. Ne´anmoins, la TVO peut menacer le pronostic vital par le biais d’un choc septique ou d’une extension de la thrombose en particulier aux veines re´nales, a` la VCI et aux veines pulmonaires entraıˆnant ainsi l’embolie pulmonaire tant redoute´e [31]. Dans leur e´tude, Dunnihoo et al. rapportent 13,2 % d’embolies pulmonaires secondaires a` une TVO avec 4,4 % de de´ce`s maternels [2]. Il en est de meˆme pour Ortin et al. [44]. D’autres e´tudes rapportent des taux de 33 % [28]. Dans notre se´rie, le taux d’embolie pulmonaire e´tait comparable aux donne´es de la litte´rature puisque 23 % des patientes e´taient concerne´es par cette complication. Aucun de´ce`s n’a e´te´ a` de´plorer durant notre e´tude. 4.10. Pre´vention La meilleure pre´vention de la TVO du post-partum consiste en la pre´vention de tout geste potentiellement septique et/ou traumatique durant l’accouchement et/ou la de´livrance. Certaines e´quipes recommandent la re´alisation d’un bilan de thrombophilie a` distance de l’e´pisode et apre`s arreˆt du traitement anticoagulant [17,23,45,46]. Celui-ci serait positif chez 50 % des patientes ayant pre´sente´ une TVO [44,46]. Dans notre se´rie, 3 patientes pre´sentaient des facteurs de risque constitutionnels de thrombose et 1 bilan de thrombophilie re´alise´ au de´cours d’une TVO est revenu positif. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de recommandations concernant une anticoagulation prophylactique lors d’une grossesse ulte´rieure. En effet, l’e´valuation de cette prophylaxie est rendue difficile par la faible incidence de cette pathologie [18]. Par ailleurs, la re´cidive semble exceptionnelle [12], bien que dans notre e´tude une patiente ait re´cidive´ lors d’un accouchement ulte´rieur.
5. Conclusion La thrombose veineuse ovarienne du post-partum demeure une complication rare. Il semble judicieux de l’e´voquer et de la rechercher devant un syndrome douloureux abdominal fe´brile du post-partum, d’autant plus si la patiente est multipare et si l’accouchement a ne´cessite´ la re´alisation de manœuvres obste´tricales, d’une ce´sarienne ou s’est complique´ d’he´morragie. L’objectif principal de notre e´tude e´tait de pre´ciser les signes cliniques et paracliniques devant faire e´voquer le diagnostic. La pre´sence de douleurs abdominales fe´briles associe´es a` des signes inflammatoires biologiques e´tant non spe´cifique, ce tableau clinique peut mimer de nombreuses pathologies souvent e´voque´es en premie`re intention compte tenu de leur fre´quence. Ainsi, le recours aux nouvelles techniques d’imagerie, et en particulier a` la tomodensitome´trie qui pre´sente une excellente sensibilite´ et spe´cificite´, permet de ne pas retarder le diagnostic, de mettre en route le traitement, de re´aliser le bilan d’extension et d’e´valuer le risque embolige`ne. Nos re´sultats attestent que la prise en charge est aujourd’hui essentiellement me´dicale et associe une anticoagulation a` dose
curative a` une antibiothe´rapie a` large spectre. En effet, bien qu’elle ne soit pas retrouve´e chez toutes les patientes, la composante infectieuse n’est jamais ne´gligeable. Malgre´ la plus grande pre´cocite´ du diagnostic, la thrombose veineuse ovarienne du post-partum n’en demeure pas moins potentiellement grave en raison du risque septique et d’embolie pulmonaire, celui-ci e´tant retrouve´ chez 23 % de nos patientes. Aucune recommandation n’existe actuellement en termes de prophylaxie lors d’un accouchement ulte´rieur pour les patientes pre´sentant un ante´ce´dent de thrombose veineuse ovarienne du post-partum. A` l’instar d’autres e´quipes, nous recommandons la re´alisation d’un bilan de thrombophilie a` distance de l’e´pisode. ˆ ts De´claration de liens d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Austin OG. Massive thrombophlebitis of the ovarian veins; a case report. Am J Obstet Gynecol 1956;72(2):428–9. [2] Dunnihoo DR, Gallaspy JW, Wise RB, Otterson WN. Postpartum ovarian vein thrombophlebitis: a review. Obstet Gynecol Surv 1991;46(7):415–27. [3] Brown TK, Munsick RA. Puerperal ovarian vein thrombophlebitis: a syndrome. Am J Obstet Gynecol 1971;109(2):263–73. [4] Hafsa C, Golli M, Jerbi-Omezzine S, Salem R, Kriaa S, Zbidi M, et al. Une cause rare de fie`vre du post-partum : la thrombophle´bite de la veine ovarienne. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25(3):286–90. [5] Kirkpatrick JR. Ovarian vein thrombophlebitis. Am Surg 1971;37(5):306–7. [6] Brown CE, Lowe TW, Cunningham FG, Weinreb JC. Puerperal pelvic thrombophlebitis: impact on diagnosis and treatment using x-ray computed tomography and magnetic resonance imaging. Obstet Gynecol 1986;68(6):789–94. [7] Lev-Toaff AS, Baka JJ, Toaff ME, Friedman AC, Radecki PD, Caroline DF. Diagnostic imaging in puerperal febrile morbidity. Obstet Gynecol 1991;78(1): 50–5. [8] Arslan H, Ada S, Celik S, Toptas¸ T. Postpartum ovarian vein and inferior vena cava thrombosis. Case Rep Med 2014;2014:609187. [9] Simons GR, Piwnica-Worms DR, Goldhaber SZ. Ovarian vein thrombosis. Am Heart J 1993;126(3 Pt 1):641–7. [10] Jacoby WT, Cohan RH, Baker ME, Leder RA, Nadel SN, Dunnick NR. Ovarian vein thrombosis in oncology patients: CT detection and clinical significance. AJR Am J Roentgenol 1990;155(2):291–4. [11] Brown CE, Stettler RW, Twickler D, Cunningham FG. Puerperal septic pelvic thrombophlebitis: incidence and response to heparin therapy. Am J Obstet Gynecol 1999;181(1):143–8. [12] Meuwly JY, Kawkabani A, Sgourdos G. Thrombose veineuse ovarienne. Forum Me´dical Suisse 2012. [13] Salomon O, Dulitzky M, Apter S. New observations in postpartum ovarian vein thrombosis: experience of single center. Blood Coagul Fibrinolysis 2010;21(1): 16–9. [14] Virchow R. Thrombosis and emboli (1846–1856). Canton, Mass: Science History Publications; 1998 [234 p]. [15] Kuehnl A, Assadian A, Reeps C, Maria Schneider K-T, Stangl M, Berger H, et al. Thrombus cave flottant a` partir de la veine ovarienne. Ann Chir Vasc 2009;23(5):747.e13–1. [16] Hodgkinson CP. Physiology of the ovarian veins during pregnancy. Obstet Gynecol 1953;1(1):26–37. [17] Quarello E, Desbriere R, Hartung O, Portier F, d’Ercole C, Boubli L. Thrombophle´bite de la veine ovarienne du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004;33(5):430–40. [18] Sappey O, Mollier S, Skowron O, Equy V, Ranchoup Y, Descotes JL, et al. [Puerperal thrombophlebitis of the ovarian vein revealed by renal colic]. Prog Urol 1999;9(2):313–8. [19] Munsick RA, Gillanders LA. A review of the syndrome of puerperal ovarian vein thrombophlebitis. Obstet Gynecol Surv 1981;36(2):57–66. [20] Basili G, Romano N, Bimbi M, Lorenzetti L, Pietrasanta D, Goletti O. Postpartum ovarian vein thrombosis. JSLS 2011;15(2):268–71. [21] Farah I, Villar C, Ranchoud Y, Bouzid F, Magne JL, Bosson JL, et al. [Thrombophlebitis of the ovarian vein in the postpartum period. Diagnostic and therapeutic problems]. Chir Mem Acad Chir 1994–1995;120(8):402–7 [discussion 407–8]. [22] Chawla K, Mond DJ, Lanzkowsky L. Postpartum ovarian vein thrombosis. Am J Emerg Med 1994;12(1):82–5. [23] Kettaneh A, Tourret J, Fain O, Tigaizin A, Seror O, Aurousseau M-H, et al. Thrombophle´bite de la veine ovarienne et fie`vre du post-partum. Rev Med Interne 2002;23(12):1012–7. [24] Duff P, Gibbs RS. Pelvic vein thrombophlebitis: diagnostic dilemma and therapeutic challenge. Obstet Gynecol Surv 1983;38(6):365–73. [25] Dunn LJ, Van Voorhis LW. Enigmatic fever and pelvic thrombophlebitis. Response to anticoagulants. N Engl J Med 1967;276(5):265–8.
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