Prise en charge de l’érysipèle en médecine générale : enquête de pratique

Prise en charge de l’érysipèle en médecine générale : enquête de pratique

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La Revue de médecine interne 32 (2011) 730–735

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Prise en charge de l’érysipèle en médecine générale : enquête de pratique Survey of general practitioners management of erysipelas D. Larivière , A. Blavot-Delépine , B. Fantin , A. Lefort ∗ Service de médecine interne, hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 8 septembre 2011 Mots clés : Érysipèle Médecins généralistes Conférence de consensus

r é s u m é Propos. – Peu d’études se sont intéressées à la prise en charge ambulatoire de l’érysipèle. Méthodes. – Afin d’analyser la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’érysipèle par les médecins généralistes, et d’évaluer le suivi des recommandations du consensus établi en 2000 par la Société de pathologie infectieuse de langue franc¸aise et la Société franc¸aise de dermatologie, nous avons réalisé une enquête de pratique auprès de 114 médecins généralistes, pendant une période d’un an (1er mai 2005 au 30 avril 2006). Résultats. – Au total, 73 médecins ont accepté de participer à l’étude et 54 cas d’érysipèle ont été déclarés. Parmi ces cas, l’âge médian était de 63 ans (18–94 ans) et le sex-ratio de 0,77. Le membre inférieur était préférentiellement atteint (83 % des cas). Une porte d’entrée était retrouvée dans 65 % des cas. Aucun des 15 doppler veineux réalisés ne mettait en évidence de thrombose veineuse profonde. Cinq patients (9 %) ont été hospitalisés d’emblée. Seuls 18 % des patients ont rec¸u initialement de l’amoxicilline. Les traitements les plus prescrits étaient la pristinamycine (31 %) et l’amoxicilline-acide clavulanique (27 %). La durée médiane de traitement était de dix jours. Six patients ont rec¸u un traitement anti-inflammatoire. Parmi les 44 patients ayant bénéficié d’une visite de contrôle, 37 (84 %) étaient guéris et deux ont été hospitalisés au terme de cette réévaluation. Deux patients ont présenté deux épisodes d’érysipèle durant l’étude. Conclusion. – Conformément aux données de la littérature, l’évolution de l’érysipèle pris en charge en ambulatoire reste très favorable, malgré le mauvais suivi des recommandations. © 2011 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Erysipelas General practitioner Consensus conference

Purpose. – A few studies only have focused on ambulatory management of erysipelas. Methods. – To assess the diagnostic and therapeutic management of erysipelas by general practitioners, and their adherence to the French Society of Infectious Diseases and Dermatology joint 2000 recommendations, we surveyed 114 general practitioners during a 1 year period (from May 1st, 2005 to April 30th, 2006). Results. – Seventy-three general practitioners accepted to participate to the study and 54 cases of erysipelas were reported. Median age of patients was 63 years (range, 18–94) and sex ratio was 0.77. Lower limbs were affected in 83% out of the cases. A skin lesion was reported in 65% of the cases. None of the 15 doppler ultrasonography that were performed identified deep vein thrombosis. Five patients (9%) were initially hospitalized. Only 18% out of the patients were treated by amoxicillin. Most prescribed antimicrobial agents were pristinamycin (31%) and amoxicillin-clavulanate (27%). Median duration of treatment was 10 days. Six patients received an anti-inflammatory drug. Among the 44 patients who had a follow-up visit, 37 patients (84%) recovered and two patients were hospitalized after this follow-up assessment. Two patients experienced a recurrence of erysipelas during the study. Conclusion. – As previously reported in the literature, outcome of erysipelas after ambulatory management remains excellent, although recommendations are poorly followed. © 2011 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Lefort). 0248-8663/$ – see front matter © 2011 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2011.07.004

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1. Introduction L’érysipèle ou dermo-hypodermite bactérienne non nécrosante, est une pathologie fréquente dont l’incidence en France est estimée à dix à 100 cas pour 100 000 habitants, et qui concerne aussi bien la médecine hospitalière que la médecine de ville. L’érysipèle représente de ce fait une préoccupation de santé publique. Afin d’en uniformiser la prise en charge diagnostique et thérapeutique, la Société de pathologie infectieuse de langue franc¸aise et la Société franc¸aise de dermatologie ont organisé en 2000 une conférence de consensus sur la prise en charge des érysipèles et des fasciites nécrosantes [1]. Le texte qui en a découlé commence par une mise au point anatomopathologique, épidémiologique, microbiologique et clinique, puis aborde la prise en charge diagnostique et thérapeutique des ces infections. Concernant la prise en charge de l’érysipèle, il est indiqué que l’hospitalisation est justifiée d’emblée en cas de signes de gravité, de comorbidité, de doute diagnostique ou de contexte social rendant difficile l’observance ou la surveillance ou secondairement en cas d’évolution défavorable. En cas d’hospitalisation initiale, la pénicilline G (dix à 20 millions d’unités en quatre à six perfusions par jour) reste le traitement de référence et un relais par amoxicilline (3 à 4,5 g/j) est préconisé une fois l’apyrexie obtenue, pour une durée totale de traitement comprise entre dix et 20 jours. En l’absence de signe de gravité, l’amoxicilline par voie orale peut être administrée d’emblée, en ambulatoire. En cas d’allergie aux ␤-lactamines, les auteurs recommandent un traitement par pristinamycine, macrolides ou clindamycine. Hormis le traitement d’une éventuelle porte d’entrée qui doit être systématique, les traitements locaux ne sont pas recommandés ; il en est de même pour les anti-inflammatoires (non stéroïdiens ou corticoïdes). Enfin, la réalisation d’un doppler veineux ou la prescription d’une anticoagulation préventive systématique n’est pas recommandée. Malgré la fréquence de l’érysipèle, les données concernant l’incidence et les caractéristiques de la maladie sont rares. Les études récentes portant sur le sujet sont peu nombreuses et concernent essentiellement des patients hospitalisés [2–4]. Or, du fait de la présentation souvent peu sévère et de l’évolution généralement favorable de cette pathologie, la prise en charge est le plus souvent ambulatoire comme le montre une étude récente dans laquelle seulement 7 % des cas étaient hospitalisés [5]. L’objectif de notre étude était d’apporter des données épidémiologiques, cliniques et pronostiques sur l’érysipèle pris en charge en médecine de ville, et d’évaluer le suivi par les médecins généralistes des recommandations établies lors de la conférence de consensus de 2000.

2. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude prospective réalisée auprès de 114 médecins généralistes d’Île-de-France. Les médecins généralistes sollicités étaient les maîtres de stage des facultés de médecine Saint-Antoine et Bichat-Claude-Bernard et les membres de l’Association des médecins généralistes de Clichy. En cas d’accord de participation, les médecins contactés devaient tout d’abord signaler le nombre moyen d’érysipèles qu’ils avaient pris en charge au cours de l’année précédente. Ils devaient ensuite déclarer les cas d’érysipèle diagnostiqués chez tout patient âgé de plus de 18 ans durant la période allant du 1er mai 2005 au 30 avril 2006 et remplir pour chacun des cas un questionnaire renseignant les données démographiques, cliniques, la réalisation d’examens complémentaires, le choix du traitement, et la décision ou non d’une hospitalisation. Ils étaient ensuite recontactés par téléphone à trois semaines afin de fournir les données d’évolution. Un érysipèle était défini selon la conférence de consensus [1] par l’association d’un placard inflammatoire (érythémateux, chaud,

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œdémateux, douloureux) d’apparition brutale, et de signes généraux (fièvre, frissons, malaise, syndrome pseudogrippal). L’absence de signes généraux au moment du diagnostic n’était pas un facteur d’exclusion si ceux-ci étaient rapportés à l’interrogatoire. 3. Résultats Sur 114 médecins généralistes contactés, 73 (64 %) ont accepté de participer à l’étude. Les taux de réponse des maîtres de stage de la faculté de médecine Saint-Antoine, de Bichat-ClaudeBernard et des membres de l’Association des médecins généralistes de Clichy étaient respectivement de 28 (61 %), 29 (69 %) et 16 (61 %). Ces médecins estimaient avoir pris en charge en moyenne 2,4 cas d’érysipèle au cours de l’année précédente. Au total, 54 cas d’érysipèle ont été rapportés par 26 des 73 médecins participants, 47 médecins n’ayant déclaré aucun cas. Le nombre de médecins ayant déclaré au moins un cas étaient de 22 (79 %) pour les maîtres de stage de la faculté de médecine Saint-Antoine, 17 (58 %) pour les maîtres de stage de la faculté de médecine Bichat-Claude-Bernard et 13 (81 %) pour les membres de l’Association des médecins généralistes de Clichy. Le nombre moyen d’érysipèle par médecin et par an était donc de 0,7 dans notre étude. 3.1. Données démographiques Il existait une légère prédominance féminine, le sex-ratio étant de 0,8. L’âge moyen des patients était de 63 ± 16 ans, et 81 % des patients étaient âgés de plus de 50 ans. Onze cas, dont dix femmes, concernaient des sujets de plus de 80 ans. On observait un pic d’incidence au cours des mois de mai et juin, avec au total 17 (31 %) cas observés au cours de cette période. 3.2. Données cliniques Les facteurs de risque locaux et généraux sont indiqués dans le Tableau 1. Au total, 32 patients (59 %) présentaient au moins une comorbidité parmi l’obésité, l’alcoolisme, le diabète, un antécédent de néoplasie ou une impotence fonctionnelle. Les plus fréquemment retrouvées étaient l’obésité (28 %) et les antécédents cardiovasculaires (28 %). Parmi les six érysipèles du membre supérieur, on notait deux antécédents de néoplasie du sein. Trente-sept patients (68,5 %) présentaient au moins un facteur local ayant pu favoriser la survenue d’un érysipèle. Pour 30 patients (58 %), il Tableau 1 Facteurs de risque locaux et généraux retrouvés chez 54 patients présentant un érysipèle. Effectif

Pourcentage

Terrain général Obésité Antécédents cardiovasculaires Impotence fonctionnelle Antécédent de néoplasie Alcoolisme Diabète

15 15 10 6 6 6

28 28 18 11 11 11

Terrain local Stase veineuse Antécédent d’érysipèle Lymphœdème Antécédent de phlébite Antécédent d’ulcère Cicatrice sur le membre atteint Antécédent de chirurgie du membre Antécédent de fracture du membre Antécédent de radiothérapie Antécédent de curage ganglionnaire homolatéral Artériopathie des membres inférieurs

26 20 18 11 11 10 9 4 3 3 1

48 37 33 20 20 18 17 7 6 6 2

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s’agissait d’un premier épisode mais pour les autres, il s’agissait de récidives, avec une moyenne de 1,8 ± 1,3 épisodes avant l’épisode actuel. Le délai entre l’épisode actuel et la dernière récidive allait de trois mois à plus de deux ans. Aucun épisode antérieur n’était rapporté en cas de localisation au niveau du visage. Enfin, dix patients avaient rec¸u une antibiothérapie et six patients des antiinflammatoires par voie générale (trois des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et trois des corticoïdes) au cours de la semaine précédant l’apparition de l’érysipèle. Deux avaient rec¸u des antibiotiques locaux et deux des anti-inflammatoires locaux. Le Tableau 2 montre les caractéristiques cliniques des 54 cas d’érysipèles. La majorité des cas (83 %) était localisés au niveau des membres inférieurs. Des signes généraux (fièvre > 38 ◦ C ou frissons) étaient présents chez 35 patients (66 %). Quarante et un patients (76 %) présentaient au moins un des signes locaux suivants : lymphangite, purpura, adénopathie satellite, bulles. Une porte d’entrée était mise en évidence chez 33 patients (65 %). 3.3. Examens paracliniques Dans 22 cas (41 %), des examens biologiques à la recherche d’un syndrome inflammatoire avaient été réalisés. On disposait de la CRP dans 11 cas, qui variait de 5,1 à 265 mg/L (médiane : 23). Quatorze patients ont eu un hémogramme, qui retrouvait un nombre de leucocytes compris entre 2000 et 14 000/mm3 (médiane : 9050). Dans cinq cas ont été pratiqués des examens bactériologiques : quatre cas de prélèvements locaux, et un cas de prélèvements locaux et d’hémocultures ; tous ces prélèvements sont restés négatifs. Le test de diagnostic rapide de détection du streptocoque A n’a été pratiqué dans aucun cas. Enfin, 15 doppler veineux des membres inférieurs ont été pratiqués mais aucun cas de phlébite n’a été retrouvé. 3.4. Prise en charge Cinq patients (9 %) ont été hospitalisés d’emblée, dans deux cas en raison de comorbidités, et dans deux cas devant une suspicion de choc. Dans le dernier cas, le patient avait déjà rec¸u trois lignes d’antibiothérapie générale sans efficacité. Parmi les patients traités en ambulatoire, une antibiothérapie par voie orale a été débutée dans tous les cas, pour une durée moyenne de 10 ± 3 jours (médiane : dix jours, extrêmes : six à 21 jours). Le détail des traitements est résumé dans le Tableau 3. Sur les 16 patients ayant rec¸u une antibiothérapie sans pénicilline, un patient était allergique, dix Tableau 2 Caractéristiques cliniques des érysipèles lors de la première visite. Effectif

Pourcentage

Localisation Membre supérieur Membre inférieur Visage

6/54 45/54 3/54

11,1 83,3 5,6

Signes locaux Au moins un des signes cités Lymphangite Purpura Adénopathie satellite Bulles

41/54 24/54 16/54 16/54 6/54

76 44 30 30 11

Signes généraux Fièvre > 38 ◦ C Frissons Fièvre ou frissons

31/51 20/48 35/53

60,8 41,7 66

Portes d’entrée Dermatose Plaie Ulcère Intertrigo Autre

13/51 10/51 7/51 6/51 5/51

25 20 14 12 10

Tableau 3 Antibiothérapie initiale. Antibiothérapie initiale

Effectif

Posologie (g/j)

Durée (j)

Pristinamycine Amoxicilline-acide clavulanique Amoxicilline Oxacilline Cloxacilline Roxithromycine Acide fucidique

15 13 9 6 3 1 1

2,6 ± 0,51 3 ± 0,5 3±1 2,6 ± 0,8 2 0,3 1,5

9,86 ± 3,31 9±2 10 ± 2 13,5 ± 4,4 7,6 8 8

ne l’étaient pas, et l’information manquait pour les cinq autres. À noter qu’un patient a été traité d’emblée par une association de pristinamycine (2 g par jour) et ciprofloxacine (1 g par jour) pendant dix jours et que trois autres patients ont eu deux lignes d’antibiothérapie du fait d’une évolution jugée défavorable avec la première. Parmi les traitements associés, sept patients (13 %) ont rec¸u une anticoagulation préventive, cinq (10 %) des AINS, un (2 %) des corticoïdes, trois (6 %) des antibiotiques locaux et 11 (21 %) des antiseptiques locaux. Aucun patient n’a nécessité un traitement chirurgical. 3.5. Évolution Quarante-quatre patients ont été revus, dont 37 (84 %) étaient guéris lors de la visite de contrôle (Fig. 1). Cinq patients ont été perdus de vue. Deux patients ont dû être secondairement hospitalisés par leur médecin traitant du fait d’une inefficacité du traitement initial. Le premier, âgé de 76 ans, ne présentait pas de comorbidité mais il avait été traité antérieurement par ofloxacine 400 mg/j pour une diarrhée au retour d’un voyage au Sénégal. L’érysipèle avait été initialement traité par oxacilline 4 g/j puis devant l’apparition d’un érysipèle bulleux après 48 heures d’antibiothérapie, il avait été adressé en hospitalisation et traité par amoxicilline-acide clavulanique en intraveineux puis per os. Dans le second cas, il s’agissait d’une femme âgée de 84 ans qui présentait des comorbidités : obésité, insuffisance veineuse chronique, antécédent d’érysipèle. Elle avait été traitée par amoxicilline-acide clavulanique, 3 g/j, puis avait consulté dans une clinique pour non-amélioration des symptômes, puis traitée par voie intraveineuse par un traitement non précisé puis par cloxacilline. Les complications signalées étaient la persistance d’un œdème dans trois cas, de l’inflammation locale dans un cas, et de la porte d’entrée dans deux cas. Deux patients avaient présenté deux épisodes d’érysipèle durant l’étude. Aucun patient n’est décédé. 4. Discussion Un point très positif de ce travail a été la motivation des généralistes pour participer à notre étude, malgré leur charge de travail quotidienne, signifiant la faisabilité d’études cliniques en médecine de ville. Il faut néanmoins noter, d’une part, que les médecins sélectionnés ne reflètent pas l’ensemble des généralistes puisqu’il s’agissait pour la majorité d’entre eux de maîtres de stage, sans doute plus sensibilisés à la formation continue, et, d’autre part, que seuls 26 des 73 des médecins ayant accepté de participer ont signalé un ou plusieurs cas. L’échantillon analysé n’est donc pas représentatif de l’ensemble des érysipèles pris en charge en médecine de ville. Si l’on prend en compte l’ensemble des généralistes ayant accepté de participer, l’incidence de l’érysipèle s’élevait à 0,7 cas par médecin et par an. Mais si l’on ne retient que les 26 médecins généralistes ayant déclaré au moins un cas d’érysipèle, l’incidence était proche de deux érysipèles par médecin et par an, ce qui se rapproche de l’incidence estimée à partir des déclarations des médecins participants en début d’étude. L’enquête de pratique de Kopp et al. retrouvait un taux de 75,6 % de médecins généralistes

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Diagnostic d’ érysipèle n = 54

Hospitalisation d’ emblée n=5

Traitement ambulatoire n = 49

Visite de contrôle n = 44

Guérison n = 37

Hospitalisation secondaire n=2

Guérison incomplète n=3

Changement de traitement n=3

Perdus de vue n=5

Poursuite du traitement ambulatoire n=5

Persistance porte d’ entrée n=2

Poursuite traitement local n=1

Poursuite traitement général n=1

Fig. 1. Données évolutives et lieu de la prise en charge des 54 patients traités en médecine de ville pour érysipèle.

qui déclaraient voir de 1 à 5 érysipèles par an [6]. Les données épidémiologiques de notre étude sont concordantes avec celles de la littérature (Tableau 4), indiquant une prédominance féminine, qui pour certains, est expliquée par la fréquence plus importante chez la femme d’insuffisance veineuse et de lymphœdème. On notait une grande majorité de femmes parmi les sujets de plus de 80 ans, pouvant s’expliquer par leur espérance de vie plus élevée. La localisation préférentielle restait très majoritairement le membre inférieur. Le pic d’incidence constaté en mai–juin ne signifie pas de manière certaine une prédominance saisonnière, mais pourrait correspondre à un nombre d’inclusions plus important au début de l’étude. La survenue de récurrences, principale complication de l’érysipèle [7–9], concernait 42 % de nos patients et seulement 16 % des patients de l’étude de Bartholomeeusen et al., réalisée en médecine de ville auprès de 160 000 patients entre 1994 et 2004 [10]. Cela va à l’encontre de l’hypothèse émise par les auteurs, qui expliquaient cette diminution des récidives par rapport aux données de la littérature par le fait que leur étude avait été réalisée en ambulatoire.

Tableau 4 Données épidémiologiques de l’étude comparées à celles de la littérature. Notre étude

Littérature

Sex-ratio

0,77

0,6 à 1,3 [9,11,13] 0,53 [6]

Âge moyen

63

55 à 65 [1,6,12–19]

Prédominance saisonnière

Mai–juin

Printemps et automne [16], été [3,10,20] Pas de prédominance saisonnière [12]

Récidive

42,3 %

30 % récidive à 3 ans [1] 38 % [6] 23,5 [16] à 29 % [12] 16 % [10]

Localisation Membre supérieur Membre inférieur Visage

11,1 % 83,3 % 5,6 %

2 à 12 % [16,21,22] 85 à 90 % [16,21,22] 5 à 10 % [16,21,22]

Parmi les comorbidités prédisposant à l’érysipèle, l’insuffisance veineuse, le lymphœdème et l’intertrigo inter-orteil sont retrouvés dans la plupart des études. L’éthylisme chronique et le diabète ont été retenus par Jorup-Rönström [12] et Crickx et al. [16] comme facteurs généraux prédisposants mais ces données n’ont pas été retrouvées dans deux études cas–témoins [4,17]. Dans notre étude, la principale comorbidité générale retrouvée était le surpoids. Il faut souligner que seulement 41 % des patients ne présentaient pas de comorbidité générale. Au moment du diagnostic, les signes généraux, étaient absents chez 34 % de nos patients, et 39 % d’entre eux ne présentaient pas de fièvre, mais l’éventuelle prise d’antipyrétiques avant la consultation n’a malheureusement pas été recueillie dans notre questionnaire. Une porte d’entrée était en revanche retrouvée dans près de deux-tiers des cas, ce qui est concordant avec les données de la littérature [4,15,16]. Bien qu’aucun examen complémentaire ne soit recommandé dans la prise en charge de l’érysipèle, ceux-ci ont été prescrits dans près d’un cas sur deux. Aucun prélèvement bactériologique n’a permis d’isoler le streptocoque du groupe A. Ce résultat confirme le peu d’intérêt de tels prélèvements qui la plupart du temps sont plus des indicateurs de l’écologie de la flore bactérienne cutanée que de l’agent responsable de l’infection. Nous proposions d’utiliser le test de diagnostic rapide des angines à streptocoques, que beaucoup de médecins généralistes ont aujourd’hui dans leur cabinet, sur les lésions d’érysipèle, car il a montré dans les lésions de pyodermite une sensibilité de 94 % et une spécificité de 96 % [23]. Aucun médecin n’a utilisé ce test. Dans la littérature, les principaux critères d’hospitalisation initiale sont la présence de signes de gravité locaux ou généraux, l’âge et les comorbidités [24,25]. Dans notre étude, cinq patients (9 %) patients ont été hospitalisés initialement, deux du fait de la gravité des signes généraux, deux du fait des comorbidités et un en raison d’un échec au traitement, mais les faibles effectifs de notre étude ne permettent pas de tirer de conclusion générale concernant les critères qui conduisent les généralistes à hospitaliser leurs patients. Secondairement, 4,5 % ont été hospitalisés. Cela confirme que la prise en charge de l’érysipèle reste essentiellement ambulatoire. L’antibiothérapie choisie répondait rarement aux recommandations de la conférence de consensus. Il s’agissait majoritairement de la pristinamycine (30,6 %) et de l’amoxicilline-acide clavula-

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nique (26,5 %). L’amoxicilline n’était prescrite que dans neuf cas. Dans l’étude prospective de Kopp et al. [6], on retrouvait une prescription d’amoxicilline dans 29,3 % des cas, mais en incluant l’association amoxicilline-acide clavulanique. La pristinamycine n’est pas recommandée par la conférence de consensus en première intention dans le traitement de l’érysipèle. Néanmoins, une étude franc¸aise du Groupe d’étude franc¸ais des érysipèles a montré son efficacité en alternative à la pénicilline par voie intraveineuse chez des patients hospitalisés [26]. Dans notre étude, la durée était en moyenne de dix jours, donc plus courte que la durée recommandée, sans cas rapporté de rechute précoce à l’arrêt du traitement. Un résultat similaire a été retrouvé avec la lévofloxacine dans l’étude randomisée d’Hepburn et al. chez 121 patients, qui avait comparé le pronostic après un traitement court (cinq jours) versus un traitement long (dix jours) [27]. Cela suggère que la durée proposée par la conférence de consensus est possiblement trop longue. Par ailleurs, l’antibiothérapie était toujours administrée par voie orale et aucun praticien n’a fait le choix d’une antibiothérapie parentérale contrairement à ce qui a été préconisé dans de récentes publications [25,28]. Il a été en effet montré que l’antibiothérapie parentérale à domicile était aussi efficace, beaucoup moins onéreuse et plus acceptable pour le patient qu’un traitement hospitalier [28–30]. Elle aurait donc probablement sa place dans des recommandations réactualisées, mais ses indications précises restent à définir. De manière intéressante, le traitement de la porte d’entrée n’était jamais mentionné, et des traitements non recommandés tels que des anticoagulants et anti-inflammatoires locaux ou généraux, antibiotiques ou antiseptiques locaux, ont été prescrits à de multiples reprises. Nos données suggèrent donc une mauvaise adéquation aux recommandations du consensus pour la prise en charge des érysipèles par les médecins généralistes. Ces résultats concordent avec celles d’une étude réalisée sur la modification de la prise en charge de l’érysipèle en milieu hospitalier après la conférence de consensus de 2000 [31] indiquant l’absence d’évolution des pratiques hospitalières surtout en matière de traitement antibiotique, 35 % des schémas thérapeutiques étant non recommandés. On notait, en revanche, une tendance à une moindre utilisation des anticoagulants et un moindre recours aux examens complémentaires. Les auteurs expliquaient le faible impact de la conférence de consensus par le manque d’études de qualité permettant de justifier certaines recommandations, et par la diffusion insuffisante des recommandations. Par opposition, une étude réalisée après la conférence de consensus sur la prise en charge du mélanome, a montré un impact beaucoup plus important des recommandations, peut-être en raison de l’implication quasi exclusive des dermatologues dans cette pathologie, et donc de la possibilité d’un message plus ciblé [32]. Cependant, si dans notre étude les recommandations étaient manifestement mal suivies, le pronostic restait très favorable, avec un taux de guérison de 84 % à la visite de contrôle. Ce résultat rejoint celui d’une étude pratiquée sur la prise en charge des pneumopathies communautaires par les médecins généralistes où le pronostic restait globalement favorable malgré un mauvais suivi des recommandations [33]. Ces résultats soulèvent la question de l’adéquation des messages de la littérature aux pratiques de ville et des mesures à prendre afin d’améliorer la diffusion de l’information médicale auprès des médecins généralistes.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements Liste des médecins généralistes ayant participé à l’étude : • maîtres de stage de la faculté Saint-Antoine : Dr Bitoun, Dr Bourlier, Dr Bozon-Gonnet, Dr Castanedo, Dr Chabbert, Dr Chevalier, Dr Dubedout, Dr Elbaz, Dr Elkaim, Dr Faure, Dr Francoz, Dr Guth, Dr Jordan-Deneux, Dr Kichelewski, Dr Lachkar, Dr Letien, Dr Marmie, Dr Mauri, Dr Mondrzak, Dr Nadaud, Dr Pigneur, Dr Quincy, Dr Radenne, Dr Smadja, Dr Taieb, Dr Talbot, Dr Taravella, Dr Thebault, Dr Tirmarche ; • maîtres de stage de la faculté Bichat : Dr Assoun, Dr Aubert, Dr Aubin, Dr Bacle, Dr Bigini, Dr Birembaux, Dr Brasseur, Dr Coblentz, Dr Cressiot, Dr Duchon, Dr Eddi, Dr Frilay, Dr Hess, Dr Huas, Dr Jaber, Dr Lalande, Dr Lanque, Dr Lepoutre, Dr Lucas-Couturier, Dr Mazars, Dr Millet, Dr Moula, Dr Nougairede, Dr Rabany, Dr Ratjczak, Dr Tranape, Dr Vellieux, Dr Wakim, Dr Zerr ; • membres de l’Association des médecins généralistes de Clichy : Dr Bensaid, Dr Bourragué, Dr Colas, Dr Dacunha-Loubies, Dr Fitoussi, Dr Simon, Dr King, Dr Lambourion, Dr Meyer, Dr Nameche, Dr Neveu, Dr Nouvian, Dr Prigent, Dr Roskis, Dr Schwartz, Dr Vidal.

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