Quatrième réunion sur les déficits en C1 inhibiteur

Quatrième réunion sur les déficits en C1 inhibiteur

La revue de médecine interne 26 (2005) 1000–1003 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Quatrième réunion sur les déficits en C1 inhibiteur « C1 ...

99KB Sizes 0 Downloads 49 Views

La revue de médecine interne 26 (2005) 1000–1003 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Quatrième réunion sur les déficits en C1 inhibiteur

« C1 Inhibitor deficiency workshop » (Budapest, 29 April–1 May 2005)

Pour cette quatrième réunion, c’est la belle ville de Budapest en Hongrie qui a été choisie. Cette réunion a permis la rencontre des cliniciens et des biologistes spécialistes des angioedèmes bradykiniques associés au déficit en C1Inh. Le meeting a été marqué par l’arrivée de nouvelles thérapeutiques qui sont toutes au moins en essai de phase II et qui devraient bientôt être accessibles en France.

1. Aspects génétiques 1.1. L’équipe de Milan rapporte l’analyse génétique de 179 familles (Cicardi, Italie) Cent trente-deux mutations différentes ont été mises en évidence. Les italiens se sont intéressés aux mutations faux sens qui affectent le mécanisme d’insertion de la boucle du C1Inh : quatre mutations ont été identifiées et clonées dans le vecteur d’expression pichia pastoris afin de caractériser les protéines mutantes dont plusieurs ont un fort potentiel de polymérisation. On sait l’effet délétère de la polymérisation des serpines dans certaines maladies (maladies d’Alzheimer, de Parkinson...) et l’étude de ces mutants pourra aider à mieux comprendre le rôle de ces protéines. 1.2. Expression cellulaire variable d’une mutation du C1Inh (C. Drouet, Grenoble) L’équipe grenobloise a analysé le transcrit associé à une nouvelle mutation ponctuelle dans l’intron 2. L’analyse des monocytes des patients porteurs de cette mutation montre qu’ils synthétisent C1Inh en quantité comparable à celle des monocytes témoins alors que les monocytes issus de patients ayant une mutation par délétion de l’exon 4 ont une synthèse à taux faible. En conclusion, cette mutation sur l’intron 2 a un impact différent selon la cellule : la synthèse hépatique en est affectée, mais celle des monocytes n’est pas altérée. Cette observation et sans doute d’autres dans l’avenir pourront expliquer certaines variations phénotypiques.

une histoire d’angioedème typique associé à de faibles niveaux fonctionnels et antigéniques de C1Inh. Il n’y a pas d’histoire familiale d’angioedème et le dosage de C1Inh est strictement normal chez les parents (paternité confirmée par étude de l’ADN). L’analyse du gène codant pour C1Inh par DHPLC chez les deux enfants met en évidence une mutation absente chez les parents. Il s’agit de la même mutation chez les deux enfants (mutation non sens donnant un codon stop et une protéine plus courte de 302 AA).L’origine maternelle germinale fut montrée par « linkage ». 1.4. Premières hypothèses pour expliquer les différences phénotypiques de l’OANH (Cicardi, Italie) L’expression phénotypique de la maladie est très variable en interfamilial mais aussi en intrafamilial. L’équipe italienne a étudié les gènes du C1Inh, du facteur XII et de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE) chez 135 patients répartis en trois groupes selon la sévérité clinique de leur pathologie (sévère, modérée, minime). Il n’y a pas de différences selon le type de mutation du C1Inh. Le polymorphisme C/C du gène codant pour le facteur XII est associé à un haut niveau de transcription de la protéine et il existe une corrélation inverse avec la sévérité de la maladie. Le polymorphisme del du gène codant pour l’ACE est aussi associé à un haut niveau de transcription et est moins fréquent dans le groupe sévère. Ces premiers résultats ouvrent de nouveaux espoirs pour une meilleure compréhension de l’expression pathologique de l’OANH (œdème angioneurotique héréditaire). 1.5. Base de données européenne des mutations génétiques (http://hae.biomembrane.hu) (Tordai, Hongrie) Cette base de données a été mise en place dans le cadre du registre européen sur l’OANH. Il comporte une partie en libre accès de consultations des différentes mutations rapportées par les différents pays européens et par ailleurs, une partie réservée aux référents de chaque pays européen accessible par code d’accès uniquement. Les mutations sont classées en deux types : mutations importantes concernant des fragments d’ADN de plus 1 kb et les mutations plus discrètes. Des informations sont collectées pour chaque mutation : conséquence moléculaire, exon affecté, histoire clinique etc. 2. Actualités biologiques

1.3. Premier cas de mosaïsme germinal (Perricone, Italie)

2.1. Propriétés anti-inflammatoires du C1Inh (A.E. Davis, États-Unis)

Un cas de mosaïsme germinal chez deux enfants de la même famille est rapporté par cette équipe. Ces enfants ont

Le C1Inh est un inhibiteur de protéases à sérine (C1 s, facteur XII, ...) : c’est une serpine dont le site de liaison avec

L. Bouillet / La revue de médecine interne 26 (2005) 1000–1003

ses protéases cibles est bien connu. C1Inh a des propriétés anti-inflammatoires qui semblent être indépendantes de ce site. Le C1Inh normal et le C1Inh inactif au niveau de sa fonction serpine protégent dans les deux cas une souris d’une toxémie à gram négatif. Les deux formes bloquent le LPS en l’empêchant de se fixer sur les macrophages et ils inhibent l’expression de l’ARNm du TNFa normalement induit par le LPS. La liaison du C1Inh avec le LPS est supprimée en cas de délétion au niveau de la partie N-terminale du domaine non serpine de C1Inh. Le deuxième potentiel anti-inflammatoire du C1Inh vient aussi de sa propriété de réagir avec les molécules d’adhésion de type sélectine. Le C1Inh plasmatique se lie aux P et E sélectines ; il supprime l’adhésion endothéliale des leucocytes et leur migration dans les tissus. Cette propriété est aussi indépendante du site serpine du C1inh. Le C1Inh déglycosylé dans sa partie N-terminale perd cette capacité. 2.2. Influence de la prophylaxie androgénique sur le métabolisme des kinines (C. Drouet, L. Bouillet, Pr A. Adams, Grenoble et Canada) L’aminopeptidase P (APP) est une enzyme de dégradation clé des kinines qui sont les médiateurs clés de la crise d’angioedème. L’activité plasmatique de cette enzyme a été mesurée chez 163 patients ayant un OANH et 119 témoins. L’activité de l’APP est nettement diminuée chez les patients ayant un OANH sans prophylaxie par rapport aux témoins ; en revanche, l’activité est fortement élevée en cas de prophylaxie par androgène par rapport à ceux qui n’en n’ont pas. L’APP et donc le métabolisme des kinines semblent être au cœur de la physiopathogénèse de l’OAN. 2.3. Rôle de la voie des lectines dans l’OANH (Varga, Hongrie) Les voies classique (VC), alterne (VA) et des lectines (VL) du complément ont été explorées chez 96 patients ayant un OANH et 30 contrôles. Le gène de la MBL était en même temps étudié par PCR. L’activité de la VL était diminuée uniquement chez les malades homozygotes pour le gène normal de la MBL. Chez les patients, l’activité de la VC était corrélée avec celle de la VL mais non avec la VA. La VC et la VL étaient corrélées avec le taux de C4 et le taux pondéral et fonctionnel du C1Inh. Chez les patients ayant une maladie sévère, l’activité de la VC et de la VA était nettement plus élevée. Les patients sous danazol avaient une activité plus élevée de la VL et de la VC. 2.4. Dosage du C4 chez les patients ayant un OANH (Bilo ; Pologne) Le dosage de C4 a été réalisé chez 92 patients (N = 0,1– 0,4 g/l). Le taux moyen au moment du diagnostic est de 0,076 g/l chez les patients symptomatiques et de 0,11 g/l chez les patients asymptomatiques. Dans 23 % des cas, le taux de

1001

C4 est supérieur à 0,1 g/l et dans 7,6 % des cas, il est même supérieur à 0,15 g/l. Il n’existe pas de relation entre le taux de C4 et la fréquence des crises. Le taux de C4 est significativement plus élevé chez les patients prenant des androgènes. Il existe une corrélation entre le taux de C4 et le taux pondéral et fonctionnel du C1Inh. La conclusion importante à retenir de ce rapport est que le dépistage des patients atteints d’OANH ne doit pas se contenter d’un simple dosage du C4 mais comprendre d’emblée un dosage pondéral et fonctionnel du C1Inh.

3. Aspects cliniques 3.1. Les soins dentaires (Caballero, Espagne) Les auteurs rapportent leur expérience de 16 soins dentaires réalisés chez des patients ayant un OANH. Quatorze de ces patients ont reçu ces soins au cabinet dentaire comme pour n’importe quel autre patient. Tous les soins (ablation de dents de sagesse, abcès dentaires, kystes dentaires, soins de caries) ont eu lieu sous anesthésie locale. Tous les soins ont eu lieu après prophylaxie avec le concentré de C1Inh (Bérinert®), associée dans quatre cas à une majoration de la dose habituelle d’androgènes. Aucune attaque n’a été rapportée au moment du geste et dans les jours qui ont suivi. 3.2. Intérêt de l’échographie abdominale dans la prise en charge des OANH (Caballero, Espagne) Deux indications principales : • suivi des patients sous androgènes : sur 29 patients sous androgènes, dix ont une anomalie hépatique révélée par l’échographie abdominale (trois angiomes, cinq stéatoses, un kyste hépatique, et un cas d’hypertension portale) ; • diagnostic d’une crise abdominale : dix patients ont bénéficié d’une échographie abdominale lors d’une crise abdominale ; dans sept cas une ascite et un œdème digestif ont été mis en évidence.

4. Aspects thérapeutiques 4.1. Impact du danazol sur le profil lipidique (Farkas, Hongrie) Trente-sept patients prenant du danazol en traitement prophylactique continu ont été explorés au niveau de leur bilan lipidique ainsi que 27 patients ne prenant pas de traitement et 66 personnes ne présentant pas d’OANH. Les taux d’HDL et d’apo A1 étaient significativement plus bas chez les OANH traités que chez les deux groupes de témoins. Les taux de LDL et d’apo B100 étaient quant à eux plus élevés. Il n’y avait pas d’autres différences : les taux de cholestérol totaux et de triglycérides étaient identiques.

1002

L. Bouillet / La revue de médecine interne 26 (2005) 1000–1003

4.2. Concentré de C1Inh issus de dérivés sanguins (Bérinert®, laboratoire Berhing) 4.2.1. Paramètres pharmacocinétiques du Bérinert chez 40 OANH (Kreuz, Allemagne) L’administration du Bérinert® a eu lieu en dehors de toute attaque dans le cadre de prophylaxie. La concentration maximale de C1Inh est atteinte en 1,3 ± 2,1 heures ; la demi-vie est de 33,3 ± 19,8 heures. Le temps moyen d’élimination est de 48 ± 28,5 heures. Les enfants ont tendance à avoir une demi-vie un peu plus longue. Ces données expliquent bien la rapidité d’action du Bérinert® en cas de crise et la nécessité de perfuser le Bérinert® tous les deux à cinq jours en cas de traitement prophylactique au long cours. 4.2.2. Traitement des crises abdominales (Bork, Allemange) Entre 1976 et 2003, 75 patients ayant des attaques abdominales ont été suivis ; 4834 attaques ont été traitées par concentré de C1Inh et 14 721 ne l’ont pas été. En deux heures la douleur, avait disparu chez 92 % des patients traités. La durée moyenne des attaques traitées était de 33,4 heures, soit trois fois moins longues que sans traitement (93,8 heures sans Bérinert®). 4.2.3. Évaluation de 1102 perfusions de concentré de C1Inh administrées pour le traitement d’une attaque chez 157 patients italiens (Cicardi, Italie)

5. Nouveautés thérapeutiques 5.1. L’antagoniste du récepteur de la bradykinine : l’icatibant (Jerini, Berlin) La bradykinine est sans doute le médiateur clé du déclenchement des crises d’OAN. Dans le modèle animal de l’OANH (souris knock-out pour le C1Inh), l’antagoniste du récepteur B2 de la bradykinine est efficace. 5.2. Profil pharmacocinétique de l’icatibant (B. Rosenkranz, A.G. Jerini, Allemagne) : résultats de deux études de phase I Les études ont été réalisées chez 18 hommes sains. Lors de l’administration en IV, l’icatibant a une demi-vie de deux à quatre heures. Les doses élevées (plus de 1,6 mg/kg) sont bien tolérées. En cas d’administration sous cutané (dose de 0,4 mg/kg sur 30 minutes), l’absorption est reproductible, complète et rapide : tmax de 0,6 heure, biodisponibilité de 92 %. Il n’y a pas d’effets secondaires sévères rapportés. Résultats d’une étude ouverte (Pr K. Bork, Allemagne) : vingt attaques chez 15 patients ont été traitées par l’icatibant en i.v. et en sous cutané. Le traitement fut débuté moins de dix heures après le début des crises. Chaque crise était comparée avec les crises antérieures de chaque malade. La durée des crises traitées par icatibant était nettement diminuée. Il n’y a pas eu d’effets secondaires sévères rapportés. 5.3. L’antagoniste de la kallikréine : DX-88 (DYAX)

La population était composée de 149 formes héréditaires et de huit formes acquises. La dose allait de 500 à 2000 U pour les formes héréditaires et de 1000 à 12 000 U pour les formes acquises. Lors des 431 attaques laryngées traitées, le temps de réponse était de 30 à 60 minutes dans 98 % des cas. Pour les 475 attaques abdominales, il était de moins d’une heure dans 99 % des cas. Pour les formes acquises, trois patients ont vu leur réponse au traitement progressivement diminuer au fil des perfusions et ont eu besoin de quantités plus importantes de C1Inh. Aucun cas de transmission virale n’a été rapporté.

Il s’agit d’un inhibiteur recombinant très spécifique de la kallikréine (protéine de la phase contact de la coagulation impliquée dans la genèse des attaques).

4.2.4. Étude comparative prospective comparant un traitement continu par danazol et par concentré de C1Inh (Klingebiel, Allemagne) Il s’agit d’une étude prospective en cross over comparant chez 25 patients l’efficacité d’un traitement prophylactique par danazol et d’un traitement prophylactique par concentré de C1Inh (une perfusion tous les cinq jour). La qualité de vie était améliorée et la fréquence des attaques était diminuée dans le groupe Bérinert® Aucune crise laryngée n’était rapportée dans ce groupe. Le taux moyen d’hospitalisation dans le groupe danazol était de 15,3 ± 22,9 jours contre 0 dans le groupe Bérinert®.

5.5. Résultats de l’étude EDEMA1 (Zuraw, États-Unis)

5.4. Résultats de l’étude EDEMA0 (Cicardi, Italie) EDEMA0 est une étude ouverte de phase II européenne multicentrique ; elle évalue l’efficacité du DX-88 administré par voie intraveineuse lors de crises périphériques et/ou abdominales. Les neuf patients traités voient leur crise s’améliorer en moins de quatre heures après la perfusion (temps moyen de 81,8 minutes).

Il s’agit d’une étude randomisée en double insu contre placebo pour évaluer la dose optimale du produit, son efficacité et sa sûreté dans le traitement des crises d’OAN. Quarantehuit patients ont été randomisés en quatre groupes avec des doses différentes du produit et comparés aux patients d’un groupe placebo (huit). Dans les quatre heures qui suivent l’injection du produit, 72,5 % des patients traités avec le DX-88 voient leur œdème s’améliorer contre 25 % dans le groupe placebo. Il n’y a pas d’effet dose-dépendant. La réponse est obtenue quel que soit le type d’OAN (crise abdo-

L. Bouillet / La revue de médecine interne 26 (2005) 1000–1003

minale, œdème périphérique, œdème laryngé). Le temps moyen de réponse est de 70 contre 246 minutes dans le groupe placebo. La tolérance était équivalente dans tous les groupes y compris celui du placebo. Il n’y a pas eu d’apparition d’anticorps anti-DX-88. 5.6. Résultats intermédiaires de l’étude EDEMA2 (Craig, États-Unis) C’est une étude ouverte multicentrique américaine et canadienne qui évalue l’efficacité et la sûreté de doses répétées de DX-88 en perfusion de dix minutes sur 61 attaques survenues chez 34 patients depuis novembre 2004. Elles ont été traitées avec des doses de 5, 10, et 20 mg/m2. Le taux de réponse au DX-88 est comparable quelle que soit la dose mais la dose de 5 mg/m2 est suivie de plus de rechutes (25 vs 3 %). Le temps moyen de réponse clinique est de 35 minutes. Il n’y a pas eu d’effets secondaires sérieux rapportés. 5.7. Le C1Inh recombinant (Pharming) Cette protéine recombinante est issue de lait de lapines transgéniques (pureté supérieure à 99,98 %). L’étude de phase I effectuée chez des sujets asymptomatiques ayant un OANH montre que l’administration IV de cette protéine à la dose de 100 U/kg permet d’obtenir un taux plasmatique supérieur à

1003

0,4 U/ml pendant au moins neuf heures avec élévation du taux plasmatique de C4. Une étude ouverte de phase II a étudié l’efficacité et la sûreté du produit à la même dose lors du traitement d’attaque. La durée des attaques était comparée avec celle que présentaient auparavant les patients : habituellement, les crises non traitées commençaient à s’améliorer au bout d’une à huit heures pour les crises abdominales et de 24 heures pour les œdèmes périphériques. Lorsque les patients sont traités par le C1Inh recombinant, l’amélioration survient entre 15 minutes et quatre heures. Il n’y a pas eu de rechute après la perfusion ni d’effets secondaires graves rapportés. L. Bouillet Service de médecine interne, département pluridisciplinaire de médecine, CHU de Grenoble, BP217, 38043 Grenoble cedex 09, France Adresse e-mail : [email protected] (L. Bouillet). Accepté le 5 septembre 2005 Disponible sur internet le 29 septembre 2005 doi:10.1016/j.revmed.2005.09.002