Bull Cancer 2016; 103: 921–927
Radiothérapie des enfants de moins de cinq ans : peut-on limiter les anesthésies itératives par les rituels et l'hypnose ?
Article original
en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com
Line Claude 1, Magali Morelle 2, Sandrine Mancini 1, Anita Duncan 4, Henri Sebban 3, Christian Carrie 1, Perrine Marec-Berard 4
Reçu le 30 juin 2016 Accepté le 12 septembre 2016 Disponible sur internet le : 11 novembre 2016
1. Centre Léon-Bérard, département de radiothérapie, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France 2. Université de Lyon, centre Léon-Bérard, direction de la recherche clinique et de l'innovation (DRCI), GATE-UMR 5824-CNRSFrance, 28, prom. Léa-et-NapoléonBullukian, 69008 Lyon, France 3. Centre Léon-Bérard, département d'anesthésie, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France 4. Institut d'hémato-oncologie pédiatrique, département d'oncologie pédiatrique, 1, place Professeur-Joseph-Renaut, 69008 Lyon, France
Correspondance : Line Claude, centre Léon-Bérard, département de radiothérapie, 28, rue Laennec, 69008 Lyon, France.
[email protected]
Résumé Introduction > Le recours à des anesthésies générales (AG) itératives est fréquent chez les jeunes enfants pendant la radiothérapie (RT). L'objectif de cette étude est d'évaluer la place des rituels et de l'hypnose dans un centre de référence de radiothérapie pédiatrique en Rhône-Alpes Auvergne. Méthodes > Des données sur la réalisation d'AG ont été recueillies rétrospectivement à partir des dossiers de tous les enfants de moins de 5 ans pris en charge pour une RT curative entre 2003 et 2014 au centre Léon-Bérard, Lyon. Deux périodes ont été identifiées, avant et après 2008, période de mise en place progressive de rituels d'accompagnement puis d'hypnose. L'analyse des facteurs explicatifs du recours à l'AG a été réalisée à l'aide d'une régression logistique. Résultats > Cent trente-deux enfants ont été irradiés pendant cette période (70 patients jusqu'à 2008, 62 après 2008) et inclus dans l'analyse. Cinquante-trois pour cent ont été traités sous AG. La probabilité de réaliser une AG était significativement différente selon la période (p < 0,1) mais pas selon la technique de RT utilisée. Les enfants les plus âgés et traités pour des localisations hors abdomen avaient significativement moins besoin de recours aux AG (p < 0,01). Conclusion > La mise en place de procédures systématiques d'accompagnement permet de limiter les AG, indépendamment du type de technique de RT délivrée. Les techniques d'accompagnement peuvent être une excellente alternative aux AG itératives, pour l'enfant, ses parents et pour l'institution.
tome 103 > n811 > novembre 2016 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2016.09.012 © 2016 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Mots clés Pédiatrie Radiothérapie Hypnose Anesthésie générale
Article original
L. Claude, M. Morelle, S. Mancini, A. Duncan, H. Sebban, C. Carrie, et al.
Keywords Pediatric Radiotherapy Hypnosis General anesthesia
Summary Use of hypnosis in radiotherapy as an alternative to general anesthesia in pediatric radiation oncology Background > General anesthesia (GA) is often needed for radiotherapy (RT) in young children. This study aimed to evaluate the place of the rituals and/or hypnosis in pediatric in a reference center in pediatric radiation oncology in Rhône-Alpes Auvergne. Methods > This observational study retrospectively collected data on AG in children < 5 years treated by RT in Leon-Berard regional center, Lyon, France between 2003 and 2014. Two-time periods, before and after 2008 have been compared, the second one introducing accompaniment methods such as hypnosis systematically. Explanatory analyses of AG were performed using logistic regression. Results > One hundred and thirty-two children benefited from RT in that period and were included (70 patients until 2008, 62 after 2008). Fifty-three percent were irradiated under GA. There was significant reduction (P < 0.1) in the use of GA after 2008. The use of GA was not significantly associated with the RT techniques. The patients more likely to undergo RT without GA were the oldest and the patients treated for abdominal lesions (P < 0.01). Discussion > The study confirms that rituals and hypnosis can be used instead of GA in about half of patients under 5 years, even also with high-technicity RT requiring optimal immobilization.
Introduction
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De plus en plus d'indications de radiothérapie (RT) sont retenues chez les jeunes enfants, en raison des techniques de hautes précisions (radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité [RCMI], radiothérapie en conditions stéréotaxiques, protonthérapie. . .) qui permettent de réduire les risques de complications au long cours. L'immobilité des enfants est cruciale, en particulier pour la radiothérapie de haute technicité, en raison de marges de repositionnement très limitées. Elle n'est pas toujours possible à obtenir avec la seule compliance de l'enfant, et les anesthésies générales (AG) itératives sont donc fréquemment utilisées pour les jeunes patients (< 5 ans), et sont quasiment systématiques chez les enfants de moins de 3 ans. Elles présentent toutefois plusieurs inconvénients majeurs. À titre individuel, le risque anesthésique répété est faible mais présent, évalué à 0,01–3,5 % de complications dans une récente étude [1]. L'utilisation d'agents habituellement utilisés actuellement (propofol ou anesthésiques volatils) expose principalement à des risques respiratoires (bronchospasmes, obstruction des voies aériennes, dé-saturation, apnée. . .) ou cardiaques (troubles du rythme, hypotension. . .) et à des nausées et vomissements. Par ailleurs, les infections sur voie veineuse centrale sont décrites jusqu'à 20 % des cas [1,2]. Les conséquences éventuelles au long cours, en particulier au niveau neurologique, sont enfin mal connues pour ces enfants [3]. Par ailleurs, ces AG quotidiennes sont souvent vécues comme anxiogènes pour les parents. Enfin, pour le département de radiothérapie, les AG itératives sont chronophages, nécessitent un plateau technique adapté et une organisation optimale avec le département d'anesthésie,
impliquant une limitation du nombre d'enfants traités quotidiennement et donc des délais de prise en charge parfois allongés [4]. Le coût pour les établissements qui pratiquent la RT sous AG est, de plus, important en France, en raison d'une absence actuelle de reconnaissance de ces actes d'AG aux yeux de l'assurance maladie. Pour toutes ces raisons, la mise en place de techniques alternatives aux AG est souvent développée au sein des services de RT pédiatriques. La distraction et l'hypnose ont démontré leur efficacité en pédiatrie dans la prévention de la douleur induite par des gestes invasifs [5]. En revanche, l'évaluation de ces alternatives à l'AG en RT pédiatrique est quasiment inexistante dans la littérature en dehors de quelques études de taille limitée mais encourageantes [6–8]. Cet article propose une évaluation rétrospective de l'utilisation des rituels d'accompagnement et de l'hypnose en RT pédiatrique entre 2003 et 2014 chez les enfants de moins de 5 ans dans un département de radiothérapie pédiatrique avec une forte activité.
Patients et méthodes Contexte du département de radiothérapie pédiatrique Le centre Léon-Bérard est le centre de référence de radiothérapie pédiatrique en Rhône-Alpes Auvergne. Environ 100 enfants sont traités en radiothérapie annuellement en moyenne dans ce département, dont environ 15 % de moins de 5 ans. Des rituels d'accompagnement puis l'hypnose ont été mis en place progressivement à partir de 2008. Ainsi, la mise en place systématique de rituels durant le scanner dosimétrique et les séances (musique à écouter, histoires lues durant les séances,
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Encadre 1 Récit de quelques expériences de traitement positives. Observation no 1 Contexte clinique : garçon de 4 ans et demi, traité pour un médulloblastome de haut risque pour lequel une irradiation cranio-spinale est indiquée. L'enfant présente des troubles du comportement préalables à la pathologie cancéreuse (il frappe sa mère, réagit violemment aux contrariétés). Les imageries préalables ont été réalisées sous AG (IRM) ou sédation (ponction lombaire, scanners. . .). Lors de la première consultation, l'enfant est inapprochable, et on constate un épuisement maternel. Le père est absent. L'indication d'irradiation cranio-spinale a été portée en réunion de concertation pluridisciplinaire. Des AG sont nécessaires mais rendues complexes du fait de la nécessité d'un décubitus ventral pour les séances. La radiothérapie débute finalement en décubitus dorsal sous AG. Les réveils sont difficiles avec un enfant violent envers le personnel. Proposition thérapeutique : après plusieurs AG, on propose des séances d'hypnose en accord avec la maman et l'enfant. Un script basé sur Spiderman est préparé en fonction des goûts de l'enfant. Les 3 premiers jours sont difficiles, mais les séances deviennent réalisables dans de bonnes conditions, car il adhère aux histoires et au scénario qui lui est proposé. Au bout de 5 séances, il n'a plus besoin d'hypnose. Il est beaucoup plus calme et la coopération est meilleure. Lui-même s'invente et répète le scénario et les histoires dès qu'il arrive pour sa séance. Les 5 semaines de traitement suivantes se déroulent sans aucune sédation.
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Encadre 2 Récit de quelques expériences de traitement positives. Observation no 2 Contexte clinique : fillette de 2 ans et demi, traitée pour un néphroblastome pour lequel une indication de radiothérapie du flanc est indiquée. L'AG n'est pas possible dans le centre où elle est traitée et l'enfant nous est adressée pour prise en charge. Sa mère, enceinte de 8 mois, est opposée à l'idée que sa fille reçoive des AG itératives. Proposition thérapeutique : nous lui proposons des séances d'hypnose. L'enfant est turbulent à la consultation mais manifestement réceptif au discours, aux histoires, à l'humour adapté à son âge. Le scanner dosimétrique et la première séance sont réalisés sous AG par précaution. À partir de la deuxième séance, des séances de distraction sont proposées, à l'aide de jeux de doudous et d'histoires contées au micro. La mère est aidante en début de séance mais sort rapidement de la salle. La durée de séance est de 30 minutes au départ, mais est réduite à 10 minutes au bout de quelques jours. La distraction et l'hypnose ont été nécessaires les premiers jours, puis sont devenues non nécessaires ensuite car l'enfant était suffisamment en confiance. La suite du traitement a pu se dérouler sans AG ni sédation.
Analyse statistique Les analyses statistiques ont été réalisées à l'aide du logiciel SAS (version 9.4, SAS Institute, Inc., Cary, NC, États-Unis). Après avoir présenté les caractéristiques de l'échantillon à l'aide de statistiques descriptives, les déterminants de la réalisation d'une AG parmi les caractéristiques du patient (âge, sexe), de son irradiation (localisation, technique utilisée), et de la période (jusqu'à/ après 2008) à l'aide d'une analyse univariée ont été recherchés. Une analyse multivariée (modèle logistique) a ensuite été réalisée, afin d'avoir un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » permettant de cerner l'influence propre de chacun des facteurs.
Résultats Caractéristiques de la population Le tableau I résume les caractéristiques de la population globale. Cent trente-deux enfants de moins de 5 ans ont été traités entre 2003 et 2014 (70 avant 2008 et 62 après 2008). L'âge médian de la population globale était de 3,3 ans. Cinquante-six pour cent de garçons ont été traités. Les localisations irradiées concernaient principalement l'abdomen (49,2 %) et le crâne (38,6 %). Il n'y avait pas de différence significative en ce qui concerne les caractéristiques de la population entre les deux périodes de l'étude. En revanche, les techniques d'irradiation utilisées ont été très significativement différentes entre les deux périodes (p < 0,001), les techniques étant plus souvent de haute technicité (RCMI principalement) après 2008.
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accompagnements de doudous, confections de « cocons » avec couvertures douces, calendriers avec « smiley » quotidiens. . .), a été proposée progressivement à tous les patients de moins de 5 ans depuis 2008. Ces démarches se font toujours en accord et aussi souvent que possible en collaboration avec les parents. Cette procédure a inclus un accompagnement humain renforcé (durée de consultation initiale plus longue, visite systématique du service, identification de personnel dédié à la pédiatrie parmi les manipulateurs. . .), un investissement matériel (salle d'attente dédiée aux enfants, bande dessinée et films dédiés explicatifs. . .). À partir de 2011, l'hypnose plus formelle a également été proposée en complément. L'équipe a bénéficié d'une formation spécifique : 2 médecins radiothérapeutes dont 1 orienté en pédiatrie et progressivement jusqu'à 10 manipulateurs sur les 43 travaillant dans le département. Lors de la première consultation avec le radiothérapeute, les enfants sont identifiés comme potentiellement candidats à la prise en charge hypnotique plutôt que sous AG. La mise en place des rituels et/ ou de l'hypnose est systématiquement discutée avec la famille et la mise en œuvre a lieu directement au poste, lors du scanner dosimétrique d'abord, puis lors des séances. Des vignettes cliniques illustreront l'intérêt de la mise en place des rituels d'accompagnement et de l'hypnose chez deux jeunes enfants (encadrés 1 et 2).
Article original
Radiothérapie des enfants de moins de cinq ans : peut-on limiter les anesthésies itératives par les rituels et l'hypnose ?
Article original
L. Claude, M. Morelle, S. Mancini, A. Duncan, H. Sebban, C. Carrie, et al.
TABLEAU I Caractéristiques de la population étudiée 2003–2008 n = 70
2009–2014 n = 62
0,430
Âge Moins de 3 ans
26 (37,14 %)
30 (48,39 %)
56 (42,42 %)
3–5 ans
44 (62,86 %)
32 (51,61 %)
76 (57,58 %)
Moyenne (écart-type) Médiane (min–max)
3,31 (1,13)
3,13 (1,19)
3,22 (1,19)
3,44 (0,96–5,12)
3,17 (0,39–5,05)
3,34 (0,39–5,12) 0,537
Sexe Garçon
41 (58,6 %)
33 (53,2 %)
74 (56,1 %)
Fille
29 (41,4 %)
29 (46,8 %)
58 (43,9 %) 0,330
Localisation Abdomen
36 (51,4 %)
29 (46,8 %)
65 (49,2 %)
Crâne
24 (34,3 %)
27 (43,5 %)
51 (38,6 %)
TBI
5 (7,1 %)
3 (4,8 %)
8 (6,1 %)
Thorax
1 (1,4 %)
0 (0 %)
1 (0,8 %)
Autre
4 (5,7 %)
3 (4,8 %)
7 (5,3 %) < 0,001***
Technique de radiothérapie
***
Conformationnelle
58 (82,9 %)
35 (56,5 %)
93 (70,5 %)
Haute technicité
12 (17,1 %)
27 (43,5 %)
39 (29,5 %)
p < 0,01.
Facteurs prédictifs de la nécessité des AG Cinquante-trois pour cent (n = 70) des enfants ont été traités sous AG sur l'ensemble de la période. Les résultats de l'analyse univariée des facteurs prédictifs du besoin d'AG sont présentés dans le tableau II. L'âge jeune et le site (irradiation abdominale) sont des facteurs impliquant significativement plus d'AG. L'âge médian sous AG était de 2,6 ans versus 4,1 ans sans AG (p < 0,001). Un total de 64,3 % des patients irradiés sous AG présentaient une localisation abdominale, contre 32,3 % sans AG (p < 0,001). Cinquante-sept pour cent ont été irradiés sous AG avant 2008 contre 48 % après 2008 (p = 0,314). En analyse multivariée (tableau III), l'âge (p < 0,0001) et le site abdominal (p = 0,0037) restent des facteurs prédictifs indépendants de la nécessité de mettre en place une AG. La période était également associée à la mise en place d'AG au seuil de 10 % (p = 0,0798). En revanche, ni le sexe (p = 0,7591), ni la technique en elle-même (p = 0,1967) ne sont des facteurs prédictifs de la nécessité d'AG.
Discussion L'hypnose et plus généralement la mise en place de techniques de distraction, sont de plus en plus largement utilisées, en particulier en pédiatrie. L'intérêt est démontré dans la prise en charge de la douleur et de l'anxiété, en complément des
924
Valeur de p
Total n = 132
antalgiques, pour des gestes douloureux notamment (ponctions, biopsies. . .) [5]. Les techniques utilisées varient selon l'âge mais reposent toutes sur un principe de détournement de l'attention de l'enfant. Avant 2 ans, beaucoup de stratégies usuelles sont de nature « hypnotique » et utilisent les bercements, les caresses, le chant. À l'âge verbal (2–4 ans), les histoires, l'allusion à des activités favorites, les mimes à travers des poupées ou des doudous sont particulièrement adaptées. En âge pré-scolaire (4–7 ans), les scénarios faisant référence à un endroit apprécié de l'enfant, aux animaux de compagnie, au sport favori, à des références télévisées ou à des héros variés permettent un détournement souvent aisé de l'attention de l'enfant. La radiothérapie paraît d'autant plus une bonne candidate à l'utilisation des techniques hypnotiques que les séances sont anxiogènes (enfant seul dans une salle, contention, bruits. . .) mais non douloureuses. Chez l'adulte, Stalpers et al. ont rapporté un impact positif en bien-être de l'hypnose durant la radiothérapie sur une large série randomisée de 69 patients [9]. Li et al. ont par ailleurs montré sur une petite série de 6 patients adultes l'intérêt de l'hypnose sur l'amélioration de la régularité du cycle respiratoire, avec un intérêt potentiel dans les tumeurs thoraciques [10]. L'objectif de cette étude rétrospective était d'évaluer l'intérêt de l'utilisation des rituels et de l'hypnose pour limiter les AG itératives en radiothérapie chez les
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TABLEAU II Analyse univariée des facteurs prédictif d'anesthésie générale (AG) nécessaire Avec AG n = 70
Sans AG n = 62
Total n = 132
< 0,001***
Âge Moins de 3 ans
45 (64,29 %)
11 (17,74 %)
56 (42,42 %)
3–5 ans
25 (35,71 %)
51 (82,26 %)
76 (57,58 %)
Moyenne (écart-type) Médiane (min–max)
2,66 (0,99)
3,86 (0,99)
3,22 (1,16)
2,57 (0,39–5,12)
4,10 (1,25–5,05)
3,34 (0,39–5,12) 0,537
Sexe Garçon
41 (58,6 %)
33 (53,2 %)
74 (56,1 %)
Fille
29 (41,4 %)
29 (46,8 %)
58 (43,9 %) < 0,001***
Localisation Abdomen
45 (64,3 %)
20 (32,3 %)
65 (49,2 %)
Crâne
22 (31,4 %)
29 (46,8 %)
51 (38,6 %)
0 (0 %)
8 (12,9 %)
8 (6,1 %)
Thorax
1 (1,4 %)
0 (0 %)
1 (0,8 %)
Autre
2 (2,9 %)
5 (8,1 %)
7 (5,3 %)
TBI
Technique de radiothérapie
0,520
Conformationnelle
51 (72,9 %)
42 (67,7 %)
93 (70,5 %)
Haute technicité
19 (27,1 %)
20 (32,3 %)
39 (29,5 %) 0,314
Période 2003–2008
40 (57,1 %)
30 (48,4 %)
70 (53,0 %)
2009–2013
30 (42,9 %)
32 (51,6 %)
62 (47,0 %)
p < 0,01.
jeunes enfants dans un département de radiothérapie de grande taille. L'étude confirme qu'il est possible de se passer des AG chez environ 50 % des patients de moins de 5 ans. L'évaluation de ces alternatives à l'AG en RT est peu rapportée dans la littérature en dehors de quelques études de taille limitée. De manière ancienne, Bertoni et al. avaient rapporté 3 cas de radiothérapie cranio-spinale chez de jeunes enfants traités avec succès sous hypnose [8]. Willis et al. ont également rapporté une expérience intéressante de l'utilisation de distraction audiovisuelle chez des patients plus âgés [6]. De manière plus large, Haeberli et al. [7] ont rapporté une série de 223 enfants traités en RT entre 1989 et 2006. Quatre-vingtdix traitements ont été délivrés après intervention psycho-éducationnelle et 154 traitements ont été délivrés sans intervention particulière. La nécessité d'AG était significativement réduite (9 % versus 21 %) dans le groupe qui bénéficiait de l'intervention. La comparaison avec cette étude est rendue difficile car la différence d'âge des patients est majeure. En effet, l'étude d'Haeberli et al. a inclus les enfants de tout âge, avec une médiane de 9 ans (0–19) et de 8,9 ans (1,6–19,1 ans) dans
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les groupes sans et avec intervention respectivement. Ils ont toutefois montré que l'âge médian des enfants nécessitant une AG passait de 3,2 à 2,7 ans grâce à l'introduction de ces techniques d'accompagnement [7]. La présente étude confirme, d'une part, la faisabilité de la RT sans AG chez les jeunes enfants dans un nombre important de situations, et rapporte aussi l'intérêt des méthodes alternatives pour limiter l'utilisation d'AG. Dans notre série, nous rapportons une diminution significative (p < 0,1) de la nécessité d'AG depuis l'instauration systématique des rituels et de l'hypnose (2008). Il semble donc que la formation progressive des équipes, l'instauration systématique des rituels et/ou de l'hypnose permettent de diminuer la nécessité des AG chez les jeunes enfants. De manière intéressante, il ressort que l'utilisation de techniques de RT de haute technicité (modulation d'intensité, stéréotaxie. . .) n'a pas d'impact sur la nécessité de réaliser des AG. Pourtant, ces techniques impliquent généralement des durées de séances plus longues, imposent des repositionnements très optimisés et une immobilisation parfaite, exigés au quotidien sans compromis. D'une manière générale, il n'est pas possible de
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***
Valeur de p
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Radiothérapie des enfants de moins de cinq ans : peut-on limiter les anesthésies itératives par les rituels et l'hypnose ?
Article original
L. Claude, M. Morelle, S. Mancini, A. Duncan, H. Sebban, C. Carrie, et al.
TABLEAU III Analyse multivariée (régression logistique) des facteurs prédictifs de nécessité d'anesthésie générale
Âge (variable continue)
Odds ratio ajusté
Intervalle de confiance à 90 %
Valeur de p
0,334
[0,232 ; 0,480]
< 0,0001***
1,144
[0,556 ; 2,356]
0,7591
[1,866 ; 9,522]
0,0037***
[0,192 ; 1,220]
0,1967
[0,212 ; 0,952]
0,0798*
Sexe Garçon Fille
Référence
Localisation Abdomen Autres localisations
4,216 Référence
Technique de radiothérapie Conformationnelle Haute technicité
0,484 Référence
Période
*
2003–2008
Référence
2009–2013
0,449
p < 0,1 ;
***
p < 0,01.
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se passer totalement des AG en RT pédiatrique. En particulier, les enfants très jeunes (moins de 3 ans) restent candidats aux AG plus souvent que les plus âgés, comme le montre cette étude où l'âge ressort de manière attendue comme un facteur prédictif de nécessité d'AG. Il est à noter toutefois que 20 % (11/56) d'enfants de moins de 3 ans ont pu avoir leur traitement dans de bonnes conditions sans AG. Ce constat amène à s'interroger systématiquement sur la nécessité d'une AG quel que soit l'âge de l'enfant. De manière surprenante, sans qu'une explication évidente ait pu être trouvée, le site de l'irradiation abdominale est significativement associé de manière indépendante à la nécessité d'une AG dans notre étude. Il est proposé de revoir ce point quand la cohorte sera plus large et d'essayer d'éliminer de manière prospective des biais qui pourrait expliquer ce facteur. Ainsi, on souhaite vérifier par exemple que la mise en place des rituels/hypnose n'est pas moindre dans ces irradiations abdominales, dans la mesure où il n'y a pas d'appréhension du masque à prévenir chez des jeunes enfants, particulièrement anxiogène, et donc particulièrement préparée. D'autres situations comme le handicap mental, la langue maternelle étrangère et la barrière de langue qui en découle, rendent souvent les AG nécessaires, parfois à un âge plus avancé. Il existe enfin des situations de contre-indication anesthésiques, en particulier après chirurgie de la fosse cérébrale postérieure, ou en cas d'apnées centrales sévères, qui conduisent à développer des techniques alternatives pour traiter les enfants,
même très jeunes. Les complications des AG itératives restent rares [1,2] et la RT doit dans tous les cas se faire dans des conditions optimales. Les rituels d'accompagnements et l'hypnose ne constituent qu'une alternative aux AG, et il faut clairement savoir y renoncer quand les conditions de traitement ne sont pas adéquates. Il sera intéressant dans le futur de proposer une évaluation de l'état cognitif des enfants de cette cohorte vivants au long cours, afin d'essayer de mettre en évidence une différence éventuelle dans leur développement cognitif.
Conclusion La mise en place d'une procédure systématique de « rituels » et d'hypnose a permis de diminuer significativement le nombre d'irradiations sous AG chez l'enfant petit. Environ 50 % des enfants de moins de 5 ans peuvent être irradiés sans AG dans de bonnes conditions, y compris avec des techniques de haute conformation requérant une immobilisation optimale. La nécessité d'AG n'est pas modifiée par le type de technique de RT. Les enfants de plus de 3 ans, traités hors localisation abdominale sont les plus à même d'être traités sans AG. Les techniques d'accompagnement peuvent être une alternative aux AG itératives, pour l'enfant, ses parents et pour l'institution. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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Références
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Radiothérapie des enfants de moins de cinq ans : peut-on limiter les anesthésies itératives par les rituels et l'hypnose ?