Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 548—554
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ARTICLE ORIGINAL
Reconstruction mammaire par TRAM après embolisation sélective de l’artère épigastrique inférieure (série de 69 patientes) Breast reconstruction with TRAM flap after selective embolization of the deep inferior epigastric artery (series of 69 patients) B. Laurent a,*, M. Rouif b, P. Giordano c, J. Mateu d a
67, avenue Franc¸ois-Mitterrand, 72000 Le Mans, France Club Villandry, 30, boulevard Heurteloup, 37000 Tours, France c 9, rond-point Duboys-d’Angers, 06400 Cannes, France d ´ publique, 34000 Montpellier, France 9, rue Re b
Rec¸u le 9 mai 2011 ; accepte´ le 25 septembre 2011
MOTS CLÉS Reconstruction mammaire ; TRAM ; Embolisation sélective
Résumé Les complications vasculaires du TRAM unipédiculé ont conduit, dès le début de son utilisation, à rechercher des solutions pour en diminuer l’incidence. La ligature chirurgicale du pédicule épigastrique inférieur efficace en termes de vascularisation expose à des complications locales infectieuses ou de cicatrisation sur l’abdomen et impose une intervention préalable. Le DIEP ou le TRAM libres sont des interventions plus complexes et restent réservées à des équipes entraînées. L’utilisation du pédicule homolatéral diminue les risques de complications vasculaires. L’embolisation sélective du pédicule épigastrique inférieur réalise une autonomisation artérielle préopératoire, qui diminue l’incidence des complications vasculaires comme l’a montré la série de 40 patients de Scheufler en 2000. Les auteurs présentent ici une série de 69 patientes ayant bénéficié d’une reconstruction mammaire par TRAM pédiculé précédée par une embolisation préopératoire du pédicule épigastrique inférieur avec utilisation prédominante du pédicule homolatéral. Le choix du pédicule homolatéral a été validé par l’étude du diamètre des artères épigastriques supérieures, réalisé chez 48 patientes, grâce à une mesure doppler. Cette étude montre des diamètres artériels des pédicules homolatéraux fiables, même en cas de radiothérapie préopératoire (absence de différence significative entre les vaisseaux irradiés et non irradiés). Le délai moyen entre l’embolisation et l’opération était de 32 jours, l’embolisation a été effectuée de façon bilatérale dans 4 % et de façon unilatérale dans 96 % des cas. L’âge moyen des patientes était de 54 ans ; antécédent de radiothérapie : 62 % ; intoxication
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Laurent). 0294-1260/$ — see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2011.09.008
Reconstruction mammaire par TRAM après embolisation
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tabagique : 16 % ; le pédicule homolatéral a été utilisé dans 96 % des cas ; le pédicule controlatéral dans 4 % des cas. Les complications postopératoires rencontrées se répartissent en : nécrose partielle du lambeau : 2,9 % (survenues lors de la présence d’une pathologie intercurrente) ; nodules de cytostéatonécrose : 8,7 % ; trouble de cicatrisation abdominale : 4,3 % ; déhiscence pariétale secondaire : 3 %. En comparant cette série de lambeaux homolatéraux préalablement autonomisés par une embolisation sélective, à une série des mêmes auteurs de lambeaux controlatéraux non autonomisés, on constate que les risques de complications vasculaires à type de nécrose partielle y sont diminués par quatre. Les complications vasculaires du TRAM pédiculé sont diminuées de façon significative par l’embolisation préopératoire du pédicule épigastrique inférieur associée à l’utilisation du pédicule homolatéral par rapport au TRAM à pédicule controlatéral conventionnel. # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Breast reconstruction; TRAM; Selective embolization
Summary Vascular complications of the unipedicled TRAM flap pointed out the need for solutions to decrease such occurrences. The flap surgical delay before transfer has been advocated to improve the blood supply but, at the same time, it increases the risk of wound infection at the donor site and imposes a general anesthesia. The DIEP and the free TRAM flap are more complex procedures and need heavy structural resources. Preferential use of the ipsilateral muscular pedicle suggests a lower partial flap necrosis rate. Selective embolization of the deep inferior epigastric arteries prior to surgery realizes an alternative delay and brings a decrease in the vascular complication rate as shown in a study of 40 patients by Scheufler in 2000. We present a series of 69 patients who were reconstructed by means of a delayed pedicled TRAM flap with selective embolization and a predominant use of the ispsilateral pedicle. Sonographic studies performed in 48 patients prior to surgery showed no significative difference in the diameter of the superior epigastic arteries, with or without previous radiotherapy. The mean interval between embolization and surgery was 30 days; the embolization was performed bilateraly in five patients (4 %), and unilaterally in 64 patients (96 %). The mean age of patients was 54 years, radiotherapy was applied in 43 patients (62 %), smoking patients: 11 (16 %), obesity: five (7 %). The ispsilateral pedicled was used in 67 patients (97 %), controlateral pedicle in two patients (3 %). Postoperative flap complications were comprised of partial flap necrosis in two cases (2,9 %), fat necrosis in six cases (8,7 %), impaired wound healing in three cases (4,3 %), abdominal wall weakness in two cases (2,9 %). We compared the present study of ispsilateral delayed pedicled flap to a study from the same authors concerning controlateral pedicled flaps without delay. It has been demonstrated that the complications rate of partial necrosis was divided by four in the first study compared to the second. The preoperative selective embolization of the deep inferior epigastric artery in association with the use of ipsilateral pedicule in TRAM flap decrease the complications rate significatively compared to the controlateral pedicled flap in TRAM flaps. # 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Le lambeau de grand droit de l’abdomen pédiculé, depuis sa première publication par Hartrampf et al. [1], est un lambeau qui a démontré ses grandes qualités pour la reconstruction du sein : la prothèse est évitée, le sein est souple et naturel grâce à l’apport de tissu graisseux, il peut être utilisé dans toutes les situations post-radiothérapiques où la peau est abîmée. Toutefois, ces qualités sont entachées par un taux non négligeable de complications vasculaires, très variables selon les séries allant de 0 à plus de 10 % [2,3]. Ainsi, plusieurs solutions ont été proposées pour diminuer leur incidence : la ligature chirurgicale du pédicule épigastrique inférieur, qui réalise une autonomisation artérielle et veineuse, a prouvé son efficacité vasculaire [4—6], mais expose à des complications locales infectieuses ou de cicatrisation sur l’abdomen et impose une intervention préalable. L’utilisation du pédicule musculaire homolatéral diminue les risques de complications veineuses [7—9]. Le TRAM bipédiculé est
très fiable [10], mais délabrant pour le site donneur, ce qui rend son utilisation très discutable. De nombreux auteurs ont développé l’utilisation de lambeaux libres [11—13], car les complications vasculaires du TRAM unipédiculé s’expliquent par le fait que la palette cutanée utile du lambeau dépende du territoire de l’artère épigastrique inférieure, comme l’on montré de nombreuses études anatomiques et physiologiques [14—18]. Ainsi, les TRAM turbo [19], les TRAM libres et les DIEP [20—23] se sont développés de façon très importante. Toutefois, ce sont des interventions plus lourdes et plus complexes, qui ne peuvent être utilisées que par des équipes chirurgicales entraînées, limitant leur champ d’application. L’embolisation sélective préopératoire du pédicule inférieur réalise une autonomisation artérielle et contribue à augmenter la fiabilité du lambeau comme l’ont montré Scheuffler et al. [24], tout en diminuant les inconvénients de l’autonomisation chirurgicale. Le but de cette étude est d’apprécier si la procédure d’embolisation préopératoire du pédicule inférieur associé
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B. Laurent et al.
au prélèvement du pédicule homolatéral augmente la fiabilité du TRAM unipédiculé et peut constituer une alternative aux reconstructions par lambeaux libres sur le plan du risque vasculaire. Dans cette étude, nous avons analysé l’impact potentiel de la radiothérapie préopératoire sur l’artère épigastrique supérieure homolatérale par la mesure des diamètres artériels au doppler, ainsi que les complications de l’association embolisation suivie de chirurgie.
Patients et méthodes Entre 2000 et 2010, 69 patientes ont été opérées d’une reconstruction mammaire différée par lambeau de grand droit de l’abdomen pédiculé homolatéral, précédée d’une procédure d’embolisation du pédicule épigastrique inférieur. L’âge moyen des patientes était de 54 ans (44 à 73 ans). Parmi les facteurs de risque préopératoire, on retrouve : radiothérapie préopératoire : 43 (62 %) ; diabète : 1 (1,4 %) ; tabac : 11 (16 %) ; obésité (BMI > 30) : 5 (7 %).
Un doppler des artères mammaires internes Un doppler des artères mammaires internes et des artères épigastriques supérieures a été effectué en préopératoire sur 48 patientes pour étudier l’éventuel retentissement vasculaire secondaire à la radiothérapie, avant de procéder à l’embolisation. Aucune patiente ne présentait de sténose de ces artères et les flux vasculaires étaient identiques chez celles ayant subi une radiothérapie par rapport aux patientes non irradiées. Les résultats du doppler ont permis d’objectiver un diamètre artériel compris entre 1,8 et 3 mm, avec une moyenne de 2,32 mm. Pour les patientes non irradiées (21 cas) : diamètre homolatéral = 2,27 0,41, controlatéral = 2,27 0,40 ; pour les patientes irradiées (27 cas) : diamètre homolatéral = 2,37 0,36, controlatéral = 2,34 0,29. Le diamètre de l’artère homolatérale après radiothérapie ne présentait pas de différence significative avec celui de l’artère homolatérale non irradiée, évaluation statistique par le test de Student, p = 0,032 ; de même les diamètres moyens des artères homolatérales et controlatérales ne présentaient pas de différence significative ( p = 0,013). Ces résultats satisfaisants nous ont conduit à effectuer dans la poursuite de l’étude, une embolisation unilatérale, homolatérale et à utiliser un pédicule homolatéral dans tous les cas (Tableau 1).
Tableau 1 nes.
Doppler artériel des artères mammaires inter-
Avec radiothérapie 27 patientes Pédicule homolatéral Pédicule controlatéral
ø moyen 2,37 2,34
Écart-type 0,37 0,29
Sans radiothérapie 21 patientes Pédicule homolatéral Pédicule controlatéral
ø moyen 2,27 2,27
Écart-type 0,41 0,40
L’embolisation sélective Une embolisation sélective de l’artère épigastrique inférieure a été effectuée en préopératoire avec un délai moyen de 32 jours avant l’intervention (21 à 90 jours). L’embolisation était réalisée par un radiologue entraîné aux techniques de radiologie interventionnelle vasculaire, après information détaillée orale et écrite sur la procédure d’embolisation et ses risques, puis consentement éclairé du patient (fiche d’information du service de radiologie et d’imagerie cardiaque et vasculaire du CHU de Lille). La technique consistait en un cathétérisme par voie fémorale, en utilisant un crossing over (artère fémorale gauche pour cathétériser l’artère épigastrique inférieure droite ou inversement) ; l’artère épigastrique inférieure était injectée, puis un coïl était largué pour l’obstruer. Un contrôle radiologique était effectué systématiquement dix minutes après la procédure pour s’assurer de l’occlusion complète de cette artère. La procédure d’embolisation a été effectuée sur 71 patientes, de façon bilatérale dans cinq cas, et homolatérale dans 66 cas. Celle-ci a été efficace dans 97 % des cas. Deux échecs sont à déplorer : une erreur de pédicule au début de la série et une impossibilité après l’apparition d’une complication vasculaire lors de la procédure (voir complications).
Technique chirurgicale Le dessin de la palette cutanée comporte une section horizontale à la partie supérieure pour autoriser un prélèvement largement au delà des crêtes iliaques en externe, et augmenter la vascularisation [25] (Fig. 1). Le muscle homolatéral est disséqué. Une bandelette aponévrotique médiane de 5 cm environ est emportée avec le muscle grand droit pour préserver les vaisseaux capillaires anastomotiques entre les pédicules supérieurs et inférieurs. Le pédicule inférieur est abordé par la partie médiale du muscle en le soulevant pour préserver l’innervation externe du muscle à sa partie inférieure. Le pédicule est ligaturé, puis le muscle est sectionné avec une pince à agrafes résorbables (59 cas) ou par section simple (dix cas). Cette section est effectuée au niveau de l’arcade de Douglas pour préserver une portion musculaire innervée dans la zone de faiblesse située en dessous de l’arcade, permettant d’éviter une voussure pariétale secondaire (Fig. 2). Le lambeau était amené sur la zone de reconstruction soit par avancement simple, soit avec une rotation de 1808 suivant les nécessités de remodelage. Dans tous les cas, une attention particulière était apportée pour que le lambeau ne soit suturé sans aucune tension. La réparation pariétale était effectuée en suturant la portion inférieure du muscle à l’aponévrose postérieure des grands droits à l’arcade de Douglas pour éviter tout risque de rétraction du muscle vers le bas (cette suture étant facilitée par la rangée d’agrafes sur la tranche musculaire qui évitent que celui-ci ne déchire). La réparation aponévrotique a été effectuée par suture simple dans 17 cas (23,6 %) et complétée par une plaque dans 55 cas (76,4 %). Un protocole vasodilatateur par nifédipine pendant cinq jours a été utilisé systématiquement. Aucun lambeau n’a présenté de phénomène de spasme en per- ou postopératoire.
Reconstruction mammaire par TRAM après embolisation
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Figure 2
Figure 1
Méthodes Soixante-neuf patientes ont été opérées d’une reconstruction mammaire secondaire par lambeau de grand droit abdominal homolatéral après une embolisation efficace du pédicule inférieur entre 2000 et 2010. Nous avons analysé les complications générales et spécifiques de la série de lambeaux précédés d’une embolisation du pédicule épigastrique inférieur. Puis, nous avons comparé celles-ci aux complications, d’une série des mêmes auteurs, de lambeaux de grand droit abdominal controlatéral non précédé d’une embolisation préopératoire. Les résultats esthétiques et les retouches secondaires à type de remodelage, pour des raisons de symétrie par rapport au sein controlatéral, n’ont pas été analysés.
Résultats Complications des TRAM embolisés : Tableau 2.
Complications générales Deux patientes ont présenté une infection postopératoire : une infection sur la cicatrice abdominale de prélèvement du
lambeau, nécessitant un parage local au 15e jour avec ablation de la portion de plaque exposée, la cicatrisation a été obtenue sans séquelles ; un cas d’infection postopératoire précoce au troisième jour, à pyocyanique, imposant une reprise avec débridement du lambeau et un nettoyage de la zone de prélèvement abdominale. Deux phlébites profondes des membres inférieurs sont survenues. Trois hématomes apparus entre le sixième et le dixième jour ont nécessité une ponction évacuatrice.
Tableau 2
Complications.
Lambeau Nécrose partielle Cytostéatonécrose
2 (2,9 %) 6 (8,7 %)
Abdominale Retard de cicatrisation Voussure pariétale
3 (4,3 %) 2 (2,9 %)
Générale Infection Phlébite profonde Hématome
2 (2,9 %) 2 (2,9 %) 3 (4,3 %)
Embolisation Douleur importante Hématome Dissection artérielle
1 (1,4 %) 1 (1,4 %) 1 (1,4 %)
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Complications spécifiques Complications vasculaires Deux nécroses partielles du lambeau (2,9 %) sont à déplorer : celles-ci sont survenues lors d’une pathologie intercurrente : infection postopératoire à pyocyanique avec écoulement purulent sur la reconstruction et abdominal imposant une reprise au troisième jour ; le lambeau a présenté une nécrose marginale des berges imposant sa réduction (cas décrit dans les complications générales) ; épisode d’arythmie complète par fibrillation auriculaire au sixième jour avec apparition d’une nécrose tardive à 15 jours, nécessitant une réduction du lambeau d’environ un quart. Six patientes ont présenté une zone de cytostéatonécrose (8,3 %) nécessitant leur ablation lors du geste de symétrisation. Autres complications Trouble de cicatrisation abdominale : quatre cas (5,6 %) nécessitant une prolongation des soins locaux postopératoires, sans reprise chirurgicale. Deux cas de voussure pariétale secondaire (2,8 %) ne nécessitant pas de reprise chirurgicale. Complications de la procédure d’embolisation Les complications de la procédure d’embolisation sont : une douleur importante après une embolisation bilatérale ; un hématome résolutif en trois semaines ; et une dissection de l’artère iliaque lors du passage du guide et traitée par stent immédiatement (sans complication secondaire lors de l’intervention de reconstruction, perméabilité parfaite de l’artère iliaque, contrôlée au doppler après trois ans).
Discussion Dans cette série, nous avons opté pour le prélèvement quasi systématique du lambeau homolatéral, comme dans la description initiale d’Hartrampf et al. [1]. L’utilisation du pédicule homolatéral a été décidée compte tenu de plusieurs séries attestant d’un taux plus réduit de complications vasculaires. Cette diminution du taux de complication est expliquée par un risque de compression veineuse moindre, car le pédicule est moins soumis à tension étant situé plus près du site receveur [7—9]. De plus, l’existence, dans 10 % des cas, d’une vascularisation prédominante par une branche des artères costales située à la partie externe du muscle peut expliquer une traction excessive diminuant le flux vasculaire, lorsque le lambeau est amené sur le site receveur en croisant la ligne médiane [25]. Toutefois, le lambeau homolatéral peut paraître moins fiable, pour certains, que le lambeau controlatéral sur le plan artériel en cas d’irradiation préalable, celle-ci intéressant le pédicule mammaire interne et donc l’artère épigastrique supérieure. Cette différence de fiabilité supposée du pédicule non irradié, notamment sur le plan artériel ne semble pas fondée. L’étude par examen doppler des artères mammaires internes et des artères épigastriques supérieures que nous
B. Laurent et al. avons effectuée n’a pas montré de différence significative sur le diamètre de ces artères, qu’il y ait eu ou non une radiothérapie préalable. Cette fiabilité est confirmée par d’autres séries utilisant le lambeau homolatéral même en cas de radiothérapie préalable [8,9]. La vascularisation du muscle grand droit dépend principalement des pédicules épigastriques supérieur et inférieur, les deux systèmes vasculaires étant reliés par des anastomoses vasculaires très variables en nombre et en taille. La préservation d’une bandelette aponévrotique pré-musculaire diminue le risque de traumatisme du réseau anastomotique, qui doit être préservé étant le vecteur de la vascularisation du lambeau lors de l’inversion des flux. Cette inversion des flux vasculaires est favorisée par le sevrage chirurgical des pédicules inférieurs (superficiels et profonds), le flux artériel est augmenté dans le pédicule des lambeaux précédemment autonomisés lors de la mobilisation, alors que le flux est diminué en peropératoire pour les lambeaux témoins [4—6,26] ; mais au prix d’une augmentation du risque de complication infectieuse et d’une intervention supplémentaire [26], ce qui nous paraît excessif pour une utilisation de routine. L’embolisation bilatérale du pédicule inférieur réalise une autonomisation artérielle en augmentant le flux dans l’artère en peropératoire [24] et l’incidence des complications vasculaire du lambeau est diminuée. Certes cette procédure n’effectue pas d’autonomisation sur le plan veineux, celle-ci n’étant pas nécessaire grâce à l’incompétence valvulaire veineuse secondaire à l’inversion des flux [4,16,27]. Il existe, dans tous les cas, une période d’hyperpression veineuse transitoire des tissus, confirmée par les mesures constatant une diminution de la saturation en oxygène et une augmentation du taux d’hémoglobine circulante en postopératoire immédiat [28]. Ces constations sont les plus remarquables dans la zone III, située à distance des réseaux profonds, sans conséquence sur les risques de nécrose, suggérant l’absence d’effet d’une ligature veineuse préalable. L’autonomisation artérielle radiologique est moins traumatisante qu’une autonomisation chirurgicale, car elle est effectuée sous anesthésie locale en ambulatoire et n’augmente pas le risque infectieux. Dans notre série, l’embolisation a été majoritairement unilatérale (94 %), les résultats cliniques montrent que celle-ci est suffisante pour diminuer les risques de complication vasculaire tout en allégeant la procédure. Cette observation confirme que l’obstruction d’un seul territoire artériel dans le lambeau suffise à ouvrir les réseaux anastomotiques entre les différents systèmes et que l’autonomisation d’un lambeau n’a pas besoin d’être importante pour augmenter les flux vasculaires [4]. Les procédures d’embolisation artérielle sont devenues des traitements alternatifs aux procédures chirurgicales, grâce à leur côté moins invasif, en gynécologie, en urologie, en traumatologie, en chirurgie vasculaire, mais comportent leur risque de complications spécifiques. Le risque de complication vasculaire de la procédure d’embolisation, un cas de dissection artérielle dans notre série, est à nuancer sur le plan statistique. Dans les séries de cathétérisme vasculaire, cet incident ne survient que de 0,017 % des cas pour les complications nécessitant un traitement, à 0,5 % des cas pour les complications mineures sans conséquences, selon l’analyse des séries [29,30]. Dans les cas importants,
Reconstruction mammaire par TRAM après embolisation Tableau 3 Comparaison des lambeaux homolatéraux embolisés/lambeaux controlatéraux non embolisés.
553 en cas de reconstruction secondaire. De plus, la réalisation des DIEP nécessite des équipes chirurgicales très entraînées et fournies pour être utilisées en routine, ce qui limite leur champ d’application.
Embolisation AEI
Sans embolisation
Patients
69
49
Conclusions
Facteurs de risque Tabac Diabète Radiothérapie Obésité
11 (16 %) 1 (1,4 %) 43 (62 %) 5 (7 %)
6 (12 %) 0 39 (81 %) 3 (6 %)
Lambeaux Homolatéraux Controlatéraux
67 (97 %) 2 (3 %)
7 (14 %) 42 (86 %)
Dans la reconstruction du sein, le lambeau homolatéral du muscle grand droit abdominal précédé d’une embolisation du pédicule épigastrique inférieur diminue le risque de complication vasculaire par rapport au lambeau controlatéral non précédé d’une embolisation. Cette procédure accroît la fiabilité de ces lambeaux pédiculés, augmentant leur intérêt dans la discussion d’une proposition thérapeutique en reconstruction mammaire.
Complications vasculaires Nécrose partielle Cytostéatonécrose
2 (2,9 %) 6 (8,7 %)
6 (12,2 %) 5 (10 %)
Déclaration d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.
il peut être traité immédiatement lors de la procédure radiologique par un opérateur confirmé, comme cela a été effectué dans des cas similaires [31]. La comparaison de deux séries de reconstructions par lambeau de grand droit abdominal effectuées par les mêmes auteurs, l’une avec lambeaux controlatéraux et l’autre avec lambeaux homolatéraux précédés d’une embolisation du pédicule inférieur, montre que les risques de complications vasculaires sont diminués de façon significative puisque les risques de nécrose partielle sont divisés par quatre dans notre expérience (Tableau 3). Les complications du site donneur sont comparables à d’autres séries de reconstruction par lambeau unipédiculé. Toutefois, la sécurité vasculaire conférée par l’embolisation nous permet de couper, en toute sécurité, le muscle assez haut et de préserver la portion du muscle innervée en regard de la zone de faiblesse située sous l’arcade de Douglas, qui est la zone la plus sujette aux complications pariétales [32]. En augmentant la fiabilité vasculaire du lambeau, il est possible d’être plus conservateur vis-à-vis du muscle restant. Il est vrai que les trois quart du muscle sont prélevés et que la paroi est affaiblie après cette intervention ; c’est pourquoi elle nous paraît être contre-indiquée aux grandes sportives, aux patientes présentant une hypotonie globale abdominale et aux antécédents d’éventration. Pour faciliter la récupération postopératoire, nous prescrivons systématiquement une rééducation abdominale préopératoire. Si la diminution de force musculaire, évidente en postopératoire immédiat, est plus importante avec les lambeaux pédiculés qu’avec les lambeaux libres, elle décroît avec le temps et la différence ne devient plus significative [33]. Les risques de complications pariétales (éventrations, voussures) sont diminués de façon significative lorsque la reconstruction mammaire est effectuée par lambeaux libres ou DIEP [20—23]. En revanche, les DIEP ou les TRAM libres, présentent également les risques de complications vasculaires propres à la microchirurgie. Même si les taux sont variables d’une série à l’autre, le risque majeur est une nécrose complète du lambeau [20—23,34], qui est une véritable catastrophe sur le plan psychologique pour la patiente, ayant déjà subi un parcours carcinologique et chirurgical éprouvant
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