Rétention dans les voies aériennes des particules nanométriques de l’aérosol de la fumée de cigarette au cours du tabagisme passif

Rétention dans les voies aériennes des particules nanométriques de l’aérosol de la fumée de cigarette au cours du tabagisme passif

Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 441—448 ARTICLE ORIGINAL Rétention dans les voies aériennes des particules nanométriques de l’aérosol de...

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Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 441—448

ARTICLE ORIGINAL

Rétention dans les voies aériennes des particules nanométriques de l’aérosol de la fumée de cigarette au cours du tabagisme passif Airway deposition of nanoparticles from second hand cigarette smoke M.-H. Becquemin a, J.-F. Bertholon b, M. Attoui c, D. Ledur d, F. Roy e, M. Roy f, B. Dautzenberg g,∗ a

Service central d’explorations fonctionnelles respiratoires, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP—HP Paris 13, ER 10 UPMC, université Denis-Diderot, 75651 Paris cedex 13, France b Service de physiologie, hôpital Saint-Antoine, AP—HP, UPRES 2397, université Pierre-et-Marie-Curie Paris 12, 75571 Paris cedex 12, France c UFR sciences, département de physique, université Paris 12, 94010 Créteil cedex 94, France d Société Écomesure, 91640 Janvry, France e Institut de radioprotection et sûreté nucléaire, 92262 Fontenay-aus-roses cedex 92, France f Laboratoire de granulométrie et de dépôt des aérosols, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris 13, 75651 Paris, France g Service de pneumologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP—HP, université médicale Pierre-et-Marie-Curie Paris 13, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, France Rec ¸u le 23 mars 2009 ; accepté le 6 octobre 2009

MOTS CLÉS Tabagisme passif ; Nanoparticules ; Concentration ; Dépôt ; Rétention pulmonaire



Résumé La fumée secondaire de tabac serait essentiellement formée de particules nanométriques (avec deux dimensions inférieures à 100 nanomètres). Le but de ce travail est d’étudier ces particules de l’aérosol de fumée de cigarettes en suspension dans une pièce enfumée, leur disparition au cours du temps et leur rétention dans les voies aériennes de fumeurs passifs, élément mal connu à ce jour. Méthodes. — Une machine à fumer a produit de la fumée de cigarettes dans une pièce. Un impacteur électrostatique à basse pression à 13 plateaux a mesuré la granulométrie et la concentration des particules les plus fines. Des sujets adultes volontaires sains (n = 14) ont inhalé et expiré à travers un masque l’air de cette pièce enfumée, permettant le calcul de la rétention des particules nanométriques.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Dautzenberg).

0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rmr.2010.03.010

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M.-H. Becquemin et al. Résultats. — L’aérosol tabagique formé est composé de 75 % de particules nanométriques. La demi-vie des particules dans l’air est de 18 minutes. Après deux heures, 3 % des particules demeurent en suspension. La rétention mesurée dans les voies aériennes des fumeurs passifs est de 20 %. Conclusion. — Ce travail confirme que l’aérosol tabagique de la fumée secondaire est composé au trois-quarts de particules nanométriques. Les non-fumeurs retiennent 1/5 de ces particules inhalées dans l’arbre respiratoire quand ils sont soumis au tabagisme passif. © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Second hand smoking; Nanoparticles; Concentration; Deposition; Airway retention

Summary Introduction. — Second hand cigarette smoke consists predominantly of nanoparticles (with two dimensions less than 100 nanometres). The aim of this study was to examine the aerosol of cigarette smoke suspended in the air of a smoking room, its disappearance over the course of time, and its retention in the airways of passive smokers, as these processes remain poorly characterised. Methods. — A smoking machine produced cigarette smoke in a room. A low pressure electrostatic impactor with 13 plates, measured the size distribution and the concentration of the smallest particle sizes in the room air. Healthy adult volunteers (n = 14) inhaled and exhaled this air through a nasal mask, allowing calculation of the retention of nanometric particles. Results. — The tobacco smoke aerosol was composed of 75% of nanometric particles. The halflife of these particles in the air was 18 min. After 2 h, 3% of the tobacco smoke particles remained suspended in the air. In passive smokers, the measured airway retention was on average 20%. Conclusion. — This work shows that 75% of second hand cigarette smoke aerosol is made up of nanoparticles. When non-smokers inhale this passively, 20% of the particles are retained in their respiratory tract. © 2010 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Dès les années 1950, le rôle du tabac dans l’étiologie des bronchopneumopathies chroniques obstructives et des cancers du poumon a été clairement démontré. Puis, à partir des années 1970, la fumée de tabac a été reconnue comme source importante de pollution dans l’environnement. L’inhalation involontaire par l’entourage du fumeur d’un mélange de fumées de cigarette appelé tabagisme passif est en fait celle d’un mélange d’une petite fraction de fumée exhalée par le fumeur actif (courant C3 tertiaire) et de la fumée dégagée dans l’environnement par la cigarette et produite par la combustion lente du tabac entre les bouffées actives du fumeur (courant C2 secondaire ou latéral). Dans un précédent travail [1], il avait été montré que ce courant C2, mesuré sur six marques différentes de cigarettes avec et sans filtres, était composé essentiellement de particules nanométriques (les particules de taille égale ou inférieure à 0,1 ␮m ou 100 nm sont aussi appelées des nanoparticules) [2]. Ces particules nanométriques font l’objet de nombreuses études car elles ont des propriétés biologiques particulières liées à leur grand rapport surface/taille avec comme conséquences des propriétés de surface qui leur sont propres et un comportement dans les voies aériennes également très spécifique [3—4]. La phase particulaire de la fumée contient 95 % des substances contenues dans la fumée, en particulier les irritants et les cancérogènes [5]. Dans les pièces ayant été fréquentées par des fumeurs, on retrouve ces mêmes substances : ainsi, les sujets séjournant dans des pièces

enfumées peuvent voir s’aggraver des pathologies préexistantes ou peuvent développer de nouvelles pathologies, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires et/ou respiratoires tumorales ou non. Les conséquences sont également graves chez le fœtus et chez le nourrisson. Les études épidémiologiques montrent que le tabagisme passif est à l’origine de nombreuses maladies. Déjà, en 1997, un rapport de l’Académie de médecine [6] estimait à 3000 par an le nombre de décès de non-fumeurs dû au tabagisme passif. Le fumeur subit d’ailleurs lui-même ce tabagisme passif [7]. Le tabagisme passif qui existait en France dans les lieux de travail et les « lieux de convivialité » tels les bars, restaurants et discothèques a quasiment disparu avec la nouvelle réglementation franc ¸aise. Le domicile et la voiture restent les lieux principaux du tabagisme passif, surtout chez l’enfant. La présente étude a pour but : • de mieux caractériser la fumée du tabac dans l’environnement par la mesure du nombre et de la distribution granulométrique des tailles des particules présentes dans une pièce fermée, non ventilée et enfumée par un mélange des courants C2 et C3 de fumée de cigarette (Gauloise® sans filtre) grâce à une machine à fumer. Comme dans une précédente étude sur les différents courants de la fumée de six marques de cigarettes [1], un impacteur électrostatique à basse pression (ELPI) à 13 plateaux a permis de mesurer les particules de taille inférieure au micromètre, lesquelles sont susceptibles d’atteindre les voies aériennes les plus distales ainsi que les alvéoles pulmonaires ;

Rétention des particules nanométriques et tabagisme passif

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• de mesurer la persistance des particules de fumée en suspension dans l’air de cette pièce en fonction du temps (nombre et tailles) ; • de mesurer la rétention de ces particules de fumée dans les voies aériennes de sujets sains non fumeurs, respirant en ventilation spontanée par le nez pendant leur séjour dans cette pièce enfumée en situation de tabagisme passif.

en cascade classiques fonctionnant à la pression atmosphérique. Il permet de mesurer en continu et d’établir à chaque seconde grâce à ses 13 plateaux une distribution en 12 canaux des tailles particulaires dans la fumée prélevée [10] entre 0,028 et 10 ␮m de diamètre aérodynamique. Ses performances et ses applications ont fait l’objet de publications antérieures [11]. La concentration particulaire de l’aérosol à mesurer ne doit pas dépasser 107 par millilitre. Le compteur ELPI fournit pour chaque mesure, les diamètres aérodynamiques en distribution de fréquences cumulées, la concentration particulaire (en nombre de particules par millilitre) et en masse (en milligramme par mètre cube), calculée sachant que l’aérosol tabagique est constitué de gouttelettes de densité voisine de l’unité [12]. À partir des fréquences cumulées, sont calculées les valeurs classiques des distributions log-normales, D50 (diamètre médian, au-dessus et au-dessous duquel sont classées 50 % des particules), D84,3 (diamètre au-dessus duquel on trouve 84,3 % des particules) et déviation géométrique standard (␴g) (rapport D 84,3/ D50) [13]. Pour faciliter l’interprétation des résultats, une distribution en trois classes de taille a été faite à partir du nombre total de particules : • classe 1 : inférieure à 0,1 ␮m ; • classe 2 : inférieure à 0,3 ␮m (contenant également la classe 1) ; • classe 3 : de 0,3 à 2 ␮m.

Courants issus de l’activité tabagique : • C1 : courant primaire aspiré directement par le fumeur actif ; • C2 : courant secondaire ou latéral dégagé autour de la cigarette ; • C3 : courant tertiaire réexpiré par le fumeur actif ; • C4 : air enfumé par une activité tabagique aspiré par le fumeur passif ; • C5 : courant réexpiré par le fumeur passif.

Matériel et méthodes La machine à fumer La machine à fumer, utilisée comme modèle de poumon, comporte un réservoir de six litres en plastique transparent à moitié rempli d’eau à 37 ◦ C sous contrôle thermostatique et agité afin d’assurer la saturation hygrométrique des trois litres d’air qui sont au-dessus. Un système de cylindre et de piston de capacité et de fréquence variables simule l’inspiration et l’expiration à travers deux ouvertures munies de valves à sens unique situées dans la partie supérieure du réservoir [8]. Réglée pour un volume courant de 250 ml body temperature pressure saturated (BTPS) et avec une fréquence de 12 cycles par minute, la machine a permis la production d’un courant expiré C3 qui s’est répandu dans la pièce en se mélangeant avec le courant C2 latéral dégagé par les cigarettes en combustion entre chaque inspiration de la machine à fumer. Il s’agissait de la combustion de gauloises sans filtre en continu, à raison de six cigarettes par heure. L’air de la pièce d’environ 60 m3 était brassé en permanence par un ventilateur.

L’impacteur ELPI L’impacteur ELPI utilisé (Dekati Ltd® , Tampere, Finland) a un débit d’aspiration de 10 L par minute [9]. Les particules qui sont d’abord électriquement chargées passent dans un impacteur à basse pression à 13 plateaux sur lesquels elles se répartissent en fonction de leur taille et se déchargent. Le courant électrique apporté par les particules chargées à chaque étage de l’impacteur est mesuré en temps réel par un électromètre multicanaux. Le courant mesuré est alors converti en tailles et concentrations à l’aide des constantes préétablies de l’appareil. Mesurées par impaction, elles sont exprimées directement en diamètres aérodynamiques (diamètre d’une sphère de densité 1 qui a la même vitesse terminale dans l’air). Cet appareil permet de détecter et de compter des particules de tailles beaucoup plus faibles que les impacteurs

Ce classement a été choisi en référence au « Particulate Matter Sizes » [14] utilisé pour les mesures de pollution atmosphérique et pour respecter les limites de valeurs fournies par les canaux numériques. Nous avons donné pour chaque classe le pourcentage du nombre total de toutes les particules. Cet impacteur a donc permis d’étudier : • la taille et la concentration des particules d’un courant que nous avons nommé C4, mélange des courants de fumée C2 et C3 qui s’est répandu dans la pièce de 60 m3 , fermée et non ventilée. Les mesures ont été répétées plusieurs fois chaque jour durant les quatre jours qu’a duré l’expérimentation ; • l’évolution de ce même courant et de sa décroissance en continu après arrêt de la production de fumée dans la pièce, vide d’occupant et toujours fermée.

Les sujets testés et le dispositif d’inhalation Quatorze sujets sains non fumeurs (sept hommes et sept femmes) âgés de 21 à 72 ans se sont portés volontaires pour effectuer le test en ventilation nasale de repos (Fig. 1). Ces sujets étaient membres du laboratoire de physiologie et du service de pneumologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Ils étaient clairement informés des objectifs de l’étude. La normalité de leurs paramètres ventilatoires a été vérifiée grâce à un spiromètre portable (« Easyone » — Medical Technologies). Pendant plusieurs cycles respiratoires en ventilation spontanée, les sujets ont — bouche fermée — inhalé à travers un masque nasal, le courant C4 et exhalé un courant nommé C5 également par le nez. Le masque nasal était relié à l’entrée du compteur ELPI. Pour chaque cycle ventilatoire, les courants C4 et C5 ont été mesurés directement

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Figure 1. Le sujet inhale de l’air de la pièce enfumée arrivant par l’extrémité de l’embout vert en T (C4), pendant que cet air est aspiré également dans le compteur impacteur électrostatique à basse pression (ELPI) au débit constant de 10 L par minute. À l’expiration, l’air expiré est en partie aspiré par le compteur tandis que l’excès est rejeté par l’extrémité de l’embout vert (C5).

et en continu à l’entrée/sortie du masque par le compteur ELPI. Chaque série de cycles a été répétée à trois reprises. Ce dispositif a permis de calculer la rétention dans les voies respiratoires des 14 sujets fumeurs passifs : la concentration particulaire (C5) expirée par le fumeur passif étant plus faible que la concentration (C4) inspirée, la différence est liée à la rétention de particules dans les voies aériennes et un indice de rétention est donné par l’équation suivante : R = 1 − ([C5]/[C4]) dans laquelle [C4] et [C5] sont les valeurs des concentrations en particules respectivement dans C4 et C5. Pour chaque sujet, la durée d’enregistrement des cycles respiratoires est en moyenne de 40 secondes. À chaque seconde, l’appareil ELPI fournit, à l’aide de son logi-

Figure 2. Exemple de valeurs de concentrations particulaires enregistrées durant environ six cycles respiratoires d’un sujet ; les valeurs de fumée ambiante (C4) et de gaz expiré (C5) permettent de calculer un indice de rétention particulaire dans les voies aériennes de ce sujet pour la totalité des particules et pour les deux classes retenues.

M.-H. Becquemin et al. ciel associé, une mesure complète des granulométries et concentrations en temps réel. La Fig. 2 fournit un exemple des points ainsi obtenus : ils représentent, en continu, les inspirations et les expirations du sujet, obtenues directement à l’entrée de l’embout nasal. Pour séparer les valeurs des granulométries et concentrations de C4 (inhalé) et de C5 (expiré), la méthode de recherche des maxima et minima est appliquée à cet ensemble de données (40 séries en moyenne) et les deux valeurs les plus probables de C4 et C5 sont déterminées ; leur comparaison, comme le calcul de la rétention dans les voies aériennes est donc faite à chaque série de cycles. Elle ne nécessite pas de faire séparément intervenir la mesure de l’air dans la pièce, sauf pour en contrôler les paramètres et s’assurer du bon déroulement de l’essai, par un enfumage régulier. Le calcul de la rétention a été effectué pour la totalité des particules et pour les deux classes de tailles les plus petites. En effet, nos résultats montraient que, dans la pièce, le nombre de particules dans la classe de taille la plus grande (0,3—2 ␮m) était proche de zéro.

Résultats Valeurs biométriques et fonctionnelles respiratoires des sujets Les valeurs biométriques et fonctionnelles respiratoires du groupe de volontaires sains étudié sont données dans le Tableau 1. Ces valeurs sont normales, comparées aux valeurs théoriques publiées par l’ERS en 1993.

Mesures des tailles et concentrations particulaires de C4 Au long de chacune des quatre journées d’expérimentation, après mesure du bruit de fond particulaire (D50 = 0,07 ␮m ; ␴g = 2,24 ; concentration particulaire totale = 10 500 par millilitre, 0,04 mg/m3 ), nous avons mesuré en continu, à la température ambiante de 25 ◦ C, la concentration particulaire totale dans C4 (air ambiant) qui s’est maintenue entre 153 000 et 502 000/ml. Les moyennes des valeurs de taille et de concentration particulaires dans C4 sont présentées dans le Tableau 2 : le diamètre médian moyen ou D50 des particules est de 0,09 ␮m. Le ␴g est de 2,66. Parmi elles, 75 % ont un D50 inférieur ou égal à 0,1 ␮m, répondant à la définition des nanoparticules, 96 % ont un D50 inférieur ou égal à 0,3 ␮m et les 4 % restants un D50 entre 0,3 ␮m et 2 ␮m. La concentration moyenne en nombre est de 344 103/ml. La masse particulaire moyenne est de 4,7 mg/m3 soit un taux de pollution élevé, qui rend négligeable le bruit de fond initial.

Décroissance des concentrations de particules dans la pièce enfumée en fonction du temps après extinction des cigarettes Le Tableau 3 montre, qu’en l’absence de ventilation, et avec notre dispositif, la concentration particulaire diminue de 38 % en dix minutes et de 50 % en 18 minutes. La mesure

Rétention des particules nanométriques et tabagisme passif Tableau 1

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Valeurs biométriques et spirométriques des 14 sujets, valeurs individuelles et moyennes.

ID

Sexe

Âge (ans)

Taille (cm)

Poids (kg)

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

M F M F F F M M F M M F F M

48 52 52 48 55 29 21 21 58 29 35 72 44 43

167 148 188 170 165 160 186 175 166 184 181 156 150 170

65 48 88 68 65 59 74 67 64 77 73 58 53 85

111 118 96 87 80 109 97 84 92 93 96 109 93 110

79 76 80 77 74 89 76 89 71 74 76 80 77 88

43

169

67

98

79

Moyennes

VEMSmes/VEMSpréd (%)

VEMS/CV (%)

VEMSmes : volume maximal d’air expiré en une seconde mesuré ; VEMSpréd : VEMS prédit ; CV : capacité vitale.

Tableau 2 Tailles et concentrations des particules de l’air C4 : valeurs moyennes et extrêmes sur quatre jours de mesure dans la pièce de 60 m3 enfumée par une machine à fumer avec six cigarettes par heure. Granulométrie D50 ␮m

Masse totale Concentration totale et pourcentages du nombre total

␴g = D84,3/D50 mg/m3

Moyenne 0,09 2,66 Extrêmes 0,07—0,105 2,36—4,49

4,7 1,01—19,1

Concentration totale particules/ml < 0,1 ␮m (%) < 0,3 ␮m (%) 344 × 103 : 100 % 153 × 103 —502 × 103

a été poursuivie jusqu’à 258 minutes, mais, à 90 minutes, il ne reste plus que 5 % des particules et, au-delà de deux heures, la concentration en particules fines reste pratiquement constante à moins de 3 % de la valeur de départ (Fig. 3). La valeur du D50 augmente très légèrement, passant de 0,083 ␮m à t0 à 0,1 ␮m à t0+258 minutes. On observe en effet que les particules de tailles inférieures à 0,1 ␮m disparaissent légèrement plus vite que celles de tailles inférieures à 0,3 ␮m : les premières

75 71—82

96 94—97

atteignent leur concentration résiduelle de 2,5 % de leur concentration initiale 21 minutes avant les particules plus grosses. Cette différence confirme que la vitesse de dépôt par diffusion varie en raison inverse de la taille [15]. Mais cette légère augmentation de la taille moyenne particulaire ne risque pas d’affecter les résultats de dépôt dans les voies aériennes, car celui-ci est mesuré uniquement pendant la période de production de fumée,

Tableau 3 Évolution de la granulométrie et de la concentration dans C4 dans la pièce fermée et non ventilée après extinction des cigarettes. Temps (min)

t0 t0 + 10 t0 + 18 t0 + 30 t0 + 60 t0 + 90 t0 + 120 t0 + 150 t0 + 258

Granulométrie

Concentration initiale en particules par millilitre et pourcentage de diminution

D50 ␮m

␴g

total

< 0,1 ␮m

< 0,3 ␮m

0,083 0,09 0,09 0,09 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1

2,65 2,55 2,55 2,55 2,5 2,5 2,6 2,6 2,6

386 131 38 % 50 % 71 % 89 % 95 % 97 % 97 % 97,1 %

298 440 38 % 50 % 72 % 90 % 96 % 97,5 % 98 % 98,1 %

372 070 38 % 50 % 71 % 89 % 95 % 97 % 97 % 97,1 %

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M.-H. Becquemin et al.

Figure 3. Mesure de concentration des particules dans C4 durant 258 minutes après extinction des cigarettes (ordonnée semi logarithmiques).

c’est-à-dire lorsque le C4 est maintenu à sa valeur de t0.

Mesure de la rétention des particules de fumée, C4, par des sujets normaux Les sujets ont respiré C4 en ventilation nasale spontanée, pendant 40 secondes en moyenne (extrêmes de 16 à 72 secondes). Chaque série de cycles était répétée à trois reprises, donnant trois séries de résultats. Les fumeurs passifs ayant expiré un courant C5 de concentration en particules plus faible que dans C4, les résultats du calcul de l’indice de rétention dans leurs voies aériennes pour la tota-

lité des particules et les deux classes de tailles les plus petites sont tous positifs, indiquant qu’une rétention dans les voies aériennes existe bien pour tous les sujets ; ils sont détaillés par ordre croissant dans le Tableau 4 : on y observe que les résultats des trois mesures faites avec le même sujet sont bien reproductibles, avec une faible variation, et que pour les trois classes de tailles particulaires, les valeurs individuelles de l’indice de rétention sont très voisines. Cependant, ces valeurs varient entre les différents sujets, allant de 7 à 51,8 % avec une moyenne de 20 %. La Fig. 4 représente sous forme d’histogrammes les valeurs individuelles de l’indice de rétention pour les deux classes de taille : inférieure à 0,1 ␮m et inférieure à 0,3 ␮m, dans un ordre croissant qu’on retrouve le même pour les deux classes.

Discussion La valeur médiane des tailles des particules de l’aérosol de fumée de cigarettes, C4 (air ambiant) était de 0,09 ␮m. Les particules nanométriques (taille < 0,1 ␮m) représentaient 75 % du total en nombre des particules et 95 % de ce total étaient des particules de taille inférieure à 0,3 ␮m. La concentration en particules de l’aérosol C4 après l’arrêt de la combustion des cigarettes diminuait de 50 % en 18 minutes (demi-vie) et de 95 % en 90 minutes dans notre pièce fermée et non ventilée avec une disparition plus rapide des particules les plus fines. Nous avons évalué une rétention dans les voies respiratoires de l’ordre de 20 % pour l’ensemble des particules,

Tableau 4 Indice de rétention des particules dans les voies aériennes, R = 1−([C5]/[C4]) en pourcentage de l’air inhalé ; résultats donnés par classes de tailles pour chacune des trois mesures de chaque sujet. Valeurs individuelles de l’indice de rétention des particules dans les voies aériennes en pourcentage de la concentration dans l’air inhalé ; résultats pour chacune des 3 mesures Particules < 0,1 ␮m

Total des particules

Sujets 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Mesures Moyennes Min Max

Particules < 0,3 ␮m

no 1

no 2

no 3

no 1

no 2

no 3

no 1

no 2

no 3

7

7 12,3 13,9 14,7 15,3 17,5 13,8 13,4 17,5 18,4 26,4 26,1 28,7 45,7

8,7 13,7 16,4 16 16,3 12,4 14,4 13,7 19 28,5 31,3 28,7 29,3 47,5

6,6 10 13,1 11,8 16,4 14,3 16,4 15,3 16,8 19,6 21,5 24,7 23,9 45,7

9 14,3 15,3 15,3 18 20,3 16,6 18 18,9 24,1 28,1 31,4 34 49,2

10 16,7 18,1 17,9 19,2 22,6 19,1 19 19 33,1 33,3 33,5 35,6 51,8

8,1 9,7 12,4 12 13,4 13,2 14 13,4 16,6 16,7 19,9 22,1 21 43

8,1 13,8 14,6 14,7 16,1 19,2 14,5 14,5 17,2 20,1 27,1 28,2 30,3 47,2

10 13,8 17,1 17 17,1 20,5 15,6 15 18,3 29,7 32,1 30,6 31,3 49,1

9,3 11,8 11,8 12,3 12,4 13 12,4 15,1 15,7 18,7 20,6 20,1 40,3 18,7 7 47,5

21,8 6,6 51,8

20 8,1 49,1

Rétention des particules nanométriques et tabagisme passif

Figure 4. Histogrammes des valeurs individuelles de l’indice de rétention de chaque sujet (trois mesures chacun) pour les classes de tailles inférieures à 0,1 ␮m (schéma du haut) et inférieures à 0,3 ␮m (schéma du bas).

La relative dispersion des indices de rétention observés dans notre groupe de 14 sujets s’explique, au moins en partie, par le mode spontané et nasal de ventilation montrant de grandes variations interindividuelles. Les variations continuelles de la géométrie des voies intranasales causeraient des variations parallèles du dépôt total chez un même sujet même en cas de ventilation contrôlée. La médiane des tailles des particules de l’aérosol de fumée de cigarettes C4 (air ambiant) proche de 100 nm est la même que celle trouvée dans C2 (produit par la combustion spontanée du tabac entre les bouffées du fumeur) lors d’une autre étude faite avec le même dispositif sur six marques de cigarettes avec et sans filtre [1]. Le courant C2 dans l’air environnant les fumeurs est donc le principal élément dans le tabagisme passif. La prédominance, dans le courant de fumée C4, des particules nanométriques (75 % du total) et des particules de taille inférieure à 0,3 ␮m (95 % du total) a été observée aussi par Esquier [12] qui trouvait des tailles de 0,13 à 0,15 ␮m (0,14 ␮m, en moyenne) avec un impacteur de même type, mais un peu moins performant dans les petites tailles. La disparition un peu plus rapide des particules nanométriques de l’air de notre pièce fermée et non ventilée pourrait être due à leur dépôt par diffusion, effet électrostatique et thermophorèse contre les parois froides de la pièce, en particulier celles de la fenêtre [15]. La faible augmentation du D50 de l’air ambiant en fin de mesure (100 nm au lieu de 83 nm) est une autre indication de cette disparition plus rapide des particules les plus fines. La masse initiale des particules en suspension est donc déposée, adsorbée ou combinée sur/avec les parois de la pièce et les objets qu’elle contient [16].

447 En l’absence d’aération et de nettoyage, ce dépôt est rémanent, comme en témoigne l’odeur persistante de tabac et il est susceptible d’être ultérieurement remis en suspension. Le dépôt et la rétention dans les voies respiratoires des particules de très faible taille sont liés aux mouvements browniens et se font par diffusion. Il est établi que ces particules peuvent pénétrer et se déposer dans les voies aériennes les plus distales. Elder et Oberdörster ont montré chez le rat que les plus fines sont aussi retenues dans le nez en petite quantité [17]. Quelques auteurs ont mesuré expérimentalement la rétention dans les voies aériennes du courant C1 de l’aérosol de fumée de cigarette (inhalé pendant les bouffées et d’un D50 voisin de 0,3 ␮m) avec des résultats très variés selon les auteurs : 47 % (22 à 75 %) chez 11 fumeurs pour Hinds et al. [18] et 70 à 90 % chez cinq adultes sains pour Hiller [19]. Pour les particules nanométriques contenues dans la fumée C2, il y a peu de résultats quantitatifs de dépôt chez l’homme : Hiller et al. [20] trouvent 11 % en moyenne chez cinq adultes sains, Chalupa et al. [21] ont trouvé 65 % de dépôt chez des sujets sains et 76 % chez des asthmatiques mais leur dispositif expérimental était très différent du nôtre. Muller et al., par modélisation, ont obtenu des valeurs de dépôt de 7 à 20 % [22]. Par ailleurs, les modèles développés par la Commission internationale de protection radiologique (ICRP) [23] donnent des probabilités de dépôt des particules de 0,3 ␮m chez un adulte respirant par la bouche (fumeur actif), d’environ 25 % dans l’ensemble des voies respiratoires dont 15 % dans les alvéoles. La rétention des particules de 0,1 ␮m chez un adulte respirant par le nez (cas général chez le fumeur passif) serait, selon ces modèles, de 35 % dans l’ensemble des voies respiratoires avec 22 % dans les alvéoles (respectivement 41 % et 25 % chez un enfant âgé d’un an). Pour chacun de nos sujets, la valeur des indices de dépôt pour le total des particules et pour les deux classes de tailles sont très voisins, indiquant un même mode de dépôt par diffusion pour toutes. Les particules nanométriques peuvent avoir dans les voies respiratoires un destin voisin de celui des nanoparticules industrielles qui traversent aisément les membranes cellulaires et pénètrent dans les tissus, même lorsqu’elles sont insolubles. Kreyling et al. [4] ont montré qu’elles sont peu phagocytées par les macrophages alvéolaires mais qu’elles disparaissent rapidement de l’épithélium alvéolaire (en moins de 24 heures) et qu’elles sont transportées par le sang et la lymphe vers d’autres organes tels que le cœur ou le foie. Chez le rat, Elder et Oberdörster ont retrouvé de ces particules inhalées jusque dans le cerveau qu’elles avaient atteint en progressant dans le nerf olfactif [17]. La concentration de particules réalisée par notre dispositif (4,71 mg/m3 ) est légèrement supérieure aux normes de l’OMS de 1997 pour les locaux d’habitation et de travail (1 mg/m3 ) et très supérieure à la valeur limite dans l’air des villes pour les PM 2,5 (0,025 mg/m3 ). Un adulte respirant en continu à un débit total de 23 m3 en 24 heures [23] en inhalerait 108,3 mg (4,71 mg × 23 m3 ). Comme nous avons estimé une rétention dans les voies respiratoires de l’ordre de 20 %, la quantité retenue pourrait alors être de l’ordre de 22 mg sur 24 heures. Il devrait être possible de vérifier cette valeur, in vivo, avec des dosages urinaires de

448 cotinine, produit de dégradation métabolique de la nicotine. Ainsi, Mohammed [24] a montré que, chez des fumeurs passifs, la cotininurie était en moyenne de 31 ␮g/␮mol, augmentant à 43 ␮g/␮mol chez les sujets exposés à plus de trois heures par jour de tabagisme passif. Chez le fumeur actif, la cotininurie était de 146 ␮g/␮mol pour un à dix cigarettes par jour et passait à 305 ␮g/␮mol chez ceux qui fumaient 40 cigarettes par jour. Le fumeur actif inhale, lui aussi, cet air C4, dont il est lui-même le principal fumeur passif. Considérant le développement des nanotechnologies [25] et la variété de leur production industrielle, l’étude des particules nanométriques de la fumée de tabac contribue à une meilleure connaissance du comportement de ces particules dans l’air ambiant et dans les voies aériennes.

Conclusion Les nuisances du tabagisme passif ont été reconnues depuis plusieurs années, mais souvent le public n’en est pas totalement convaincu. En effet, il peut y avoir une certaine contradiction apparente entre l’importance des effets nocifs reconnus sur la santé et l’apparence anodine de l’exposition, comparée à celle du fumeur actif. C’est une sorte de défi à la raison qui nécessite des arguments quantitatifs. La présence dans l’environnement des fumeurs de 75 % de particules nanométriques très pénétrantes dans les voies aériennes et véhiculant de nombreux toxiques explique probablement ces effets. Dispersées dans l’air, ces particules sont retenues dans les voies aériennes dans d’importantes proportions (20 % en moyenne) et peuvent migrer dans des organes variés. Déposées dans les locaux (50 % au bout de 18 minutes à 25 ◦ C) et s’il n’y a pas d’évacuation rapide, elles peuvent être ingérées ou inhalées par remise en suspension ou adsorption sur d’autres poussières, entraînant des risques chimiques. Des mesures de contamination de ces surfaces seraient utiles pour préciser ces risques. Cette caractérisation de la pollution, de sa persistance dans l’air et de son dépôt pulmonaire à partir de l’air pollué est utile à la prévention du tabagisme passif, car une meilleure connaissance de la fumée de tabac, comme de toute pollution, permet de mieux la prévenir et la combattre.

Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt pour l’article publié, ni aucun lien avec l’industrie du tabac.

Remerciements Société Écomesure, 91640 Janvry, France.

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