Révision de la nomenclature des termes en allergologie

Révision de la nomenclature des termes en allergologie

Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 43 (2003) 278–280 www.elsevier.com/locate/revcli Revue critique Révision de la nomenclature...

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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 43 (2003) 278–280 www.elsevier.com/locate/revcli

Revue critique

Révision de la nomenclature des termes en allergologie Revision of the nomenclature for allergic diseases P. Meyer, H.B. Co Minh, P. Demoly * Explorations des allergies, maladies respiratoires, Inserm U454, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU de Montpellier, 371, avenue du Doyen-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France Reçu le 24 février 2003 ; accepté le 12 mars 2003

Résumé La récente proposition de l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI) d’homogénéiser les termes utilisés en allergologie n’a pas encore fait l’objet d’une réflexion au sein de notre société. Nous reprenons, le plus fidèlement possible le contenu de ce document, qui devrait susciter quelques débats. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The recent proposal of the European Academy of Allergy and Clinical Immunology (EAACI) to harmonize the terms used in allergy has not yet been subjected to reflection in our society. We will review here, as faithfully as possible, the contents of this document, which should lead to some interesting debate. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Allergies ; Atopie ; Définitions ; Nomenclature Keywords: Allergy; Atopy; Definitions; Nomenclature

1. Introduction L’Académie européenne d’allergologie (EAACI) a publié au cours de l’année 2001, une nomenclature révisée de termes usités en allergologie [1]. Nous en reproduisons l’essentiel en langue française. Le but d’une telle entreprise est de pouvoir exprimer via des termes clairement définis, des symptômes précis et ce, quel que soit le spécialiste consulté ou l’âge du patient. Ce travail est justifié dans la mesure où les connaissances physiopathologiques ont considérablement évolué au cours de ces dernières années. Ainsi, cette nouvelle nomenclature est fondée sur la physiopathologie et peut paraître comme une juxtaposition de termes (Fig. 1). La forte prévalence des maladies allergiques, l’amélioration des méthodes diagnostiques et des traitements ont eu un impact important sur la prise en charge de l’allergique. Aujourd’hui, tout médecin est confronté à des patients ayant des symptômes compatibles avec une allergie. Il lui faut donc utiliser des termes consen-

suels et simples afin d’être compris de ses confrères non allergologues comme de ses patients. 2. Historique Les termes, actuellement considérés comme désuets, nous ont été proposés à partir de 1920 par les illustres pionniers qu’ont été Coca, Cooke [2], Prausnitz, Küstner [3], Wise, Sulzberger [4], Grove [5], Schwartz ou encore Schnyder. À partir de 1950, on a assisté à un développement important des connaissances en allergologie. La nomenclature classique proposée par Gell et Coombs en 1968 [6], jusqu’à présent utilisée, est désormais dépassée au vu de nos connaissances immunologiques sur les cellules dendritiques, les lymphocytes T helper et T régulateurs, les anticorps, cytokines et chimiokines. 1968 a en revanche été l’année de la reconnaissance de l’IgE comme cinquième isotype d’immunoglobuline [7]. 3. L’histoire naturelle de l’allergie

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Demoly). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0335-7457(03)00106-0

L’atopie n’est pas une maladie héréditaire monogénique. À ce jour, aucun marqueur génétique n’a été mis en évidence

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Fig. 1. Algorithme détaillé des mécanismes des manifestations cliniques d’hypersensibilité.

avec précision. Le plus probable est que l’atopie soit un désordre multigénique. Les doses d’allergène nécessaires à la sensibilisation et aux symptômes sont minimes. Le patient allergique développe des symptômes différents au cours de sa vie : préférentiellement des symptômes gastro-intestinaux ou de l’eczéma plus particulièrement lié aux aliments durant la petite enfance ; l’asthme et la rhinite causés par les pneumallergènes apparaissent plus tardivement. Cependant, certains patients sans antécédent atopique, mais exposés à de fortes doses d’allergènes peuvent développer une allergie IgE-dépendante. Enfin, bon nombre d’allergies ne sont pas dépendantes des IgE. 4. Les définitions L’hypersensibilité : correspond à des symptômes ou des signes objectivement reproductibles, provoqués par l’exposition à un stimulus précis, à une dose tolérée par des sujets normaux. Sont donc exclus de cette définition des réactions à des infections, des symptômes d’auto-immunité ou de toxicité et des réactions normales mais exagérées. On parlera d’hypersensibilité non allergique lorsque le mécanisme immunologique n’aura pu être prouvé (exemple de l’aspirine). La nomenclature des manifestations non allergiques n’est pas traitée dans ce travail. L’atopie : est la tendance individuelle ou familiale à produire des IgE en réponse à de petites doses d’antigènes, habituellement protidiques, et à développer un symptôme typique tel que l’asthme, la rhinoconjonctivite ou l’eczéma. On définit ainsi un trait clinique ou une prédisposition et non une maladie. La preuve immunologique est indispensable. L’allergie : est une réaction d’hypersensibilité initiée par un mécanisme immunologique. Le médiateur peut être immunoglobulinique (IgE ou IgG) ou cellulaire (lymphocytes). Les allergies dépendantes des IgE sont les plus classiques : certains asthmes et rhinites, la

plupart des allergies alimentaires et aux venins d’hyménoptères, certaines allergies médicamenteuses. Certains patients ont un taux élevé d’IgG suite à l’inhalation chronique de protéines provoquant ainsi des lésions des voies aériennes souvent appelées alvéolites. Le terme le plus adéquat est « alvéolite allergique ». Les allergènes : sont les antigènes entraînant les allergies. Pour les réactions IgE-dépendantes, ce sont préférentiellement des glycoprotéines voire des hydrates de carbone seuls, plus rarement une molécule de faible poids moléculaire, comme les isocyanates ou les anhydrides. Pour les réactions cellulaires, il s’agit de médicaments ou de molécules de faible poids moléculaire comme le chrome, le nickel et le formaldéhyde. L’anaphylaxie : est une réaction d’hypersensibilité sévère, potentiellement mortelle, généralisée ou systémique. Elle se développe souvent graduellement : prurit pharyngé ou palmoplantaire puis réaction d’organe, souvent bronchospasme sévère et hypotension artérielle voire choc, mais bronchospasme sévère ou hypotension artérielle ne sont pas obligatoires au diagnostic. 5. La nomenclature 5.1. Schéma général Elle repose sur un schéma similaire (Fig. 2) pour chaque manifestation clinique. Pour exemple, une rhinoconjonctivite avec un taux d’IgE élevé vis-à-vis des acariens, doit être nommée rhinoconjonctivite allergique dépendante des IgE. Cette nomenclature est facilement applicable pour les rhinites, les conjonctivites, l’asthme, l’urticaire, les hypersensibilités alimentaires, aux médicaments ou aux venins et enfin l’anaphylaxie. Cette division dichotomique est plaisante car très rigoureuse et pédagogique. Cependant, à l’heure actuelle, certaines sous-divisions n’ont pas de représentants : l’existence

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Fig. 2. Algorithme simplifié des mécanismes des manifestations cliniques d’hypersensibilité.

d’une rhinite ou d’une conjonctivite allergique non IgEdépendante n’est actuellement pas prouvée. Du fait de ce vocabulaire très précis, certains termes sont à proscrire : extrinsèque et intrinsèque, exogène et endogène, cryptogénique, anaphylactoïde, pseudo-allergie, idiosyncrasie. 5.2. Quelques remarques spécifiques de vocabulaire Le consensus ARIA recommande de remplacer le terme : rhinite saisonnière par rhinite intermittente et le terme rhinite perannuelle par rhinite persistante [8]. À noter que certains parlent de conjonctivite atopique comme manifestation conjonctivale de la dermatite atopique. Le sens est celui expliqué plus tard à propos de la dermatite atopique. Un autre cas particulier est celui de l’urticaire IgEdépendante qui se développe localement après contact cutané direct avec l’allergène (cas du patient allergique au latex et portant des gants en latex ou du patient allergique au chien et se laissant lécher par un chien). Le terme adéquat est urticaire allergique de contact dépendant des IgE. Les termes dermatite et eczéma sont équivalents et interchangeables dans la littérature. Cependant, certains auteurs préfèrent ajouter une connotation de durée, à savoir dermatite lorsque les symptômes sont aigus et eczéma lorsque les symptômes sont chroniques. Cela n’a pas été préconisé par le groupe de travail sur la nomenclature de l’EAACI. Concernant les eczémas de contact, le mécanisme immunologique est préférentiellement cellulaire. Cependant l’eczéma de contact aux protéines est probablement IgE dépendant. Concernant l’hypersensibilité médicamenteuse, on peut rajouter le qualificatif immédiate ou retardée en fonction du délai d’apparition des symptômes. L’anaphylaxie allergique n’est pas toujours dépendante des IgE, le mécanisme immunologique non IgEdépendante peut être lié au complément, à des complexes immuns IgG-dépendante par des cellules immunitaires. La dermatite atopique est une affection complexe et non typique d’allergie, dont la dénomination ne correspond pas à la définition d’atopie donnée précédemment. Effectivement, on peut sélectionner des patients ayant une dermatite atopique mais sans retrouver de mécanisme immunologique IgEdépendant. Il est classique de penser que ces signes et symptômes cutanés précoces prédisposent à une maladie atopique ultérieurement. Ainsi, un patient souffrant de dermatite atopique est souvent dit atopique cliniquement, sans pricks tests ou dosages d’IgE. Le but de ce groupe de travail étant d’harmoniser les définitions relevant de l’allergologie dans tous les domaines, il a fallu trouver un autre terme plus adéquat à cette maladie. Le terme « eczéma constitutionnel » n’a pas été retenu pour l’instant. Comme cette pathologie est

en fait un regroupement de plusieurs maladies ayant en commun certaines caractéristiques cliniques, il a été proposé en période de transition le terme : syndrome de dermatite atopique. Le sous-groupe prédominant est actuellement celui associé aux IgE. Il vaut mieux utiliser ce terme de « IgEassocié » plutôt que IgE-dépendant dans ce cas car le rôle exact des IgE dans ce syndrome n’est pour l’instant pas très clair. La présence de lymphocytes T activés n’est pas rare et lorsque ce phénomène immunologique est mis en évidence (patch tests positifs ou présence de lymphocytes T spécifiques de l’antigène dans le sang ou sur des biopsies cutanées), on parlera de syndrome de dermatite atopique associée aux lymphocytes T.

6. Conclusion Même si la proposition de l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique n’a pas fait l’objet de consultations nationales, il nous paraît souhaitable dans un souci de meilleure compréhension, que tout médecin, quelles que soient sa spécialité et sa nationalité, adopte cette nomenclature simple mais rigoureuse. Elle doit être diffusée et discutée mais, bien que centrée par les IgE, sa plus grande simplicité facilite sinon la compréhension, du moins l’enseignement de notre discipline aux plus jeunes.

Références [1] [2] [3] [4]

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