A218
78e Congrès de médecine interne – Grenoble du 12 au 14 décembre 2018 / La Revue de médecine interne 39 (2018) A103–A235
Ce traitement d’induction permettait l’obtention d’une aplasie médullaire iatrogène, mais se compliquait notamment d’infections sévères et d’une mucite buccale invalidante. Trois semaines après le début du traitement, la patiente présentait une forte asthénie associée à des métrorragies, des écchymoses spontanées, des gingivorragies avec hypertrophie gingivale nécrotique, un purpura folliculaire, et des douleurs osseuses des membres inférieurs. Le bilan retrouvait alors une stabilité de la numération (en particulier une thrombopénie à 14 G/L), un TCA à 1,8, avec des facteurs 2 et 7 abaissés respectivement à 38 et 44 %, un facteur 5 à 98 % et des produits de dégradation de la fibrine normaux. Le premier diagnostic évoqué était une sortie d’aplasie blastique. Un myélogramme était alors réalisé, éliminant l’hypothèse d’une leucémie aiguë réfractaire au traitement d’induction. L’évolution n’était pas favorable malgré transfusions plaquettaires et mise sous vitamine K. Un scorbut était alors évoqué et traité, permettant une régression de l’ensemble de la symptomatologie. Le taux de vitamine C, obtenu rétrospectivement, permettait de confirmer ce diagnostic. L’interrogatoire minutieux des apports alimentaires confirmait la carence d’apports en fruits et légumes, la patiente ne mangeant pas les plateaux repas de l’hôpital, et ayant comme seuls apports caloriques les sodas et barres chocolatées apportées par sa famille. Discussion La particularité de ce cas repose : – sur l’acquisition intra hospitalière de la carence en vitamine C. La patiente ne présentait en effet aucun syndrome hémorragique au début de sa prise en charge, malgré une thrombopénie à 11G/L au diagnostic. La carence d’apport s’avère donc nosocomiale, favorisée par une inappétence, une mucite et des diarrhées secondaires à la chimiothérapie, le tout aggravé par l’alimentation déséquilibrée de la patiente qui ne trouvait pas à son goût les plateaux repas délivrés dans le service. – sur la présentation clinique associant douleurs osseuse, hypertrophie gingivale, et syndrome hémorragique cutanéomuqueux, ayant dans le contexte fait évoquer en premier lieu la sortie d’aplasie blastique d’une leucémie aiguë réfractaire. Le signe clinique orientant plus spécifiquement vers le diagnostic de scorbut était le caractère spécifiquement folliculaire du purpura. L’association cancer-scorbut est connue [3] et multifactorielle, favorisée : – par la déplétion des réserves en acides ascorbique induite par la tumeur [2] (suspectée en particulier de faciliter la dissémination métastatique et la tolérance immunitaire tumorale), – par la dénutrition (paranéoplasique et liée aux traitements), – et éventuellement par un terrain sous-jacent parfois associé à la fois au scorbut et aux cancers comme l’âge avancé ou la consommation alcoolique. Conclusion Le scorbut est une maladie sous diagnostiquée pouvant être une maladie nosocomiale à part entière. Sa présentation clinique (syndrome hémorragique, douleurs osseuses) peut mimer celle d’une leucémie aiguë. Tout syndrome hémorragique cuténaomuqueux, en particulier dans un contexte de dénutrition ou de cancer, doit faire évoquer le diagnostic. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Levavasseur, et al. Severe scurcy: an underestimated disease. Eur J Clin Nut 2015;69(9):1076–7. [2] Cameron E, et al. Ascorbic Acid and Cancer: A Review. Cancer Research 1979;39:663–81. [3] Golriz, et al. Modern American scurvy - experience with vitamin C deficiency at a large children’s hospital. Pediatr Radiol 2017;47(2):214–20. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.10.223 CA215
Scorbut révélé par une péricardite hémorragique
R. Fort 1,∗ , E. Berthoux 2 , N. Bihry 3 , C. Pariset 2 , L. Perard 2 Médecine interne, hôpital Édouard Herriot, Lyon 2 Médecine interne infectiologie, hôpital Saint Joseph Saint Luc, Lyon 3 Cardiologie, hôpital Saint Joseph Saint Luc, Lyon ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (R. Fort)
1
Introduction Le scorbut est une maladie ancienne, définie par une carence en acide ascorbique. Depuis quelques années de nombreuses observations resurgissent, plus particulièrement dans les populations à risque. Les manifestations cliniques sont multiples : ostéoarticulaires (arthralgie, myalgie), syndrome hémorragique (purpura pétéchial périfolliculaire, hématomes spontanés, hémarthrose), stomatologiques (gingivite hypertrophique et hémorragique, parodontolyse), cutanée (hyperkératose folliculaire, défaut de cicatrisation, œdèmes des membres inférieurs, atteinte des phanères avec cheveux en tire-bouchon et alopécie). Au niveau cardiovasculaire : le scorbut a été associé à un risque de coronaropathie, d’insuffisance cardiaque, et d’hypertension artérielle pulmonaire [1]. L’atteinte péricardite reste quant à elle rare [2]. Nous rapportons ici deux cas de scorbut, révélés par une atteinte péricardique. Observation Le premier cas est celui d’un patient de 40 ans alcoolotabagique, hospitalisé pour une dyspnée rapidement progressive associée à des douleurs thoraciques faisant découvrir radiologiquement une pleuropéricardite de grande abondance (sans argument pour une néoplasie sous-jacente), ayant nécessité un drainage péricardique et une ponction pleurale, ramenant dans les 2 cas un liquide séro hématique (hématies > 10000/mm3 ) exsudatif stérile (culture BK négative). Cliniquement le patient présentait des stigmates de malnutritions (IMC = 18 kg/m2 ), un déchaussement des dents et une hyperkératose folliculaire. Biologiquement on notait une anémie hypochrome normocytaire à 12,1 g/dl, une hyperplaquettose à 904 G/l sans trouble de la coagulation, une dénutrition biologique (albumine = 26,4 g/l et préalbumine = 0,09 g/l), une hypogammaglobulinémie relative à 7,7 g/l. Par ailleurs, les sérologies virales et le bilan infectieux étaient non contributifs. Le dosage de la vitamine C a finalement confirmé le diagnostic de scorbut motivant l’introduction d’une substitution vitaminique, permettant une disparition des épanchements pleuropéricardiques et des manifestations cutanées à 1 mois. Le deuxième patient âgé de 47 ans a été hospitalisé à 2 reprises pour un épanchement péricardique réfractaire au traitement habituel par acide acétylsalicylique et colchicine, nécessitant un drainage évacuateur, ramenant également un liquide hémorragique stérile, sans cellule suspecte (culture BK négative). Le bilan étiologique comprenant les sérologies virales et le bilan auto-immun (ACAN, ANCA) était négatif. Le scanner corps entier a permis de révéler un épanchement pleural gauche de faible abondance, sans lésion suspecte par ailleurs. Cliniquement ce patient au profil « fast-fooder » présentait un surpoids (IMC = 31 kg/m2 ), des lésions purpuriques périfolliculaires et une neuropathie sensitive mal systématisée de la jambe gauche. Biologiquement il existait une anémie à 10,8 g/l, une thrombocytose à 659G/l, une dénutrition biologique, une carence vitaminique étendue (vitamine B12, B9 et C). Devant ce syndrome carentiel, une gastroscopie a été réalisée, n’objectivant pas d’argument pour une maladie de Biermer. Le patient a finalement été traité par vitamine C seule pendant 15 jours, permettant un nette régression de l’épanchement péricardique, une disparition de l’épanchement pleural, et une normalisation des signes clinicobiologiques de scorbut (dont la neuropathie). Discussion Bien que rare, le scorbut est une pathologie probablement sous-estimée. Cette dernière doit être recherchée devant tout syndrome hémorragique. En effet la physiopathologie de cette entité repose sur une anomalie de synthèse du collagène et un défaut d’agrégation plaquettaire [3], illustrés cliniquement par des lésions purpuriques et des ecchymoses spontanées. Mais les localisations péricardiques, bien que moins décrites, doivent également
78e Congrès de médecine interne – Grenoble du 12 au 14 décembre 2018 / La Revue de médecine interne 39 (2018) A103–A235
faire évoquer ce diagnostic. La démarche diagnostique dans nos 2 observations a été aiguillée par les stigmates clinico biologiques de scorbut, chez des patients présentant des carences secondaires à des troubles alimentaires extrêmes. Dans les 2 cas, le diagnostic a été confirmé biologiquement ; et les signes cliniques, biologiques et échographiques ont disparus à 1 mois. Cela est concordant avec les données sur le scorbut qui affirment une amélioration en 15 jours sous supplémentation. Conclusion Même s’il s’agit d’une cause rare de scorbut, devant une péricardite sérohématique de cause inexpliquée, il faut savoir rechercher une carence en vitamine C, notamment chez les patients présentant des régimes alimentaires extrêmes. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Levavasseur M, Becquart C, Pape E, Pigeyre M, Rousseaux J, Staumont-Sallé D, et al. Severe scurvy : an underestimated disease. Eur J Clin Nutr 2015;69:1076–7, http://dx.doi. org/10.1038/ejcn.2015.99. [2] Frey WG. Scorbutic hemopericardium. N Engl J Med 1970;282:1047. [3] McNicol GP, Douglas AS. Platelet abnormality in human scurvy. Lancet 1967;1:975–8. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.10.224 CA216
Myélinolyse centropontine et diabète :association fortuite ?
T. Ben Achour ∗ , S. Hamrouni , M. Mrouki , Y.Y. Chérif , F. Ben Dahmen , M. Abdallah Médecine interne, hôpital régional de Ben Arous, Ben Arous, Tunisie ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (T. Ben Achour) Introduction La myélinolyse centropontine (MCP) est une pathologie neurologique sévère, liée à des lésions de démyélinisation axonale, localisées le plus souvent au niveau pontique. Cette pathologie a été attribuée initialement à une correction trop rapide de l’hyponatrémie. Cependant, quelques cas de MCP en rapport à une hyperglycémie sévère avec natrémie normale ont été décrits. Nous rapportons le cas d’une patiente ayant présenté une MCPdiagnostiquée à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), survenue dans un contexte d’hyperglycémie majeure. Observation Patiente âgée de 50 ans consultait pour une confusion mentale, désorientation temporospatiale et une lourdeur de l’hémicorps gauche. Elle avait un diabète de type 2 insulinonécessitant découvert il y à 16 ans aux stades de complications dégénératives à type de microangiopathie (neuropathie diabétique, rétinopathie diabétique traité par laser, une néphropathie diabétique) et macroangiopathie (accident vasculaire cérébrale ischémique) et une hypertension artérielle sous inhibiteur de l’enzyme de conversion. L’examen physique trouvait une patiente apyrétique, eupnéique. L’auscultation cardiopulmonaire était sans anomalies.L’examen neurologique objectivait une hémiplégie gauche. Le bilan biologique avait révélé une hyperglycémie à 38,65 mmol/l, une natrémie à 137 mmol/l, une kaliémie à 4,7 mmol/l et une fonction rénale normale. Il n’existait pas de syndrome inflammatoire, les troponines sont négatives et l’électrocardiogramme était sans anomalies. Le scanner cérébral ainsi que la ponction lombaire était sans anomalies. L’IRM cérébrale trouvait une lésion centro-pontique médiane et paramédiane en hyposignal T1, hypersignal T2 et Flair, non rehaussée par le Gadolinium. Le diagnostic de MCP était retenu et l’évolution était marquée par l’amélioration de son état neurologique avec régression complète du déficit moteur après rééquilibration glycémique par insulinothérapie. Le recul actuel est de 9 mois.
A219
Discussion La MCP a été décrite pour la première fois en 1959, principalement liée à une correction trop rapide de l’hyponatrémie. L’hyperglycémie constitue une cause rare de MCP. La physiopathologie pourrait être expliquée par l’élévation rapide de la glycémie qui aurait les mêmes effets qu’une perfusion rapide de sérum salé hypertonique. En effet, l’augmentation rapide de la pression osmotique pourrait entraîner un mouvement rapide d’eau et d’électrolytes du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire, avec atteinte des cellules du système nerveux. L’IRM reste la technique d’imagerie de choix, permettant de visualiser des lésions centropontique en hyposignal T1 et enhypersignal T2 et FLAIR. Une correction efficace mais lente de la glycémie permet une bonne évolution du tableau clinique. Conclusion Notre observation a permis de mettre l’accent sur une cause particulière rare et souvent négligée de MCP qui est l’hyperglycémie. Cette étiologie doit être connue et distinguer des complications vasculaires de sujet diabétique tel qu’un accident vasculaire cérébral pour une prise en charge thérapeutique rapide et efficace. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2018.10.225 CA217
Hypothermie et thrombopénie aux urgences : étude descriptive rétrospective sur 3 ans Y. Kouchit 1 , B. Canac 2 , M. Levraut 1 , J. Levraut 2 , N. Martis 1,∗ 1 Médecine interne, CHU l’Archet, Nice 2 Service d’accueil des urgences, CHU Pasteur, Nice ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Martis) Introduction L’hypothermie (HT) est décrite comme une cause de thrombopénie, notamment chez le sujet cérébrolésé [1,2]. L’objectif de ce travail était de décrire l’incidence de la thrombopénie chez les sujets présentant une HT à leur admission aux Urgences (SAU) et identifier les facteurs accompagnant la cytopénie. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude observationnelle, rétrospective, de sujets de plus de 15 ans admis aux Urgences d’un centre hospitalo-universitaire entre le 01/07/2015 et le 01/07/2018 et ayant une température corporelle ≤ 35 ◦ C à leur admission et chez qui une numération plaquettaire était réalisée. Les données démographiques, cliniques et biologiques ont été recueillies. Les patients ont été classés en fonction de la présence d’une thrombopénie à l’admission. La différence de proportions observées entre chaque groupe était analysée par le test exact de Fisher. Les moyennes étaient comparées par le biais du test de Mann-Whitney. Résultats On identifiait 50 sujets répondant aux critères d’inclusion parmi lesquels 11 avaient une thrombopénie. La numération plaquettaire était < 100 G/L dans 4 cas. L’âge médian était de 65 ans (IQR, 53–84) et 76 ans (IQR, 50–88), respectivement, pour les groupes de sujets thrombopéniques et non-thrombopénique. Le sexe-ratio, la température corporelle ainsi que les étiologies d’HT ne différaient pas significativement entre les deux groupes. Les HT non-accidentelles étaient majoritaires (n = 48). Seul l’antécédent de thrombopénie était statistiquement significatif pour prédire la survenue d’une thrombopénie induite par l’hypothermie (p = 0,006). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes pour l’insuffisance hépatocellulaire, un syndrome inflammatoire, hémopathie maligne ou une manifestation infectieuse–ni même en termes d’hospitalisation. En dehors, des cas de cirrhose (n = 2), la thrombopénie était régressive avec le réchauffement du sujet. Il n’y avait pas d’argument pour une coagulation intravasculaire disséminée, un syndrome d’activation macrophagique, une myélodysplasie ni pour une thrombopénie constitutionnelle dans la population étudiée.