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Lettres à la rédaction / La revue de médecine interne 26 (2005) 829–837
Références [1]
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V. Leclercq * Service de gériatrie du Docteur-Wolmark, hôpital Bretonneau, 23, rue Joseph-de-Maistre, 75018 Paris, France Adresse e-mail :
[email protected] (V. Leclercq). S. Lacaille S. Delpierre E. Karoubi S. Legrain Service de gériatrie du Professeur-Sylvie-Legrain, hôpital Bichat–Claude-Bernard, 46, avenue Henri-Huchard, 75018 Paris, France Reçu le 24 février 2005 ; accepté le 26 mai 2005 Disponible sur internet le 27 juin 2005 * Auteur correspondant. 0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.05.014
Une observation de scorbut secondaire à un trouble grave du comportement alimentaire
Scurvy as the outcome of a serious abnormal diet behaviour Mots clés : Pseudovascularite ; Insuffisance rénale ; Scorbut ; Trouble du comportement alimentaire Keywords: Vasculitis-like syndrome; Renal failure; Scurvy; Abnormal diet behaviour
Nous rapportons l’observation d’une femme de 51 ans, ancienne préparatrice en pharmacie, hospitalisée en octobre
2003 en service de cardiologie puis de médecine interne pour hypertension artérielle sévère, œdèmes des membres inférieurs fixés, insuffisance rénale progressive avec hématurie et protéinurie à 1,26 g/L, purpura distal extensif ; une impotence fonctionnelle progressive, secondaire à une faiblesse musculaire à la marche, et des douleurs des chevilles confinaient la patiente au lit. L’examen clinique notait une pâleur, un indice de masse corporelle à 18 kg/m2 malgré la présence d’une anasarque, l’absence de signes d’insuffisance cardiaque et d’anomalies pulmonaires cliniques. Les chevilles, douloureuses à la mobilisation, étaient couvertes de pétéchies et d’ecchymoses. Des antécédents de colopathie fonctionnelle, objet d’un régime restrictif volontaire devenu caricatural depuis une pancréatite ourlienne (1997) « à l’origine d’intolérances alimentaires et médicamenteuses » éveillaient l’attention. L’enquête alimentaire identifiait un régime carencé se limitant à du thé, du riz, de la viande pochée, à l’exclusion de tout légume ou fruit frais. Le bilan biologique montrait une CRP à 16 mg/L, une urée à 22 mmol/L pour une créatinine à 171 µmol/L (clairance calculée avec la formule MDRD à 31 mL/minute), une anémie arégénérative (Hb = 8,7 g/dL ; VGM : 80 fL microcytaire), une numération plaquettaire à 284 000/mm3. Le bilan immunologique (cryoglobuline, facteurs antinucléaires, anticorps anticytoplasme des polynucléaires, anticorps antiphospholipides) était négatif avec un temps de saignement supérieur à dix minutes. Le TCA, les facteurs de la coagulation, les dosages de vitamine B12 et de folates étaient normaux. La biopsie cutanée avec immunofluorescence montrait un hématome, et l’absence de signes d’angéite. La biopsie rénale retrouvait une néphrite interstitielle fibreuse avec lésions glomérulaires centripètes (destruction de 20 % des glomérules et lésion d’athérosclérose des petites artères) ; l’échographie cardiaque objectivait une hypertension artérielle pulmonaire (pression artérielle pulmonaire : 65/15 mmHg en octobre 2003) sans signes d’insuffisance ventriculaire droite ; la radiographie thoracique était normale. En revanche, l’ascorbémie était inférieure à 3 µmol/L. L’évolution était spectaculairement favorable sur le plan clinique sous régime adapté et apport vitaminique, avec amélioration de la fonction rénale (créatinine : 90 µmol/L, avec une clairance à 61 mL/minute en janvier 2004) et normalisation de la pression artérielle pulmonaire à 26 mmHg. L’entretien psychiatrique révélait un syndrome anxiodépressif ancien, des suivis psychothérapiques en échec, une automédication de règle, tout traitement prescrit étant abandonné « pour effet secondaire », la patiente faisant du « VIDAL » son « livre de chevet » ; une séparation douloureuse (départ de sa fille surprotégée) était mise au jour. La personnalité rencontrée semblait complexe, évoquant un « état limite » ; la perception déformée de l’image corporelle, le rapport étroit aux médicaments dommageables, le recours itératif à des thérapies et des thérapeutes divers allaient dans ce sens, révélant des efforts pour éviter abandons réels ou imaginaires, mais aussi une instabilité relationnelle, et témoignaient d’une perturbation de l’identité.
Lettres à la rédaction / La revue de médecine interne 26 (2005) 829–837
Le scorbut, maladie connue au moins depuis les Croisades, détaillée dans les observations des médecins à bord des navires au long cours, reconnue au cours des campagnes napoléoniennes [Larrey], a vu finalement son traitement par la vitamine C identifié grâce aux travaux de Szent-Gyorgi [Prix Nobel de Médecine 1937]. Classique également dans les milieux défavorisés [1], son expression ultime au cours d’un trouble des conduites alimentaires est exceptionnelle. La présence d’une insuffisance rénale n’est pas habituelle au cours du scorbut : notre observation laisse ainsi un doute quant à une attitude de consommation médicamenteuse ou de mésusage associée. En 1996 Mehta et al. [2] ont rapporté un cas de pseudovascularite scorbutique au cours d’une anorexie mentale présentant un contexte psychologique proche de notre observation. Ils notent la rareté du scorbut dans cette situation, en soulignant la coexistence des signes classiques du scorbut (purpura périfolliculaire, ecchymoses déclives, arthralgies, intumescence synoviale), et d’un infiltrat interstitiel pulmonaire, d’une hypertension artérielle pulmonaire et d’une hématurie, suggérant une maladie systémique sévère. Comme chez notre patiente, l’absence de déficit vitaminique autre que de vitamine C est également rapporté. Wallach et al., dans une lettre complémentaire à cette publication [3], soulignent que le scorbut devrait être considéré comme un diagnostic différentiel des vascularites, surtout chez les patients aux conduites alimentaires inhabituelles. Ainsi en 1994 ces auteurs avaient observé trois cas, en milieu rhumatologique, en présence d’un rash purpurique, de myalgies, d’arthralgies, et d’un malaise général [4]. Comme eux, devant la vogue actuelle des « fad diets », nous pensons qu’il est important d’évoquer ce diagnostic et de recueillir une enquête alimentaire précise auprès des patients présentant des signes de vascularite. Ces constatations nous amènent à évoquer l’utilité d’une étude psychologique approfondie, ce qui conforte au surplus l’intérêt actuel porté aux structures de psychiatrie de liaison.
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[2]
Mehta CL, Cripps D, Bridges AJ. Systemic pseudovasculitis from scurvy in anorexia nervosa. Arthritis Rheum 1996;39:532–3.
[3]
Wallach PM, Adelman HM, Seleznick MJ, Kanik KS, Espinoza CG, Espinoza LR, et al. Scurvy is not a rare cause of pseudovasculitis: Comment on the concise communication by Mehta. Arthritis Rheum 1997;40:589.
[4]
Adelman HM, Wallach PM, Guttierez F, Kreitzer SM, Seleznick MJ, Espinoza CG, et al. Scurvy resembling cutaneous vasculitis. Cutis 1994;54:111–4.
A.F. Gilquin * Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, Hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, 75908 Paris cedex 15, France Adresse e-mail :
[email protected] (A.F. Gilquin). A. Passeron Département de médecine interne, hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, 75908 Paris cedex 15, France E. Guillibert S.M. Consoli Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, Hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, 75908 Paris cedex 15, France L. Capron Département de médecine interne, hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, 75908 Paris cedex 15, France Reçu le 3 février 2005 ; accepté le 3 juin 2005 Disponible sur internet le 06 juillet 2005 * Auteur correspondant. Tel. : +33.1 56 09 33 71, fax : +33 1 56 09 21 18.
Références [1]
Fain O. Carences en vitamine C. Rev Med Int 2004;25:872–80.
0248-8663/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2005.06.006