Strabisme convergent et troubles du comportement

Strabisme convergent et troubles du comportement

Revue francophone d'orthoptie 2016;9:176–177 Dossier / Cas clinique Strabisme convergent et troubles du comportement Esotropia and behavioral disord...

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Revue francophone d'orthoptie 2016;9:176–177

Dossier / Cas clinique

Strabisme convergent et troubles du comportement Esotropia and behavioral disorder Nathalie Fitton (orthoptiste)

SESSAD « Le Tremplin », 3, boulevard l'Yerres, 91000 Evry, France

MOTS CLÉS

RÉSUMÉ

Introduction. – Léna atteinte d'un syndrome de West, consulte accompagnée de sa mère pour une absence de communication visuelle et l'apparition d'un strabisme convergent. Observation. – Strabisme convergent et perturbation perceptivo-motrice dans un contexte de troubles du comportement. Problématique. – Entreprendre une rééducation orthoptique en l'absence d'interactions. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Communication Rééducation Syndrome de West Troubles du comportement

KEYWORDS Communication Rehabilitation West syndrome Disorder of relationship

SUMMARY

Introduction. – Lena suffering from West syndrome, consults with her mother for a lack of visual communication and the appearance of a convergent strabismus. Observation. – Convergent strabismus and perceptual-motor disturbance in a behavior disorder context. Problematic. – Undertake orthoptic rehabilitation in the absence of interactions. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

INTRODUCTION Lorsque Léna arrive au cabinet le 4 mai 2010, accompagnée de sa mère, elle est âgée de 4 ans et demi. C'est son neuropédiatre qui me l'a adressée. Sa mère dit que Léna ne la regarde pas. Dès l'âge de 5 mois et demi, les parents constatent des problèmes de fixation. Après investigation le diagnostic de syndrome de West est posé. Léna est suivie par un Service pour l'intégration des déficients visuels et aveugles (SIDVA) depuis 3 ans. Au départ, elle a bénéficié d'une prise en charge en kinésithérapie et en psychomotricité pour un retard global du développement. Aujourd'hui, un suivi éducatif, un enseignement spécialisé et la poursuite en psychomotricité sont mis en place. Léna a acquis la position assise à 2 ans et la marche à 3 ans. Elle mange peu de morceaux, ne parle pas, ne joue pas et ne rentre pas en interaction avec sa petite sœur.

Par ailleurs, les parents constatent l'apparition d'un strabisme convergent de l'œil gauche à l'âge de 3 ans. Ils consultent un ophtalmologiste qui prescrit +2 œil droit (OD) et œil gauche (OG) après examen sous cycloplégique. Mais ceux-ci n'ont pas fait faire la correction. Les PEV et ERG ont été réalisés en décembre 2008 et sont normaux. Le bilan est difficile à réaliser car Léna bouge beaucoup et ne supporte pas d'être sollicitée. Elle s'enferme dans des stéréotypies.

BILAN SUR LE PLAN SENSORIEL  L'acuité visuelle est impossible à chiffrer, même au test de BBVision : test en réseau de regard préférentiel. Léna ne présente aucun intérêt pour l'image.  La réaction à l'occlusion est identique OD et OG.

Adresse e-mail : nathalie.fi[email protected]

http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2016.06.001 © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 176

Dossier / Cas clinique

Strabisme convergent et troubles du comportement

 La fusion est entravée par une déviation intermittente en convergence de l'OD.

BILAN SUR LE PLAN OPTOMOTEUR  L'OG est plus souvent fixateur et Léna utilise plus volontiers sa main droite.  Il n'existe pas d'attitude compensatrice de la tête mais des mouvements de tête importants. L'équilibre est fragile à la marche et en station debout. Léna a du mal à rester assise.  La déviation en convergence de l'OD est impossible à mesurer au cover test et aux reflets : la fixation est trop fugace. Léna réagit violemment à la lumière : clignements des paupières, rotation de la tête.  La poursuite oculaire n'est pas possible et les saccades sont impossibles à tester.

BILAN SUR LE PLAN FONCTIONNEL Il n'existe pas de communication visuelle, Léna privilégie sa vision périphérique : localisation et repérage sont possibles mais sans orientation du regard. Celle-ci est favorisée par le soutien sonore.

DIAGNOSTIC ORTHOPTIQUE ET PROJET DE SOINS Léna présente un strabisme convergent alternant plutôt OGF ce jour, avec un trouble perceptivo-moteur. Sa vision soutient très peu l'action. Le projet de soins est de contacter l'ophtalmologiste qui suit Léna car la correction prescrite l'an dernier n'a pas été exécutée et d'entreprendre des séances de rééducation. Ceci afin de savoir si la capacité à discriminer, à orienter le regard peut être renforcée. La vision fonctionnelle peut-elle être plus efficiente chez cette enfant présentant visiblement des troubles du comportement ? Les moyens pour la mise en place de ce projet de soins sont l'observation à domicile puis des séances hebdomadaires à ajuster en fonction des résultats.

CONCLUSION Peu de chiffres, mais à l'observation, un manque évident d'investissement du potentiel visuel, et des parents en demande d'un minimum d'interaction avec leur fille ! Après une visite à domicile qui confirme l'incapacité pour Léna de jouer, de rentrer en interaction avec l'autre même dans son environnement, j'entreprends 20 séances de rééducation sur 7 mois. De plus, une correction + 2.50 OD et OG a été prescrite rapidement. Les résultats semblent très insuffisants mais ce n'est pas du tout le sentiment de la famille qui pose la question du pourquoi une consultation orthoptique si tardive ? La famille ne veut surtout pas interrompre la rééducation au motif que les progrès sont nets ! En effet, les parents constatent une réelle amélioration au niveau de la communication visuelle. Léna est désormais capable d'émettre visuellement et l'entourage repère maintenant les objets convoités visuellement par Léna. Le strabisme ne se remarque plus. Léna ne joue toujours pas mais cherche à se procurer des sensations en agitant les objets durs et/ou sonores. Elle les porte également très souvent à la bouche. Un diagnostic de troubles du spectre autistique (TSA) ne peut être posé compte-tenu de l'atteinte cérébrale mais les troubles de la relation sont présents et les limites de la rééducation orthoptique se posent : comment travailler sur la saisie de l'information visuelle, sur l'organisation du geste quand l'intérêt pour le jeu est difficile à apprécier ? Une prise en soin précoce de la problématique visuelle auraitelle pu éviter ou diminuer l'enfermement ? Et surtout le soutien visuel aurait-il pu avoir une incidence sur le développement psychomoteur ? Lorsque l'on fait le parallèle avec le développement moteur de la première enfance (d'après Keogh et Sugden, 1985) et les acquisitions visuelles de la naissance à 3 ans, le lien parait étroit. Répondre à la demande des parents même si cette rééducation semble difficile à mener a été la démarche finalement adoptée. Déclaration de liens d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

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