Synthèse General review
Volume 100 • N◦ 9 • septembre 2013 John Libbey Eurotext
©
Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux Immunotherapy for colorectal cancer David Tougeron1,2,3 , Émilie Fauquembergue2 , Jean-Baptiste Latouche2 Article rec¸u le 14 janvier 2013, accepté le 25 mars 2013 Tirés à part : D. Tougeron
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CHU de Poitiers, service d’hépato-gastro-entérologie, 2, rue de la Milétrie, 86000 Poitiers cedex, France Inserm, U1079, faculté de médecine de Rouen, 76000 Rouen Cedex, France 3 Faculté de médecine de Poitiers, laboratoire inflammation, tissus épithéliaux et cytokines, France 2
Pour citer cet article : Tougeron D, Fauquembergue É, Latouche JB. Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux. Bull Cancer 2013 ; 100 : 871-85. doi : 10.1684/bdc.2013.1800.
Résumé. Des travaux récents ont mis en évidence le lien étroit entre la réponse immunitaire et le pronostic des patients atteints de cancers colorectaux (CCR). La meilleure compréhension de la réponse immune associée aux progrès des biotechnologies de ces dernières années a permis le développement de stratégies d’immunothérapie dans les CCR. Les stratégies d’immunothérapie sont classées en fonction de leur caractère « actif » ou « passif » (stimulation ou non du système immunitaire du patient) ainsi qu’en fonction de l’induction d’une réponse immunitaire spécifique d’un antigène ou non. Ces stratégies d’immunothérapie ont peu d’effets secondaires et la plupart induisent une réponse humorale et cellulaire corrélées avec la réponse clinique dans les CCR. Plusieurs anticorps monoclonaux bloquant les voies de signalisation tumorale ou la néo-angiogenèse ont prouvé leur efficacité. Différentes stratégies de vaccinothérapie, utilisant différents antigènes tumoraux, ont démontré une efficacité biologique, mais avec peu de résultats cliniques. Les résultats les plus encourageants sont en situation adjuvante, mais nécessitent d’être confirmés par des essais randomisés. L’immunothérapie adoptive par transfert de lymphocytes T autologues spécifiques de certains antigènes tumoraux semble aussi être une piste prometteuse. À ce jour, excepté les anticorps monoclonaux, aucune stratégie d’immunothérapie n’est utilisée en dehors d’essais thérapeutiques en l’absence de validation à grande échelle et de standardisation.
doi : 10.1684/bdc.2013.1800
Mots clés : anticorps, cancers colorectaux, cytokines, immunothérapie adoptive, vaccination antitumorale
Introduction Malgré les progrès significatifs des chimiothérapies cytotoxiques, le cancer colorectal (CCR) est responsable de 16 000 décès par an. Il est donc urgent de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
Abstract. Recent studies have underlined the close link between immune response and prognosis of patients with colorectal cancer (CRC). Immune response understanding combined with biotechnology progress of the last years has allowed development of immunotherapy strategies in CRC. Immunotherapy strategies are divided in “active” or “passive” strategies (patients immune system stimulation or not) and considering the activation of antigen specific immune response or not. These immunotherapy strategies are well tolerated and induced cellular and humoral response correlated with clinical response. Many monoclonal antibodies targeting signalisation pathways or angiogenic growth factors have demonstrated their efficacy in CRC. Multiple vaccine strategies, using different tumour associated antigens, have demonstrated a biological efficacy but with poor clinical results. Results are more promising in adjuvant setting but need to be confirmed by randomized trials. Adoptive immunotherapy with transfer of tumour associated antigen specific T cell is probably the most promising strategy. Actually, except monoclonal antibodies, immunotherapy is not used in clinical practice in CRC due to the lack of results and absence of standardisation.
Key words: antibodies, colorectal cancer, cytokines, adoptive immunotherapy, tumor vaccination
afin d’améliorer le pronostic de ces tumeurs. Les découvertes récentes sur l’immunité antitumorale ainsi que les progrès de la biologie moléculaire permettent d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques. Compte tenu du fort lien entre le pronostic et la réponse immune
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dans de nombreux cancers, notamment dans les CCR [1, 2], l’immunothérapie est actuellement l’une des pistes majeures de la recherche en cancérologie. L’immunothérapie a fait la preuve de son efficacité dans des modèles expérimentaux de tumeur chez l’animal et est actuellement en évaluation clinique chez l’homme. Contrairement à certaines tumeurs telles que les mélanomes, les CCR étaient considérés jusqu’à récemment comme des tumeurs peu immunogènes. En effet, les premières études in vitro avec des tumor infiltrating lymphocytes (TIL) n’avaient pas retrouvé d’importante activité cytolytique antitumorale contre des cellules de CCR [3, 4]. De plus, les stratégies d’immunothérapie efficaces dans le traitement du mélanome ou du cancer du rein, comme l’immunothérapie basée sur l’administration de cytokines telles que l’interféron␥ (IFN-␥), ou l’immunothérapie adoptive utilisant les TIL, ont échoué dans les CCR [5, 6]. Néanmoins, à la lumière des publications récentes, les CCR semblent être de bons candidats car : – la réponse immunitaire a une valeur pronostique majeure ; – de nombreux antigènes tumoraux ont été identifiés et ; – il existe une réponse T cytotoxique spécifique in vivo dirigée contre certains antigènes tumoraux [1, 2, 7-9]. De nombreuses stratégies thérapeutiques ont été développées utilisant les différents champs des réponses humorale et cellulaire, ainsi que l’ensemble des cellules de la réponse immunitaire. Les progrès technologiques dans le développement des anticorps monoclonaux et des stratégies de vaccinothérapie ont permis la mise en place d’essais thérapeutiques préliminaires très encourageants. L’objectif de cette mise au point est de faire la synthèse sur les différentes stratégies d’immunothérapie développées en phase clinique dans les CCR, leurs mécanismes d’action, l’efficacité ainsi que les perspectives futures de l’immunothérapie dans les CCR.
Immunité antitumorale, mort cellulaire immunogène et cancers colorectaux Le système immunitaire est un ensemble coordonné d’éléments qui permet de discriminer le « soi » du « non-soi ». Bien que les tumeurs dérivent de cellules du soi, les cellules tumorales peuvent exprimer des molécules reconnues par le système immunitaire appelées antigènes tumoraux [10]. De plus, le système immunitaire est également capable de détecter toute situation potentiellement délétère pour l’hôte (théorie du danger) grâce à des récepteurs spécifiques qui reconnaissant des signaux de danger endogènes. La principale famille de récepteurs des signaux de danger sont les récepteurs
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de type Toll (TLR). Parmi les signaux de danger endogènes, certains sont libérés par les cellules nécrotiques (par exemple, les heat shock proteins [HSP] et la protéine high mobility group box 1 [HMGB1]) et d’autres résultent de la dégradation de la matrice extracellulaire. Les chimiothérapies utilisées dans le traitement des cancers induisent le plus souvent une mort cellulaire de type apoptotique, connue pour être habituellement peu immunogène, voire tolérogène avec phagocytose des débris cellulaires et sécrétion de cytokines antiinflammatoires. Mais la mort cellulaire induite par certaines chimiothérapies et par la radiothérapie peut être immunogénique s’il y a expression par les cellules mourantes d’un signal de danger (et ainsi induire une réponse immune antitumorale) [11]. Il existe deux types de mécanismes de défense immunitaire : les mécanismes de défense non spécifiques comprenant l’immunité innée et les mécanismes de défense spécifiques de l’immunité adaptative comprenant les réponses immunitaires humorale et cellulaire. Le système immunitaire inné comprend notamment les cellules natural killers (NK), les monocytes/macrophages, les cellules NK T (NKT), et les LT␥␦. Les cellules NK et les macrophages jouent un rôle majeur dans la destruction des cellules tumorales, du fait de leurs propriétés cytolytiques et phagocytiques. En effet, grâce au récepteur CD16 (ou Fc␥RIII), ils peuvent lier le fragment constant des immunoglobulines et ainsi détruire les cibles tumorales recouvertes d’anticorps, par la cytotoxicité dépendante des anticorps ou antibody-dependent cell-mediated cytotoxicity (ADCC). Ces cellules peuvent aussi être activés par leurs récepteurs NKG2D qui reconnaissent des ligands (MHC class I chain-related A/B [MICA/B] ; unique long 16-binding protein [ULBP]) exprimés à la surface des cellules tumorales. La réponse immunitaire antitumorale spécifique à médiation cellulaire fait intervenir les lymphocytes T (LT) qui reconnaissent les antigènes tumoraux. La principale voie d’activation des LT CD8+ cytotoxiques antitumoraux est la présentation croisée. Ainsi, la cellule dendritique (DC) capte l’antigène tumoral à partir du milieu extracellulaire puis le présente aux LT CD8+ couplé au CMH I (complexe majeur d’histocompatibilité de classe I). Le CMH chez l’homme est aussi appelé système human leucocyte antigen (HLA) et les peptides présentés, dérivant des antigènes tumoraux, dépendent donc du système HLA de l’individu. L’activation complète des LT nécessitent trois signaux : la reconnaissance du peptide antigénique présenté par les DC (signal 1), l’action de molécules accessoires (signal 2) et de cytokines (signal 3). Les LT CD8+ ainsi activés peuvent reconnaître spécifiquement les cellules tumorales exprimant cet antigène tumoral et induire leur lyse. Les LT CD4+ peuvent être différenciés en au moins quatre sous-types distincts (Th1, Th2, Th17, LT régulateurs), caractérisés chacun Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux
par un profil de sécrétion cytokinique particulier responsable de leurs fonctions spécifiques. La réponse Th1 favorise la réponse antitumorale via l’activation des cellules cytotoxiques CD8+, alors que la réponse Th2 est plutôt considérée comme délétère pour la réponse antitumorale. Le système immunitaire peut reconnaître et détruire les cellules anormales aussitôt qu’elles apparaissent, mais les tumeurs sont capables d’échapper à la réponse immunitaire pour poursuivre leur croissance. Ainsi, les mécanismes d’échappement tumoral peuvent être inhérents aux cellules tumorales (défaut de présentation des antigènes), à l’environnement tumoral (« shift » de la réponse Th1 vers Th2) ou aux cellules effectrices du système immunitaire (tolérance). Un des principaux mécanismes d’échappement à la réponse immune est l’induction d’une tolérance par différents mécanismes : – une tolérance périphérique induite par une présentation antigénique par des DC immatures, en l’absence de signaux de danger (ignorance) ; – une anergie lymphocytaire due à l’absence de signal co-stimulateur ; – une inhibition de l’activation des LT effecteurs par des LT régulateurs. Les travaux récents de Pages et al. et Galon et al. ont bouleversé nos dogmes puisque le taux de TIL semblerait être un facteur pronostique majeur dans les CCR [1, 2]. Les réponses Th1 et T effectrice CD8+ étaient associées avec l’absence de critères d’invasion métastatique précoce (embols veineux, invasion lymphatique et engainement périnerveux ou critères VELIPI) [1]. Le taux de TIL (marqueur pan-lymphocytaire CD3) était un facteur indépendant de survie globale en analyse multivariée (p < 0,01) et surtout semblait être un meilleur facteur pronostique que la classification TNM [2].
Effets immunologiques des traitements anticancéreux Les chimiothérapies conventionnelles cytotoxiques utilisées dans le traitement des cancers peuvent avoir des effets directs ou indirects sur le système immunitaire inhibiteurs mais aussi activateurs [12]. Les chimiothérapies peuvent avoir des effets inhibiteurs sur le système immunitaire (cytopénie, altération de la fonction T effectrice et des cellules NK. . .). Par exemple, les inhibiteurs de tyrosine kinase, comme l’imatinib mésylate, peuvent affecter la fonction des LT via l’inhibition de la tyrosine kinase lck. Les glucocorticoïdes sont largement utilisés dans les protocoles de chimiothérapie comme antiémétiques, mais peuvent aussi avoir des effets délétères sur la réponse immune en activant le transforming growth factor  (TGF-), en altérant la fonction des cellules NK, en inhibant la production de cytokines pro-inflammatoires, en induisant la réponse T CD4+ Th2 et en altérant la fonction des DC. La mort cellulaire induite par certaines chimiothérapies et par la Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
radiothérapie peut être immunogénique s’il y a expression par les cellules mourantes d’un signal de danger (HSP, HMGB1) et ainsi induire des réponses cellulaires spécifiques (rôle des DC). De plus, certaines chimiothérapies peuvent stimuler le système immunitaire par de nombreux autres mécanismes (augmentation de la présentation des antigènes, inhibition des cellules régulatrices, stimulation directe ou indirecte des cellules effectrices) [12]. Les trois principales chimiothérapies cytotoxiques utilisées dans les CCR – le 5-FU (5-fluoro-uracile), l’oxaliplatine et l’irinotécan – ont des effets immunologiques. Le 5-FU induit l’expression de HSP dans les cellules tumorales, facilite l’absorption d’antigènes par les DC et favorise la présentation croisée des antigènes tumoraux. Le 5-FU favorise aussi l’expression de molécules de co-stimulation comme CD95 et intercellular adhesion molecule 1 (ICAM-1) sur les cellules tumorales qui sont donc plus sensibles à la lyse par les LTC (LT CD8+ cytotoxiques). L’oxaliplatine agit aussi sur le système immunitaire inné en favorisant la production par les cellules tumorales de HMGB1, ligand de Toll-like receptor 4 (TLR4). Le TLR4 présent sur les DC favorise la captation et la présentation des antigènes via la voie effectrice MyD88 et favorise donc la réponse immunitaire T antitumorale. Certaines chimiothérapies, comme les inhibiteurs de la topo-isomérase (irinotécan), peuvent stimuler une réponse complexe faisant intervenir l’activation de protéines suppresseurs de tumeur, comme les kinases ataxia telangectasia mutated (ATM) et checkpoint kinase 1 (chk1), ou le facteur de transcription P53 [13]. L’activation de cette voie de réparation des lésions de l’ADN est associée à l’expression de ligands de NKG2D à la surface des cellules tumorales et donc induit une réponse immune [14].
Les différentes stratégies d’immunothérapie Le terme général d’immunothérapie désigne les méthodes de traitement ayant pour but de modifier les moyens de défense naturelle de l’organisme, autrement dit le système immunitaire. En oncologie, l’objectif est de rompre la tolérance vis-à-vis d’un antigène tumoral et d’être efficace à long terme (réponse mémoire et spécifique) avec des effets secondaires minimes (autoimmunité limitée). Il existe différentes stratégies d’immunothérapie en fonction du mécanisme d’action. Les stratégies d’immunothérapie sont classées en fonction de leur caractère « actif » ou « passif » (figure 1). On distingue également l’immunothérapie humorale basée sur l’administration d’anticorps (utilisation d’anticorps monoclonaux artificiels ciblant les cellules tumorales) et l’immunothérapie cellulaire basée sur l’administration de cellules immunitaires
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Immunothérapie passive
Immunothérapie active non spécifique molécules immunostimulantes molécules inhibitrices de molécules immunosupppressives
spécifique cellules tumorales heat shock proteins antigènes tumoraux (protéines/peptides, vecteurs viraux) anticorps anti-idiotypiques
anticorps monoclonaux
Immunothérapie adoptive Isolement des cellules autologues - LT spécifiques - clones Iymphocytaires - lymphocytes génétiquement modifiés
Injection au patient
Figure 1. Principales stratégies d’immunothérapie. L’immunothérapie passive utilise des anticorps monoclonaux dirigés contre les cellules cancéreuses pour freiner la progression tumorale. L’immunothérapie active stimule les propres défenses immunitaires de l’individu pour induire une réponse antitumorale (vaccinothérapie). Elle est soit non spécifique utilisant des molécules immunostimulantes ou inhibitrices de la réponse immunomodulatrice, soit spécifique utilisant des antigènes tumoraux. L’immunothérapie adoptive consiste à apporter au patient des cellules extérieures immunologiquement compétentes, le plus souvent autologues et stimulées in vitro, qui peuvent être spécifiques ou non d’un antigène. LT : lymphocyte T.
spécifiques d’antigènes tumoraux ou non spécifiques pour induire une régression tumorale. Les stratégies d’immunothérapie « passive » utilisent des anticorps dirigés contre les cellules cancéreuses sur le modèle de la sérothérapie anti-infectieuse. L’immunothérapie « active » revient à stimuler les propres défenses immunitaires de l’individu pour induire une réponse antitumorale. Elle est soit non spécifique, visant l’activation du système immunitaire par des molécules immunostimulantes (telles que les cytokines) ou des molécules inhibant la réponse immunomodulatrice négative, soit spécifique, ciblant des antigènes tumoraux. L’immunothérapie « adoptive » consiste à apporter au patient des cellules « extérieures » immunologiquement compétentes, le plus souvent autologues et stimulées in vitro. Différents critères sont nécessaires pour qu’un antigène tumoral soit intéressant pour une stratégie d’immunothérapie :
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– expression plus importante (ou spécifique) dans la tumeur par rapport au tissu sain ; – rôle dans la carcinogénèse ; – absence de tolérance immunitaire ; – mise en évidence d’une réponse immunitaire spécifique in vivo. Les antigènes surexprimés (TP53, epithelial cell adhesion molecule [Ep-CAM], antigène carcinoembryonnaire [ACE]) ou mutés (KRAS, récepteur 2 du TGF) dans les CCR semblent donc être de bonnes cibles.
Immunothérapie passive Le principe de base de la thérapie anticancéreuse par les anticorps monoclonaux est la liaison spécifique d’un anticorps à un antigène particulier pour exercer des activités antitumorales (inhibition de la croissance cellulaire ou de la néo-angiogenèse, induction de Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux
Cellule tumorale
Cellule tumorale Lyse tumorale (perforines, granzymes) Antigène tumoral (récepteur aux facteurs de croissance) Anticorps monoclonal Récepteur Fc
Cellule immune (cellule NK, macrophage)
Blocage de la transduction du signal Cytotoxicité dépendante des anticorps
Figure 2. Mécanismes d’action des anticorps monoclonaux. Les anticorps monoclonaux lient les antigènes tumoraux exprimés à la surface des cellules tumorales. Ils agissent en bloquant les voies de transduction du signal de la cellule tumorale, mais peuvent aussi favoriser la lyse dépendante du complément ou la cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC). En effet, grâce à leur région Fc, les anticorps monoclonaux peuvent lier des cellules immunitaires exprimant le récepteur Fc␥, telles que les cellules natural killer. Cellule NK : cellule natural killer, Fc : fragment constant des immunoglobulines.
l’apoptose. . .) (figure 2). L’antigène est soit exprimé à la surface des cellules cancéreuses telles que les récepteurs à activité tyrosine kinase (HER2), les molécules d’adhésion cellulaire (Ep-CAM) ou les protéines membranaires (CD20), soit circulant telles que les facteurs de la néo-angiogenèse (vascular endothelial growth factor [VEGF]). Ces anticorps constituent une des classes les plus larges des nouveaux traitements approuvés ces dernières années pour les cancers. Ils sont produits en grande quantité par la technique des hybridomes (fusion de cellules immunes avec des cellules de myélome) et les progrès du génie génétique permettent maintenant de les « humaniser » complètement pour limiter les réactions xénogéniques. L’avantage de ces molécules par rapport aux chimiothérapies conventionnelles cytotoxiques est de cibler préférentiellement les cellules tumorales et d’être donc moins toxiques. De plus, les anticorps monoclonaux qui se lient aux cellules tumorales peuvent aussi favoriser la lyse dépendante du complément ou la cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC) (figure 2). Ces anticorps sont généralement de classe IgG et peuvent se lier par Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
l’intermédiaire de leur région Fc aux cellules exprimant un récepteur Fc␥ (Fc␥R) telles que les macrophages, les cellules NK ou les DC, et ainsi contribuer à l’immunité antitumorale.
Anticorps monoclonaux testés dans les cancers colorectaux L’édrécolomab est un anticorps IgG de souris dirigé contre l’epithelial cell-adhesion molecule (Ep-CAM) qui a initialement démontré une efficacité en situation adjuvante dans les CCR en phase II, avec une réduction du risque de décès de 30 % par rapport aux patients sans traitement adjuvant. Cet anticorps agit en bloquant les récepteurs Ep-CAM et en favorisant la lyse dépendante du complément, l’ADCC et la formation d’anticorps anti-idiotypes. Néanmoins, ces résultats n’ont pas été confirmés en situation adjuvante en phase III par rapport à la chimiothérapie conventionnelle chez 2 761 patients (survie sans récidive inférieure au groupe chimiothérapie et 25 % de réaction d’hypersensibilité) (tableau 1). Cet anticorps est également inefficace en
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D. Tougeron, et al. Tableau 1. Principales stratégies d’immunothérapie développées dans les cancers colorectaux. Stratégie
Auteurs
Anticorps monoclonaux
Punt CJ et al., 2002 [15]
Cunningham D et al., 2004 [17] Peeters M et al., 2010 [18] Hurwitz H et al., 2004 [16] Heiss MM et al., 2010 [22] Immunothérapie Correale P active non et al., 2008 spécifique [24]
IgG murin contre l’EGFR (cétuximab)
329 (phase III)
IgG humanisé contre l’EGFR (panitumumab)
1186 (phase III)
Mécanisme d’action ADCC Formation d’anticorps anti-idiotypes Blocage de la voie EGF ADCC Blocage de la voie EGF
IgG murin contre le VEGF (bévacizumab)
813 (phase III)
Blocage du VEGF Activation des DC
AMM
Recrutement des LT ADCC
AMM pour le traitement de l’ascite maligne Taux de réponse de 56 % en situation métastatique
Morse MA et al., 2000 [25] Chung KY et al., 2010 [26] Immunothérapie Vermorken active JB et al., spécifique 1999 [27] Liang W et al., 2003 [28] Habal N et al., 2001 [29] Mazzaferro V et al., 2003 [30]
Flt3L
12 (phase I)
Activation des DC Stimulation des LTC Déplétion des LT régulateurs Stimulation des DC
Anticorps anti-CTLA-4 (trémélimumab)
47 (phase II) Activation des LTC
Cellules tumorales autologues (OncoVAX® )
254 (phase III)
Harrop R et al., 2006 [39] Chong G et al., 2006 [42]
Type
Nombre de patients IgG murin contre l’Ep-CAM 2761 (phase (édrécolomab) III)
Anticorps chimériques 258 (phase bispécifiques de Ep-CAM III) et CD3 (catumaxomab) GM-CSF+IL46 (phase II) 2+gemcitabine+oxaliplatine
Cellules tumorales 335 (phase autologues couplées au III) Newcastle disease virus 27 (phase II) Cellules tumorales allogéniques (CancerVax® )
Induction d’une réponse T et B Induction d’une réponse T et B Induction d’une réponse T et B
Résultats cliniques 5FU + édrécolomab non supérieur au 5FU seul en situation adjuvante AMM
AMM
Augmentation des DC circulantes mais sans réponse clinique 45 % de survie à 6 mois chez des patients chimiorésistants Diminution du taux de récidive de 26 à 12 % à 4 ans en situation adjuvante Amélioration de la SG en adjuvant versus chirurgie seule (67 % vs 46 % à 5 ans) SG de 21,9 mois chez des patients chimiorésistants
Vaccination avec HSP-gp96 autologue (Oncophage)
29 (phase II) Activation des LTC
Vaccination avec l’antigène tumoral 5T4 (TroVax® ) Anticorps anti-idiotype mimant l’ACE
22 (phase I/II)
Activation des LTC
930 (phase III)
Induction d’une réponse humorale
12 patients (phase I)
Activation des LTC Stimulation des DC
En première ligne pas d’augmentation de la SG en association avec le 5FU Forte corrélation entre SG et réponse immune 3 réponses tumorales et 2 stabilisations tumorales
10 patients (phase I)
Activation des LTC
2 stabilisations tumorales
Immunotherapie Fong L et al., DC autologues chargées adoptive 2001 [34] en peptides dérivant de l’ACE en association avec Flt3 ligand Liu KJ et al., DC autologues chargées 2004 [46] en peptides dérivant de l’ACE
SSR à 2 ans après résection de métastases hépatiques de 51 % versus 8 % chez les patients avec une réponse immunologique 23 % de stabilisation chez des patients chimiorésistants
Ig : immunoglobuline, ADCC : cytotoxicité dépendante des anticorps, LTC : lymphocyte T cytotoxique, DC : cellules dendritiques, SG : survie globale, SSR : survie sans récidive, AMM : autorisation de mise sur le marché
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Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux
situation métastatique [15]. Les anticorps bloquant la voie de l’epidermal growth factor receptor (EGFR, cétuximab et panitumumab) et le VEGF (bévacizumab) ont montré une amélioration significative de la survie dans les CCR métastatiques [16, 17]. La combinaison de ces nouvelles biothérapies aux chimiothérapies cytotoxiques a permis d’augmenter la médiane de survie de 16 à 24 mois [16-18]. En revanche, elle n’a pas démontré à ce jour d’efficacité en situation adjuvante après résection curative. Dans le but de diminuer la formation d’anticorps humains antisouris responsables de réactions d’hypersensibilité et d’une diminution de leur efficacité, un anticorps complètement humanisé ciblant l’EFGR a été développé (panitumumab). Des phénomènes d’ADCC sont suspectés pour le cétuximab et l’édrécolomab. Concernant le cétuximab, un polymorphisme des récepteurs Fc (FCGR3A-158VV) influence la réponse au traitement suggérant un rôle de l’ADCC dans l’efficacité de ce traitement [19]. Des anticorps avec une glycosylation modifiée sont en cours de développement pour augmenter leurs liaisons aux récepteurs Fc et donc l’ADCC. Le bévacizumab pourrait aussi avoir des effets immunologiques indirects. Sous traitement, une augmentation des taux de LT (CD3+ et CD4+) ainsi que de lymphocytes B (CD19+ et CD20+) a été mise en évidence. De plus, le bévacizumab restaure la différentiation des DC inhibée par le VEGF [20].
Nouvelles stratégies thérapeutiques utilisant les anticorps monoclonaux Une stratégie intéressante afin d’augmenter l’efficacité de cette approche est de développer des anticorps chimériques bispécifiques avec deux sites de liaison à deux antigènes différents (figure 3). Les plus utilisés reconnaissent un antigène tumoral et une molécule présente à la surface des cellules immunitaires dans le but de mobiliser spécifiquement des cellules immunoeffectrices dans la lyse des cellules tumorales. Ils sont le plus souvent spécifiques de CD3 ou du récepteur Fc des cellules NK afin d’augmenter le recrutement des LT ou des cellules NK et d’Ep-CAM, l’ACE ou l’EGFR sur les cellules tumorales [21]. Pour la plupart, ils sont encore au stade préclinique. Ces anticorps sont donc « trifonctionnels » car ils possèdent des sites de liaison antigénique avec deux spécificités différentes reconnaissant la cellule tumorale et les cellules T, mais aussi un domaine Fc activant les cellules auxiliaires. Un anticorps trifonctionnel, le catumaxomab (Removab® ), dans le traitement de l’ascite néoplasique réfractaire aux chimiothérapies conventionnelles a récemment obtenu son autorisation de mise sur le marché. Il cible Ep-CAM et le CD3, son injection intrapéritonéale a montré son efficacité dans les ascites malignes d’origine ovarienne ou digestive, avec Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
réduction de la fréquence des ponctions d’ascite thérapeutiques (11 versus 73 jours, p < 0,001) [22]. Dans le but d’augmenter leur efficacité, certains anticorps monoclonaux ont été conjugués à différentes molécules telles que des toxines, des molécules de chimiothérapie, des cytokines ou des isotopes radioactifs (radio-immunothérapie). Ils permettent alors une action plus ciblée de ces dernières molécules au sein de la tumeur que dans les traitements conventionnels, mais ils n’ont pas encore été évalués dans les CCR.
Immunothérapie active non spécifique L’immunothérapie active non spécifique repose sur l’utilisation de molécules produites ex vivo et qui injectées in vivo stimulent le système immunitaire sans cibler particulièrement la tumeur. L’exemple le plus ancien et le plus connu, est l’utilisation du Bacille de Calmette et Guérin (BCG), forme atténuée de Mycobacterium bovis, dans le traitement des cancers localisés de la vessie (Immuncyst® ). Le mécanisme précis de l’action du BCG n’est pas bien connu, mais il induit une inflammation vésicale qui provoque probablement le rejet des cellules cancéreuses de la paroi vésicale. Le lévamisole a montré une action immunostimulante dans les années 1960. Il a initialement démontré son efficacité, en association avec le 5-FU, dans le traitement adjuvant des CCR, mais ces résultats n’ont pas été confirmés par la suite [23]. L’utilisation de l’IL-2 et de l’IFN, efficaces dans les mélanomes et les cancers du rein, semble inefficace dans les CCR. Néanmoins, dans les CCR, l’utilisation d’une chimio-immunothérapie combinant de la gemcitabine, du FOLFOX, du granulocyte macrophage colony-stimulating factor (GM-CSF) et de l’IL-2 permet de stimuler la présentation des antigènes par les DC (GM-CSF), de stimuler les LT spécifiques de la tumeur (IL-2 et gemcitabine) et d’obtenir des taux de réponse élevés dans les CCR métastatiques de l’ordre de 56 % en phase II [24]. De plus, une diminution des LT régulateurs CD4+ CD25+ circulants et une augmentation des LT cytotoxiques spécifiques de certains antigènes tumoraux (ACE et thymidilate synthase) étaient observées. Dans une autre étude, l’utilisation de fms-like tyrosine kinase (Flt3L), stimulant les progéniteurs myéloïdes et notamment les DC, semblait intéressante dans les CCR [25]. De même, l’injection intratumorale de vecteurs adénoviraux codant l’IL-12 et la chimiokine IP-10, qui recrutent et stimulent les lymphocytes, a permis d’obtenir des régressions de métastases hépatiques. Néanmoins, il existe un risque de toxicité de l’IL-12 lié au relargage d’IFN-␥. De nombreuses autres molécules sont en cours d’étude, notamment des facteurs de croissance des cellules présentatrices d’antigène (CD40L), des facteurs de
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Lyse tumorale (perforines, granzymes)
Cellule tumorale Lymphocyte T
Antigène tumoral
CD3
Anticorps monoclonal bispécifique
Figure 3. Mécanismes d’action des anticorps chimériques bispécifiques. Les anticorps chimériques bispécifiques disposent de deux sites de liaison à deux antigènes différents. Les plus utilisés reconnaissent un antigène tumoral et une molécule présente à la surface des cellules immunitaires (par exemple CD3) dans le but de mobiliser spécifiquement des cellules immuno-effectrices dans la lyse des cellules tumorales.
croissance des LT (IL-15, IL-7), des facteurs bloquants les cellules immunosuppressives (anti-IL-10) ou l’interaction entre les cellules de la réponse immunitaire (anti-CTLA-4, anti-PD1/B7-H1). Des essais thérapeutiques sont en cours avec des anticorps monoclonaux stimulant certains récepteurs de la réponse immunitaire (CD28, CD40, CD137/4-1BB) et/ou inhibant des récepteurs régulant négativement la réponse immunitaire (CTLA-4, PD1/B7-H1). Cette stratégie semble efficace dans des modèles précliniques murins et est actuellement en évaluation en phase I. Un anticorps anti-CTLA-4 (trémélimumab) utilisé en monothérapie après échec de toutes les chimiothérapies conventionnelles a permis l’obtention de réponses partielles dans des CCR métastatiques [26]. Les limites de ces stratégies sont l’efficacité qui reste modérée et surtout la non spécificité de ces molécules responsable d’effets secondaires. Il serait probablement intéressant de les coupler à d’autres traitements plus spécifiques.
Immunothérapie active spécifique (vaccination antitumorale) L’objectif de l’immunothérapie active spécifique ou vaccination antitumorale est d’induire in vivo une réponse immunitaire spécifique contre les cellules
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cancéreuses pour permettre leur élimination. La vaccination antitumorale induit des LT cytotoxiques spécifiques d’un peptide antigénique présenté à la surface des cellules présentatrices d’antigènes (CPA), notamment les DC. Les différentes méthodes utilisées, pour présenter l’antigène aux cellules T effectrices sont l’injection de cellules tumorales autologues ou allogéniques irradiées, d’antigènes entiers, de peptides dérivés des antigènes tumoraux, ou de vecteurs viraux recombinants. D’autres approches utilisent des DC chargées avec un lysat tumoral ou l’antigène tumoral, des DC transduites avec de l’ARN ou de l’ADN plasmidique codant les antigènes d’intérêt, sous forme de peptides ou de protéines.
Injection de cellules tumorales Les premières techniques développées utilisaient l’injection sous-cutanée de cellules tumorales irradiées autologues ou allogéniques ou un lysat de cellules tumorales. Les cellules tumorales peuvent être injectées intactes ou modifiées (par exemple transduits avec des gènes codant des cytokines immunostimulantes ou des molécules de co-stimulation) et plus ou moins conjuguées avec des adjuvants (BCG, adjuvant de Freund). En situation métastatique, des réponses tumorales ont parfois été mises en évidence et en situation adjuvant Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux
une diminution du taux de récidive a été observée. L’utilisation d’un vaccin à base de BCG et de cellules tumorales autologues (OncoVAX® ) diminuait le taux de récidive tumorale en situation adjuvante dans plusieurs essais randomisés de phase III sur un total de plus de 700 patients atteints de CCR [27]. Il semblait surtout efficace dans les stades II (diminution du risque de récidive de 27,1 à 11,8 %) par rapport aux stades III et surtout lorsqu’on observait une réaction d’hypersensibilité retardée. L’utilisation de cellules tumorales autologues couplées au Newcastle disease virus, chez 567 patients tous stades confondus, a permis d’obtenir une amélioration de la survie globale en adjuvant versus chirurgie seule [28]. Il existait également une corrélation significative entre la survie et l’existence d’une réaction d’hypersensibilité retardée. Néanmoins, ce vaccin n’est pas efficace dans la prévention des récidives de métastases hépatiques opérées. L’utilisation de cellules tumorales allogéniques intactes ou modifiées dans les CCR n’a été évaluée, à notre connaissance, que dans l’étude de Habal et al. utilisant des cellules tumorales allogéniques exprimant l’antigène tumoral TA90, avec obtention d’une réponse immune spécifique et une amélioration de la survie globale des patients [29]. La vaccination basée sur l’utilisation de cellules tumorales est cependant limitée par la nécessité d’utiliser du tissu tumoral frais et surtout la faible immunogénicité induite. De plus, son efficacité est moindre par rapport aux chimiothérapies actuelles et aux nouvelles stratégies d’immunothérapie en développement.
Vaccinothérapie utilisant les antigènes tumoraux Dans un deuxième temps, ont été utilisé directement des peptides antigéniques immunodominants dérivant d’antigènes tumoraux, des HSP ou des protéines recombinantes (fusion d’antigènes tumoraux avec des molécules immunostimulantes) capables d’être présentés par les molécules du CMH. Il est aussi possible d’utiliser la séquence codante des antigènes tumoraux dans des vecteurs viraux, qui peuvent co-exprimer d’autres molécules intervenant dans la réponse immunitaire. Les virus les plus utilisés sont le virus de la vaccine, d’autres poxvirus et plus récemment, les adénovirus. Les capacités de virus recombinants à induire une forte réponse immunitaire reposent sur deux mécanismes : l’infection virale induit des signaux de « danger » qui stimulent l’immunité innée en attirant les DC, et certains virus infectent directement les DC, permettant l’apprêtement efficace des antigènes tumoraux. Ces stratégies nécessitent d’adjoindre un “adjuvant” afin d’induire une réponse immunitaire de préférence de type T CD4+ Th1 (adjuvant de Freund, BCG ou GM-CSF). Dans les cancers, il existe une réponse T CD8+ contre les HSP qui sont surexprimées lors d’un stress celluBull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
laire. De plus, elles activent les CPA et favorisent la réponse T CD4+ Th1. Dans les CCR, une stratégie d’immunothérapie utilisant HSP-gp96 dérivant de cellules tumorales autologues a permis une réponse T avec augmentation de la survie sans récidive après résection de métastases hépatiques [30]. Ce type d’approche, nécessite néanmoins l’utilisation de tissus tumoraux frais. Parmi les nombreux antigènes tumoraux susceptibles d’induire une réponse immunitaire dans le CCR, l’ACE a été le plus étudié car il est surexprimé dans plus de 90 % des CCR et une réponse cytotoxique spécifique a été mise en évidence in vitro [8]. De nombreux essais cliniques utilisant des virus modifiés pour exprimer l’ACE comme vaccin antitumoral ont permis d’obtenir une réponse humorale et T cytotoxique spécifique. Néanmoins, l’efficacité clinique était très modérée, cependant quelques réponses cliniques ont été obtenues lorsque l’antigène était couplé à la molécule de co-stimulation B7.1 [31-33]. L’étude de la réponse immunitaire T CD8+ contre l’ACE a permis de mettre en évidence le peptide immunodominant, restreint à la molécule HLA la plus fréquente (HLA A2.1), CAP1 (YLSGANLNL). Des résultats encourageants ont été observés avec une corrélation entre l’induction de LT CD8+ spécifiques de CAP1 et la réponse au traitement [34]. Néanmoins, des études récentes suggèrent une faible immunogénicité de l’ACE [35, 36] et l’ACE pourrait aussi avoir un rôle immunomodulateur négatif [37]. Une étude récente sur 180 patients a confirmé l’absence de bénéfice clinique d’une vaccination utilisant l’ACE chez les patients atteints d’un CCR métastatique [38]. Des stratégies de vaccinothérapie avec d’autres antigènes tumoraux ont été développées sans réponse clinique objective, mais avec une réponse immunitaire spécifique identifiable, biologique et clinique (hypersensibilité retardée). Les protéines utilisées étaient Ep-CAM, Mucin-1 (MUC1), Melanoma antigen3 (MAGE-3), TP53, Squamous tumour-rejecting antigen 3 (SART3), RAS, ou survivine, ou une combinaison de plusieurs peptides. L’utilisation de l’antigène oncofoetal 5T4 a permis d’observer une réponse immunitaire spécifique corrélée à un bénéfice clinique [39]. De plus, la génération d’une réponse T CD8+ in vitro a été observée chez des patients atteints de CCR vaccinés au préalable avec TroVax® , un vecteur viral recombinant issu de la vaccine codant 5T4. Il est important de noter que dans la plupart de ces études, il existait une corrélation entre la réponse immunitaire et la réponse clinique, ainsi qu’avec la survie globale.
Vaccinothérapie utilisant d’autres stratégies L’immunisation avec des anticorps anti-idiotype se présente comme une nouvelle approche immunothéra-
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Anticorps anti-anticorps anti-idiotype (mimant l’antigène tumoral)
Cellule tumorale
Anticorps anti-idiotype
Anticorps monoclonal
Figure 4. Mécanismes d’action des anticorps anti-idiotype. Les anticorps anti-idiotype ont une spécificité dirigée contre la région hypervariable d’un anticorps contenant le site de liaison à l’antigène tumoral. L’anticorps anti-idiotype, une fois administré à la manière d’un antigène, peut mimer cet antigène tumoral et déclencher une réponse humorale.
peutique (figure 4). En effet, les anticorps anti-idiotype peuvent mimer un épitope d’intérêt et ainsi activer une réponse immunitaire. Leur spécificité est dirigée contre la région hypervariable d’un anticorps contenant le site de liaison à l’antigène. Partant d’un anticorps monoclonal à activité antitumorale, il est développé un anticorps monoclonal dirigé contre l’idiotype du premier anticorps et celui-ci, une fois administré à la manière d’un antigène, peut déclencher une réponse humorale qui aura pour propriété d’être dirigée contre la tumeur. Les premiers résultats étaient encourageants avec l’ACE [40]. Hélas, de telles stratégies avec des anticorps antiidiotype mimant l’ACE, Ep-CAM ou gp72 n’ont pas démontré à l’heure actuelle une efficacité clinique importante [41]. En phase III, chez 630 patients avec un CCR métastatique, le traitement par un anticorps anti-idiotype mimant l’ACE (3H1) en association avec du 5-FU n’a pas démontré d’amélioration de la survie par rapport au traitement par chimiothérapie seule [42].
Immunothérapie adoptive L’activation d’une réponse immunitaire antitumorale efficace dépend principalement de l’activation de LT CD8+ cytotoxiques spécifiques d’un antigène tumoral par une CPA. Les DC sont les meilleures CPA pour induire une forte réponse cytotoxique. L’immunothérapie adoptive a pour but d’apporter des cellules immunitaires autologues compétentes directement aux patients, le plus souvent des LT␣ (ou des cellules NK, NKT ou des LT␥␦), dans le but de
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détruire spécifiquement les cellules tumorales. Le plus souvent, elles sont stimulées, activées et/ou modifiées génétiquement in vitro avant leur administration aux patients. Ces LT sont ensuite ré-injectés in vivo pour induire une réponse immunitaire adaptative et détruire les cellules tumorales. Il est aussi possible d’utiliser des CPA autologues (DC) expandues in vitro avec des facteurs de croissance spécifiques et présentant à leur surface l’antigène tumoral. Les DC sont soit directement chargées avec un peptide d’intérêt ou une protéine recombinante, soit transduites avec, par exemple, un ARN codant l’antigène d’intérêt pour activer une réponse T cytotoxique spécifique in vitro. Des critères d’efficacité d’une stratégie d’immunothérapie adoptive ont été décrits, les critères function, « rémanence », expansion, survival, homing (FRESH). Les cellules T injectées doivent être fonctionnelles, spécifiques, avec une capacité cytototoxique forte et une composante mémoire, s’expandre in vitro pour obtenir une quantité suffisante (au moins 109 cellules par kg), survivre in vivo, et atteindre le site tumoral.
Immunothérapie adoptive par injection de cellules immunitaires Les premiers essais thérapeutiques d’immunothérapie dans les CCR, réalisés en 1985 par Rosenberg et al., ont montré qu’une injection de cellules NK autologues pouvait, dans de rares cas, entraîner une réponse clinique partielle. Ensuite, des macrophages stimulés par de l’IFN-␥ ou des lymphocytes stimulés avec de l’IL-2 ont été utilisés, mais sans efficacité clinique. Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux
L’échec de ces stratégies pourrait être dû à des mécanismes d’échappement tumoral, notamment par perte d’expression des molécules HLA, mais différentes stratégies ont été développées afin de contrecarrer cela. L’utilisation de récepteurs artificiels spécifiques des cellules tumorales permettant une reconnaissance par les cellules immunitaires sans nécessité du T cell receptor (TCR) et du système HLA semble prometteuse. Ainsi, les « T-bodies » sont des fragments d’anticorps, spécifiquement conc¸us pour reconnaître les cellules cancéreuses, fusionnés à un domaine transmembranaire et à une région intracellulaire du TCR permettant de donner à la cellule un signal d’activation quand l’anticorps lie l’antigène exprimé à la surface de la cellule cible. Ces T bodies sont donc capables à la fois de trouver et de détruire les cellules cancéreuses, de fac¸on non dépendante du CMH, par reconnaissance de protéines « natives » à la surface des cellules tumorales. Plusieurs T-bodies ont permis la restauration d’une activité cytotoxique contre l’ACE exprimé par les cellules tumorales in vitro [43]. In vivo, dans les essais de phase I, les T-bodies ont cependant une durée de vie courte et semblent peu efficaces. De nombreuses stratégies ont utilisé les DC. En phase I, l’utilisation de DC autologues exprimant l’ACE (soit pulsées directement avec des peptides dérivant de l’ACE, soit par transfection avec l’ARN codant l’ACE, soit par infection avec un vecteur viral exprimant l’ACE) et réinjectées au patient, est bien tolérée avec l’obtention d’une réponse T spécifique et des stabilisations tumorales chez quelques patients résistant aux chimiothérapies conventionnelles [34, 44-46]. Le recueil de DC autologues, puis leur réinjection chargées avec CAP1 chez 12 patients atteints de CCR métastatique a permis d’obtenir trois patients avec une réponse tumorale et deux avec une stabilisation tumorale [34]. L’injection de DC autologues chargées en peptides dérivant de l’ACE dans des ganglions lymphatiques inguinaux de dix patients atteints de CCR métastatique résistant à la chimiothérapie a permis une stabilisation pendant au moins 12 semaines chez deux des dix patients [46]. En revanche, l’utilisation de DC autologues transfectées avec l’ARN tumoral autologue ou pulsées avec un lysat tumoral n’a pas permis d’obtenir de réponse antitumorale. Les limites de ces stratégies sont l’obtention de DC autologues et l’efficacité qui reste aujourd’hui modérée. De plus, l’identification récente de plusieurs types fonctionnels de DC, dont certains ont une action plus tolérogène qu’immunogène est aussi une limite à ce type d’approche. Différentes stratégies d’utilisation des LT ont été développées mais n’ont pas été testées dans les CCR. Dans les mélanomes, l’injection de LT autologues extraits à partir de la tumeur a permis des taux de réponse clinique jusqu’à 50 % [47]. Parmi les hypothèses émises Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
pour expliquer cet effet spectaculaire, on peut citer l’élimination des LT régulateurs par la chimiothérapie myélo-ablative précédant l’injection des cellules, une meilleure expansion homéostatique des LT injectés, et la présence de LT CD4+ parmi les cellules injectées, favorisant la persistance in vivo des LT CD8+ à activité antitumorale. Des stratégies utilisant des LT périphériques stimulés in vitro permettent de s’affranchir d’une extraction à partir d’un prélèvement tumoral frais mais ont eu peu de succès cliniques jusqu’à ce jour. Ce type d’approche est limité par la fréquence naturelle souvent trop faible des LT spécifiques d’antigènes tumoraux dans le sang. Des stratégies pour stimuler ou modifier génétiquement in vitro ces lymphocytes ont donc été développés.
Immunothérapie adoptive par stimulation et/ou modification in vitro de lymphocytes T L’utilisation de DC ou de systèmes artificiels de présentation des antigènes pour stimuler et amplifier in vitro des LT cytotoxiques avant de les réinjecter aux patients est une stratégie très prometteuse [48]. Ces lymphocytes sont réinjectés au patient avec ou sans modification génétique, associés à des facteurs de croissance et maintenant le plus souvent associés à une chimiothérapie immunomodulatrice par cyclophosphamide (déplétion des LT régulateurs). Ces approches thérapeutiques ont montré leur efficacité dans plusieurs essais cliniques chez des patients atteints de mélanome métastatique [49]. Cette stratégie d’immunothérapie est actuellement la plus étudiée car la plus prometteuse, mais aussi la plus complexe. Les CPA les plus puissantes et les plus fréquemment utilisées sont les DC autologues. Cependant, elles présentent de nombreuses limites, notamment à cause des difficultés pour les mettre en culture, d’une quantité souvent faible de cellules obtenues à partir du sang périphérique, de la nécessité d’obtenir des cellules autologues pour chaque patient pour éviter tout problème d’alloréactivité, et de la nécessité d’évaluer leur phénotype et leur fonction avant utilisation in vitro. Ces procédures sont longues, onéreuses et non standardisées. Par conséquent, il a été développé différents systèmes artificiels de présentation des antigènes qui ont pour but d’être reproductibles, moins coûteux et applicables en thérapeutique à de nombreux patients. Il existe des systèmes cellulaires et non cellulaires (figure 5) [50]. Ces stratégies sont encore au stade préclinique ou en phase I avec quelques résultats cliniques significatifs. Parmi ces CPA artificielles (CPAA), les fibroblastes murins NIH/3T3 présentent l’avantage de constituer des lignées stables qui se multiplient rapidement et sont facilement transductibles [48]. De plus, dans des conditions d’utilisation standardisées, in vitro, aucune
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D. Tougeron, et al.
A
B LT CD2 TCR
4-1BB
LT LFA-1 B7.1
CD28 Anti-CD28
ICAM-1
CD3
Fibroblastes murins ou cellules de Drosophile
C
Anti-CD3
4-1BBL
CD28
LFA-3 CMH I-peptide
CD32
D
CD3
Bille magnétique
K32
Anti-CD3
LT Liposome
CMH II-peptide TCR
CD28 Anti-CD28
LT Protéine de fusion lg-CMH I-peptide
LT
Figure 5. Systèmes de présentation d’antigène artificiels. A) Systèmes de présentation d’antigène artificiels cellulaires spécifiques utilisant des cellules dérivées de fibroblastes murins exprimant un complexe CMH-peptide et des molécules de co-stimulation. B) Systèmes de présentation d’antigène artificiels cellulaires non spécifiques utilisant des cellules humaines K562 transduites avec le récepteur aux Fc␥ des IgG de faible affinité Fc␥ CD32 des IgG afin d’obtenir des cellules K32 pouvant lier des anticorps stimulants (CD3 et CD28). C) Systèmes de billes magnétiques liées à des anticorps stimulants (CD3 et CD28) ou à des protéines de fusion CMH/immunoglobulines. D) Exosomes présentant des molécules du CMH couplées aux peptides d’intérêt. TCR : T cell receptor, CHM : complexe majeur d’histocompatibilité, Ig : immunoglobuline, LT : lymphocyte T, LFA : leucocyte functionassociated antigen, ICAM : intercellular adhesion molecule.
xénoréactivité n’a été mise en évidence. Ces cellules ont été obtenues par transductions séquentielles de fibroblastes murins NIH3T3 avec des vecteurs rétroviraux codant la chaîne lourde de la molécule HLA de classe I la plus fréquente dans la population générale (HLA A2.1, chez 40 % des sujets caucasiens), la chaîne légère 2 microglobuline humaine, liée à la chaîne lourde, et les molécules co-stimulatrices (B7.1, ICAM-1, LFA-3). Ces cellules NIH/3T3 sont ensuite
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transduites avec différents antigènes. Cette stratégie a permis d’amplifier des LT spécifiques d’antigènes viraux tels que flu matrix protein (FMP) et pp65 (protéine structurale du CMV), ou tumoraux comme MART1, gp100 et human telomerase reverse transcriptase (hTERT) [48]. En revanche, dans les CCR, l’utilisation de ces CPAA exprimant l’ACE n’a pas permis d’induire une réponse lymphocytaire T cytotoxique spécifique contre l’ACE (à partir de LT de patients atteints de CCR) Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
Stratégies d’immunothérapie dans les cancers colorectaux
[36]. Ces résultats suggèrent que l’ACE, quel que soit l’épitope envisagé, n’est pas une cible de choix pour développer une stratégie d’immunothérapie dans les CCR. De plus, CAP1 est le principal peptide utilisé dans les essais d’immunothérapie, mais il ne semble pas être un peptide issu de la dégradation de l’ACE dans les cellules tumorales de CCR [36]. L’utilisation de néo-antigènes présents dans les CCR avec instabilité microsatellitaire, tels que ASTE1, PTEN ou TGF, serait probablement plus efficace pour induire une réponse immune [51]. En effet, l’utilisation de certains de ces néo-antigènes in vitro a permis une stimulation de LT de patients atteints de CCR (données non publiées).
Conclusion L’immunothérapie, dont la thérapie basée sur l’administration d’anticorps monoclonaux, est la quatrième modalité de traitement des cancers après la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. Elle représente actuellement la principale voie de recherche dans les traitements des cancers. Une méta-analyse récente des différents essais de vaccinothérapie antitumorale dans les CCR (32 essais cliniques incluant 527 patients) a retrouvé un taux de réponse de 0,9 %, un taux de stabilisation de 8,3 %, mais une réponse immunologique, humorale et/ou cellulaire, chez plus de 50 % des patients [52]. Les meilleurs pourcentages de contrôle de la maladie sont obtenus avec l’utilisation de cellules tumorales autologues (46 %), dans des stratégies vaccinales avec des DC (17 %), et avec des vaccins à base de peptides (13 %) [52]. La présence d’une réponse immunitaire humorale et cellulaire très souvent détectable avec cependant un taux de réponse clinique faible, souligne l’importance des mécanismes de défense de la cellule tumorale contre le système immunitaire. Ces résultats ont été confirmés par une méta-analyse récente des essais d’immunothérapie active spécifique dans les CCR chez plus de 2 000 patients, sans efficacité importante retrouvée dans les formes localement avancées, mais avec en revanche des résultats encourageants pour le traitement adjuvant des stades II (HR = 0,76 pour la survie globale, p = 0,007 ; HR = 0,76 pour la survie sans récidive, p = 0,03) et III (HR = 0,71 pour la survie globale, p = 0,09 ; HR = 0,66 pour la survie sans récidive, p = 0,02) [53]. La principale cause d’échec des traitements par immunothérapie est certainement l’échappement tumoral à la réponse immunitaire. Il est donc important de progresser dans la compréhension de l’immunorésistance et d’identifier de nouveaux antigènes tumoraux plus immunogènes, notamment dans les CCR avec instabilité microsatellitaire. De plus, il est possible qu’au stade métastatique, chez des patients réfractaires aux chimiothérapies conventionnelles, les mécanismes d’échappement tumoraux à la réponse Bull Cancer vol. 100 • N◦ 9 • septembre 2013
immunitaire rendent les différentes stratégies actuelles d’immunothérapie peu efficaces. En revanche, en traitement adjuvant (par exemple après résection de métastases hépatiques), le développement de stratégies d’immunothérapie pourrait permettre de monter une réponse immunitaire prévenant l’apparition d’une récidive tumorale (probablement en complément d’une chimiothérapie standard). Une des pistes la plus prometteuse est la combinaison des stratégies d’immunothérapie à certaines chimiothérapies éliminant les LT régulateurs. En raison de leur rôle majeur dans l’immunité antitumorale, les principaux protocoles de vaccination développés actuellement chez l’homme ont pour objectif d’induire des LT CD8+ cytotoxiques à activité antitumorale. Néanmoins, différents travaux soulignent le rôle essentiel des LT CD4+ pour permettre la persistance de ces LT CD8+ antitumoraux in vivo ce qui doit être pris en compte dans les stratégies vaccinales. Des stratégies d’immunothérapie ciblant les cellules souches tumorales constituent aussi une piste intéressante, ainsi que l’immunoprévention des cancers par vaccination antitumorale prophylactique. Un des freins au développement de l’immunothérapie est la difficulté d’obtenir une standardisation des techniques permettant leur applicabilité à grande échelle. Des progrès des biotechnologies sont donc indispensables. Le développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie plus efficaces grâce aux avancées de la biologie permettra probablement d’obtenir des succès cliniques. L’immunothérapie adoptive est probablement la piste la plus prometteuse car le transfert de LT stimulés in vitro a permis d’obtenir des taux de réponse importants chez les patients atteints de mélanome, de l’ordre de 50 %. Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts en rapport avec l’article.
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