Syndrome d’apnées obstructives du sommeil : redéfinir les parcours de soins et accéder à la médecine personnalisée

Syndrome d’apnées obstructives du sommeil : redéfinir les parcours de soins et accéder à la médecine personnalisée

Presse Med. 2017; 46: 465–467 Éditorial en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Syndrome d'apnées obstructive...

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Presse Med. 2017; 46: 465–467

Éditorial

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Syndrome d'apnées obstructives du sommeil : redéfinir les parcours de soins et accéder à la médecine personnalisée§ Jean-Louis Pépin 1,2

1. CHU de Grenoble, clinique de physiologie, sommeil et exercice, pôle thorax et vaisseaux, BP 217X, 38043 Grenoble cedex 09, France 2. Université Grenoble Alpes, laboratoire HP2, Inserm U1042, France

Correspondance : Jean-Louis Pépin, CHU de Grenoble, laboratoire EFCR, CP 10217, 38043 Grenoble cedex 09, France. [email protected]

Obstructive sleep apnea: Time to design new clinical pathways and develop personalized medicine

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e syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) correspond à la répétition d'apnées et d'hypopnées au cours du sommeil du fait d'un collapsus complet ou incomplet des voies aériennes supérieures (VAS) [1]. Le SAHOS constitue un problème majeur de santé publique, de par sa prévalence élevée, mais surtout du fait de ses morbi-mortalités cardiovasculaires et métaboliques [1]. Cette pathologie mérite d'être mieux identifiée car elle représente un modulateur important des trajectoires évolutives des principales maladies chroniques [2] et altère significativement la qualité de vie des patients symptomatiques [3]. Nous sommes actuellement à un tournant de la compréhension de cette pathologie et de sa prise en charge [4] ; l'ambition du dossier thématique paru dans le numéro d'avril de la Presse Médicale est de fournir un éclairage nouveau sur la prévalence de la maladie [5], de mieux comprendre la physiopathologie et les différents phénotypes de présentation du SAHOS [6] et d'avoir une vision actualisée de sa prise en charge. La multiplicité des populations à risque de SAHOS doit faire réinventer les parcours diagnostiques [7] et nécessite de bien connaître le contexte particulier du syndrome d'apnées du sommeil central associé à l'insuffisance cardiaque [8]. La prise en charge du SAHOS s'est trop longtemps cantonnée au traitement instrumental par pression positive continue

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tome 46 > n85 > May 2017 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2017.05.012 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Cet éditorial est celui qui devait introduire le dossier thématique « Syndrome d'apnées du sommeil » paru dans le numéro précédent. Il paraît malheureusement de façon décalée. Nous prions l'auteur et nos lecteurs de bien vouloir nous en excuser.

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J-L Pépin

(PPC) [9] mais de réelles alternatives sont apparues permettant un traitement plus personnalisé [10] et la combinaison de différentes modalités thérapeutiques. Les études épidémiologiques récentes en population générale montrent une prévalence du SAHOS d'environ 49 % chez les hommes et 23 % chez les femmes après 50 ans et la survenue de la ménopause [11]. Ces chiffres expliqués par l'utilisation d'outils diagnostiques plus sensibles qu'auparavant soulignent l'importance du problème de santé publique mais questionnent sur la pertinence des seuils actuels pour séparer le normal du pathologique [5]. Il appartient au clinicien de contextualiser les résultats de l'enregistrement de sommeil et de relier le nombre d'évènements respiratoires durant le sommeil aux symptômes et/ou aux comorbidités cardio-métaboliques. Le SAHOS, principalement sévère, est associé à un risque cardiovasculaire et métabolique élevé. Les épisodes répétés d'apnées et d'hypopnées engendrent une hypoxie intermittente et une fragmentation du sommeil qui vont activer des mécanismes intermédiaires (activation sympathique, stress oxydant, inflammation tissulaire locale et systémique, variation des pressions intrathoraciques) [12] qui seront à l'origine des conséquences cardio-métaboliques [1]. Le SAHOS est hautement prévalent et associé à un mauvais contrôle dans le diabète de type 2 et l'hypertension artérielle. Sa prévalence est supérieure à 50 % dans l'insuffisance cardiaque, les coronaropathies [1] et il accélère le développement de la stéatopathie métabolique nouvelle maladie du siècle qui conduit de la stéatose hépatique à la cirrhose [13]. Il est également démontré de manière de plus en plus convaincante que le SAHOS accélère le déclin neurocognitif lié à l'âge [14]. Dans ces différents contextes de maladies chroniques, les patients ont des plaintes essentiellement en rapport avec leur pathologie sous-jacente (dyspnée, fatigue, dépression, etc.) et sont pauci-symptomatiques pour ce qui concerne les signes habituels de SAHOS. Du fait des prévalences très élevées et de la taille des populations concernées, il est clair que tous ces patients ne peuvent pas directement être adressés à un laboratoire du sommeil. Ceci nécessite de développer et de valider de nouvelles démarches diagnostiques simplifiées et ambulatoires du SAHOS [7,15]. Les mécanismes contribuant au collapsus des voies aériennes supérieures (VAS) durant le SAHOS sont complexes et multifactoriels. Différents facteurs influencent le calibre et la stabilité des VAS durant le sommeil incluant une instabilité du contrôle respiratoire central (« loop gain » élevée), des anomalies anatomiques des tissus mous pharyngés, du squelette osseux du massif maxillofacial, une infiltration graisseuse liée à l'obésité [16] et des mouvements liquidiens au cours du sommeil « fluid shift » [6]. Ceci a permis d'individualiser des groupes de patients (« phénotypes ») distincts en termes de facteurs de risques, de symptômes et de comorbidités [17]. Une meilleure caractérisation de ces phénotypes pourrait ouvrir la possibilité de traitements spécifiques (médecine personnalisée).

La pression positive continue a représenté le traitement quasi exclusif de ces patients depuis 35 ans. Elle est très efficace chez les patients symptomatiques avec des améliorations spectaculaires en termes de somnolence et de qualité de vie [18]. De vraies alternatives existent désormais. Pour les SAHOS modérés à sévères, sans obésité morbide ou comorbidités multiples, les prothèses d'avancée mandibulaires sont un traitement validé [19]. La stimulation du nerf hypoglosse qui contrôle l'activité des muscles dilatateurs du pharynx prendra potentiellement une place dans un sous-groupe de patients bien sélectionnés [20]. Surtout, les données récentes de la littérature ont bien démontré que l'impact de la pression positive continue pour réduire le risque cardio-métabolique est limité [21,22]. Les conséquences de cette connaissance sont majeures en pratique clinique puisque près de la moitié des prescriptions de PPC sont faite chez des patients peu symptomatiques pour améliorer le contrôle de leurs comorbidités [23]. Il existe une très grande hétérogénéité de réponse à la PPC sur le plan cardiovasculaire et métabolique. Certains patients démontrent une réponse très significative par exemple en termes de réduction de la pression artérielle alors que d'autres n'auront aucun effet. Un des principaux enjeux des années à venir est de valider des biomarqueurs prédictifs de la réponse cardiovasculaire et métabolique à la pression positive continue [24]. Il s'agit de convaincre des patients peu symptomatiques qu'un traitement relativement contraignant tel que la PPC a un réel impact sur leur risque cardiovasculaire individuel (médecine de précision) [25]. Par ailleurs, il convient dans une prise en charge moderne du SAHOS de combiner les modalités thérapeutiques [26]. La perte de poids a toujours un effet favorable sur la sévérité du SAHOS et l'activité physique améliore de 25 % la sévérité des évènements respiratoires nocturne. La prescription de PPC chez les patients obèses comorbides doit donc dorénavant se concevoir comme un des éléments d'une prise en charge intégrée [27]. L'organisation de la prise en charge à long terme de la pression positive continue s'inscrit dorénavant dans les processus de esanté, santé numérique et données massives « big data » [28,29]. Un million de patients sont traités en France par une PPC et chaque nuit sont télémonitorées puis télétransmises des données concernant les événements respiratoires résiduels, les fuites ou les pressions délivrées par les machines de PPC. Ceci va participer à une meilleure connaissance de la maladie mais va surtout révolutionner le suivi des patients SAHOS et redéfinir la place des acteurs de cette prise en charge notamment les prestataires de soins à domicile. Les plateformes e-santé en cours de développement comme cela existe par ailleurs dans le cadre du suivi du diabète permettront des interventions plus précoces et plus ciblées. L'intégration d'objets connectés mesurant l'activité physique, la pression artérielle ou la durée de sommeil permettront un coaching personnalisé et d'objectiver

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l'effet de la PPC non seulement sur la correction des évènements respiratoires nocturnes mais aussi sur les facteurs de risque cardiovasculaire et métabolique [30]. Au total, le syndrome d'apnées obstructives du sommeil est une maladie chronique qui module la sévérité et l'évolution des maladies cardiovasculaires et métaboliques. La prise en charge évolue rapidement en termes d'outils et de parcours diagnostiques mais également vers une prise en charge

thérapeutique plus personnalisée. Ces nouveautés sont clairement explicitées dans le dossier thématique paru dans le précédent numéro de la Presse Médicale [5–10], avec l'ambition de changer pour des cliniciens de différentes origines leur approche du SAHOS en l'intégrant beaucoup plus à leur pratique quotidienne.

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Déclaration d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

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